N° 93
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VI
ANCIENS COMBATTANTS
Par M. Marcel LESBROS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
6
)
(1999-2000).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 16 novembre 1999 sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à l'
audition
de
M. Jean-Pierre
Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des
anciens combattants,
sur
le
projet de loi de finances pour 2000
(crédits consacrés aux anciens combattants)
.
M. Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants,
a d'abord présenté les
grandes lignes du budget pour 2000. Il a indiqué que ce budget se
plaçait dans la continuité des budgets précédents,
garantissant le respect du droit à réparation, même s'il ne
permettait pas de répondre à toutes les demandes du monde
combattant. Il a rappelé que le montant total des crédits
s'élevait à 25 milliards de francs, 72 % des crédits
étant affectés aux pensions, 23 % des crédits
concernant la solidarité, la reconnaissance et la mémoire et
seulement 5 % des crédits finançant le fonctionnement. Il a
souligné que le budget diminuait de 2 %, tout en observant que la
baisse des crédits restait inférieure à celle du nombre de
ressortissants, qui devrait atteindre 4 % en 2000.
Il a indiqué que ce budget proposait 110 millions de francs de
mesures nouvelles après les modifications apportées en
première lecture à l'Assemblée nationale. Il a
observé que le budget initial comportait déjà
80 millions de francs de mesures nouvelles, avec notamment
l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant
à partir d'une durée de service de douze mois en Afrique du Nord,
et avec la revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste. Il a
déclaré que le débat à l'Assemblée nationale
avait permis de dégager 30 millions de francs
supplémentaires, affectés à plusieurs mesures nouvelles.
Il a notamment insisté sur l'amorce d'une revalorisation des pensions
des plus grands invalides, indiquant que cette revalorisation, destinée
à combler l'écart lié au gel intervenu entre 1992 et 1995,
devrait être complète l'an prochain. Il a évoqué
également d'autres mesures, comme l'augmentation des crédits en
faveur de la mémoire, l'augmentation de 5 millions de francs des
crédits d'action sociale de l'Office national des anciens combattants et
victimes de guerre (ONAC) en faveur des veuves, l'indemnisation des quelque
150 veuves des patriotes résistants à l'occupation, et enfin
l'amélioration du statut des prisonniers de l'Armée de
libération nationale (ALN).
Abordant la réforme de son département ministériel, il a
estimé que le bilan en était positif et se traduisait, notamment,
par une maîtrise des frais de fonctionnement. Il a précisé
que la publication des derniers textes d'application de cette réforme,
au Journal officiel, était imminente. Il a cependant observé
qu'une question restait à régler : celle de la
réalisation de pôles " handicap " dans les
départements. A ce sujet, il a indiqué que le
réaménagement de l'activité du Centre d'étude et de
recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) visait à
l'ouvrir plus sur les handicapés non invalides de guerre et aurait
l'avantage de renforcer son caractère de service de proximité
pour les anciens combattants.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a constaté que le projet
de budget pour 2000 laissait en suspens hélas ! de nombreuses
demandes du monde combattant. Rappelant le consensus qui s'était
dégagé au moment de l'adoption par le Parlement unanime de la
proposition de loi reconnaissant enfin l'état de guerre en
Algérie, il a déclaré qu'il souhaiterait voir ce consensus
se prolonger à l'occasion de la discussion budgétaire.
Il s'est alors interrogé sur les retards pris dans l'application de
l'article 121 de la loi de finances pour 1999, concernant l'attribution de
l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) aux anciens combattants,
regrettant que l'absence d'agrément du ministre de l'emploi et de la
solidarité bloque la mise en oeuvre de l'accord intervenu entre les
partenaires sociaux le 12 mai dernier. Il s'est également
interrogé sur les perspectives d'une
" décristallisation " des pensions, notamment en faveur des
anciens combattants du Maghreb.
Il a ensuite fait part de sa préoccupation quant à la situation
des veuves des anciens combattants. Il s'est enfin interrogé sur la
simplification du " rapport constant ", sur l'élargissement
des conditions d'attribution du titre de reconnaissance de la Nation à
ceux qui furent présents en Algérie du 2 juillet 1962 au
1
er
juillet 1964 et sur les lenteurs de l'indemnisation des
incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes
(RAD-KHD), constatant que, sur tous ces points, le budget pour 2000 n'apportait
pas de réponses.
M. Jean Delaneau, président,
a demandé au
secrétaire d'Etat si la croix de la valeur militaire, qui avait
été créée au moment des conflits d'Afrique du Nord
et qui avait une valeur identique à celle de la croix de guerre, allait
être transformée en croix de guerre du fait de la reconnaissance
de l'état de guerre en Algérie.
M. Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants,
a reconnu ne pas s'être
posé la question d'une éventuelle transformation de la croix de
la valeur militaire, mais a déclaré qu'il étudierait cette
question.
