TRAVAUX DE COMMISSION

Réunie le mardi 28 novembre 2001 sous la présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, puis de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen, en nouvelle lecture, du rapport de M. Charles Descours sur le projet de loi n° 108 (2000-2001) de financement de la sécurité sociale pour 2001 .

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que, saisi en première lecture d'un projet de loi comportant 60 articles, le Sénat avait adopté une position conforme à celle de l'Assemblée nationale sur 19 d'entre eux.

16 articles avaient été modifiés sans que leur économie générale ne soit remise en cause et 8 articles avaient été amendés d'une manière plus conséquente.

En outre, le Sénat avait introduit 10 articles nouveaux, en " contrepartie " de la suppression de 17 articles tendant à détourner les recettes des organismes de sécurité sociale au profit du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) et à introduire à tort, dans le projet de loi, des dispositions fiscales ainsi que des " cavaliers sociaux ", comme l'abrogation de la loi Thomas.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué que la commission mixte paritaire, réunie le lundi 20 novembre dernier, n'avait pas réussi à se mettre d'accord sur un texte commun et avait échoué sur l'article 2, instaurant un mécanisme de réduction dégressive de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sur les revenus d'activité. Il a noté que cet échec ne portait pas, contrairement aux années précédentes, sur l'article premier, portant approbation du rapport annexé, et dépourvu de toute valeur normative.

Il a constaté qu'en nouvelle lecture, alors que 51 articles restaient en navette, l'Assemblée nationale n'avait adopté que 4 articles conformes : l'article 4 bis, enrichi par un amendement de précision de M. Louis Boyer, l'article 26, relatif au régime de sécurité sociale des marins, amélioré par un amendement de Mme Marie-Madeleine Dieulangard, et les articles 27 et 40, qui avaient fait l'objet d'amendements rédactionnels.

Il a précisé que l'Assemblée nationale avait supprimé les 10 articles additionnels introduits par le Sénat, dont l'article 3 bis A, qui prévoyait une compensation à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) des exonérations de CRDS, l'article 14 ter, résultant d'un amendement de Mme Annick Bocandé, visant à maintenir les allocations familiales pour le dernier enfant à charge des familles ayant élevé trois enfants ou plus, ou encore les articles 45 bis et 45 ter, qui assuraient un fonctionnement plus transparent de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Il a constaté que l'Assemblée nationale était revenue mot pour mot à son texte adopté en première lecture sur 27 articles modifiés ou supprimés par le Sénat et qu'elle avait apporté des modifications -le plus souvent mineures- à dix articles.

Il a observé que la " navette " avait réellement porté sur trois articles :

- l'article 20, relatif au répertoire national des pensions ; le Sénat avait insisté sur l'absence de prise en compte des recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) alors même que l'exposé des motifs de cet article faisait référence à un avis favorable de cette commission ; l'Assemblée nationale a rétabli un article plus conforme à cet avis prétendument favorable.

- l'article 42, pour lequel le dispositif de " provisions " versées par le fonds amiante avait été retenu, l'Assemblée nationale s'étant en revanche refusée à suivre le Sénat dans ses propositions pour améliorer le sort des victimes de l'amiante et ayant maintenu un système sans précédent de transaction juridique forcée ;

- l'article 45, relatif au plan comptable des organismes de sécurité sociale pour lequel l'Assemblée nationale a accepté un amendement de précision du Sénat.

Il a précisé que les autres modifications ne relevaient pas du jeu de la navette mais constituaient des remords ou ajustements apportés par l'Assemblée nationale à son propre texte de première lecture.

Il a cité à ce titre l'article 19 A portant abrogation de la loi Thomas. Il a précisé que le Gouvernement, malgré sa volonté d'accomplir un geste " symbolique " avait été contraint de ne proposer qu'une abrogation partielle qui risque de surcroît de n'être que temporaire dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté qu'une fois de plus, l'Assemblée nationale avait déjà prononcé son dernier mot en première lecture, et n'avait fait que " bégayer " en nouvelle lecture.

Il a observé que le Gouvernement, après avoir été parfois d'une étrange passivité lors du débat en première lecture au Sénat, avait recouru devant l'Assemblée nationale à l'invective envers la Haute assemblée. Il a précisé que le Gouvernement avait profité toutefois de ce " bégaiement " pour créer deux nouvelles tuyauteries.

La première tuyauterie vise à compenser à la CADES la seule exonération de CRDS des chômeurs non imposables par une diminution du versement de la CADES à l'Etat. L'Etat " s'autofinance " en diminuant à due concurrence (350 millions de francs) la subvention d'équilibre au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA). Le BAPSA est lui-même compensé par une affectation supplémentaire de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S). Le perdant de cette politique digne du " Sapeur camembert " est le fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui bénéficie aujourd'hui des excédents de C3S. Le perdant de " second rang " n'est autre que le fonds de réserve des retraites, puisque les excédents -il est vrai de plus en plus hypothétiques- du fonds de solidarité vieillesse sont censés alimenter le Fonds de réserve.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que la seconde tuyauterie était plus simple à comprendre : le FOREC bénéficie d'une augmentation de la fraction des droits sur les tabacs (97 % au lieu de 96,8 %), tandis que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) voit diminuer encore davantage cette recette (2,61 % contre 2,81 %). Il a observé que les recettes supplémentaires pour financer la couverture maladie universelle (CMU), prévues en faveur de l'assurance maladie, avaient été ainsi pour la plus grande part retirées à cette dernière un an et demi après le vote de la loi.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que le Sénat s'était opposé en première lecture à la ristourne dégressive de CSG, à l'absence de compensation des exonérations de CRDS, au financement de la réduction du temps de travail par les organismes de sécurité sociale et à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), quatre mesures qui restaient présentes dans le texte transmis en nouvelle lecture.

