2. Compenser les charges liées au mandat afin de favoriser la diversité sociologique des élus sans " professionnaliser le mandat "
Les aménagements apportés au principe de gratuité des mandats électoraux traduisent une volonté d'éviter une professionnalisation du rôle de l'élu local qui ne serait pas conforme à la tradition française.
De fait, il n'a jamais été mis en place un système de carrière de l'élu qui lui permettrait, en contradiction avec tout principe démocratique, d'accéder par étapes successives à des mandats de plus en plus importants, suivant un " plan de carrière " comparable à celui d'un cadre.
L'élu local n'exerce pas un métier au sens où sa légitimité est fondée sur l'épreuve démocratique périodique de l'élection, avec le risque d'un échec dont les raisons ne sont pas toujours liées à l'exercice de son mandat.
Telle est la signification du principe de gratuité, qui doit cependant être aménagé pour permettre une compensation aussi équitable que possible des charges croissantes qui pèsent sur les responsables des collectivités décentralisées et pour favoriser un égal accès aux mandats électoraux des différentes catégories socioprofessionnelles, aux fins d'améliorer la démocratie locale.
Comment ne pas voir que la décentralisation , donc l'accroissement majeur des compétences des collectivités territoriales et de leur poids dans l'économie, doit inévitablement être accompagnée d'une évolution comparable des moyens accordés aux élus pour exercer leurs responsabilités ?
De surcroît, la réglementation instable et de plus en plus complexe requiert de l'élu une plus grande disponibilité et une meilleure formation. Plus que jamais, le traitement des dossiers suppose, pour les assemblées locales, des fonctionnaires territoriaux qualifiés ainsi que des possibilités de recours à l'expertise.
Au demeurant, l'élu local, au contact direct avec ses administrés, doit répondre à des besoins et des attentes qui vont également en progressant .
Toutes ces raisons militent pour une révision des moyens accordés aux élus pour l'exercice de leur mandat.
Pour autant, il convient de ne pas professionnaliser le mandat local qui, par définition, repose sur le renouvellement périodique et doit donc, d'une certaine manière, être considéré comme précaire .
Malgré les termes souvent employés, il ne s'agit donc pas, à proprement parler, de définir un " statut de l'élu " comme on établirait le statut de telle ou telle profession .
Il convient de permettre à l'élu, selon les circonstances, soit de concilier son mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle, soit de se consacrer totalement à son mandat, en prévoyant en conséquence un niveau adéquat pour les indemnités de fonction, une protection sociale plus adaptée et la réinsertion professionnelle à l'issue du mandat.
La révision des moyens accordés pour l'exercice du mandat apparaît également indispensable pour favoriser une meilleure diversité sociologique des élus , votre rapporteur ayant déjà souligné que certaines catégories socioprofessionnelles accèdent plus difficilement aux responsabilités électives, faute de disposer du temps nécessaire, d'un niveau suffisant de revenus ou de garanties en termes de réinsertion professionnelle à l'issue du mandat.
Certes, les mesures adéquates auront un coût qui peut être considéré comme un élément important du " prix de la démocratie ".
Il appartient d'abord aux collectivités territoriales de remplir pleinement les responsabilités qui leur ont été confiées par la Constitution .
Le principe de libre administration des collectivités territoriales, établi par l'article 72 de la Constitution, donne mission à celles-ci de définir -dans les conditions prévues par la loi- le niveau de protection sociale et d'indemnités qu'elles souhaitent accorder à leurs élus, compte tenu des charges réelles du mandat exercé et d'en assurer la charge financière.
On rappellera cependant que ce principe de libre administration suppose aussi que les collectivités disposent d'une maîtrise suffisante de leurs ressources, sans être les " obligées " de l'Etat .
L'actualité récente (suppression de la " vignette ") a malheureusement confirmé la tendance de l'Etat à diminuer les ressources fiscales des collectivités et les compenser (au moins partiellement) par des dotations, dont l'évolution n'est pas suffisamment garantie. Ceci ne constitue pas, à l'évidence, un progrès pour la décentralisation, les collectivités ne maîtrisant alors plus le niveau de leurs recettes.
Cette tendance justifie pleinement l'adoption par le Sénat, à l'initiative du Président Poncelet, le 26 octobre 2000, de la proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.
On rappellera que ce texte, en instance à l'Assemblée nationale, prescrit, en particulier, que la moitié au moins des ressources de chacune des catégories de collectivités sont constituées de recettes fiscales et autres ressources propres et que toute suppression d'une recette fiscale perçue par les collectivités donne lieu à l'attribution de recettes fiscales d'un montant équivalent.
Quoi qu'il en soit, l'Etat ne saurait être exonéré de toutes responsabilités en la matière.
D'une part, les maires, en tant qu'agents de l'Etat, remplissent certaines fonctions pour son compte et l'imposition des indemnités de fonction, financées par les collectivités concernées, lui procure des ressources non négligeables.
D'autre part, il appartient aussi à la collectivité nationale de remplir son rôle de solidarité et de péréquation vis-à-vis des collectivités territoriales dont les ressources sont les plus faibles ou les charges les plus élevées.