EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 2 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits du budget de l'emploi et de la solidarité : I.- Emploi et articles 57 et 60 rattachés pour 2001 , sur le rapport de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial .
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a indiqué que les crédits du ministère de l'emploi s'élevaient, dans le projet de loi de finances pour 2001, à 111,83 milliards de francs, alors qu'ils s'établissaient à 122,07 milliards de francs en 2000 : cette diminution de 1,9 %, après une progression de 2,3 % en 2000, montre que le budget de l'emploi, en raison de l'amélioration conjoncturelle du marché du travail, ne constitue plus une priorité pour le Gouvernement.
Il a ensuite fait part des quatre observations que lui inspirent les dotations allouées à l'emploi pour 2001. Il a d'abord déploré que le budget de l'emploi ne retrace pas l'ensemble des crédits de la politique de l'emploi. Le coût des 35 heures, en effet, n'apparaît pas dans le budget, étant supporté par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), dont le rapporteur avait dénoncé l'année dernière la grande complexité en parlant " d'usine à gaz ". Seuls 280 millions de francs sont inscrits au budget de l'emploi pour 2001 au titre des aides au conseil dans le cadre des 35 heures, alors que les dotations du FOREC s'établiront à 85 milliards de francs. Il a dès lors considéré que le budget de l'emploi n'était plus sincère et que le véritable coût de la politique de l'emploi devait prendre en compte non seulement les dotations du ministère, mais également celles du FOREC, soit un total de 196,83 milliards de francs.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a ensuite noté que l'amélioration de la situation de l'emploi connaissait de réelles limites. Certes, le taux de chômage est revenu de 12,6 % de la population active à la mi-1997 à 9,6 % au milieu de cette année, mais il a estimé que cette évolution était fragile, tenant uniquement à la bonne conjoncture. Le chômage français reste à un niveau élevé, 9,6 %, contre 9 % dans la zone euro, 8,3 % dans l'Union européenne, 2,5 % aux Pays-Bas et 4,1 % aux Etats-Unis. Par ailleurs, l'amélioration de la situation de l'emploi est inégale, les femmes, les jeunes, les non ou peu diplômés, les salariés précaires, les chômeurs de longue durée continuant d'être touchés plus sévèrement que la moyenne nationale par le chômage. Il a surtout déploré qu'un recul important du chômage se heurte au niveau élevé du chômage structurel, évalué par la Caisse des dépôts et consignations à 8 % de la population active, mais à 3 % seulement aux Etats-Unis. Il a d'autre part regretté que l'incitation au travail en France reste trop faible, et le coût du travail, trop élevé. Ce phénomène, connu sous le nom de " trappe à inactivité ", dissuade certaines personnes de chercher du travail en raison de gains de revenus trop faibles, voire nuls, par rapport aux montants des minima sociaux dont elles peuvent bénéficier : il est donc financièrement plus intéressant pour elles de rester au chômage.
Il a ensuite expliqué que, seule, la conjoncture permet au Gouvernement de dégager des économies sur les crédits de l'emploi. Cela se vérifie à travers la forte baisse des flux d'entrée dans les dispositifs de la politique de l'emploi : ainsi le nombre de contrats initiative-emploi a-t-il diminué de 41 % depuis 1997, celui des contrats-emploi consolidé de 47 % et celui des contrats emploi-solidarité, de plus de 48 %. Il s'est inquiété de l'absence de réformes structurelles susceptibles de faire reculer le montant du budget de l'emploi, ses crédits n'allant pas manquer de connaître une vive expansion en cas de retournement conjoncturel et de reprise du chômage.
Enfin, il a observé que les échéances se rapprochaient pour les emplois-jeunes. En 2001, le coût de ce dispositif s'accroît de 3,1 %, soit un rythme moins rapide qu'en 1999 et 2000, en raison du ralentissement de la montée en charge du dispositif, 22 milliards de francs étant tout de même inscrits au budget au titre des emplois-jeunes en 2001. Il a rappelé que, à la fin du mois d'août dernier, ils étaient 263.800, le Gouvernement escomptant le recrutement de 280.000 jeunes à la fin de cette année. Il continue d'afficher son objectif initial de porter le nombre de jeunes embauchés à 350.000 d'ici la fin de l'année 2001. Le rapporteur spécial a toutefois mis en évidence le fait que, si cet objectif était atteint, les crédits inscrits dans le budget général s'avéreraient très insuffisants, le coût en année pleine de 350.000 emplois-jeunes s'établissant en effet à environ 37 milliards de francs pour le seul budget de l'Etat, alors que seulement 24,6 milliards de francs sont prévus pour 2001. En effet, il convient de garder à l'esprit que le budget de l'emploi ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement des emplois-jeunes, les budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer étant également sollicités. Il a fait part de ses inquiétudes sur l'avenir de ces jeunes, rappelant que cette question avait été très bien analysée par M. Alain Gournac dans le rapport qu'il a établi au nom de la commission des affaires sociales sur le bilan, à mi-parcours, des emplois-jeunes.
