V. QUELQUES RÉFORMES EN COURS INTÉRESSANT L'ORGANISATION DE LA JUSTICE

Le premier volet de la réforme de la justice engagée par le Gouvernement a pour objet l'amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien.

C'est dans ce cadre que s'inscrivent notamment, d'une part, la politique d'aide à l'accès au droit et de développement des modes de résolution amiable des litiges, qui fait l'objet d'un projet de loi en cours de discussion devant le Parlement et, d'autre part, la poursuite des réflexions sur la carte judiciaire.

A. LA POLITIQUE D'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT ET DE DÉVELOPPEMENT DES MODES DE RÉSOLUTION AMIABLE DES LITIGES

Les citoyens attendent de plus en plus de la justice et il importe de permettre à chacun de faire valoir ses droits quelles que soient ses ressources. Cependant, ainsi que se plaît fréquemment à le rappeler Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, l'accès au droit ne passe pas nécessairement par l'accès à une juridiction.

C'est pourquoi le projet de loi relatif à l'accès au droit, qui vient d'être examiné par le Sénat sur le rapport de notre collègue Luc Dejoie 14( * ) , tend à favoriser le recours aux modes amiables de règlement des litiges (transaction, conciliation, médiation civile ou pénale) qui peuvent permettre de parvenir à un règlement rapide de bon nombre de petits contentieux tout en contribuant à désengorger les juridictions.

Pour encourager le développement de ces modes alternatifs de règlement des conflits, le projet de loi élargit le champ d'application de l'aide juridictionnelle à la recherche d'une transaction avant l'introduction d'une instance devant une juridiction et instaure un mécanisme d'aide à l'intervention de l'avocat en matière de médiation pénale. Le coût de ces élargissements, évalués par la Chancellerie à respectivement 15 et 18,5 millions de francs seulement par an, devrait être limité par les économies résultant de la substitution d'une procédure amiable à une action contentieuse.

Par ailleurs, diverses dispositions sont prévues afin d'améliorer le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle et de parvenir à une meilleure maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle qui augmente rapidement sous l'effet de l'accroissement soutenu du nombre d'admissions (+ 6,6 % en 1997) 15( * ) et atteint désormais près d'1,5 milliard de francs.

Le projet de loi comporte également des dispositions tendant à faciliter la constitution et le fonctionnement des conseils départementaux de l'aide juridique (CADJ) afin de parvenir à une généralisation de ces conseils qui n'ont à ce jour été constitués que dans 28 départements.

La généralisation de ces conseils et le développement de leurs activités ne pourront cependant être menés à bien sans les moyens financiers correspondants et en particulier sans un engagement financier accru de l'Etat.

Une mesure nouvelle de 6 millions de francs 16( * ) est inscrite à cette fin dans le projet de loi de finances pour 1999.

Elle devrait également bénéficier à la poursuite du programme de développement des maisons de justice et du droit qui voient leur existence consacrées par le projet de loi.

A cet égard, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a précisé devant votre commission des Lois qu'elle avait pour objectif de porter de 60 à 80 le nombre de ces maisons de justice.

Le projet de budget pour 1999 prévoit en outre un abondement des crédits des associations oeuvrant dans les domaines de la médiation familiale et de l'aide à l'accès au droit 17( * ) .

B. LES RÉFLEXIONS EN VUE D'UNE ÉVOLUTION DE LA CARTE JUDICIAIRE

Constatant que la carte des juridictions correspondait " plus aux données du XIXème siècle qu'à celles de la fin du XXème siècle ", la mission d'information sur les moyens de la justice constituée par votre commission des Lois en 1996 avait souligné qu'il ne serait pas possible d'éluder le problème de la carte judiciaire.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a souhaité poursuivre les réflexions précédemment engagées sur ce sujet.

A cette fin, elle a constitué auprès du directeur des services judiciaires une " mission carte judiciaire " composée d'un délégué à la réforme de la carte judiciaire assisté d'une équipe d'experts (statisticien, informaticien, démographe, géographe-cartographe) et chargée d'étudier la réalité de la situation sur le terrain.