Il a indiqué que trois de ces quatre dispositions n'auraient pas dû se trouver dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La première de ces dispositions est la ristourne dégressive de CSG, mesure fiscale imposée au ministère des affaires sociales par le ministère de l'économie et des finances. La remise en cause de l'universalité du financement de la protection sociale est une grave erreur politique. Un prélèvement social ne peut être l'instrument d'une politique fiscale.

Le dispositif gouvernemental pose en outre un certain nombre de problèmes de constitutionnalité.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que le Sénat avait adopté, en première partie de la loi de finances, un mécanisme alternatif de crédit d'impôt, dont le seul inconvénient, pour le Gouvernement, est de faire travailler les services fiscaux et de ne pas constituer une " mesure immédiate, lisible dès le mois de janvier 2001 ".

Il a considéré que le financement de la réduction du temps de travail par les organismes de sécurité sociale constituait le second point de désaccord.

Il a précisé que le Sénat s'opposait au financement de la loi sur la réduction négociée du temps de travail par les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse. Il a déclaré que le financement des trente-cinq heures, relevant de la politique de l'emploi, devait être inscrit en loi de finances, sous forme d'une dotation budgétaire compensant intégralement aux organismes de sécurité sociale les pertes de recettes liées aux exonérations de charges sociales.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que le troisième point de désaccord concernait le financement de la dette sociale. Il a rappelé qu'il était nécessaire que l'Etat compense à la CADES les exonérations de CRDS. Il a observé que décider d'exonérations sans compensation revenait à reporter sur les générations futures, une nouvelle fois, la charge de financer demain les générosités d'aujourd'hui.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que le quatrième point de désaccord concernait, cette fois, un élément central de la loi de financement : l'ONDAM.

Il a rappelé que le Sénat avait pris la décision grave de ne pas voter l'ONDAM en première lecture, en raison de deux éléments :

- premièrement, l'ONDAM, depuis quatre ans, est toujours cruellement dépourvu de tout contenu en santé publique ;

- deuxièmement, cet ONDAM n'est même pas comptable : une fois voté, il " vit sa vie ", ce qui lui fait perdre une grande partie de sa crédibilité. Le Gouvernement a modifié de lui-même l'ONDAM par le " plan hôpital " du mois de mars. Or, ce n'est pas une prévision que vote le Parlement, mais un objectif.

M. Charles Descours, rapporteur , a souhaité, à cet égard, attirer l'attention sur le protocole hospitalier qui, signé le 14 mars dernier, prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de personnels dans les établissements de santé.

La somme de 2 milliards de francs a bien été intégrée dans le collectif de printemps à travers une dotation ouverte dans un nouveau chapitre intitulé " aide exceptionnelle au service public hospitalier ".

Or, rien de tel n'a été prévu dans le projet de loi de finances pour 2001, le chapitre concerné n'étant même pas mentionné dans les documents budgétaires. Lors de son audition par la commission, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que les 2 milliards de francs au titre de l'année 2001 seraient " ouverts en gestion 2001 ", c'est-à-dire dans le collectif de l'année prochaine. L'expérience de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire a montré, en dépit des assurances réitérées, ce que pouvaient parfois devenir les promesses différées.

M. Charles Descours, rapporteur, a regretté en définitive que la loi de financement pour 2001 ne soit pas une vraie loi de financement, débarrassée de la tuyauterie des trente-cinq heures et de son dispositif fiscal qui l'une et l'autre portent atteinte au financement de la protection sociale.

Il a ajouté que l'Assemblée nationale avait tenu à supprimer le dispositif introduit par le Sénat rétablissant un diplôme de gynécologie médicale, au motif qu'il n'aurait pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale ; parallèlement, elle rétablissait pourtant un certain nombre de " cavaliers sociaux ", comme l'article 36 bis relatif aux conditions de transmission des prélèvements aux fins d'analyse de biologie médicale ou l'abrogation de la loi Thomas.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé qu'il était nécessaire d'entamer une véritable réflexion sur les lois de financement de la sécurité sociale, débouchant sur une réforme de la loi organique de 1996, et qu'il était également nécessaire de simplifier les circuits de financement de la protection sociale.

En conséquence, M. Charles Descours, rapporteur, a considéré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

M. Alain Vasselle a indiqué qu'il partageait totalement l'analyse exprimée par le rapporteur. Il a rappelé que le Sénat avait souhaité simplifier et rendre plus lisible le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et a regretté que l'Assemblée nationale n'ait retenu aucune des modifications adoptées par la Haute assemblée en première lecture.

Il a considéré que le Gouvernement jouait les apprentis sorciers avec la sécurité sociale et a exprimé ses craintes quant aux risques de lendemains difficiles. Il a stigmatisé l'attitude méprisante du Gouvernement à l'égard du Sénat tout au long du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les revendications précises des gynécologues médicaux. Elle a considéré que la majorité sénatoriale, en critiquant les trente-cinq heures, s'opposait en réalité aux exonérations de charges sociales sur les bas salaires amplifiées par l'actuel Gouvernement.

M. Lucien Neuwirth s'est inquiété des conséquences que pourrait avoir le système du médecin référent sur la faculté de consulter directement un gynécologue médical.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que les gynécologues médicaux souhaitaient le rétablissement d'un diplôme spécifique et autonome de gynécologie médicale. S'agissant des exonérations de charges, il a rappelé que la commission des affaires sociales du Sénat avait toujours souhaité qu'elles soient compensées intégralement par le budget de l'Etat. Il a estimé que les exonérations de cotisations de sécurité sociale décidées par l'actuel Gouvernement avaient été rendues nécessaires par le coût salarial imposé aux entreprises en raison de la réduction du temps de travail.

Puis la commission a adopté , sur proposition du rapporteur, une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page