III. UN EFFORT DE RECRUTEMENT SOUTENU
Le budget de la justice pour 2000 est marqué par la poursuite de l'effort entrepris en vue du renforcement des effectifs des juridictions judiciaires comme des juridictions administratives : il prévoit en effet la création de 382 emplois pour les services judiciaires et de 85 emplois au Conseil d'Etat et dans les juridictions administratives. Cependant, l'effort de recrutement sera en large part absorbé par la mise en oeuvre des nouvelles réformes prévues.
A. LES RECRUTEMENTS DE MAGISTRATS JUDICIAIRES
1. Un effort exceptionnel de recrutement
Le
projet de loi de finances pour 2000 prévoit la
création de
212 emplois de magistrats
, succédant aux
70 créations d'emplois intervenues en 1998 et aux 140 autres
réalisées en 1999.
S'y ajoute la création de quatre emplois de magistrats inspecteurs
destinée à renforcer les effectifs de
l'Inspection
générale des services judiciaires
qui assure désormais
non seulement des missions traditionnelles de contrôle de
l'activité des juridictions, mais également des missions
thématiques d'évaluation en vue d'une amélioration
qualitative de l'utilisation des moyens affectés à la justice.
Par ailleurs, il est à noter qu'après une première
provision de 18 millions de francs en loi de finances pour 1999, une
nouvelle dotation de 20 millions de francs est inscrite au projet de loi
de finances pour 2000 en vue de la
réforme du statut de la
magistrature
. Cette réforme très attendue par les magistrats
est destinée à procéder à un repyramidage du corps
afin de remédier aux actuels blocages de carrière
résultant notamment des déséquilibres
démographiques du corps. Elle devrait être mise en oeuvre par le
projet de loi organique relatif au statut de la magistrature dont
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a annoncé le
dépôt pour le début de l'année prochaine,
après la réunion du Congrès appelé à se
prononcer sur la révision constitutionnelle relative au Conseil
supérieur de la magistrature le 24 janvier 2000.
Au total, 422 postes de magistrats auront été créés
en l'espace de trois ans dans les juridictions judiciaires.
Compte tenu de ces créations de postes, le nombre de postes ouverts aux
concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature
a
été porté à 185 pour 1998 et 1999 (contre 145 pour
1996 et 1997).
En outre, afin d'accélérer les recrutements, la loi organique
n° 98-105 du 24 février 1998 a autorisé
l'organisation de deux
concours exceptionnels
permettant le recrutement
de 100 magistrats en 1998 et de 100 autres en 1999. Les magistrats
recrutés en 1998 par cette voie ont pris leurs fonctions en juridiction
dès l'été 1999 à l'issue d'une formation de six
mois ; de même les lauréats du concours 1999 prendront leurs
fonctions en juillet 2000.
Selon les informations communiquées par la Chancellerie, les
recrutements effectués en 1998 et 1999 et prévus pour 2000 se
répartissent comme suit
9(
*
)
:
|
Nomination de magistrats issus de l'ENM |
Concours exceptionnels |
Conseillers de cour d'appel en service extraordinaire |
Détachement judiciaire |
Recrutement latéral
|
|
1998 |
147 |
|
2 |
1 |
25 |
175 |
1999 |
154 |
100 |
14* |
6* |
25* |
299* |
2000 |
165 * |
100* |
|
10* |
30* |
305* |
(*) prévisions
2. Le renfort appréciable des magistrats maintenus en activité en surnombre mais encore très insuffisant des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et des magistrats à titre temporaire
En
application d'une loi organique du 7 janvier 1988, dont les
dispositions ont récemment été prorogées jusqu'au
31 décembre 2002 par la loi organique n° 99-583 du
12 juillet 1999 relative au statut de la magistrature, les magistrats
des cours d'appel et des tribunaux de grande instance qui atteignent la limite
d'âge (fixée en principe à 65 ans) peuvent être
maintenus en activité
sur leur demande pour une période
non renouvelable de trois ans ; ils sont alors affectés en
surnombre dans une juridiction au sein de laquelle ils exercent des fonctions
de magistrat " de base "
10(
*
)
. Un dispositif analogue existe
également à la Cour de cassation, en vertu d'une loi organique du
23 décembre 1986.
Au total, bénéficient actuellement de ces dispositions
82 magistrats répartis comme suit : 23 à la Cour de
cassation, 27 dans les cours d'appel, 28 dans les tribunaux de grande
instance (dont 19 à Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil) et
4 dans les juridictions d'outre-mer (2 dans les départements d'outre-mer
et 2 dans les territoires d'outre-mer).
Les magistrats maintenus en surnombre constituent un renfort
particulièrement appréciable pour les juridictions connaissant
les taux d'activité les plus élevés ; en effet le
maintien en activité permet de rentabiliser l'expérience acquise
par les intéressés et de faire l'économie d'une formation
aux fonctions concernées.
Aussi, votre commission des Lois a-t-elle approuvé la prorogation du
dispositif autorisant le maintien temporaire en activité au-delà
de la limite d'âge des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de
grande instance.
Elle regrette en revanche que soit jusqu'ici resté très
limité le recrutement de
conseillers de cours d'appel en service
extraordinaire
et de
magistrats à titre temporaire
, qui avait
été prévu par la loi organique n° 95-64 du
19 janvier 1995 afin de compléter les renforts des effectifs
des juridictions tout en diversifiant le corps judiciaire.