Interrogée par votre rapporteur pour avis sur les travaux de cette mission et sur les intentions du Gouvernement dans ce domaine, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a tout d'abord indiqué, au cours de son audition devant votre commission des Lois, qu'elle avait abandonné l'idée d'une " départementalisation " décidée depuis Paris au profit d'une étude approfondie de la diversité des situations locales.

Après avoir précisé qu'elle entendait mener à bien la réforme de la carte judiciaire au cours de la durée de la présente législature, elle a en outre annoncé devant votre commission des Lois qu'elle commencerait par réformer la carte des tribunaux de commerce , la mission ayant déjà étudié la situation des six cours d'appel comportant le plus de tribunaux de commerce.

Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a ainsi estimé que la carte des tribunaux de commerce pourrait être redessinée d'ici la fin 1999 18( * ) . Cette opération s'inscrira dans le cadre d'une réforme plus générale des tribunaux de commerce qui devrait donner lieu à la présentation d'un projet de loi au cours de l'année prochaine. Selon les indications données par le Garde des Sceaux devant votre commission des Lois, les principaux objectifs de cette réforme devraient être les suivants :

- assurer la mixité au sein des formations de jugement grâce à la présence de juges professionnels dans les tribunaux de commerce et inversement de juges consulaires au sein des cours d'appel ;

- renforcer les règles d'incompatibilité afin d'éviter les risques de conflits d'intérêts ;

- revoir le statut des professions auxiliaires, comme celle des greffiers, notamment afin de renforcer les contrôles externes ainsi que le contrôle des tarifs.

En ce qui concerne les autres catégories de juridictions, le calendrier de la réforme de la carte judiciaire, pourtant indispensable à une répartition plus rationnelle des moyens, demeure plus incertain.

Dans l'attente de cette réforme, les juridictions sont fortement incitées à l'organisation de chambres détachées et d'audiences foraines qui peuvent contribuer à concilier spécialisation, regroupements et maintien d'une justice de proximité.

Par ailleurs, une expérimentation du guichet unique de greffe a été mise en place dans le ressort de cinq cours d'appel sur les sites pilotes de Nîmes, Angoulême, Compiègne, Rennes et Limoges ; il s'agit de permettre au justiciable de déposer des pièces et d'accomplir diverses formalités administratives ou divers actes de procédure en s'adressant à ce guichet unique, même si le contentieux n'est pas jugé sur le même lieu que celui où se trouve physiquement implanté le guichet.

C. DES EFFORTS EN VUE D'UNE MEILLEURE UTILISATION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES

Outre les expérimentations effectuées pour mettre en oeuvre une réforme de la procédure d'exécution de la dépense à l'échelon déconcentré et les actions engagées pour une meilleure maîtrise des frais de justice, qui ont déjà été évoquées 19( * ) , votre rapporteur pour avis souhaite enfin souligner le développement des travaux d ' évaluation en vue d'une amélioration qualitative de l'utilisation des moyens affectés à la justice.

L'Inspection générale des services judiciaires assure, non seulement des missions traditionnelles de contrôle de l'activité des juridictions, mais également des missions thématiques d'évaluation ; ainsi ont par exemple été conduites en 1998 une mission sur le dispositif de protection des majeurs sous tutelle et une mission sur les tribunaux de commerce, ou encore une mission interministérielle relative à la mise en place des contrats locaux de sécurité.

Le Garde des Sceaux entend développer ces missions afin de disposer d'études et d'évaluations des politiques judiciaires déjà mises en place ou à mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme de la justice engagée par le Gouvernement.

C'est pourquoi un renforcement des moyens de l'Inspection générale a été prévu dans le projet de loi de finances pour 1999, qui permettra de porter le nombre des inspecteurs de 11 à 16, grâce à la création de cinq emplois.

Des actions de recherche sont en outre menées dans le cadre d'un groupement d'intérêt public (GIP) intitulé " Mission de Recherche Droit et Justice " créé en 1994 ; des appels d'offres ont ainsi été lancés en 1998 en vue de travaux de recherche sur les autorités administratives indépendantes, les modes de réglement des litiges et la politique pénale des parquets. Le montant total des crédits prévus pour la recherche dans le projet de budget du ministère de la justice pour 1999 s'élève à 4,6 millions de francs.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

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