N° 69
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME V
DÉFENSE - GENDARMERIE
Par M. Paul MASSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexes n°
s
43
et
44
) (1998-1999).
Lois de finances.
Mesdames, Messieurs,
Dans les années qui viennent, l'activité de la gendarmerie
s'inscrira dans un cadre contraignant à plusieurs titres. D'une part,
elle connaîtra un accroissement de ses effectifs alors même que les
moyens consacrés à son fonctionnement lui sont désormais
comptés de façon excessive. D'autre part, la progression
même du format de la gendarmerie, selon les termes fixés par la
loi de programmation 1997-2002, reposera exclusivement sur le recrutement de
volontaires appelés à se substituer progressivement aux gendarmes
auxiliaires ; l'Arme pourra-t-elle bénéficier, dans ce cadre, de
la ressource nécessaire, à la fois en quantité et en
qualité, à l'exercice de ses missions ? Il y a là, pour le
moins, une incertitude préoccupante pour l'avenir.
Par ailleurs, au-delà même des réformes qui affectent sa
composition, la gendarmerie connaît aujourd'hui une profonde mutation des
conditions de son activité qui la met au contact de milieux très
divers, notamment dans les zones périurbaines où la
présence de la gendarmerie constitue un fait nouveau mais lourd de
conséquences pour l'organisation de l'Arme.
Car l'évolution des missions ne suppose pas seulement une meilleure
adéquation des effectifs aux évolutions des
phénomènes de délinquance. Elle suppose aussi un
changement des modes d'action dans le sens d'une plus grande souplesse et d'une
plus grande déconcentration. En un mot, la gendarmerie doit se
moderniser sans perdre les qualités que lui confère son statut
militaire : discipline, dévouement et disponibilité.
L'Arme paraît décidée à relever la gageure et il
faut la soutenir dans cette voie.
Tel est le contexte général dans lequel il convient d'examiner le
projet de budget de la gendarmerie pour 1999.
I. LE PROJET DE BUDGET POUR 1999 : UNE SOUS-ESTIMATION MANIFESTE DES MOYENS DÉVOLUS AU FONCTIONNEMENT ET AUX INFRASTRUCTURES AU REGARD DE L'AUGMENTATION DES EFFECTIFS
Aux
termes du projet de loi de finances pour 1999, les crédits
destinés à la gendarmerie progresseront de 2,6 %, passant de 22
071,4 millions de francs en 1998 à 22 655,1 millions de francs en 1999.
Cette évolution apparaît en phase avec la progression du budget de
la défense pour 1999 de 2,8 % par rapport à la loi de finances
initiale pour 1998 (de 184,7 milliards de francs à 190 milliards de
francs). Elle traduit principalement l'effort consacré au recrutement
des volontaires destinés à se substituer progressivement aux
appelés. Toutefois,
les conséquences de l'accroissement des
effectifs n'ont pas été réellement prises en compte
.
Ainsi au titre III, les
moyens de fonctionnement
des unités
apparaissent menacés.
Au titre V, la dotation destinée aux
infrastructures
(dont la
progression attendue en 1999 constitue un simple rattrapage de la baisse des
crédits en 1998), demeure insuffisante, comme du reste, au titre VI,
l'enveloppe réservée aux collectivités territoriales pour
la construction des infrastructures.
A. LES DÉPENSES ORDINAIRES : LE FONCTIONNEMENT COURANT DES UNITÉS MENACÉ
1. Rémunérations et charges sociales : une progression induite par la création des postes de volontaires
Les rémunérations et charges sociales représentent près de 82 % du titre III. Les dotations progressent de 2,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.
a) Un accroissement des effectifs liée à l'application de la loi de programmation
L'augmentation des crédits s'explique principalement par
l'évolution du format de la gendarmerie.
En effet les différents mouvements de créations et de
suppressions de postes se traduisent par un solde net de
520 nouveaux
emplois militaires :
- création de 231 officiers dont 22 officiers du corps de soutien ;
- suppression de 1 038 emplois de sous-officiers de gendarmerie ;
- la création de 495 postes de sous-officiers du corps de soutien ;
- la création de
3 000 postes
de volontaires qui fait plus que
compenser la suppression de 2 168 emplois d'appelés ;
Il faut en outre ajouter la création de 194 emplois de personnels civils
(pris en charge sur le budget des charges communes du ministère de la
défense).
