N°
401
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juin 2000
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, d' orientation pour l'outre-mer ,
Par M.
Jean HUCHON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Jean-Louis Carrère, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial, Henri Weber.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
e
législ.) :
2322
,
2355
,
2356
,
2359
et T.A.
507
Sénat
:
342
,
393
,
394
et
403
(1999-2000)
Outre-mer . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi n° 342 d'orientation pour l'outre-mer, dont votre
Commission des Affaires économiques est saisie pour avis, a
été adopté par l'Assemblée nationale en mai dernier.
Ce texte très attendu fait suite à la parution d'un certain
nombre de rapports dressant un bilan jugé alarmant de la situation des
départements d'outre-mer. On citera en particulier le rapport de nos
collègues Claude Lise et Michel Tamaya remis en juin 1999 au
Gouvernement, ainsi que celui de la commissaire générale du plan
Eliane Mossé, publié en mars 1999.
Après l'avoir annoncé dès l'automne 1998, le Gouvernement
s'était enfin engagé à le déposer à la suite
d'un voyage du premier ministre aux Antilles à la fin du mois d'octobre
1999.
Le Président de la République a lui-même
manifesté
, dans une allocution prononcée en Martinique en
mars dernier,
l'attention qu'il porte à la définition d'un
modèle original de développement pour l'avenir des
départements d'outre-mer
. A cette occasion, il a souligné la
nécessité de faire preuve de pragmatisme dans cette
démarche. " Toutes les propositions, dès lors qu'elles ne
mettent pas en cause notre République et ses valeurs, sont recevables et
légitimes " a-t-il insisté.
Il est vrai que la situation économique des départements
d'outre-mer est aujourd'hui particulièrement dégradée
.
Elle a pu même être qualifiée d'explosive par notre
collègue Rodolphe Désiré, dans son dernier avis sur les
départements d'outre-mer, adopté par votre commission à
l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2000. Le chômage, qui
touche en moyenne 30 % de la population active, condamne une part
importante de la population à vivre des minima sociaux. Le
caractère massif des transferts publics, qui représentaient en
1994 entre trois quarts et trois cinquièmes du PIB de ces
départements, ne suffit pas à rétablir la situation et
souligne a contrario la dépendance à l'égard de la
métropole qui caractérise en bien des points l'économie
des DOM. Témoignent également de cette dépendance
l'importance des importations en provenance de métropole, la
primauté des liaisons maritimes et aériennes vers celle-ci et la
part prépondérante du tourisme métropolitain.
Cette situation alarmante est en partie imputable à l'existence de
handicaps structurels au développement,
notamment
l'éloignement, l'insularité, l'étroitesse des
marchés qui prive de débouchés les productions locales,
l'absence de ressources énergétiques, mais également la
concurrence des Etats voisins offrant des régimes fiscaux et sociaux
souvent plus avantageux ou dérogatoires du droit commun.
Ces handicaps structurels appellent, à l'évidence, des mesures de
compensation particulières. L'article 299-2 du Traité instituant
la Communauté européenne reconnaît ainsi aux
départements d'outre-mer le statut de régions
ultrapériphériques qui légitime les aides et avantages
susceptibles de leur être accordés, tant dans le cadre national
que dans le cadre européen.
En outre, la forte croissance démographique dans les DOM, qui est
incontestablement un atout en vue d'une croissance de long terme, rend
nécessaires des politiques appropriées en termes
d'aménagement du territoire, de logement social ou encore
d'assainissement de l'eau.
Si le présent projet de loi présente le développement
économique comme l'une de ses priorités, il comporte
également d'autres volets qui tentent de répondre aux aspirations
de la population des DOM sur le plan social, politique ou culturel.
Les titres I, II et III comportent des dispositions visant à favoriser
l'emploi, la lutte contre l'exclusion et le droit au logement. Parmi les plus
marquantes, il faut citer l'exonération de cotisations sociales
patronales en faveur des entreprises de moins de onze salariés et de
celles relevant de secteurs spécifiques, l'instauration d'un dispositif
favorisant l'emploi des jeunes, ou encore l'alignement du montant du RMI sur le
montant de celui versé en métropole.
D'autre part, le projet de loi présente un important volet
institutionnel, destiné à accroître les pouvoirs des
collectivités locales. Le titre V leur confère un rôle
important en matière de coopération régionale. Le
titre VI, relatif à l'approfondissement de la
décentralisation, renforce la consultation des départements et
régions d'outre-mer en cas de modification de leur statut et leur
transfère des compétences nouvelles. Il prévoit en outre
la création d'un second département dans l'île de la
Réunion. Le titre VII complète ce volet en instaurant un
congrès, qui réunit le conseil général et le
conseil régional, et qui est destiné à proposer des
évolutions institutionnelles dans les DOM
Enfin, le titre VIII traite de dispositions relatives à
Saint-Pierre-et-Miquelon. Il prévoit notamment l'application, en vertu
du principe de spécialité législative, de certaines
dispositions du projet à cet archipel.
Compte tenu des compétences de la commission des affaires
économiques, votre rapporteur pour avis a examiné les articles
suivants :
L'article 1
er
, qui ne présente pas de réelle
portée normative, constitue une introduction au projet de loi, en
rappelant que le développement économique de l'outre-mer
constitue une priorité nationale.
L'article 7 bis
, inséré par l'Assemblée Nationale,
impose à la conférence paritaire des transports de chaque DOM de
remettre chaque année un rapport au Gouvernement assorti de propositions
visant à réduire le coût des transports outre-mer.
