E. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Concernant le volet budgétaire relatif aux handicapés, votre commission a émis trois observations portant respectivement sur le régime de l'AAH, l'amélioration de l'insertion des handicapés en milieu ordinaire, et la nécessité d'un effort en faveur de l'accompagnement de la scolarisation des enfants handicapés.
1. L'amélioration du régime de l'AAH pour les personnes frappées par des maladies handicapantes et évolutives
En
juillet 1998, un collectif de trente associations agissant sur le terrain du
handicap a estimé que l'AAH était
" la grande
oubliée des réformes en cours ".
L'appréciation
apparaît sévère au regard des sommes en jeu et du nombre de
bénéficiaires de cette allocation.
S'agissant de l'évolution du pouvoir d'achat de l'AAH, la réponse
au questionnaire de votre rapporteur précise que sur une base 100 en
1980, le rapport d'évolution entre l'AAH, le montant du SMIC net et
l'indice des prix à la consommation des ménages
s'élève respectivement au 1
er
janvier 1998 à
285,25 pour l'AAH, 270,19 pour le SMIC net et 233,47 pour l'indice
des prix. Par ailleurs, en 1999, l'AAH devrait suivre l'indice
d'évolution prévu pour le minimum vieillesse qui devrait
évoluer de 2 % à la suite des décisions prises dans
le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cela étant, votre rapporteur souligne
deux points
qui pourraient
être améliorés concernant les modalités de versement
de l'AAH.
a) La question du montant de l'AAH versée aux personnes hospitalisées plus de 60 jours
Lorsqu'une personne titulaire de l'AAH est
hospitalisée, le
montant de l'allocation est réduit au-delà de 60 jours
d'hospitalisation
(article R. 821-8 du code de la
sécurité sociale)
.
Cette réduction se justifie
par la prise en charge des frais
de séjour et de soins par
l'assurance maladie. Ainsi, l'AAH est réduite de 20 % si
l'allocataire est marié ou de 35 % s'il est célibataire,
veuf ou divorcé.
Il reste que la personne hospitalisée, dans la plupart des cas, demeure
redevable du forfait hospitalier qui vient également amputer le montant
de ses ressources. C'est pourquoi il a été prévu
réglementairement que la personne handicapée doit conserver au
moins 17 % du montant maximum de l'allocation, soit 590 francs par
mois.
Par rapport au montant initial de 3.471 francs,
la baisse de ressources
est néanmoins considérable
et peut mettre certaines personnes
dans l'impossibilité de
faire face aux frais fixes
qui continuent
à courir durant leur hospitalisation (paiement du loyer, des charges et
des frais d'assurance notamment) et générer ainsi des situations
d'exclusion.
Interrogée sur ce problème lors de son audition en commission,
Mme Martine Aubry a rappelé que la réduction n'était
pas applicable lorsque l'allocataire de l'AAH a un enfant ou un ascendant
à charge et a constaté qu'en pratique les situations
d'hospitalisation de longue durée concernaient souvent des personnes
handicapées mentales qui n'avaient pas à assumer de frais
extérieurs.
Elle a souligné néanmoins que la situation des personnes devant
faire face à des charges fixes significatives pouvait poser
problème et a indiqué que cette question mériterait
d'être examinée.
Votre rapporteur souhaite vivement que la réglementation de l'AAH
puisse être rapidement adaptée sur ce point afin d'éviter
de pénaliser des personnes lourdement touchées pour lesquelles
l'AAH devient la ressource principale.
b) Le problème des maladies à caractère évolutif
La prise
en charge, au titre de l'AAH, des personnes atteintes par le virus VIH ou
présentant une affection évolutive grave a conduit les ministres
successifs à rappeler par circulaire plusieurs principes aux DDASS, afin
que les COTOREP instruisent les demandes d'admission dans des conditions
équitables.