L'augmentation des effectifs découle de
trois facteurs
:
- au premier chef, la mise en oeuvre de la
troisième annuité
de la loi de programmation militaire
avec la création de 688 emplois
(+ 231 officiers -70 MF- ; - 1 094 sous-officiers de gendarmerie, + 525
sous-officiers du corps de soutien -soit une économie de 121,6 millions
de francs- ; - 2 168 gendarmes auxiliaires, + 3 000 volontaires -soit un
coût de 182 millions de francs- ; + 194 personnels civils) ;
- la création de
56 postes de sous-officiers
au titre de
l'accroissement du réseau autoroutier concédé
(11millions de francs) ;
- le transfert de 30 emplois de sous-officiers dans la spécialité
"emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie" au profit du service
de santé des armées pour transformation en emplois de militaires
infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA)
destinés à assurer le soutien des centres médicaux de la
gendarmerie (- 4,8 millions de francs)
EVOLUTION DES EFFECTIFS 1998/1999
|
Effectifs pour
|
Net |
Effectifs pour
|
I. - OFFICIERS |
|
|
|
A - Officiers de gendarmerie |
|
|
|
Général de division |
8 |
|
8 |
Général de brigade |
17 |
|
17 |
Colonel |
202 |
12 |
214 |
Lieutenant colonel et chef d'escadron |
1016 |
70 |
1086 |
Capitaine, lieutenant et sous-lieutenant |
1 837 |
127 |
1 964 |
Total A |
3.080 |
209 |
3289 |
B - Corps de soutien |
|
|
|
Colonel |
|
1 |
1 |
Lieutenant-colonel et commandant |
14 |
7 |
21 |
Capitaine, lieutenant et sous-lieutenant |
28 |
14 |
42 |
Total B |
42 |
22 |
64 |
C - Appelés |
|
|
|
Sous-lieutenant |
20 |
- 3 |
17 |
Total (I) |
3 142 |
228 |
3.370 |
II - SOUS-OFFICIERS |
|
|
|
A - Sous-officiers de gendarmerie |
|
|
|
Aspirant |
70 |
|
70 |
Major |
1 520 |
- 6 |
1 514 |
Adjudant-chef |
3 501 |
- 18 |
3 483 |
Adjudant |
8 550 |
- 72 |
8 478 |
Maréchal des logis chef |
8 304 |
- 58 |
8 246 |
Gendarme |
54 176 |
- 884 |
53.292 |
|
76 121 |
- 1.038 |
75.083 |
B - Corps de soutien |
|
|
|
Major |
39 |
19 |
58 |
Adjudant-chef |
217 |
82 |
299 |
Adjudant |
298 |
101 |
399 |
Sergent-chef |
424 |
105 |
529 |
Sergent |
789 |
188 |
977 |
Total B |
1767 |
495 |
2262 |
C - Appelés |
|
|
|
Aspirant |
158 |
- 27 |
131 |
Gendarme auxiliaire MDL |
445 |
- 76 |
369 |
Total C |
603 |
- 103 |
500 |
Total (II) |
78.491 |
- 646 |
77.845 |
III. - PERSONNELS DU RANG |
|
|
|
- Appelés : |
|
|
|
GA brigadier chef |
800 |
- 137 |
663 |
GA auxiliaire brigadier |
1613 |
- 276 |
1337 |
GA auxiliaire 1ère classe |
1320 |
- 226 |
1094 |
GA auxiliaire |
8288 |
- 1423 |
6865 |
Total (III) |
12.021 |
- 2.062 |
9.959 |
IV - VOLONTAIRES |
|
|
|
Aspirant |
|
30 |
30 |
Maréchal-des-logis |
|
100 |
100 |
Brigadier-chef |
|
219 |
219 |
Brigadier |
|
687 |
687 |
Volontaire |
|
1964 |
1964 |
Total (IV) |
|
3.000 |
3.000 |
TOTAUX GENERAUX |
|
|
|
- MILITAIRES |
93.654 |
520 |
94.174 |
- CIVILS |
1.588 |
194 |
1.782 |
TOTAL GENERAL |
95.242 |
714 |
95.956 |
En
revanche, la revalorisation de la situation matérielle des gendarmes
s'est beaucoup ralentie. Les requalifications d'emploi au sein du corps des
sous-officiers ne mobilise que trois millions de francs pour 1999 tandis que la
mise en oeuvre de la nouvelle bonification indiciaire touche à sa fin
(7,2 millions de francs).