S'agissant de l'ARPE, il a annoncé que la situation allait se
débloquer dans les jours à venir. Reconnaissant que les
dispositions adoptées l'année passée soulevaient un
problème de principe lié à l'intervention de l'Etat dans
le domaine contractuel, il a rappelé que les retards s'expliquaient
avant tout par la modification des modalités du financement de l'ARPE
intervenue à la toute fin 1998. Il a estimé que ces modifications
s'étaient traduites par un taux de refus, plus important que
prévu, du bénéfice de l'ARPE aux anciens combattants, les
entreprises ayant tendance à écarter systématiquement les
demandes des salariés anciens combattants, afin de reporter la charge
financière de l'ARPE sur l'Etat. Il a indiqué que cette pratique
des entreprises se traduisait par un surcoût budgétaire
significatif, ce surcoût expliquant les réticences de l'Etat
à agréer la convention. Il a toutefois déclaré que
cette convention était en cours de renégociation et permettrait
à quelque 150 personnes de bénéficier de l'ARPE dans la
limite des crédits initialement budgétés.
S'agissant de la " décristallisation ", il a estimé que
l'on instruisait un mauvais procès à la France, qui avait
maintenu le versement des pensions et des retraites, même si celles-ci
ont été effectivement cristallisées. Il a indiqué
qu'il était nécessaire de raisonner en termes de comparaison de
pouvoir d'achat pour apprécier le niveau réel des pensions
cristallisées. Il a rappelé qu'une étude avait
montré que seuls l'Algérie, la Tunisie et le Maroc connaissaient
un pouvoir d'achat des pensions cristallisées inférieur au
pouvoir d'achat des pensions françaises. Il a estimé qu'une
remise à niveau pouvait en effet apparaître souhaitable pour ces
pays, mais il a indiqué qu'une telle mesure n'avait pas fait l'objet
d'un accord en arbitrage interministériel. Il a néanmoins
précisé que la situation actuelle du centre de versement des
pensions à Bordeaux imposait une nouvelle réflexion dans ce
domaine, même si le problème rencontré à Bordeaux
pouvait s'expliquer différemment. Il a également
déclaré qu'il pouvait être souhaitable de lever la
forclusion pesant depuis 1995 sur les demandes de retraite du combattant des
personnes atteignant l'âge de 65 ans.
A ce sujet,
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a estimé que
la " décristallisation " soulevait une délicate
question de principe, et s'est déclaré favorable à une
" décristallisation " progressive débutant, par
exemple, par une revalorisation de 10 à 20 % du montant de la
valeur du point dans les pays ayant accumulé le plus de retard.
S'agissant des veuves,
M. Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat
à la défense chargé des anciens combattants,
a
indiqué qu'il n'avait pas été envisagé cette
année de réforme du régime légal existant. Il a
toutefois déclaré qu'il s'était engagé à
remettre à plat en 2000 le dispositif en faveur des veuves, tout en
observant qu'une telle réforme aurait nécessairement un
coût.
M. Jean Delaneau, président,
a demandé au
secrétaire d'Etat de préciser sa position sur les demandes du
monde combattant quant au redéploiement des crédits
libérés par l'évolution démographique.
M. Jean Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants,
a considéré que la
seule application du rapport constant se traduisait par la restitution de plus
de 300 millions de francs de crédits théoriquement
libérés en faveur des anciens combattants. Il a toutefois
estimé nécessaire de réfléchir à
l'affectation des crédits pouvant être redéployés.
S'agissant de la simplification du " rapport constant ", il a
indiqué que le mode de calcul était certes compliqué, mais
qu'il permettait une revalorisation très satisfaisante des pensions. Il
a rappelé qu'il avait proposé aux associations une réforme
du " rapport constant ", qui se traduirait principalement par un
différé d'augmentation, et donc, par un avantage
supplémentaire pour les pensionnés, du fait de
l'atténuation de l'érosion monétaire.
S'agissant des conditions d'attribution du titre de reconnaissance de la nation
et de l'indemnisation des personnes incorporées de force dans les
formations paramilitaires allemandes, il a déclaré qu'il n'avait
pas été en mesure de dégager des crédits
budgétaires suffisants pour régler ces questions. Il a toutefois
souligné qu'il avait obtenu de l'Entente franco-allemande l'engagement
que celle-ci utiliserait une partie de ses produits financiers pour
l'indemnisation des incorporés de force.
M. Jacques Bimbenet
s'est inquiété de la situation des
veuves de grands invalides qui avaient dû renoncer à leur
carrière professionnelle pour s'occuper de leurs époux.
M. Francis Giraud
s'est préoccupé du cas des harkis, et
s'est interrogé sur les mesures proposées en leur faveur.
M. Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d'études
des sénateurs anciens combattants,
a abordé à son tour
la question de la " décristallisation ", en jugeant
nécessaire d'ouvrir un débat avec les associations en termes de
comparaison des pouvoirs d'achat. Il s'est également
inquiété de la situation des harkis, et notamment de ceux qui
sont restés en Algérie. Il a ensuite abordé la question de
la date de commémoration du souvenir de la guerre d'Algérie,
estimant regrettable que les différentes parties prenantes à ce
conflit continuent à s'opposer sur son choix. Il a alors proposé
de retenir comme date de commémoration la date de promulgation de la loi
reconnaissant la guerre d'Algérie, à savoir le 18 octobre,
estimant qu'une telle solution devrait être de nature consensuelle. Il
s'est enfin interrogé sur les conséquences de la fin du service
national obligatoire pour l'Institution nationale des invalides (INI),
craignant une fragilisation de l'institution.
