Avis n° 88 (1996-1997) de M. Pierre HÉRISSON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 27 novembre 1996

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N ° 8 8

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997


Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XXI

MER

Par M. Jacques ROCCA SERRA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.
Sénat : 85 et 86 (annexe n os 27) (1996-1997).

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits du budget « Poste, télécommunications et espace » connaissent, dans le projet de loi de finances pour 1997, une évolution indéniablement positive, puisqu'ils sont en croissance de 6,6 %.

Cette croissance, même si elle contraste avec les grandes lignes de la politique budgétaire tracées par M. le Premier ministre, ne surprendra pas. En effet, les secteurs concernés, particulièrement dynamiques, ont connu en 1996 de grandes mutations, reflétées par l'adoption par votre Haute Assemblée de trois lois, entre avril et juin 1996, qui ont profondément renouvelé le cadre réglementaire.

Bien des ombres qui pesaient sur leur avenir ont été levées. Toutefois, certaines d'entre elles subsistent. C'est le cas notamment du secteur postal, dans un environnement en profonde mutation, tant au niveau national que communautaire.

C'est pourquoi, après avoir décrit l'évolution des enveloppes budgétaires, le présent avis s'attachera à examiner la situation des secteurs des télécommunications, de la poste et de l'espace.

CHAPITRE PREMIER LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES

Le fascicule budgétaire « Poste, Télécommunications, Espace » regroupe les crédits relatifs aux actions du Gouvernement dans les domaines de l'espace, des autoroutes de l'information, de la poste et des télécommunications.

Toutefois, les moyens des services (dépenses de personnel et de fonctionnement) sont inscrits au fascicule budgétaire « Industrie ».

I. APPRÉCIATION GLOBALE

A. UNE CROISSANCE GLOBALE DES CRÉDITS

Le total des crédits demandés pour 1997 pour le ministère délégué à la Poste, aux télécommunications et à l'Espace se monte à 11,02 milliards de francs, en augmentation de 6,6 % par rapport aux crédits votés en 1996. En francs constants 1 ( * ) , l'augmentation s'élève à 5,3 %.

Cette évolution fortement positive contraste avec le cadre général de la loi de finances pour 1997 et l'effort de maîtrise des dépenses publiques initié par le Gouvernement.

Elle traduit la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre rapidement la loi de réglementation des télécommunications. Cette hausse résulte toutefois pour partie d'un simple jeu d'écritures induits par des transferts -d'emplois notamment- en provenance du budget du ministère de l'industrie.

La croissance des crédits relatifs à 1997 doit donc être remise en perspective avec la baisse du budget de l'industrie.

B. LES DÉPENSES ORDINAIRES

Le total des dépenses ordinaires s'élève à 3,5 milliards de francs, contre 2,9 milliards votés en loi de finances initiale pour 1996, soit une augmentation de 20 % en francs courants.

Suite à la mise en place de la nouvelle réglementation, le titre III, (moyens des services), augmente de 62 % et vient atteindre la somme de 1,5 milliard de francs :

- sous l'effet de transferts d'emplois en provenance de la Direction générale des Postes et Télécommunications, qui étaient auparavant au budget de l'industrie, ainsi que de créations nettes d'emplois qui résultent de la mise en place de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) et de l'Agence nationale des fréquences (ANF) ;

- sous l'effet d'une augmentation très nette (+ 61 %) des subventions de fonctionnement qui résulte, d'une part, de la mise en place des nouvelles institutions (ART et ANF) et, d'autre part, de la prise en charge -partielle en 1997- par le ministère du financement de l'enseignement supérieur des télécommunications.

Le titre IV, qui regroupe les subventions à des organismes publics et internationaux stagne en francs courants (+0,1 %). La contribution au financement du transport de la presse est stable à 1,9 milliard de francs.

C. LES DÉPENSES EN CAPITAL

L'évolution des dépenses en capital contraste fortement avec celle, nettement positive, des dépenses ordinaires puisque les crédits demandés au titre de 1997 sont stables en francs courants à 7,5 milliards de francs en crédits de paiement et 7,3 milliards de francs d'autorisations de programme.

