B. LES FORTES INCERTITUDES PESANT SUR L'AVENIR DU SYSTÈME DE FINANCEMENT LOCAL
Il n'est
pas de bonne décentralisation sans un système de financement
adapté qui garantisse
l'autonomie effective
des
collectivités locales. Or, les mesures contenues dans le présent
projet de loi de finances font peser de
très fortes incertitudes
sur l'avenir du système de financement local.
Votre rapporteur pour avis a déjà souligné les
lacunes
du nouveau
" contrat de croissance et de
solidarité
"
régissant les concours de l'Etat,
qui ne tient pas véritablement compte du rôle majeur des
collectivités locales dans la croissance économique et ignore la
question essentielle de l'évolution des charges imposées à
nos collectivités.
La
réforme fiscale
voulue par le Gouvernement s'éloigne
des principes mêmes de la décentralisation. Couplée avec la
baisse des droits de mutation à titre onéreux, la suppression de
la part " salaires " -laquelle constitue 35 % de l'assiette
globale de la taxe professionnelle- risque de porter en germe la disparition de
cet impôt qui représente 50 % des ressources fiscales des
collectivités locales. Quel pourra, en effet, être l'avenir d'un
impôt ne reposant plus que sur les seuls investissements ?
C'est donc bien
l'autonomie fiscale
des collectivités locales qui
est ainsi mise en cause.
En choisissant un système de
compensation
plutôt que le
dégrèvement, le Gouvernement prive les collectivités
locales à la fois du bénéfice du dynamisme des bases et de
la liberté de fixer les taux, pour ce qui est de la part
" salaires ". Les modalités retenues pour la compensation -en
prenant en compte les bases de 1999 (c'est-à-dire en pratique les
salaires versés en 1997) et les taux de 1998- figeront les situations
économiques tout au long de l'application de la réforme et, en
définitive,
décourageront les initiatives locales
en
faveur du développement économique. En outre,
l'intégration de la compensation dans la DGF à compter de 2004 ne
peut être regardée comme une garantie : ainsi la prévision
de croissance de la masse salariale (+ 4,3%) retenue par le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 apparaît plus
élevée que l'évolution de la DGF (+2,5% par rapport
à la DGF 1998 " recalée ").
Enfin, le versement au budget de l'Etat et non aux fonds de
péréquation existants du produit de la majoration de la
cotisation de péréquation et de la cotisation minimale de taxe
professionnelle, dont les taux sont augmentés, paraît choquant.
Au total, la double crainte d'une
étatisation progressive
de la
fiscalité locale et d'un retour à un système de
subventionnement
des collectivités locales par l'Etat
paraît malheureusement fondée. Ce sont bien les principes
fondateurs de la décentralisation qui sont en cause.
Ce faisant, le Gouvernement -s'éloignant des orientations qui avaient
présidé à l'adoption de la loi d'orientation du
4 février 1995 relative à l'aménagement et au
développement du territoire- s'inscrit, en effet, dans une
logique
recentralisatrice
qui avait inspiré les suggestions du Conseil des
impôts dans son quinzième rapport au Président de la
République.
Le Conseil des impôts avait préconisé de transformer la
taxe professionnelle en un
impôt national
redistribué aux
collectivités locales sous forme de dotation. Cette solution, selon le
rapport précité, s'appuierait sur le constat des
expériences étrangères et permettrait de répondre
à l'ensemble des questions posées par la taxe professionnelle :
un taux national remplacerait la multiplicité des taux existants ;
l'assiette pourrait être modernisée par la prise en compte des
valeurs nettes comptables ; l'impôt serait considérablement
simplifié ; le coût de la taxe professionnelle pour le budget de
l'Etat pourrait être maîtrisé ; la péréquation
pourrait être plus ambitieuse.
Votre commission des Lois ne peut que rappeler la position adoptée par
le groupe de travail sur la décentralisation qui avait -en ces termes-
entendu
" récuser fermement toute solution qui aboutirait
à une étatisation des impôts locaux par l'uniformisation
des taux de taxe professionnelle au niveau national, faisant ainsi
dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus du libre
choix des collectivités locales mais de
décisions de
l'Etat
et
démotivant l'esprit d'initiative
des
collectivités locales.
"
Il ne peut y avoir de décentralisation sans un impôt
localisé et librement fixé par les collectivités locales
dans le cadre prévu par la loi
".
Le groupe de travail avait, en outre, ouvert des pistes de réflexion qui
prennent une actualité particulière avec les réformes
voulues par le Gouvernement : la superposition des dispositifs de
péréquation financière rendant très difficile toute
évaluation de leur efficacité ; l'avenir de la DGF à
laquelle les réformes successives ont fait prendre en compte des
objectifs de plus en plus variés et qui supportent le poids croissant du
financement de l'intercommunalité ; la révision des valeurs
cadastrales désormais en profond décalage avec la
réalité (le Gouvernement a en définitive reporté au
moins provisoirement cette réforme, examinée dès 1996 par
le comité des finances locales qui avait formulé plusieurs
suggestions susceptibles d'en améliorer le contenu) ; l'adaptation de la
fiscalité locale aux évolutions économiques.