B. UNE ATTEINTE PARTICULIÈRE AUX DROITS DU PARLEMENT
A en croire le Gouvernement, le présent projet de loi constituerait presque un instrument de revalorisation du Parlement. Il fait en effet valoir dans l'exposé des motifs que le recours à la procédure des ordonnances " permettra (...) de délester la charge de travail du Parlement (...) afin que la représentation nationale puisse se consacrer pleinement aux projets de loi de transposition de directives présentant un véritable enjeu politique ".
Le communiqué publié à l'issue de la réunion du Conseil des ministres qui a adopté le présent projet de loi précise : " Concernant des textes pour l'essentiel techniques, ce projet de loi d'habilitation préserve les droits du Parlement en allégeant son programme de travail ". Votre commission estime que de telles assertions traduisent une singulière conception du rôle du Parlement.
L'habilitation demandée dans le présent projet de loi par le Gouvernement est en effet d'une nature tout à fait particulière, dans la mesure où elle concerne le droit communautaire sur l'élaboration duquel le Parlement n'exerce qu'un droit de regard limité.
1. Un rappel : le rôle limité du Parlement dans l'élaboration du droit communautaire
Il convient de rappeler que le droit communautaire est élaboré par des institutions au sein desquelles les Parlements nationaux ne sont pas représentés. Le Conseil de l'Union européenne est composé de représentants des Gouvernements des quinze Etats membres de l'Union européenne, cependant que les membres du Parlement sont élus au suffrage universel direct au sein des Etats membres. Ainsi, de nombreuses mesures communautaires relevant du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution sont adoptées sans intervention directe de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Dans ces conditions, la transposition des directives communautaires est l'unique occasion pour le Parlement français de connaître des textes adoptés par les institutions européennes et de définir les moyens permettant la mise en oeuvre de ces textes.
Depuis la révision constitutionnelle de 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht et conformément au voeu du Sénat, le Gouvernement est tenu, conformément à l'article 88-4 de la Constitution, de soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.
Le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent faire connaître leur position par le vote de résolutions . Le champ d'application de cette disposition a été légèrement élargi à l'occasion de la révision constitutionnelle de 1999 préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, de sorte que le Gouvernement soumet désormais aux assemblées les projets d'actes relevant du deuxième pilier (politique étrangère et de sécurité commune) et du troisième pilier (justice et affaires intérieures) de l'Union européenne, dès lors qu'ils comportent des dispositions de nature législative. Depuis l'insertion de l'article 88-4 dans la Constitution, le Sénat a adopté 69 résolutions. La délégation du Sénat pour l'Union européenne examine pour sa part l'ensemble des textes soumis au Sénat.
Ainsi, depuis quelques années, le Parlement tente d'exercer un droit de regard sur le droit communautaire au stade de son élaboration. Ce progrès ne justifie pas qu'il soit privé de la possibilité d'intervenir au stade de la transposition des directives.