Le titre V relatif aux investissements exécutés par l'État (qui regroupe les études relatives au secteur des postes et télécommunications) stagnent à 4 millions de francs en crédits de paiement et 4.5 millions de francs en autorisations de programme.

Le titre VI, relatif aux subventions d'investissement accordées par l'État stagne en francs courants (7,5 milliards de francs contre 7,4 milliards de francs votés en loi de finances initiale pour 1996).

La majeure partie de ces crédits concerne la subvention d'investissement -stable par rapport à 1996- versée au CNES (Centre national d'études spatiales) qui s'élève à 7,2 milliards en crédit de paiement -soit 65 % du total des crédits demandés pour le ministère pour 1997 -.

Cette subvention d'investissement est destinée pour 5 milliards au financement de la contribution française à l'agence spatiale européenne et pour 2 milliards au soutien des programmes nationaux. Elle s'ajoute à la subvention de fonctionnement du CNES (915 millions, au titre III).

II. LES CONSÉQUENCES DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DE RÉGLEMENTATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

La loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications a créé une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de régulation des télécommunications, et un nouvel établissement public administratif. l'Agence nationale des fréquences. Elle a, d'autre part, pose le principe d'une prise en charge par l'État du service public de 1 enseignement supérieur des télécommunications qui était jusqu'alors finance par France Télécom.

A. LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DE LA CRÉATION DE L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÈLÉCOMMUNICATIONS (ART)

Les chapitres relatifs au personnel de l'ART sont alimentés en très large partie par transfert des crédits et des emplois budgétaires inscrits jusqu'ici au fascicule « Industrie ». En effet, les personnels de l'autorité proviennent essentiellement de l'actuelle direction générale de la poste et des télécommunications (125 emplois).

La transformation de certains emplois transférés pour satisfaire le cadre d'emplois souhaité et la création de 13 nouveaux emplois aboutissent à une mesure nouvelle de 7,3 millions de francs.

LES EMPLOIS DE L'ART

138 au total

- 125 emplois viennent du budget du ministère de l'industrie et ne sont que transférés

- 13 emplois nouveaux sont créés :

5 pour les cinq membres de l'ART (ou « collège ») dont 3 sont nommés par décret et 2 par les Présidents des assemblées

8 emplois nouveaux correspondent aux 5 secrétaires et 3 chauffeurs des membres du collège

De la même façon, les dépenses de fonctionnement, d'informatique et d'études de l'autorité sont alimentées pour partie par transfert à partir des chapitres « crédits sociaux », « informatique » et « fonctionnement » du fascicule industrie, et par des mesures nouvelles à hauteur de 10,5 millions de francs, dont 7 millions de francs de crédits d'études. S'y ajoute une mesure de 0,3 million de francs pour l'affranchissement postal, résultant de l'abolition du régime de la franchise postale.

RÉCAPITULATIF DE LA PROVENANCE DES CRÉDITS AFFECTÉS À
L'ART

Moyens transférés et redéployés

Moyens nouveaux

TOTAL

TOTAL

52,5

17,8

70,2

dont personnel

39,3

7,3

46,6

Fonctionnement

10,9

1,5

12.5

Informatique

1,9

1,9

3.8

Franchise postale

0,3

0,3

Études

7,0

7,0

(En millions de francs)

B. L'INCIDENCE DE LA CRÉATION DE L'AGENCE NATIONALE DES FRÉQUENCES (ANF)

Le nouveau chapitre 36-20 regroupe les crédits de personnel, de fonctionnement, d'informatique et d'études de l'ANF.

Pour les dépenses de personnel , ce chapitre est alimenté en grande partie par transfert des crédits et des emplois inscrits en 1996 sur le fascicule « industrie », les personnels de l'agence provenant en majorité de la DGPT et de l'ex service national des radiocommunications, service extérieur Placé sous l'autorité de cette dernière.

La création de trente-cinq nouveaux emplois et la transformation de certains emplois transférés conduisent à des mesures nouvelles respectivement de 10,8 millions de francs et de 8,4 millions de francs.

