III. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE LOIS EN ATTENTE DE MESURES RÉGLEMENTAIRES
Plusieurs commissions (commissions de l'économie, des finances, des lois) déplorent la stagnation ou la trop lente diminution du nombre des lois les plus anciennes non totalement mises en application . Seule la commission des lois constate une amélioration, surtout pour les lois les plus anciennes.
La commission des affaires étrangères se félicite de la parution de nombreux textes réglementaires qui porte à 80 % le taux de mise en application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale et à 67 % le taux de mise en application de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
La commission des affaires sociales fait observer que le taux de mise en application des lois promulguées depuis l'année parlementaire 1997-1998 s'établit à 78 % en 2009-2010 .
Sur les 102 lois promulguées au cours des années parlementaires 1997-1998 à 2008-2009, 57 lois sont désormais pleinement mises en application et 43 lois ne le sont encore que partiellement.
Commission des affaires sociales
Taux d'application des lois promulguées depuis l'année parlementaire 1997-1998
Année parlementaire |
Nombre de mesures prévues (sauf rapports) (1) |
Nombre de mesures prises (sauf rapports) |
Taux de mise en application
|
Taux de mise en application
|
1997-1998 |
281 |
225 |
80 % |
80 % |
1998-1999 |
146 |
118 |
81 % |
81 % |
1999-2000 |
117 |
101 |
86 % |
86 % |
2000-2001 |
149 |
128 |
86 % |
86 % |
2001-2002 |
369 |
206 |
56 % |
56 % |
2002-2003 |
170 |
163 |
96 % |
96 % |
2003-2004 |
351 |
284 |
81 % |
81 % |
2004-2005 |
259 |
234 |
90 % |
90 % |
2005-2006 |
118 |
99 |
84 % |
81 % |
2006-2007 |
181 |
122 |
67 % |
57 % |
2007-2008 |
78 |
74 |
95 % |
81 % |
2008-2009 |
336 |
229 |
68 % |
32 % |
Total |
2 555 |
1 983 |
78 % |
78 % (2) |
(1) Sont exclues les mesures attendues par des dispositions devenues sans objet (de même que pour le calcul du taux de mise en application de chaque loi).
(2) Taux qui n'incluait pas, par construction, les lois votées en 2008-2009.
La commission des affaires sociales note que, par rapport à l'ensemble des lois promulguées depuis juin 1981 (et hors lois d'application directe), dans les secteurs relevant au fond de cette commission, plus des 4/5 de ces textes ont été pleinement mis en application , soit 165 lois tandis que 53 lois n'étaient encore que partiellement mises en application.
La commission de l'économie souligne la résorption toujours insuffisante du nombre de lois antérieures partiellement mises en application .
Elle cite à cet égard les cas de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt dont la mise en application n'a pas évolué depuis 2007, de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la prévention des dommages, dont certaines mesures réglementaires sont attendues depuis sept ans, et de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux qui n'a pas progressé depuis l'an dernier.
La commission des finances déplore que huit lois n'aient connu aucune évolution de leur mise en application depuis un an et que les lois promulguées antérieurement à l'année 2007 semblent ne pas devoir être dotées de leurs textes d'application dans un avenir proche .
Tel est le cas, en particulier, du décret prévu par l'article 24 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 portant réforme de la taxe pour le développement de la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics .
La commission des lois relève que 12 lois promulguées sous la XII e législature, contre 17 l'an passé, sont aujourd'hui partiellement mises en application avec un taux de 84 % mais elle souligne des résultats plus fragiles pour les lois promulguées sous la XIII e législature antérieurement à l'année parlementaire 2009-2010.
La commission observe que, du fait des délais excessifs de mise en application , certaines de ces lois ne manqueront pas de faire l'objet d'une modification substantielle avant même d'avoir produit pleinement leurs effets .
Pour l'ensemble des commissions , le détail, loi par loi, des mesures d'application prises permet de relever quelques cas emblématiques de retard dans la mise en application des lois énumérés ci-dessous, par ordre chronologique.
11 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 99-584 du 12 juillet 1999 modifiant l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques vacances (commission des affaires sociales) avec un taux d'application de 0 % pour une seule mesure attendue.