.
Un effort particulier pour les réserves
Les réserves bénéficient d'une mesure nouvelle de 14,4
millions de francs pour 1999 pour les rémunérations.
Complété par une dotation supplémentaire de 5,7 millions
de francs pour le fonctionnement, cet effort permettra de solliciter plus
souvent les réservistes.
b) Le risque d'une sous-évaluation des besoins pour la surveillance du réseau autoroutier
La
substitution aux fonds de concours autoroutiers qui alimentaient directement le
budget de la gendarmerie, d'une redevance versée par les
sociétés d'exploitation et confondue dans l'ensemble des recettes
de l'Etat présentait un risque -déjà évoqué
par M. Michel Alloncle dans son rapport pour avis sur le projet de budget de la
gendarmerie pour 1998- : la suppression du lien entre les charges
supportées par la gendarmerie sur le réseau autoroutier et les
ressources dont elle peut disposer à ce titre.
Ce risque s'est concrétisé dès 1998 : la gendarmerie a
disposé, à la suite de la budgétisation des fonds de
concours, d'un montant de 503 millions de francs (371 millions de francs pour
les rémunérations et charges sociales, 132 millions de francs
pour le fonctionnement) alors que la contribution des fonds de concours -s'ils
avaient été maintenus- aurait dû s'élever à
620 millions de francs.
Le projet de budget pour 1999 n'apporte aucun complément par rapport au
montant budgeté en 1998. Or il convient de le rappeler, le réseau
autoroutier et les voies rapides s'accroissent chaque année de 300 km
supplémentaires en moyenne. Une centaine de créations d'emplois
avaient été demandées pour 1999, 56 postes seulement ont
été obtenus. Rien ne garantit désormais que la gendarmerie
disposera des ressources nécessaires pour assumer un niveau comparable
de surveillance du réseau autoroutier.
2. La contraction préoccupante des ressources destinées au fonctionnement des unités
La
progression des effectifs aurait commandé en toute logique une
augmentation parallèle des crédits nécessaires au
fonctionnement des unités. Or il n'en est rien : les crédits de
fonctionnement hors rémunérations et charges sociales diminuent
de 1 % par rapport à 1998. Cette réduction apparemment
mesurée ne doit pas nous tromper sur
l'impact très
négatif de mesures d'économies qui portent principalement sur le
fonctionnement quotidien des unités.
Cette réduction recouvre toutefois des évolutions
contrastées.
a) Une réduction inacceptable de la dotation destinée au fonctionnement des formations
Sur ce
poste, les crédits sont réduits de près de 99 millions de
francs (soit une baisse de 5,8 % par rapport à la loi de finances pour
1998).
La baisse attendue du prix des carburants ne justifie qu'une part
limitée (25 millions de francs) de cette mesure d'économie
-encore faut-il constater que depuis plusieurs années les crédits
en carburants et en combustibles sont déjà
évalués au plus juste
.
Cependant l'essentiel de l'effort demandé -soit 60 millions de
francs- résulte d'une "économie de constat" selon le
ministère de l'Economie et des Finances pour laquelle toutefois aucune
explication satisfaisante n'a été apportée à votre
rapporteur. La terminologie invoquée par Bercy dissimule à peine
une nouvelle compression des moyens de fonctionnement.
Les maires connaissent bien les suites d'une telle réduction : ils
seront appelés à pourvoir aux besoins courants des unités
établies sur le territoire de leurs communes... Ce
transfert de
charges
déguisé vers les collectivités territoriales
n'est pas seulement choquant dans son principe :
il contraint dans la
pratique la gendarmerie à une improvisation qui ne paraît
guère compatible avec l'exercice des missions de sécurité
publique.
b) Les loyers : toutes les incertitudes ne sont pas levées
Une
meilleure maîtrise des loyers ainsi que des mesures d'ajustement
adoptées en 1996, 1997 et 1998 ont permis de combler progressivement le
déficit structurel enregistré sur ce poste de dépenses
depuis plusieurs années.
L'effort n'a donc pas été reconduit cette année et la
dotation dévolue aux locations enregistre même une
légère diminution pour 1999 (- 1,4 %), justifiée, aux yeux
du gouvernement, par le remplacement au sein du nouveau corps de soutien des
sous-officiers de la gendarmerie par des sous-officiers issus des armées
qui ne bénéficient pas du logement.
