B. LA DIVERSITE SOCIALE ET L'AMÉLIORATION DE L'HABITAT
Le
titre II
du projet de loi intitulé "
Conforter la politique
de la ville
" comprend deux volets : le premier (section 1)
rassemble les
" dispositions relatives à la solidarité
entre les communes en matière d'habitat
" (
articles 25
à 34
) ; le second (section 2) regroupe les
"
dispositions relatives à la protection de l'acquéreur
d'immeuble et au régime des copropriétés
".
• Dans le premier volet, le projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale fixe un objectif de
20% de logements locatifs
sociaux
pour chaque commune de plus de
3 500
habitants (1 500
habitants en Ile-de-France) comprise, au sens du recensement
général de la population, dans une agglomération de
plus de 50 000
habitants avec au moins une commune centre de
plus de
15 000
habitants (
article 25
).
Dans sa rédaction actuelle,
l'article L. 302-5
du code de la
construction et de l'habitation prévoit que les communes de
plus de
1 500
habitants en Ile de France et de
plus de 3 500
habitants dans les autres régions, situées dans les
agglomérations de
plus de 200 000
habitants et n'ayant pas
20%
de logements sociaux et
18%
de bénéficiaires
d'aides à la personne, à défaut de programme local de
l'habitat adopté, permettant la réalisation de logements locatifs
sociaux en nombre suffisant, doivent verser une contribution financière
annuelle affectée à la réalisation de logements sociaux.
Selon l'étude d'impact, ces dispositions concernaient potentiellement
209
communes dont la moitié en Ile de France dans
29
agglomérations.
Le projet de loi prévoit donc
d'étendre le champ
géographique
du dispositif. Selon les informations contenues dans
l'étude d'impact, on recense
114
aires urbaines, dans le
découpage de 1990, de
plus de 50 000
habitants répondant
à ces critères. Si l'on s'en tient aux communes de
moins de
1 500
habitants - critère initialement retenu par les
auteurs du projet de loi mais qui a été corrigé par
l'Assemblée nationale, laquelle a porté le seuil à
3 500
habitants, à l'exception de l'Ile de France -
1
113
communes seraient concernées dont
178
en Ile de France.
La définition des logements sociaux pris en compte dans le calcul du
taux de 20% est, en outre,
plus restrictive
que celle qui résulte
des dispositions actuellement en vigueur. L'Assemblée nationale a
complété la liste proposée en prenant notamment en compte
les logements locatifs sociaux appartenant à d'autres bailleurs que les
organismes HLM et ayant fait l'objet d'un concours financier de l'Etat pour
être mis à disposition des personnes défavorisées.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, prévu une obligation pour
les personnes morales propriétaires de logement sociaux visés par
le projet de loi, de fournir chaque année,
avant le 1
er
juillet
, au préfet un inventaire par commune des logements sociaux
dont elles sont propriétaires au
1
er
janvier
de
l'année en cours.
Un
prélèvement automatique
sera opéré sur
les ressources fiscales des communes ne satisfaisant pas cet objectif. Ce
prélèvement sera proportionnel au nombre de logements manquants
par rapport au seuil de 20 % (1 000 francs par logement). Il ne pourra
excéder 5 % du montant des dépenses réelles de
fonctionnement de la commune. En outre, les communes pourront
déduire
du prélèvement le montant des
dépenses exposées pour atteindre l'objectif.
Lorsque la commune est membre d'une communauté urbaine, d'une
communauté d'agglomération ou d'une communauté de communes
compétente pour effectuer des réserves foncières en vue de
la réalisation de logements sociaux et lorsque cette communauté
est dotée d'un programme local de l'habitat,
le montant du
prélèvement sera versé à la communauté
.
Il sera utilisé pour financer des acquisitions foncières et
immobilières en vue de la réalisation de logements sociaux.
A défaut, le montant du prélèvement sera versé
à un
établissement public foncier
et, à
défaut d'établissement public foncier, à un
fonds
d'aménagement urbain
affecté aux communes et aux
établissements publics de coopération intercommunale pour des
actions foncières et immobilières en faveur du logement social.
Le projet de loi précise que si une commune appartient à une
structure intercommunale compétente en matière de programme local
de l'habitat, c'est celui-ci qui fixera l'objectif de réalisation de
logements sociaux de cette commune, par périodes triennales.
L'objectif de logements à construire pour chaque période
triennale est calculé à partir de la différence entre
l'objectif de 20% à atteindre et le stock de logements sociaux
recensés sur le territoire de la commune. L'objectif de
réalisation
sur trois ans
ne peut être inférieur
à 15
% du nombre de logements manquants, ce qui permettra
d'atteindre l'objectif final
en vingt ans.