10 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2000-97 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants (commission de la culture).
Un décret d'application devait fixer les modalités d'organisation des visites médicales de détection des enfants maltraités ainsi que les modalités d'organisation de séances annuelles d'information et de sensibilisation . Dix années plus tard ce décret, dont l'urgence est manifeste, n'est toujours pas publié.
- Mise en application de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (commission de la culture).
Un décret est toujours attendu pour définir les droits et obligations des sportifs de haut niveau, des sportifs espoirs et des partenaires d'entraînement. Un décret en conseil d'État doit fixer les conditions d'emploi dans les administrations publiques des sportifs de haut niveau mais le ministère chargé des sports et celui chargé de la fonction publique ne sont toujours pas parvenus à s'entendre sur un projet. Enfin, un décret en Conseil d'État doit préciser les conditions d'application des mesures d'accompagnement compensatoires ou correctrices en cas d' atteinte aux espaces, site, ou itinéraires des sports de nature .
9 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale (commission des affaires sociales) avec un taux de mise en application stagnant à 56 % pour 28 mesures encore attendues .
- Mise en application de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (commission des affaires sociales) avec un taux de mise en 'application stagnant à 51 % pour 62 mesures encore attendues.
- Mise en application de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades (commission des affaires sociales) avec un taux de mise en application stagnant à 47 % pour 46 mesures encore attendues.
6 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (commission de l'économie).
Cinq décrets sont attendus depuis six ans et aucune nouvelle mesure d'application n'a été prise en 2009-2010. Ces textes concernent la conservation des données de connexion pour l'identification des éditeurs, la fermeture d'un site pour atteinte ou risque d'atteinte au maintien de l'ordre et de la sécurité publique, le régime des sanctions , l'adaptation aux téléphones mobiles des obligations d'information et de transmission des conditions contractuelles et, enfin, la gratuité pour les numéros de services sociaux .
Quant à ce dernier point, un rapport de l''inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la modernisation de l'État a recommandé l'abrogation de l'article prévoyant cette gratuité en raison du coût que représenterait son application pour les administrations appelées. L'article 55 de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit qui va être examinée prochainement par le Sénat propose cette abrogation.
- Mise en application de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (commission de l'économie).
Trois décrets sont attendus depuis six ans Ces textes concernent l'autorisation par le CSA des décrochages locaux , la procédure d'autorisation par le CSA de l'usage des fréquences de diffusion radio-télévision par satellite , les conditions d'obligation de service minimal en langue française .
Il semblerait que la rédaction de ce dernier décret ne soit plus du tout envisagée, les craintes qui avaient poussé le législateur à intervenir en 1986 n'étant plus considérées comme étant d'actualité.
- Mise en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (commission des lois).
Cinq décrets ne sont toujours pas publiés six ans après la promulgation de la loi . Il s'agit de textes relatifs à la politique de lutte contre l'insalubrité et le saturnisme dans l'habitat , à la création d'établissement publics d'enseignement primaire expérimentaux , aux écoles de la marine marchande , à la dotation générale de décentralisation .
Aucun nouveau texte d'application n'a été pris depuis le mois d'octobre 2009.
5 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (commission de l'économie).
Trois mesures d'application sont encore attendues, près de six années après la publication de la loi , relatives à l'institution d'un fichier central à caractère national des permis délivrés , des validations et des autorisations de chasser , aux dates de chasse aux oiseaux d'élevage , à certaines dispositions de la loi littoral , aux rives des étiers et des rus .
Alors que la rédaction de ces trois textes, déjà fort avancée au printemps de 2006, laissait prévoir leur publication avant la fin de l'année 2006, l'état de mise en application de cette loi demeure inchangé depuis mars 2008 .
- Mise en application de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école (commission de la culture).
Depuis plus de cinq années, cette loi attend toujours son décret en Conseil d'État relatif aux fonctions spécifiques des directeurs d'école maternelle et élémentaire , à l'indemnisation de la formation continue des enseignants et à l'application du code de l'éducation dans les établissements français d'enseignement à l'étranger .