Cependant trois facteurs risquent à l'avenir de peser sur les loyers :
l'extension, dans le cadre des redéploiements, des infrastructures dans
les zones qui passeront de la compétence de la police à celle de
la gendarmerie ; de façon plus générale, le renforcement
du dispositif dans les zones périurbaines ; la montée en
puissance des volontaires qui, s'ils ne sont pas logés mais simplement
hébergés, pourrait rendre nécessaires de nouvelles
locations.
Dès lors le risque que réapparaisse en 1999 un déficit sur
ce poste ne peut être exclu.
c) Un effort particulier pour les dépenses de maintien de l'ordre
Une
modification de nomenclature budgétaire permet désormais
d'identifier les frais liés au transport (chapitre 34-07) au sein des
dépenses de maintien de l'ordre qui se répartissaient jusqu'alors
entre deux articles : les dépenses centralisées de soutien et les
indemnités journalières d'absence temporaire (IJAT) qui, par
ailleurs, apparaissent désormais sous un nouveau libellé,
respectivement "dépenses de fonctionnement des unités
déplacées pour le maintien de l'ordre" et "indemnité des
personnels déplacés pour le maintien de l'ordre".
Cet effort de clarification se double d'un effort budgétaire particulier
à travers une mesure d'ajustement de 70 millions de francs.
En effet depuis 1996 ces dépenses enregistraient un déficit
récurrent lié aux renforts apportés par la gendarmerie
mobile au dispositif de sécurité dans les départements et
territoires d'outre-mer.
Les autres postes relatifs au fonctionnement de la gendarmerie connaissent des
évolutions contrastées.
B. LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT : UN EFFORT INSUFFISANT POUR LES INFRASTRUCTURES
Les
crédits de paiement s'élèvent à 2 166 millions
de francs (soit une hausse de 3 % par rapport à la loi de finances
initiale pour 1998). Ils représentent moins de 10 % de l'enveloppe
dévolue à la gendarmerie (et seulement 2,5 % de l'ensemble
du titre V de la défense) et se concentrent principalement sur les
équipements de base de la gendarmerie et le déploiement du
réseau de télécommunication Rubis, seul programme majeur
de l'Arme.
Les autorisations de programme s'élèvent à 2 208
millions de francs (+ 0,7 % par rapport à la loi de finances
initiale de 1998).
Les dotations prévues dans le cadre du titre V paraissent
également en retrait par rapport au niveau d'équipement requis
par le format.
.
Plusieurs ajustements au regard de la loi de programmation
:
Les crédits de paiement enregistrent une baisse de 84 millions de
francs par rapport à l'enveloppe prévue initialement par la loi
de programmation :
- 64 millions de francs au titre de la revue des programmes
élaborée en 1998 (dont 45 millions de francs
supportés par les crédits prévus pour les infrastructures
en 1999) ;
- 20 millions de francs supplémentaires au titre d'un effort commun
demandé à l'ensemble des armées dans le cadre de la
mutualisation de certaines dépenses -bureau commun de recherche et de
développement, entretien programmé des matériels-.
.
Une enveloppe menacée par les mesures de
régulation budgétaire
En 1998 les annulations ont porté sur des autorisations de programme
(d'un montant de 122,3 millions de francs) qui dans cette perspective
avaient déjà été "mises en réserve"
dès 1997. Ces mesures n'ont donc pas eu de conséquences pratiques.
Toutefois la possibilité d'annulations sur le budget de 1999 pourrait
rapidement se concrétiser si les prévisions optimistes du
gouvernement en matière de croissance se trouvaient démenties par
la conjoncture. Or dans la mesure où les ressources consacrées
aux infrastructures apparaissent déjà à l'étiage,
les économies porteraient principalement sur l'équipement des
formations, au risque, ici encore, d'affecter gravement l'exercice des mission
de sécurité.