En particulier, il a été précisé
6(
*
)
que devait être réduit
à
deux mois
au maximum
le délai entre le signalement de
la situation
des personnes concernées par leur médecin
traitant
et la perception effective des prestations
auxquelles elles
peuvent prétendre.
Récemment, Mme Martine Aubry a indiqué par circulaire
7(
*
)
que
" des situations lui
étaient désormais fréquemment signalées, qui
laissaient à penser que cet objectif d'accélération du
traitement des dossiers serait moins bien poursuivi ".
Elle a donc
utilement rappelé l'importance particulière du délai
précité.
Il est indiqué, par ailleurs, que si les nouvelles thérapeutiques
apportaient une amélioration de l'état général d'un
certain nombre de personnes atteintes, cette amélioration n'était
pas assurée à long terme et que, de plus, une partie notable des
malades échappait à cette efficacité thérapeutique.
Il est rappelé, à nouveau, que la baisse de l'immunité
peut entraîner une fatigabilité très importante qui
empêche parfois de se déplacer ou de travailler et qui justifie
d'un taux d'incapacité de 50 %.
La mise en place de la trithérapie constitue effectivement un
progrès indéniable et un soulagement pour de nombreux malades.
Votre commission a tenu à souligner néanmoins que, compte tenu
des incertitudes qui peuvent encore exister à long terme, il est prudent
de veiller à ne pas appliquer de manière brutale l'arrêt du
versement de l'AAH aux personnes qui connaissent une amélioration
apparente de leur état de santé
8(
*
)
.
A tout le moins, il conviendrait
de mettre en place une procédure spéciale qui permettrait un
reversement rapide de l'allocation dans l'hypothèse où,
après une rémission, la personne malade connaîtrait une
aggravation de son état.
Votre commission appelle donc à la vigilance quant à la prise en
compte des affections évolutives graves.
2. Développer l'emploi en milieu ordinaire
Le tableau ci-dessous illustre bien le décalage croissant entre l'augmentation du nombre de places en milieu protégé et la stagnation du nombre de places en milieu ordinaire bénéficiant de la garantie de ressources.
Certains
estiment que les ateliers protégés ne jouent plus leur rôle
de transition, -de " sas "-, qui avait été conçu
à l'origine. Il en résulte un engorgement des demandes
d'admission à la suite des orientations décidées par les
COTOREP, tandis que
" les salariés performants des structures de
travail protégé ne prennent plus le risque du passage vers le
milieu ordinaire ".
Votre commission souhaite qu'une réflexion s'engage pour rendre plus
efficace le dispositif d'insertion des travailleurs handicapés en milieu
ordinaire qui constitue une solution moins coûteuse que le
développement du travail en institution.
3. L'amélioration du nombre de structures d'accompagnement de l'enfant handicapé au cours de sa scolarité
Confronté au défi de la scolarisation, les
enfants et
adolescents handicapés sont placés devant diverses solutions.
Si leur handicap le permet, ils peuvent être
intégrés
individuellement dans une classe ordinaire
en bénéficiant, le
cas échéant, d'un accompagnement
ad hoc
ou peuvent
être scolarisés dans un dispositif d'éducation
spéciale, soit une classe, soit un établissement dépendant
du ministère de l'éducation nationale.
Dans les écoles maternelles et élémentaires,
l'intégration peut ainsi s'effectuer collectivement dans des
classes
d'intégration scolaire
(CLIS) ; dans l'enseignement secondaire, la
circulaire n° 95-124 du 17 mai 1995 a prévu la mise en place des
unités pédagogiques d'intégration
(UPI)
destinées aux adolescents qui présentent un handicap mental et ne
peuvent être scolarisés à temps complet dans une classe
ordinaire. 25 UPI sont recensées dans 13 académies et scolarisent
181 élèves.
D'une manière générale, alors que certains pays ont fait
le choix de programmes adaptés pour les handicapés, la France
retient l'option d'un même contenu d'enseignement pour tous les
élèves mais "
avec une pédagogie adaptée
aux possibilités de chacun
".