La dotation de fonctionnement et d'informatique est alimentée, pour partie, par transfert depuis les chapitres du fascicule « industrie » (2,5 millions de francs) et par redéploiement des dotations du fascicule « poste, télécommunications et espace » (29,5 millions de francs). Des mesures nouvelles interviennent à hauteur de 13 millions de francs. Quant aux études, elles font l'objet d'une mesure nouvelle de 5,5 millions de francs.

RÉCAPITULATIF DE LA PROVENANCE DES CRÉDITS AFFECTÉS À
L'AGENCE DES FRÉQUENCES

(hors subvention d'investissement)

Moyens transférés et redéployés

Moyens nouveaux

TOTAL

TOTAL

92,5

37,7

130,2

dont personnel

60

19,2

79,2

Fonctionnement

19,9

6,1

26,0

Informatique

12

6,9

19

Franchise postale

0,5

0,5

Études

5,5

5,5

(En millions de francs)

Le chapitre nouveau 63-04 accueille la subvention d'investissement de l'agence (74,5 millions de francs en autorisations de programme et 70,5 millions de francs en crédits de paiement) recouvrant les équipements de l'agence, les travaux immobiliers et le fonds d'aménagement du spectre des fréquences radioélectriques.

C. LA PRISE EN CHARGE PAR L'ÉTAT DU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Une dotation de 412,6 millions de francs est inscrite au chapitre nouveau 36-40 pour le financement de l'enseignement supérieur des télécommunications.

Ce chiffre est cependant à rapprocher des dispositions de l'article 22 du projet de loi de finances qui instaure un désengagement progressif, sur trois ans, de France Télécom de ce financement : l'entreprise versera à l'État 309 millions de francs à ce titre en 1997.

La charge réelle qui pèsera sur l'État en 1997 au titre de l'enseignement supérieur n'est donc que du quart de la subvention inscrite au Bleu budgétaire.

III. LES TRADUCTIONS BUDGÉTAIRES DE LA PRISE EN CHARGE PAR L'ÉTAT DES RETRAITES DE FRANCE TÉLÉCOM

La loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom a substitué à l'obligation pour France Télécom de rembourser l'État du montant des pensions qu'il verse aux retraités fonctionnaires de cet établissement celle de verser à l'État une contribution employeur à caractère libératoire assimilable à une cotisation vieillesse. Le produit de cette cotisation ne couvrant que partiellement les engagements de retraite de l'entreprise, France Télécom doit verser par ailleurs à l'État une contribution forfaitaire exceptionnelle d'un montant de 37,5 milliards de francs, pour solde de tout compte. 2 ( * )

C'est l'article 28 du projet de loi de finances, au sein de la première partie consacrée aux recettes, qui fixe les modalités de versement de cette « soulte ».

ARTICLE 28 DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997 :
PRÉLÈVEMENT EXCEPTIONNEL SUR FRANCE TÉLÉCOM

I.. Le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle prévue au d) de l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, tel que modifié par la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996, est fixé à 37,5 milliards de francs. L'entreprise nationale France Télécom verse cette contribution en 1997 à l'établissement public institué au II du présent article.

II.. Il est institué, à compter du 1 er janvier 1997, un établissement public national à caractère administratif qui a pour mission de gérer la contribution mentionnée au I. L'établissement public est administré par un conseil d'administration dont la composition est fixée par décret (...).

III. Chaque année, l'établissement public reverse au budget de l'État, dans la limite de ses actifs, une somme dont le montant est égal à 1 milliard de francs en 1997. Pour les années suivantes, le montant du versement est égal au montant du versement de l'année précédente majoré de 10 % (...).

En ce qui concerne le reversement d'un milliard de francs de l'Établissement public à l'État en 1997, il est inscrit à l'état A du projet de loi de finances, en recettes non fiscales (ligne 818).

Votre commission pour avis se félicite que, conformément aux engagements pris par M. le ministre François Fillon devant votre Haute Assemblée lors des débats sur le changement de statut de France Télécom, le montant de la soulte soit de 37,5 milliards, et non, comme il avait été avancé à l'époque, de 50 voire 70 milliards, ce qui aurait été une charge insoutenable pour l'entreprise.