1. Les équipements : des évolutions contrastées
Le programme de télécommunications Rubis continue de draîner une part importante des crédits de la gendarmerie affectés au titre V : en 1999, 472 millions de francs (sur 2 124 millions de francs, soit plus de 22 % de la dotation) y compris les dépenses liées au maintien en condition opérationnelle (73 millions de francs). Cette priorité, certes justifiée, n'a pas toujours permis, dans le cadre par ailleurs contraignant d'une enveloppe budgétaire étroite et frappée régulièrement jusqu'en 1997 par des annulations, de répondre aux besoins apparus dans d'autres domaines. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 1999, les moyens dévolus à la mobilité et aux infrastructures ne bénéficient pas encore des moyens nécessaires.
a) Télécommunications et informatique
Destiné à renouveler et fédérer la
composante radioélectrique du réseau Saphir et des réseaux
de commandement des unités de la gendarmerie départementale et
d'autoroutes, le programme Rubis est aujourd'hui déployé dans
soixante-six groupements.
.
En 1999, le déploiement du système concernera dix-neuf
départements supplémentaires et les matériels
nécessaires à l'équipement de dix autres groupements de
gendarmerie pourront être commandés.
Malgré un étalement du programme de 6 mois imposé par la
réduction du budget 1998, l'échéancier prévu sera
finalement respecté avec une mise en service opérationnelle dans
les douze derniers départements à la fin de l'année 2000.
L'enveloppe financière initiale du programme Rubis a augmenté de
1,4 % entre la création du programme (1986) et aujourd'hui. Le
coût total du programme s'élève donc aujourd'hui à
2 712,3 millions de francs auxquels il convient d'ajouter les
dépenses liées aux travaux d'ingénierie et
d'infrastructure des sites, effectués par la gendarmerie elle-même
(soit 298,2 millions de francs) ainsi que la livraison des portatifs (soit
211,4 millions de francs).
Aujourd'hui le programme Rubis soulève des enjeux commerciaux de
première importance. Dans cette perspective il apparaît
souhaitable que la norme technique (Tetrapol) élaborée par Matra
et Siemens dans le cadre de Rubis puisse être reconnue par les instances
européennes compétentes.
En effet, il n'existe pas de norme propre aux forces de police qui soit
juridiquement reconnue (Tetra constitue la norme existante sur le marché
des radiocommunications civiles).
Aussi, organisés autour de Matra Nortel Communication, les utilisateurs
de la technologie Tetrapol poursuivent trois objectifs : défense de
positions communes face aux organismes normalisateurs, soutien de Tetrapol
comme standard européen de radiocommunication numérique,
ouverture de la technologie employée à la concurrence pour
favoriser un approvisionnement multiple.
.
Les besoins non satisfaits en matière d'informatique et de
bureautique
Les moyens informatiques ont fait l'objet d'adaptations
régulières au cours des dernières années.
L'informatique constitue désormais un instrument indispensable de la
recherche en police judiciaire. A cet égard une double orientation
mérite l'intérêt :
- après le déploiement achevé en juillet 1998 d'une base
départementale de la délinquance (destinée à
favoriser le rapprochement des informations à des fins judiciaires et
d'analyse de la délinquance locale) dans les groupements de gendarmerie
départementale, une nouvelle version installée dans le courant du
premier semestre 1999 permettra aux utilisateurs de mener des analyses plus
approfondies sur les phénomènes locaux de délinquance ;
- le renforcement des moyens mis à la disposition des enquêteurs
sur la base d'un financement de la mission interministérielle pour la
lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) à travers la mise en
place, en 1998, de 160 nouvelles configurations (micro-ordinateurs, imprimante
et logiciel d'analyse criminelle) dans les sections de recherche et les
brigades départementales de renseignement judiciaire.
En matière d'informatique de gestion, les moyens mis en oeuvre ne
répondent pas réellement aux
besoins
, même si
l'effort se poursuit et privilégie, comme le prévoit d'ailleurs
le plan gendarmerie 2002, les brigades les plus chargées. Votre
rapporteur rappellera deux évolutions positives en 1998 :
- le remplacement de la totalité des matériels installés
en 1992 et 1993 en métropole (soit 1 539 configurations) et
l'installation de 148 configurations supplémentaires dans les brigades
territoriales les plus chargées ;
- la mise à niveau de l'ensemble des micro-ordinateurs installés
dans les unités bénéficiaires du programme "bureautique de
service des unités".