D'une part, les nominations de conseillers de cours d'appel en service
extraordinaire sont restées jusqu'ici peu nombreuses : 3 en 1997 et
2 en 1998 ; 14 sont cependant prévues pour 1999.
D'autre part, bien qu'aient été inscrits en loi de finances des
crédits de vacations permettant le recrutement de 64 magistrats
à titre temporaire
11(
*
)
en équivalent temps plein (sur les 80 prévus par la loi de
programme), la mise en oeuvre pratique de ce recrutement est restée bien
timide. Elle ne concerne actuellement, à titre expérimental, que
les cours d'appel d'Aix-en-Provence, Angers, Colmar et Versailles.
9 magistrats à titre temporaire ont été nommés
en 1999, 14 candidatures étant actuellement en cours
d'instruction.
3. Des vacances de postes qui restent encore trop nombreuses sur le terrain
Les
difficultés liées à l'existence d'un nombre
élevé de vacances de postes sont souvent dénoncées
par les organisations syndicales de magistrats.
Les chiffres communiqués par la Chancellerie, calculés en faisant
la différence entre les effectifs budgétaires et le nombre de
magistrats en activité, sous réserve des ajustements liés
aux emplois à temps partiel, font apparaître une augmentation du
nombre des vacances de poste entre 1995 et 1998 (133 en 1995, 187 en 1996, 195
en 1997, 215 en 1998), suivie d'une réduction en 1999 où le
nombre de vacances de poste serait de 147, soit un taux de vacance de
2,2 % seulement. L'augmentation constatée entre 1995 et 1998
s'explique par le nombre important de créations d'emplois intervenues,
le recrutement par la voie de l'ENM ne permettant de pourvoir les emplois
créés qu'un peu moins de quatre ans après leur
création. Toutefois, l'entrée en fonction, en juillet 1999, des
100 magistrats issus du premier concours exceptionnel de recrutement a
permis de réduire sensiblement le nombre des vacances budgétaires
comptabilisées par la Chancellerie en 1999.
Cependant, selon d'autres informations communiquées à votre
rapporteur pour avis par la Chancellerie, il y aurait actuellement
298 emplois budgétaires vacants
. En y ajoutant les
57 emplois de magistrats mis à disposition (notamment dans les
cabinets ministériels) et les 18 emplois de magistrats
bénéficiant de décharges syndicales, on obtiendrait un
total de
373 emplois de magistrats non occupés
sur 6.503,
soit 5,7 % d'emplois non occupés.
En outre, compte tenu des absences pour congés divers, les effectifs
réels des juridictions sur le terrain sont souvent inférieurs
à ceux calculés en fonction de l'occupation des postes
budgétaires.
L'accroissement du nombre des
magistrats placés
qui peuvent
être temporairement affectés dans une juridiction pour pallier une
vacance de poste ou remplacer un magistrat en congé, permet de
répondre en partie à ce problème.
En 1999, la création de 9 emplois de juges placés et de
6 emplois de substituts placés a permis de porter le nombre des
magistrats placés à 154, soit 3,34 % des emplois, ce qui
reste néanmoins très en deçà du maximum fixé
par la loi organique
12(
*
)
qui
permettrait de porter l'effectif des magistrats placés à
312 emplois.
4. Des créations de postes qui seront pour une large part absorbées par la mise en oeuvre des nouvelles réformes
Déjà, en 1999, sur les 140 créations
d'emplois de magistrats décidées en loi de finances,
60 avaient été destinées à la mise en place du
juge de la détention provisoire prévue par le projet de loi
relatif à la présomption d'innocence.
Ce phénomène s'accentuera en 2000 puisque parmi les
212 créations de postes de magistrats prévues,
48 postes seront à nouveau affectés à la mise en
place du juge de la détention, tandis que 100 autres seront
destinés à la réforme des tribunaux de commerce afin de
pouvoir assurer la mixité prévue au sein de ces tribunaux. En
outre, 25 autres postes sont prévus pour renforcer les effectifs de
magistrats s'occupant des mineurs, en application des mesures
arrêtées par le Conseil de sécurité
intérieure du 27 janvier 1999 qui a notamment
décidé la création de 75 emplois de magistrats
étalée sur trois années.
Au total, quatre emplois de magistrats étant par ailleurs
créés en vue de la réforme du Conseil supérieur de
la magistrature et un emploi supplémentaire créé à
Mayotte pour assurer la présidence de la Commission de révision
des actes de l'état-civil mise en place dans cette collectivité,
seules 34 créations de postes seront spécifiquement
affectées au renforcement des effectifs des cours d'appel
en vue de
contribuer à la résorption des stocks, contre une soixantaine
l'an dernier.
Même si Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a
précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois
que les 178 autres créations d'emplois prévues ne
mobiliseraient pas entièrement les magistrats concernés et
seraient donc pour partie affectées au renforcement des moyens de
travail courant dans les tribunaux de grande instance, il n'en demeure pas
moins que les très nombreuses créations d'emplois de magistrats
prévues par le projet de loi de finances pour 2000 ne permettront pas
toutes de soulager le juridictions surchargées. Il en sera d'ailleurs de
même des créations d'emplois de greffiers puisqu'une bonne part de
ces nouveaux emplois sont notamment destinés à la réforme
du contentieux de la liberté.
Au cours de l'examen des crédits en commission, MM. Jean-Jacques Hyest
et Jacques Peyrat ont estimé que, compte tenu des importants besoins
liés à la mise en oeuvre des réformes, les
créations de postes seraient insuffisantes pour améliorer le
fonctionnement de la justice au quotidien.