CHAPITRE II LES TÉLÉCOMMUNICATIONS FRANÇAISES :
UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION

Peu de secteurs de l'économie ont connu d'aussi profonds bouleversements que ceux qui sont intervenus en 1996 dans les télécommunications. Ces changements concernent tant le cadre réglementaire qui régit ces activités que l'opérateur historique France Télécom lui-même.

I. UN DROIT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS PROFONDÉMENT MODIFIÉ QUI PERMET L'ENTRÉE DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION ET L'OUVERTURE DU SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À LA CONCURRENCE

En 1996, pas moins de trois lois, dont votre commission des Affaires économiques a été saisie au fond 3 ( * ) , ont contribué à renouveler le visage du secteur des télécommunications françaises. En particulier, deux de ces textes ont profondément modifié le cadre réglementaire.

A. LA LOI N° 96-299 DU 10 AVRIL 1996 RELATIVE AUX EXPÉRIMENTATIONS DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ET SERVICES DE L'INFORMATION REND POSSIBLE L'ENTRÉE DE NOTRE PA YS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

1. Un texte lourd d'enjeux

Comme le soulignait le rapporteur du texte, notre collègue M. Jean-Marie Rausch, les dispositions adoptées au printemps dernier par le Parlement revêtent un très forte portée symbolique, puisqu'elles ont pour vocation de fournir aux pouvoirs publics, mais aussi aux entreprises, les technologies de l'information qui leur permettront « d'orienter la marche de la société française vers la société de communication »

Le texte adopté vise à permettre d'expérimenter localement, et de manière restreinte, certains outils qui paraissent destinés à jouer un rôle majeur dans la mutation que subissent actuellement les sociétés industrielles, à savoir, d'une part, les technologies novatrices de diffusion audiovisuelle -que l'on désigne communément sous le vocable « d'autoroutes de l'information »- et, d'autre part, une large gamme de services multimédia que ces autoroutes rendent possibles.

La genèse de ce texte se trouve dans le constat d'une certaine inadaptation de la législation en vigueur face au développement des nouvelles technologies.

En effet, fin 1994, le Gouvernement de M. Édouard Balladur avait lancé un appel à propositions en vue de mettre en place des expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information. La sélection des projets les plus innovants a mis en évidence le fait que la législation en vigueur était quelque peu inadaptée à l'exploitation de produits ou de services multimédias sur les autoroutes de l'information. En effet, celles-ci ont vocation à transporter à la fois de la voix, des données, des textes, de la musique et des images, alors que les textes légaux existants organisent un certain cloisonnement entre deux modes de transmission de l'information, considérés jusqu'à présent comme distincts les télécommunications (téléphonie vocale, transferts de données numériques...) et la communication audiovisuelle (programmes de radiodiffusion et de télévision).

Plus précisément, l'examen des conditions de lancement des expérimentations les plus innovantes a fait apparaître deux obstacles de nature législative auxquels elles étaient susceptibles de se heurter. Le premier obstacle était l'exclusivité reconnue à France Télécom pour, d'une part, établir des réseaux filaires de télécommunications ouverts au public et, d'autre part, fournir au public des prestations de téléphonie vocale entre points fixes. Le deuxième obstacle était constitué par les obligations imposées à la diffusion et à la protection de services audiovisuels. dont la rigueur aboutissait à freiner l'utilisation des techniques de diffusion numérique -qui permettent de proposer plusieurs programmes sur un même canal- et à paralyser l'offre de services audiovisuels à la demande.

Il apparaissait donc impératif de pouvoir lancer des expérimentations dérogeant aux règles en vigueur, avant même que ces règles ne soient changées globalement -ce qui était d'ores et déjà prévu pour le 1 er janvier 1998 dans le domaine des télécommunications, en raison des décisions prises dans le cadre de l'Union européenne- pour éviter que les opérateurs français ne prennent du retard sur leurs concurrents européens.