Prévue par la loi Perben du 25 juillet 1994, cette instance paritaire
devait réunir des représentants des transporteurs et des
collectivités publiques afin de favoriser une concertation indispensable
à l'amélioration des règles de fonctionnement de ce
secteur. Il semblerait pourtant que les conférences paritaires des
transports n'aient pas été mises en place dans les DOM. Ce retard
est d'autant plus regrettable que le Gouvernement a récemment
invoqué le défaut de concertation avec les acteurs
concernés pour justifier le fait qu'il n'a pas pris, dans les
délais impartis par le Parlement dans la loi d'habilitation du 25
octobre 1999, l'ordonnance relative à l'adaptation aux DOM de la
législation sur les transports intérieurs. Votre rapporteur pour
avis recommande donc la mise en place urgente des conférences paritaires
des transports et ne peut que souhaiter la production par celles-ci d'un
rapport qui permettrait de mieux associer les transporteurs à
l'élaboration de la réforme.
L'article 7 ter
, inséré par l'Assemblée Nationale,
impose qu'une date limite de consommation soit mentionnée sur les
produits agro-alimentaires provenant du surplus communautaire et
destinés à la consommation humaine.
L'article 7 quater
étend la compétence de la chambre de
commerce, de l'industrie et des métiers de Saint-Pierre-et-Miquelon au
secteur de l'agricole, afin de prendre en compte le développement d'une
activité agricole et d'élevage.
L'article 9 bis
étend le régime d'indemnisation des
catastrophes naturelles aux dommages causés par certains cyclones
particulièrement violents. Les dégâts causés par les
vents des cyclones sont, au même titre que ceux causés par les
tempêtes, en théorie couverts par de classiques contrats
d'assurance dommage aux biens. Dans la pratique, les compagnies d'assurance ont
mis en place des restrictions à l'assurance de ce risque en imposant par
exemple aux assurés des DOM, en raison de leur plus grande exposition au
phénomène cyclonique, des conditions tarifaires
élevées. L'inclusion des cyclones dans le régime
d'assurance des catastrophes naturelles, lequel prohibe toute restriction dans
la couverture du risque, garantira aux populations des DOM une meilleure
indemnisation de ce sinistre. Votre rapporteur pour avis est favorable à
cette disposition, dans la mesure où elle est l'expression de la
solidarité nationale à l'égard des DOM.
L'article 9 ter
renforce le dispositif prévu à l'article
28-1 de la loi Royer du 27 décembre 1973, qui tend à limiter la
concentration des entreprises de la distribution alimentaire dans les
départements d'outre-mer. Du fait de leur insularité, ces
derniers représentent en effet des marchés captifs,
particulièrement exposés au risque de formation de monopoles.
Votre rapporteur pour avis est favorable au renforcement du dispositif de lutte
contre la concentration dans la distribution outre-mer, qui constitue une
mesure attendue.
L'article 9 quinquies
impose au Gouvernement de publier, avant la
discussion de la loi de finances de l'année qui suit celle de la
présente loi, un rapport sur l'évolution du dispositif
d'incitation à l'investissement outre-mer. Ce rapport devra formuler des
propositions d'amélioration de ce dispositif qui repose essentiellement
sur des mesures de défiscalisation.
L'article 16
instaure dans chaque département d'outre-mer un
Fonds régional d'aménagement foncier et urbain (FRAFU),
destiné à améliorer la maîtrise foncière et
à faciliter la construction de logements sociaux. Chargé de
coordonner les interventions financières des différentes
collectivités publiques, chaque FRAFU sera géré par une
institution financière.
L'article 28
modifie et complète la rédaction de l'article
L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales
relatif aux schémas d'aménagement régional (SAR).
Institués par une loi du 2 août 1984, ceux-ci permettent aux
régions d'outre-mer de déterminer des orientations en
matière de développement, de mise en valeur du territoire et de
protection de l'environnement. Les modifications apportées par l'article
28 permettent d'intégrer dans les SAR les orientations concernant le
développement durable. En outre, le projet introduit une clause de
réexamen obligatoire de ces schémas tous les dix ans. Même
s'il est permis de douter de
l'efficacité des schémas
d'aménagement régional, on ne peut que soutenir le renforcement
de cet instrument qui s'inscrit dans une politique d'aménagement durable
du territoire pour les DOM.
L'article 29
rend obligatoire l'élaboration, l'adoption et la
mise en oeuvre d'un plan énergétique régional par les
régions d'outre-mer, alors qu'il s'agissait jusqu'à
présent d'une simple faculté. De plus, ce plan
énergétique devra respecter le cadre défini par la
programmation nationale pluriannuelle instaurée par la loi du 10
février 2000 relative à la modernisation du service public de
l'électricité, ainsi que par le schéma de services
collectifs de l'énergie issu de la loi du 25 juin 1999 relative à
l'aménagement du territoire. Compte tenu de l'insuffisance des
ressources énergétiques des DOM, qui constitue un problème
central pour le développement de ces derniers, votre rapporteur pour
avis est favorable à cette disposition.
L'article 30
instaure dans chaque département d'outre-mer un
office de l'eau, chargé de doter les DOM d'une véritable
politique de l'eau, particulièrement nécessaire dans ces
territoires dont le caractère insulaire explique la relative
rareté de la ressource hydraulique. A la différence de la
métropole, aucune agence de bassin, pourtant prévue par la loi du
16 décembre 1964, n'a été mise en place dans les DOM.
L'instauration d'offices de l'eau comble cette lacune.
L'article 35 bis
instaure en Guadeloupe une redevance communale des
mines sur les gîtes géothermiques.