Par ailleurs, les dotations budgétaires prévues pour 1999
devraient permettre à la gendarmerie de poursuivre le renouvellement de
ses matériels de bureautique (466 configurations nouvelles et une
dotation de 1 million de francs pour le renouvellement de matériels au
profit des écoles) mais ne sont pas encore à la mesure de la
remise à niveau du parc des 12 500 ordinateurs portables des
unités.
b) La mobilité
Parmi
les éléments positifs il convient de signaler :
- le renouvellement progressif depuis le milieu de l'année 1997
(après un retard d'un an) des 78 derniers fourgons-cars Cruisair PR2
encore en service dans 26 escadrons de gendarmerie mobile par des fourgons-cars
de maintien de l'ordre de 26 places -
au rythme actuel de livraison de 6
fourgons-cars par mois le programme s'achèvera avant la fin de
l'année 1998
;
- la livraison de la totalité des véhicules
expérimentaux
pour les pelotons légers d'intervention (40
destinés à la gendarmerie mobile et 36 affectés en Corse) ;
- le renouvellement du parc obsolète de
véhicules des
écoles
(composé pour partie de camions SIMCA) par 84
véhicules polyvalents au rythme actuel de 20 livraisons par mois.
Par ailleurs, le parc des véhicules de brigades (au total 14 420
véhicules) fait l'objet d'un renouvellement régulier -bien
qu'insuffisant- chaque année ; ainsi en 1999 les dotations devraient
permettre la commande de 836 véhicules routiers de brigades de petite
capacité, 200 véhicules de brigade de capacité moyenne et
399 véhicules de brigade de grande capacité
1(
*
)
.
Deux programmes continuent de soulever, comme l'an passé, la
préoccupation : le renouvellement du parc des véhicules
blindés et surtout
l'équipement de la gendarmerie en
hélicoptères
.
.
L'insuffisance du parc de blindés entame la capacité de la
gendarmerie à intervenir dans des opérations de maintien de
l'ordre
En effet, après la mise hors service des 33 véhicules de
transport de troupes chenilles et des 121 automitrailleuses
légères, les blindés de la gendarmerie ne comprennent plus
que deux types d'engins (155 véhicules blindés à roues de
la gendarmerie -VBRG- dont 37 en place outre-mer et 28 véhicules
blindés canon VBC 90
La loi de programmation prévoyait la substitution d'un engin unique
à l'ensemble des véhicules composant le parc actuel et
l'inscription des crédits correspondants à partir de 1999.
Cependant la possibilité même de concevoir un véhicule
polyvalent apparaît encore incertaine. D'autre part, une partie des
crédits destinés aux blindés a été
finalement redéployée pour contribuer au financement, plus urgent
encore, des hélicoptères. Dans ces conditions, il n'est pas
assuré que la livraison attendue -et déjà bien tardive-
d'une première vingtaine de véhicules en 2001 et 2002 puisse
être assurée. L'objectif initial affichait 180 blindés
à l'horizon 2010.
.
La flotte d'hélicoptères de la gendarmerie ne lui
permet plus de maintenir sa capacité d'intervention en montagne et en
zone urbaine
En effet, depuis plusieurs années le renouvellement de la flotte des 12
hélicoptères de sauvetage et d'intervention Alouette III de la
gendarmerie, menacée d'obsolescence, s'imposait. La destruction
accidentelle de trois appareils dans des circonstances dramatiques avait
conféré une acuité plus grande à cette
priorité. Or les contraintes budgétaires n'ont pas permis en 1997
de procéder à l'acquisition d'hélicoptères
biturbines BK 117 fabriqués par la société Eurocopter.
Aussi, dans l'immédiat, pour faire face à ces besoins, la
gendarmerie bénéficie, sous la forme d'une cession gratuite, de
quatre Alouette III prélevées pour moitié sur le parc de
l'Armée de terre et l'Armée de l'air.
Toutefois cette solution ne peut être que provisoire. En effet, un
deuxième facteur commande un renouvellement rapide de la flotte
d'Alouette III : l'évolution des normes européennes qui
interdisent désormais l'utilisation d'appareils monoturbines au dessus
des zones urbaines. Déjà, le ministère de
l'intérieur a mis fin aux dérogations dont
bénéficiaient sur ce point les exploitants
d'hélicoptères sanitaires. Cette nouvelle réglementation
ne manquera pas à terme de s'appliquer aux transports effectués
par l'administration (la dérogation dont dispose celle-ci pourrait
tomber au milieu de l'année 1999).