M. Louis Boyer
s'est interrogé sur le circuit de versement des
pensions à leurs bénéficiaires.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur le taux de consommation
effectif des crédits budgétaires par le secrétariat d'Etat
et s'est prononcé en faveur du retour à l'unicité de la
valeur du point de pension des plus grands invalides dès l'an prochain.
M. Gilbert Chabroux
, s'exprimant au nom de Mme Gisèle Printz,
excusée, a abordé la situation des veuves des grands invalides,
le retard dans l'indemnisation des incorporés de force dans les
formations paramilitaires allemandes, les perspectives d'action en faveur de la
mémoire dans le cadre des contrats de plan, la
" décristallisation ", et enfin la possibilité d'un
abaissement, de 65 à 60 ans, de l'âge d'attribution de la
retraite du combattant.
M. Lucien Neuwirth
a jugé souhaitable
de permettre aux
invalides de guerre de bénéficier d'une réduction
liée à leur carte d'invalidité pour un déplacement
" train-voiture " une fois par an et a interrogé le
secrétaire d'Etat à ce sujet.
M. Alain Gournac
s'est à son tour inquiété de la
situation actuelle à Bordeaux, observant que l'afflux d'anciens
combattants marocains se traduisait par l'apparition d'un marché
organisé de " marchands de sommeil ".
M. Jacques Baudot
,
rapporteur spécial de la commission des
finances pour les crédits relatifs aux anciens combattants
, a
rappelé qu'il venait d'achever une mission de contrôle financier
de l'ONAC. A ce propos, il a jugé que la situation de l'ONAC
s'améliorait depuis un an, même si elle restait fragile.
En réponse aux différents intervenants,
M. Jean-Pierre
Masseret
a indiqué qu'il serait possible d'améliorer la
situation des veuves des plus grands invalides soit en augmentant la pension de
réversion, soit en mettant en place un système de cotisation
obligatoire aux caisses de retraite des épouses d'invalides de guerre
ayant arrêté leur carrière professionnelle.
Il a précisé que, dans les pays anciennement sous
souveraineté française, les pensions étaient
versées au trésor local et non directement aux
intéressés, ce qui avait parfois pu soulever certaines
difficultés. Il a néanmoins annoncé qu'il mettait
actuellement en place un nouveau circuit de paiement, les pensions étant
versées aux intéressés par les consulats.
S'agissant du retour à l'unicité de la valeur du point de pension
des plus grands invalides, il a affirmé que celle-ci serait
complète dans le prochain budget.
Revenant sur la situation des harkis, il a rappelé que ceux-ci avaient
les mêmes droits que les anciens combattants, les principales
difficultés étant concentrées sur les harkis des
deuxième et troisième générations. Il a
annoncé qu'actuellement il travaillait à renforcer la
reconnaissance nationale en faveur des harkis, mais il a parallèlement
regretté que ceux-ci restent parfois divisés.
Revenant sur la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie, il a
estimé que le monde combattant pouvait jouer un rôle utile dans le
renforcement des relations entre les deux pays. Il a jugé qu'il
était nécessaire de sensibiliser les anciens combattants à
une approche en termes de pouvoir d'achat de la question de la
" décristallisation " pour pouvoir avancer sur ce sujet. Il a
déclaré qu'en l'absence de consensus, il ne souhaitait pas
définir une date officielle de commémoration des conflits
d'Afrique du nord. Il a néanmoins estimé que la proposition de M.
Marcel-Pierre Cléach constituait une bonne idée, même si la
date du 18 octobre était sans doute un peu proche de celle du 16
octobre, et pouvait alors contribuer à obscurcir le débat.
S'agissant de l'avenir de l'INI, il a reconnu que la réforme du service
national aurait des conséquences sur son mode de fonctionnement, mais a
précisé qu'il s'attachait à les limiter. Il a par ailleurs
observé que la non-consommation des crédits budgétaires
votés allait diminuant, précisant qu'en 1998 environ 400 millions
de francs de crédits n'avaient pas été consommés
mais qu'en 1999 ce montant devrait atteindre seulement 100 à
120 millions de francs. Il a en outre ajouté que les crédits
inscrits à certaines lignes budgétaires avaient été
insuffisants comme, par exemple, les crédits relatifs à la
retraite des combattants.
Il a jugé que les contrats de plan pouvaient constituer un support
intéressant à des actions de mémoire en faveur des anciens
combattants. Il a déclaré ne pas être en mesure de pouvoir
apporter une réponse sur la possibilité d'une diminution à
60 ans de l'âge d'attribution de la retraite du combattant. S'agissant
enfin de la possibilité pour les invalides d'obtenir une
réduction dans un transport " train-voiture ", il a
déclaré qu'il allait étudier cette question.
Il a enfin estimé qu'il était nécessaire de
réfléchir sur l'utilisation pour de nouvelles actions de
solidarité, des crédits libérés par la diminution
du nombre de ressortissants.