III. LA DIFFICULTÉ D'APPORTER UNE RÉPONSE JUDICIAIRE SYSTÉMATIQUE, RAPIDE ET EFFICACE AUX FAITS DE DÉLINQUANCE
A. LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE AUGMENTE
En 1998,
le nombre des mineurs entre 13 et 18 ans impliqués dans des crimes
ou délits constatés par les services de police ou les
unités de gendarmerie s'est
accru de 11,2 %
par rapport
à 1997, pour atteindre 172.000.
La part des mineurs dans le total des personnes mises en cause
est
passée de 17,9 % en 1996 à
21,8 % en 1998
. Elle
varie fortement en fonction de la nature de l'infraction. A titre d'exemple,
les mineurs représentent 34 % des personnes mises en cause pour
faits de délinquance de voie publique (vol à main armée,
vol de voiture, cambriolage, vol avec violence, vol à la roulotte,
dégradation ou destruction de biens...).
L'amélioration du taux d'élucidation des actes de
délinquance de voie publique constitue l'une des priorités
annoncées lors des Conseils de sécurité intérieure
des 8 juin 1998 et 27 janvier 1999, ainsi que la création de brigades de
mineurs de la police et de brigades de gendarmerie de prévention de la
délinquance juvénile.
B. APPORTER UNE RÉPONSE SYSTÉMATIQUE AUX ACTES DE DÉLINQUANCE
L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative
à l'enfance délinquante édicte un principe de
responsabilité pénale atténuée pour les mineurs,
graduée selon l'âge de l'auteur de l'infraction, la
priorité étant donnée à l'éducation des
mineurs et à la
recherche d'une dimension éducative dans toute
sanction.
L'activité des juridictions pour les mineurs en 1998 fait
apparaître que, sans tenir compte des alternatives aux poursuites,
l'institution judiciaire a augmenté sa capacité de
réponse de 10 % par rapport à 1997 et de 35 % par rapport
à 1995.
1. L'activité des parquets mineurs : le développement du traitement en temps réel et des alternatives aux poursuites
En
1997, 123.000 plaintes, procès-verbaux et dénonciations ont
été portés à la connaissance des parquets mineurs,
soit une augmentation de
33 % par rapport à 1995.
Près
de la moitié (59.300) ont été classés sans suite,
11.800 médiations et réparations ont été
engagées, 46.300 requêtes ont été
adressées aux juges des enfants et 5.400 jeunes ont
été mis en examen dans le cadre d'une information.
Le
traitement en temps réel des procédures
pénales
8(
*
)
revêt une importance particulière à l'égard des
mineurs : il apporte rapidement des repères et des limites et
favorise la mise en place précoce d'une action éducative lorsque
celle-ci s'avère nécessaire. Alors que la convocation par
officier de police judiciaire aux fins de mise en examen ou aux fins de
jugement est très largement utilisée, il n'en va pas de
même pour la procédure de comparution à délai
rapproché, dont les critères d'application sont peu souvent
remplis.
Entre la décision de ne pas poursuivre (" classement sans
suite ") et la poursuite pénale existe une place pour la
" troisième voie ", constituée des
"
alternatives aux poursuites
", introduites par la
loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant
l'efficacité de la procédure pénale.
La
circulaire de politique pénale
du 15 juillet 1998
indique les critères devant conduire le parquet à
privilégier les alternatives aux poursuites : le mineur est
primo-délinquant
, les faits sont qualifiables pénalement,
la participation du mineur est suffisamment établie, l'intervention d'un
service éducatif n'est pas nécessaire, les faits ne sont pas
d'une gravité caractérisée.
Les mesures suivantes peuvent être ordonnées :
- un simple
avertissement
délivré par un service de
police ou de gendarmerie et notifié au mineur ;
- un
rappel à la loi
effectué par le substitut
spécialement chargé des affaires de mineurs ou par le
délégué du procureur de la République
;
les délégués du procureur étaient au nombre de 293
au 1
er
juillet fin 1999, dont 91 spécialisés dans les
affaires de mineurs.
- un
classement sous condition
(appelé aussi sursis à
poursuite) subordonné au respect de certaines obligations ;
- une mesure de réparation. En 1998,
7.500 mesures de
réparation
ont été effectuées par les mineurs
délinquants, le seuil des 10.000 mesures devant être atteint en
1999. Le secteur associatif est habilité pour la mesure de
réparation depuis 1995.
Les parents sont systématiquement convoqués lors de ce type de
mesures.
2. L'activité des juges et tribunaux pour enfants est en forte augmentation
a) L'activité des juges d'instruction
En 1997, sur 4.200 dossiers transmis au juge ou au tribunal pour enfants, les juges d'instruction ont placé sous contrôle judiciaire 1.900 mineurs et placé en détention provisoire 1.300 mineurs. La durée moyenne de l'instruction est de 14 mois.
b) L'activité pénale des juges et tribunaux pour enfants
En 1997,
les décisions prononcées par les juges des enfants et les
tribunaux pour enfants se répartissent en 150.000 décisions
d'assistance éducative,
46.800 décisions pénales
(dont 25.600 jugements en chambre du conseil - audience au cabinet - et
21.200 jugements en audience de tribunal), 9.200 décisions de
protection judiciaire des jeunes majeurs et 27.200 tutelles aux prestations
sociales.
Votre rapporteur s'inquiète de l'importance des mesures en attente
d'exécution. A titre d'exemple,
en 1998, le nombre de mesures de
suivi en milieu ouvert en attente d'exécution
9(
*
)
était de 5.400
dont 48 %
dans le secteur public. La durée d'attente avant le début
d'exécution des mesures prononcées atteint trois à six
mois pour un tiers d'entre elles. En termes de proportion, dans le secteur
public, 7,7 % des mesures de suivi en milieu ouvert sont en attente
d'exécution.
c) Activité civile des juges des enfants
En 1997,
35.200 mesures d'investigation ont été ordonnées,
72.000 ordonnances et jugements d'action éducative en milieu ouvert
ont concerné 122.000 jeunes et 77.800 ordonnances et jugements
de placement ont concerné 111.000 jeunes.
Les
investigations
confiées à la protection judiciaire de
la jeunesse sont au nombre de trois : les recueils de renseignements
socio-éducatifs (obligatoires avant l'incarcération d'un mineur),
les enquêtes sociales et les mesures d'investigation et d'orientation
éducative (IOE) réalisées au moins par un éducateur
et un psychologue. Elles sont réalisées notamment par les
services éducatifs auprès des tribunaux
(SEAT).
3. La défense des mineurs devant les juridictions
Les
crédits de l'
aide juridictionnelle
ont augmenté de 22 % de
1997 à 1998 pour le contentieux civil devant les tribunaux pour enfants
(assistance éducative) et de 14,7 % en matière pénale.
Votre rapporteur s'inquiète des conditions dans lesquelles les mineurs
ont accès à l'assistance d'un avocat, en particulier pour les
avocats spécialisés.
Les
difficultés d'indemnisation rencontrées par les
avocats
ne sont pas acceptables. Elles semblent liées au
développement des réponses judiciaires apportées par le
parquet sans intervention du juge et en l'absence de commission d'office de
l'avocat. Or, les avocats, qui consacrent autant de temps aux procédures
dites d'alternatives aux poursuites qu'aux procédures pénales
traditionnelles, méritent une juste indemnisation pour ce travail.