Conscient de ces nouveaux impératifs, la gendarmerie a obtenu les
crédits nécessaires pour passer commande de deux appareils
bi-turbine au titre de la loi de finances pour 1998 et 1 au titre du projet de
budget pour 1999. Toutefois, seuls les marchés ont été
notifiés et les livraisons correspondantes ne pourront pas intervenir,
dans le meilleur des cas, avant l'an 2000. Aussi, dans l'intervalle, un maillon
important des moyens destinés à assurer la sécurité
du territoire se trouve compromis
.
.
La situation actuelle des équipements des réserves
n'apparaît pas à la mesure des ambitions affichées par la
loi de programmation
Constat récurrent : les véhicules affectés à la
réserve apparaissent pour une large part hors d'usage et totalement
inadaptés aux missions liées aux situations de crise. En outre,
leur stockage et leur entretien entraînent de lourdes charges pour la
gendarmerie.
On peut s'interroger sur la portée des mesures adoptées en 1998
et en 1999 pour remédier à cette situation
(prélèvement de véhicules sur les groupements de
gendarmerie départementale et détachement des véhicules
tactiques disponibles de gendarmerie mobile) quand on connaît la
situation actuelle du parc des véhicules de la gendarmerie.
c) Les armements
Dans le
domaine des
armements
, la modernisation se poursuit :
- au sein de la gendarmerie départementale, avec le remplacement de
l'ancien "MAT 49" par un
pistolet mitrailleur de nouvelle
génération
dont la livraison pourrait débuter en 1999
et se poursuivra sur 18 ans à raison de mille armes par an ;
- au sein de la gendarmerie mobile, avec d'une part, l'acquisition sur la
période 1998-1999 de quelque mille
lance grenade
lacrymogène
(COUGAR) et, d'autre part, la
généralisation à l'ensemble des pelotons légers
d'intervention de la gendarmerie mobile et aux équipes
légères de la garde républicaine du
bâton de
protection à poignée latérale
(TONFA).
Enfin, la direction générale de la gendarmerie nationale -en
coopération avec la police nationale dans le cadre des travaux du
Conseil de l'équipement et de la logistique- cherche à
améliorer la protection du personnel tant en ce qui concerne la tenue
que les équipements complémentaires (gilet pare-coups, protection
des bras, etc.).
2. Les infrastructures : une dotation inadéquate au regard de l'évolution du format de la gendarmerie
Les
infrastructures bénéficieront en 1999 de 887 millions de francs
en autorisation de programme et de 826 millions de francs en crédits de
paiement. La hausse de 5,5 % par rapport aux crédits de paiement
inscrits dans le budget pour 1998 constitue un
rattrapage indispensable
après la baisse substantielle de la dotation (- 11 %) subie l'an
passé sur ce chapitre du titre V.
Au 31 décembre 1997, le parc immobilier de la gendarmerie se composait
de 80 784 logements (12 865 pris à bail hors caserne, 67 919 logements
en caserne) - 30 % de ces logements appartiennent aux collectivités
locales (représentées à part égale par les
départements et par les communes).
Les besoins de renouvellement du parc immobilier peuvent être
évalués à 1500 unités-logement par an. Or, comme le
montre le tableau des mises en chantier et des livraisons, les
réalisations, faute des moyens budgétaires suffisants, demeurent
en deçà de ce niveau.
EQUIVALENTS UNITES LOGEMENT MIS EN CHANTIER (EN EUL)
ANNEE |
ETAT |
COLLECTIVITES LOCALES ET PARTICULIERS |
TOTAL |
1994 |
922 |
380 (1) |
1 302 |
1995 |
910 |
300 (1) |
1 210 |
1996 |
800 |
415 (1) |
1 215 |
1997 |
934 |
470 (1) |
1 404 |
1998 (prévision) |
790 |
495 (1) |
1 285 |
(1) dont les opérations conduites par des investisseurs et par des collectivités locales ayant renoncé à la subvention. Dans ce cadre, en 1997, 213 EUL ont été mis en chantier hors subvention, notamment Lure, Baie-Mahault, Arue. En 1998, le nombre d'opérations ainsi réalisées devrait s'établir à 116 EUL.
EQUIVALENTS UNITES LOGEMENT LIVRÉS (EN EUL)
ANNEE |
ETAT |
COLLECTIVITES LOCALES ET PARTICULIERS |
TOTAL |
1994 |
944 |
417 (1) |
1 361 |
1995 |
1 035 |
378 (1) |
1 413 |
1996 |
973 |
310 (1) |
1 283 |
1997 |
838 |
338 (1) |
1 176 |
1998 (prévision) |
840 |
608 (1) |
1 448 |
(1) dont les opérations réalisées sans subvention notamment en 1998 à Lure et Arue.
a) Les opérations de l'Etat
La
dotation budgétaire de 1999 devrait permettre de livrer 892
équivalents unités logement et de passer commande pour 953
équivalents unités logement. L'encadré suivant
présente les principales opérations d'infrastructure
envisagées pour 1999.