Un
bilan
devra être établi à l'issue de chaque
période triennale par la commune ou l'établissement public de
coopération intercommunale compétent en matière de
programme local de l'habitat. Ce bilan sera communiqué au conseil
départemental de l'habitat. Si, au vu de ce bilan, il apparaît que
les engagements en matière de constructions de logements sociaux n'ont
pas été tenus, le préfet, après avis du conseil
départemental de l'habitat, prendra un arrêté motivé
constatant la
carence
de la commune. A compter de cet
arrêté, le prélèvement opéré sur les
ressources fiscales de la commune sera
doublé
, sans pouvoir
excéder 10% du montant des dépenses réelles de
fonctionnement.
En outre, l'Etat pourra
se substituer
aux communes défaillantes.
Il passera une convention avec un organisme pour la construction ou
l'acquisition-réhabilitation de logements sociaux en vue de la
réalisation de l'objectif fixé par la loi.
• Dans son
second volet
, le
titre II
propose des
dispositions de nature à améliorer la
protection des
acquéreurs
de locaux à usage d'habitation
(
article 28
), de compléter la liste des interdictions
légales applicables aux divisions d'immeubles (
article 29
) et de
modifier la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de
la copropriété des immeubles bâtis pour y insérer
des dispositions tendant à renforcer la transparence dans la gestion des
copropriétés
et à instaurer des procédures
devant permettre de
prévenir
et
de
résoudre plus
efficacement les difficultés
auxquelles elles sont parfois
confrontées (
articles 30 à 31
).
S'agissant de la
protection des acquéreurs de locaux à usage
d'habitation,
l'article 28
du projet de loi initial proposait
d'étendre le délai de rétractation de sept jours,
actuellement offert au bénéficiaire d'un avant-contrat sous seing
privé tendant à l'acquisition d'un logement neuf, à
l'acquéreur d'un logement ancien lorsque le vendeur est un
professionnel, c'est-à-dire un marchand de biens. Ce dispositif, sans
cependant correspondre à la volonté affichée dans
l'exposé des motifs du projet de loi étendant le champ du
délai de rétractation à l'ensemble des avant-contrats
conclus sous seing privé "
par l'intermédiaire d'un
professionnel
", restait dans la logique de protection du consommateur
face à un professionnel fondant le dispositif actuel de l'article
L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.
L'Assemblée nationale
a décidé
d'étendre le champ du délai de rétractation à
l'ensemble des avant-contrats
tendant à l'acquisition d'un immeuble
à usage d'habitation, quelle que soit la qualité du vendeur, que
cet acte soit conclu directement entre le vendeur et l'acquéreur ou
qu'il soit conclu par l'intermédiaire d'un professionnel, et qu'il soit
conclu sous seing privé ou en la forme authentique.
Cette extension semble procéder de la volonté de ménager
à l'acquéreur un réel
délai de
réflexion
pour un investissement financièrement lourd avant
qu'il ne soit juridiquement engagé. Cependant, conformément
à la logique fondatrice de ce type de mécanisme, il conviendrait
de réserver le bénéfice de la faculté de
rétractation au seul acquéreur non professionnel, alors que le
dispositif voté par l'Assemblée nationale vaut pour tout
acquéreur, qu'il soit un particulier ou un professionnel de l'immobilier.
L'Assemblée nationale
a inséré sous
l'article
28
deux nouvelles
dispositions tendant à renforcer la
protection de l'acquéreur
, la première frappant de
nullité toute promesse ou acte de vente d'un
terrain à
bâtir
ne comportant pas les mentions relatives à la
délimitation et à la superficie dudit terrain, la seconde pour
exiger que soit réalisé un
diagnostic
technique
préalablement à toute mise en copropriété d'un
immeuble construit depuis plus de quinze ans.
Après l'article 28, l'Assemblée nationale a introduit un
article additionnel 28 bis
pour modifier le
régime applicable
à la pré-commercialisation de lots de lotissements
tel qu'il
résulte du code de l'urbanisme.
Sur
l'article 29
, qui propose de renforcer les
conditions de
division
d'un immeuble
en vue de créer des locaux à
usage d'habitation et les conditions de division par appartement des immeubles
de grande hauteur, l'Assemblée nationale a, pour la première de
ces deux hypothèses, prévu des critères plus contraignants
que ceux du projet de loi initial. On observera que ces critères
revêtent une portée subjective.