- Mise en application de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales (commission de l'économie).
Huit décrets sont attendus depuis quatre ans pour fixer les caractéristiques du service d'envois recommandés , l'accès aux boîtes aux lettres particulières , la représentation des agents de La Poste , le fonds de compensation du service universel postal , la cession ou l'apport d'un bien immobilier de La Poste .
Il apparaît maintenant que le décret fixant les caractéristiques du service d'envois recommandés ne sera jamais pris, des groupes de travail interministériels ayant constaté que la constitution d'un tel service n'était ni utile, ni réalisable dans la pratique. L'article 24 de la loi du 9 février 2010 a donc abrogé la disposition dont la mise en application était attendue.
De même, le Gouvernement a finalement estimé que les dispositions de la loi relatives à l'accès aux boîtes aux lettres particulières se suffisaient à elles-mêmes.
4 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d' orientation agricole (commission de l'économie).
Quatre mesures d'application sont encore attendues, depuis plus de quatre années , relatives à l'interdiction de lubrifiants non éco labellisés dans les zones écologiquement sensibles, à l'interdiction de la distribution aux consommateurs de sacs de caisse à usage unique en plastique non biodégradable, à la détermination des usages du plastique pour lesquels l'incorporation de matières d'origine végétale est obligatoire et aux modalités de certification du matériel génétique support de la voie mâle .
- Mise en application de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (commission de l'économie).
Si les décrets sur l'agrément des personnes réalisant des vidanges et sur les quantités de produits biocides mises sur le marché ont enfin été publiés, respectivement en octobre 2009 et juillet 2010, près de trois années après la publication de la loi, trois mesures d'application sont encore attendues relatives aux modalités de mise en oeuvre de la taxe pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales, aux supports techniques relatifs aux ouvrages des services publics de distribution d'eau et d'assainissement et aux redevances perçues par l'État en raison de l'occupation de son domaine public par les ouvrages des services d'eau potable et d'assainissement exploités par les collectivités territoriales.
3 ans de retard
- Mise en application de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 , portant réforme de la protection juridique des majeurs (commission des lois).
Quatre mesures réglementaires d'application sont encore attendues plus de deux années après la promulgation de la loi. Il s'agit des conditions de versement des capitaux revenant à la personne protégée sur un compte spécifique, de la désignation de personnes pour assister le greffier dans son contrôle des comptes de tutelle et de l'établissement d'un barème national pour le calcul de l'indemnité versée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
- Mise en application de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration , à l'intégration et à l'asile (commission des lois).
Huit dispositions, parmi les plus importantes, requièrent encore des mesures d'application trois ans après la publication de cette loi dont la mise en application n'a pas progressé depuis un an :
- le rapport du Gouvernement sur l'entrée et le séjour à Saint-Pierre-et-Miquelon des ressortissants canadiens ;
- l'adaptation par ordonnance des dispositions de la loi en Polynésie française , en Nouvelle-Calédonie , dans les iles Wallis-et-Futuna et à Mayotte ;
- l'adoption par ordonnance de la partie législative du CESEDA dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie - une partie de ces mesures, relatives à Saint-Martin à Saint-Barthélemy, ont été incorporées dans le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, en cours d'examen à l'Assemblée nationale ;
- le décret en Conseil d'État relatif au recours à des tests ADN dans le cadre des demandes de regroupement familial pour une expérimentation d'une durée de dix-huit mois à compter de la publication du décret et devant s'achever, au plus tard, le 31 décembre 2009. Ce décret devant comprendre notamment plusieurs garanties ajoutées par le Sénat pour encadrer le recours à ces tests.
Il est à noter que le projet de décret relatif à ces tests ADN a fait l'objet d'un avis défavorable du comité consultatif national d'éthique en juin 2008 et que, en septembre 2009, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a renoncé à signer le projet de décret jugeant ne pas être « en mesure dans le délai imparti par la loi, le 31 décembre 2009, de respecter l'esprit et la lettre de la loi ».
Quant aux retards concernant plus particulièrement les lois ou les amendements d'origine sénatoriale, ils seront évoqués ci-après.