Les principales opérations d'infrastructures susceptibles d'être
lancées en 1999 sont les suivantes :
- ORLEANS (Loiret). (3ème tranche). Casernement GD et GM (légions et groupements). |
45 MF |
- MENDE (Lozère). (1ère tranche). Casernement GD (groupement) |
32 MF |
- AUCH (Gers). Casernement GD (Groupement) |
100 MF |
- VILLEFRANCHE SUR SAONE (Rhône). Casernement GD (compagnie) |
75 MF |
- PARIS (10ème) Caserne Vérines. Réhabilitation casernement GR (dernière tranche) |
33 MF |
- DIGNE LES BAINS (Alpes de Haute Provence). Casernement GM pour un escadron (1ère tranche) |
60 MF |
- LE MANS (Sarthe). Quartier Paixhans. Transfert STT. (lère tranche) |
65 MF |
- MELUN (Seine-et-Marne). Quartier Pajol. Ecole des officiers de la gendarmerie (2ème tranche), (modernisation de l'école) |
50 MF |
- MONTARGIS (Loiret). Réhabilitation de l'école des gendarmes auxiliaires. Cette opération est liée à la professionnalisation des armées. |
20 MF |
- VERSAILLES (Yvelines). Réhabilitation de la caserne GD (groupement) |
18 MF |
- PARTHENAY (Deux-Sèvres). Caserne GD (compagnie) |
18 MF |
- VESOUL (Haute-Saône). Réhabilitation de la caserne GD (groupement) |
15 MF |
- Travaux d'infrastructure Rubis. |
3 MF |
b) L'aide des collectivités locales
Confronté à un cadre budgétaire contraint,
l'Etat cherche à encourager les collectivités territoriales
à prendre en charge une partie du coût de réalisation des
infrastructures. La mise en place d'un cadre incitatif est apparue
indispensable ; les bases en avaient été posées par le
décret n° 94-1158 du 27 décembre 1992 : octroi d'une
subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût plafond des
unités-logement ou à 20 % pour les communes de moins de
10 000 habitants qui ne bénéficient pas du concours
financier d'une ou plusieurs collectivités. Une circulaire du
10 janvier 1995 a certes assujetti les travaux de construction de
gendarmeries à la TVA mais en compensant cette nouvelle charge par un
relèvement du montant des coûts plafonds de la construction.
L'effet incitatif s'est traduit par une augmentation des dossiers
proposés dans le cadre de la phase préalable, à
l'agrément de la direction générale de la gendarmerie
nationale.
Toutefois, nombre de ces dossiers ne peuvent aboutir car la capacité du
titre VI consacré aux subventions d'investissements accordées aux
collectivités territoriales demeure limitée aux termes de la loi
de programmation à une moyenne de 40 millions de francs par an. La
subvention d'investissement (chapitre 66.50) s'est d'ailleurs contractée
de 11,4 % passant de 46,3 millions de francs à 41 millions de
francs de 1998 à 1999.
Une telle dotation ne permet pas de soutenir la mise en chantier de plus de
245 unités logement par an, soit la moitié seulement des
besoins
.
Aussi, le gouvernement a-t-il proposé aux collectivités
d'assumer, sans subvention de l'Etat, le coût des projets urgents et
prioritaires. Ce transfert de charge apparaît d'autant moins acceptable
qu'il ne s'accompagne en aucune manière d'une révision du
régime de TVA applicable (actuellement 20 % non
récupérable).
Une réduction de la TVA à 5,5 % -sur les opérations
urgentes- aurait sans doute constitué un premier argument pour
encourager les collectivités à s'engager dans cette voie.
Au-delà, une
refonte générale de la
réglementation en vigueur apparaît aujourd'hui nécessaire.
A la demande du ministère de la défense, une étude a du
reste été engagée par le secrétariat d'Etat au
budget. Les résultats n'en sont pas encore connus.
Votre rapporteur veillera pour sa part, avec la plus grande attention, au suivi
de ce dossier.