A côté des classes dépendant de l'éducation
nationale, l'éducation des enfants les plus lourdement handicapés
est assurée par des
établissements ou services sociaux et
médico-sociaux spécialisés
financés par
l'assurance maladie. En 1996, ces 2.500 établissements accueillent une
population de 125.400 enfants pour une capacité de 130.000 places
installées environ.
Nombre de places installées
Catégories d'établissements |
1996 |
Etablissements d'éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients mentaux |
76.324 |
Etablissements d'éducation spéciale pour enfants et adolescents polyhandicapés |
2.645 |
Instituts de rééducation |
16.195 |
Etablissements d'éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients moteurs |
8.034 |
Etablissements d'éducation sensorielle pour enfants et adolescents déficients visuels |
2.668 |
Etablissements d'éducation sensorielle pour enfants et adolescents déficients auditifs |
7.957 |
Etablissements d'éducation sensorielle pour sourds-aveugles |
1.742 |
Services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) |
12.794 |
TOTAL |
128.359 |
Source : Ministère de l'emploi et de la
solidarité
- SESI, Bureau ST7, Enquête E.S. - Févirer 1997
Champ : France entière
A cela, il convient d'ajouter deux structures :
- les
centres d'action médico-sociale précoce
(CAMSP), cofinancés à 80 % par l'assurance maladie et
à 20 % par les départements, qui ont pour objet le
dépistage, la cure ambulatoire et la rééducation des
enfants des premier et deuxième âges en vue de leur adaptation
sociale et éducation. 208 CAMSP ont pris en charge environ 14.162
enfants en 1996 ;
- les
centres médico-psychopédagogiques
à
vocation psychiatrique qui pratiquent le diagnostic et le traitement des
enfants dont l'inadaptation est liée à des troubles
neuropsychiques, à des troubles du comportement et qui ont accueilli
106.000 enfants en 1996.
Deux structures sont particulièrement intéressantes dans la
mesure où elles permettent d'accompagner et de soutenir un enfant
plusieurs heures par semaine tout en lui permettant d'être
inséré dans une classe scolaire normale. Il s'agit des CAMSP
précités, ainsi que des
services d'aide, de soutien, de soins
et d'éducation à domicile
(SESSAD) qui s'adressent aux
enfants et adolescents jusqu'à 20 ans et qui assurent un accompagnement
des enfants en milieu ordinaire dans le cadre d'un projet pédagogique
animé par un personnel pluridisciplinaire (psychologue, éducateur
spécialisé, psychomotricien, pédopsychiatre).
Ces deux types de structures, qui peuvent rayonner sur un territoire qui
recouvre plusieurs établissements scolaires, apparaissent comme un moyen
précieux de pallier les inégalités de répartition
des structures d'accueil des handicapés sur le territoire national.
Or, l'UNAPEI estime que 20.000 enfants handicapés ne trouvent pas
aujourd'hui une structure correspondant réellement à leurs
besoins.
L'APF pour sa part constate qu'elle compte six projets de CAMSP en cours dont 4
en attente de financement ainsi que 19 projets de SESSAD en attente de
financement (10 pour création et 9 pour extension).
Ainsi, de nombreuses régions demeurent dépourvues de ces
structures, ce qui a pour conséquence de
laisser les familles
" tâtonner " dans la recherche d'un mode de prise en charge
souvent dispersé et peu spécialisé dans la petite
enfance
. Il en résulte un retard dans la mise en oeuvre d'une action
thérapeutique et éducative adaptée qui peut
entraîner une
aggravation des situations
sous les effets
cumulés de l'absence de soins et de la détresse parentale.
Votre commission appelle de ses voeux un effort accentué en faveur du
développement des structures complémentaires permettant
d'accompagner les enfants scolarisés en milieu ordinaire.