Les
articles 30 à 31
traitent du statut de la
copropriété des immeubles bâtis
. Ils opèrent
des modifications certes importantes puisqu'elles tendent à assurer une
plus grande transparence dans la gestion comptable des
copropriétés, mettent en place un mécanisme de
recouvrement accéléré des provisions dues par les
copropriétaires et assouplissent le régime de la scission des
copropriétés. On peut toutefois regretter le caractère
ponctuel de ces modifications à l'occasion d'un texte portant
dispositions diverses relatives à l'urbanisme, à l'habitat et aux
transports, alors que la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la
copropriété des immeubles bâtis mériterait une
réforme d'ensemble dont il a longtemps été question.
Dans sa rédaction initiale,
l'article 30
tend à dynamiser
et à moderniser la gestion comptable des
copropriétés : elles passeraient d'une comptabilité
de trésorerie à une véritable
comptabilité
d'engagement
fondée sur un
plan
comptable
qui leur
serait spécifique. Il s'agit d'instaurer une règle
d'exigibilité des provisions nécessaires au financement des
dépenses courantes engagées pour l'entretien et le fonctionnement
de l'immeuble au début de chaque période de
l'échéancier fixé pour l'exercice et d'assurer une plus
grande transparence et une meilleure lisibilité des documents comptables
par les copropriétaires.
L'Assemblée nationale
a introduit à cet article deux
nouvelles dispositions dont l'objet n'est pas directement lié au
dispositif de
l'article 30
: il s'agit, d'une part, d'exiger que
les nouveaux règlements de copropriété indiquent les
modalités de calcul retenues pour fixer la répartition des
quotes-parts de parties communes et des charges et, d'autre part, de faire de
l'ouverture d'un compte séparé propre à chaque syndicat
une obligation légale sanctionnée par la nullité du mandat
du syndic, l'assemblée générale des copropriétaires
étant admise à y déroger par un vote à la
majorité qualifiée des voix de tous les copropriétaires.
Un
article 30 bis
a été introduit par
l'Assemblée nationale
pour exiger que les
copropriétés soient désormais munies d'un
carnet
d'entretien
de
l'immeuble
, tenu à jour par le syndic.
Cette mesure devrait permettre un meilleur suivi de l'état
général des immeubles en copropriété.
L'article 31
instaure une
procédure de recouvrement
accéléré
des charges dues au titre de la mise en
oeuvre du budget prévisionnel, assouplit les règles applicables
en matière de scission des copropriétés et précise
les mécanismes de mise sous administration provisoire des
copropriétés en difficulté.
En tête de cet article,
l'Assemblée nationale
a introduit
une disposition permettant au syndic
d'imputer directement à un
copropriétaire
ayant causé un dommage les sommes
correspondant à la réparation de ce préjudice ainsi que
les frais de recouvrement afférents
.
L'Assemblée nationale
a également souhaité, dans un
paragraphe additionnel, préciser
le délai dans lequel le
notaire doit adresser au syndic l'avis de mutation d'un lot
.
Dans trois autres paragraphes additionnels,
l'Assemblée nationale
a estimé nécessaire
d'assouplir les règles de
majorité
requises pour décider des modalités de
réalisation et d'exécution des travaux prescrits par un
arrêté d'insalubrité ou un arrêté de
péril, pour décider de l'installation de compteurs d'eau froide
divisionnaires et pour décider de l'adoption ou de l'abandon par la
copropriété du mode de gestion coopératif. Sur ces deux
dernières décisions, l'assemblée générale
devait jusqu'à présent statuer à la double majorité
de l'article 26, plus difficile à recueillir.
Après les dispositions venant compléter et clarifier le
régime applicable en matière de scission des
copropriétés figurant à
l'article 28
de la loi du
10 juillet 1965,
l'article 31
du projet de loi modifie les
règles organisant la
mise sous administration provisoire des
copropriétés en difficulté
. Afin de réduire les
coûts induits par la double rémunération de
l'administrateur provisoire et du syndic, la mise sous administration
provisoire aura désormais pour effet automatique de mettre fin au mandat
du syndic, sans indemnité.
A la fin de
l'article 31
,
l'Assemblée nationale
a
introduit un paragraphe additionnel pour inscrire dans la loi le régime
juridique applicable aux unions, groupements ayant pour objet d'assurer la
gestion et l'entretien d'équipements ou de services
d'intérêt commun à ses membres dont les règles de
création et d'organisation relèvent aujourd'hui essentiellement
du décret.
Afin de faciliter les opérations de scission,
l'article 34
du projet
de
loi tend à exonérer du droit
d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière les partages
d'immeubles bâtis soumis à la loi du 10 juillet 1965.