M. Joseph Ostermann , rapporteur spécial, a ensuite présenté les quatre articles rattachés, pour leur examen, au budget de l'emploi.
L' article 57 propose une fois encore de s'en prendre au financement de l'apprentissage en réservant l'aide à l'embauche aux employeurs occupant au plus dix salariés. Cette mesure ne poursuit en aucun cas un objectif de réforme de la formation professionnelle, qui est souvent annoncée, mais elle est uniquement motivée par la recherche d'économies budgétaires estimées à 117 millions de francs, soit un montant relativement modique au regard des sommes considérables mobilisées par certains dispositifs, les 35 heures en premier lieu. Par ailleurs, il n'existe pas de lien automatique entre la diminution du chômage des jeunes, qui reste par ailleurs plus élevé que la moyenne, et les besoins de formation comme le montre l'apparition de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs.
L' article 58 propose de supprimer le dispositif d'exonération de cotisations familiales pour les salariés des entreprises non agricoles, situées dans des zones défavorisées. La suppression de ces dispositifs aurait pour effet de ne plus tenir compte de la situation des entreprises concernées, dont les avantages avaient été institués précisément pour encourager la création d'emplois dans ces zones défavorisées, et par conséquent pour lutter soit contre la désertification des campagnes, soit contre l'exclusion sociale continuant d'affecter certains quartiers urbains.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a ensuite présenté les articles 59 et 60 . Le premier vise à proroger de 18 mois, jusqu'au 30 juin 2002, le dispositif du contrat de qualification-adulte et de fixer au 30 juin 2001 la date à laquelle les partenaires sociaux doivent avoir terminé leurs négociations en vue de pérenniser ce dispositif expérimental. Le second article propose de reporter le terme de l'expérimentation du dispositif dénommé " encouragement au développement d'entreprises nouvelles (EDEN) " de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2002 , afin de bénéficier du temps nécessaire à son expérimentation.
Un débat s'est ensuite instauré.
M. Gérard Braun a voulu savoir s'il était possible de continuer de recruter des emplois-jeunes au-delà de l'année 2001, puis a exprimé ses inquiétudes quant à l'avenir des jeunes embauchés, notamment dans les associations et les collectivités territoriales.
M. Philippe Adnot a voulu connaître le montant du FOREC en 2001, ainsi que le nombre d'emplois qu'il permettrait d'aider. Il a ensuite estimé que les emplois-jeunes étaient à l'origine d'un effet d'éviction à l'égard des contrats emploi-solidarité, plus adaptés aux publics les plus défavorisés.
M. Alain Lambert, président, a manifesté son attachement à la sincérité des comptes publics et par conséquent à celle du budget de l'emploi, regrettant que la totalité du coût de la politique de l'emploi ne puisse être simplement appréhendée. Il a également fait part de son attachement à la reprise d'activité par de nombreuses personnes longtemps marginalisées du marché du travail, ce qui l'avait amené, avec le rapporteur général, M. Philippe Marini, à déposer une proposition de loi tendant à instituer un revenu minimum d'activité (RMA). Il a enfin voulu savoir quelles seraient les conséquences financières de la nouvelle convention d'assurance-chômage pour le budget de l'emploi.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a rappelé que le Gouvernement avait prévu d'achever le recrutement des 350.000 emplois-jeunes à la fin de l'année 2001et que, par conséquent, l'effet sur l'emploi de ce dispositif après cette date devrait être quasi-nul. Il a indiqué que, avant son départ du Gouvernement, Mme Martine Aubry avait estimé que 55 % des emplois-jeunes dans les associations étaient solvabilisés et que les autres devaient faire l'objet d'une réflexion tendant à leur permettre d'intégrer le marché du travail. Il a rappelé que le FOREC devrait supporter des dépenses à hauteur de 67 milliards de francs en 2000 et de 85 milliards de francs en 2001, alors que la réduction du temps de travail, d'après le Gouvernement lui-même, permettrait au milieu de cette année de créer ou de préserver plus de 220.000 emplois : comme le Sénat l'avait à plusieurs reprises affirmé, on ne connaîtra jamais le nombre exact d'emplois créés par les 35 heures, d'autant plus que les créations dont il est question ne sont que des engagements, et non des décisions fermes. Le nombre de contrats emploi-solidarité a nettement diminué depuis 3 ans, les publics les plus défavorisés étant en effet pénalisés par la priorité accordée aux emplois-jeunes. En vertu de la nouvelle convention d'assurance-chômage, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) devrait verser 7 milliards de francs à l'Etat, mais ni les modalités de versement, ni l'utilisation de cette somme, ni même le support législatif utilisé pour y procéder ne sont connus à l'heure actuelle.
Puis, conformément aux recommandations du rapporteur spécial , la commission a décidé de proposer au Sénat le rejet du projet de budget de l'emploi pour 2001, la suppression des articles 57 et 58 rattachés, ainsi que l'adoption sans modification des articles 59 et 60.