• Enfin, votre commission des Lois a examiné les
dispositions du
titre IV du projet de loi qui modifient le
régime juridique des
édifices menaçant ruine
(article 81 à 83 bis) et certains aspects des droits de locataires
dans les
rapports locatifs
privés (articles 85 A à 85 ter).
Sur le
premier de ces deux volets
résultant du titre IV,
les dispositions proposées complètent le code de la construction
et de l'habitation pour permettre l'exécution d'office de travaux dans
des établissements recevant du public et ayant une activité
d'hébergement (
article 81
).
S'agissant plus spécifiquement du régime des immeubles
menaçant ruine, elles précisent les
conditions de notification
de l'arrêté de péril
et prévoient le cas
où le propriétaire n'a pas pu être identifié ou
celui où son dernier domicile n'est pas connu. Elles permettent
également au propriétaire de conclure un
bail à
réhabilitation
. En outre, les travaux exécutés
d'office par la commune pourront être garantis
par une
hypothèque légale
. Les locaux frappés d'une
interdiction d'habiter ne pourront être loués ou mis à
disposition pour quelque usage que ce soit. Des
sanctions pénales
identiques à celles prévues en matière de lutte contre
l'insalubrité pourront être appliquées (
article 82
).
En outre, le propriétaire de locaux frappés d'une interdiction
d'habiter et d'utiliser devra
reloger les occupants de bonne foi
de ces
locaux, lorsque ceux-ci constituent leur habitation principale ou, dans le cas
d'interdiction temporaire, de leur procurer un hébergement. Le projet de
loi prévoit également la
suspension du loyer
et
désigne les autorités appelées à intervenir en cas
de manquement à l'obligation de relogement, à savoir le
représentant de l'Etat pour l'hébergement provisoire en cas
d'interdiction temporaire d'habiter et le maire ou, à défaut, le
représentant de l'Etat pour les relogements définitifs
(
article 83
).
Sur le second volet
regroupant des dispositions figurant sous la section
5 consacrée aux
droits des locataires
, l'attention de votre
commission des Lois s'est portée sur les
articles 85 A à 85
ter
.
L'article 85 A,
introduit par l'Assemblée nationale à
l'initiative du
Gouvernement
, crée dans la loi du 6 juillet 1989
tendant à améliorer les rapports locatifs une
obligation
nouvelle à la charge du bailleur, celle
de remettre au locataire un
logement répondant à certains critères de
décence
. Cette obligation est sanctionnée par la
faculté, ouverte au locataire, de saisir le juge dans le délai
d'un an suivant la conclusion du bail initial pour que soit ordonnée la
mise en conformité des lieux. L'absence de réalisation des
travaux prescrits dans les délais impartis permet au juge de
réduire le montant du loyer. En tête de cet article,
l'Assemblée nationale
a introduit, contre l'avis du Gouvernement,
un nouveau paragraphe tendant à compléter
l'article 1720
du
code civil
pour y inscrire un principe
d'interdiction de louer un local à usage d'habitation principale ne
répondant pas aux critères de décence.
L'article 85
modifie la loi du 6 juillet 1989 précitée
pour élargir le
champ de compétence de la commission
départementale de conciliation
, lequel est aujourd'hui limité
aux litiges relatifs au montant du loyer, aux litiges concernant l'état
des lieux, le dépôt de garantie ou encore les charges locatives et
réparations, et aux difficultés résultant de l'application
des accords collectifs, du plan de concertation locative ou des
modalités de fonctionnement de l'immeuble.
L'Assemblée
nationale
a étendu cette compétence aux litiges relatifs
à la décence des locaux d'habitation donnés à bail
et a inséré une disposition tendant à la
pérennisation de la possibilité de demander au juge la
réduction du loyer pour les locaux loués depuis le
23 décembre 1986, mention qui entre en contradiction avec le
dispositif adopté à l'article 85 A.
L'Assemblée nationale
a enfin inséré
deux
articles additionnels
(articles 85 bis et 85 ter
) pour, d'une part,
étendre aux personnes liées par un
pacte civil de
solidarité
les dispositions de l'article 9-1 de la loi du 6 juillet
1989 prévoyant que les notifications ou significations faites par le
bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire si l'existence
de ce conjoint n'a pas été portée à la connaissance
du bailleur et, d'autre part, pour exclure du champ d'application de
l'obligation de mentionner la superficie dans l'avant-contrat relatif à
la vente d'un lot de copropriété résultant de l'article 46
de la loi du 10 juillet 1965 les congés pour vente.