En outre, il était nécessaire que les pouvoirs publics puissent assez rapidement disposer d'éléments d'informations résultant d'expériences concrètes et non pas seulement d'analyses abstraites pour pouvoir prendre les meilleures décisions dans le domaine -ô combien stratégique- que constitue le développement des autoroutes de l'information.

Enfin, ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agissait de créer l'environnement permettant d'atteindre l'objectif fixé -à l'initiative du Sénat- par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire d'une couverture du territoire national par les autoroutes de l'information en 2015.

Bien que porteur de lourds enjeux symboliques, le texte adopté est cependant d'une portée juridique restreinte.

2. Une portée juridique restreinte

La loi du 10 avril 1996 n'a pas remis en cause les principes de la législation relative aux télécommunications ni de celle relative a la communication audiovisuelle.

Elle a simplement permis d'y déroger, de manière temporaire (la durée maximale des licences expérimentales est fixée à cinq ans) et selon des procédures rigoureuses, afin que puissent être mises en oeuvre certaines des expérimentations les plus innovantes qui ont été proposées par les différents acteurs économiques ou locaux.

Les principales dispositions de ce texte sont résumées dans le tableau ci-après :

PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI N° 96-299 DU 10 AVRIL 1996 RELATIVE
AUX EXPÉRIMENTATIONS DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ET
SERVICES DE L'INFORMATION

Article premier : régime des licences expérimentales

Cet article définit les critères généraux et la procédure juridique applicables aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information, dont la mise en oeuvre suppose une dérogation par rapport à la législation en vigueur.

Article 2 : expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications

Cet article permet de déroger, de façon limitée et dans certaines conditions, au monopole de France Télécom concernant le service téléphonique entre points fixes.

Article 3 : dérogations à la législation sur la communication audiovisuelle au profit des expérimentations par voie hertzienne terrestre.

Article 4 : dérogations pour la reprise par multiplexage d'éléments de programme audiovisuels . Cet article vise à donner une base légale à la diffusion multiplexée de services audiovisuels.

Article 5 : expérimentations de services audiovisuels à la demande . Cet article vise à donner une base légale aux expérimentations de services audiovisuels à la demande.

Article 6 : durée d'application du régime des licences. Cet article limite aux trois années qui suivent la publication de la loi la possibilité de délivrer les licences expérimentales.

Article 7 : rapport d'information au Parlement . Cet article dispose que le Gouvernement remettra au Parlement dans un délai de trois ans un rapport d'information sur l'évolution des projets expérimentaux.

Article 8 : applicabilité dans les territoires d'outre-mer.

La France est donc désormais dotée du cadre juridique lui permettant de profiter des nouvelles opportunités fournies par les avancées technologiques.

B. LA LOI N° 96-659 DU 26 JUILLET 1996 DE RÉGLEMENTATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS A CONSACRÉ LOUVERTURE DU SECTEUR À LA CONCURRENCE DANS LE RESPECT DU SERVICE PUBLIC

L'année 1996 a également vu l'adoption de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications 4 ( * ) qui a inscrit dans le droit français le principe de l'ouverture à la concurrence de ce secteur.

Cette réforme constitue un tournant dans l'histoire des télécommunications en France, puisqu'elle a marqué la fin d'un monopole public séculaire sur le téléphone.

1. Une réforme rendue nécessaire tant par l'engagement européen de la France que par les évolutions technologiques

a) La dynamique de l'engagement européen

L'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications a progressivement été réalisée à l'échelon communautaire.

Le secteur des télécommunications n'était pas visé par le Traité de Rome. En 1987, la publication du Livre vert de la Commission européenne sur « Le rôle des télécommunications dans la construction européenne » a permis de définir des règles d'action mises en oeuvre et précisées depuis.

Le tableau ci-après retrace les évolutions européennes dans le secteur des télécommunications.

CALENDRIER EUROPÉEN DE L'OUVERTURE
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À LA CONCURRENCE

1984

- Décision d'engager l'élaboration d'un « Livre vert » sur le rôle des télécommunications dans la construction européenne

1986

- Adoption de l'Acte unique européen

1987

- Publication par la Commission européenne du « Livre vert » sur les télécommunications européennes

16 mai 1988

- Directive instaurant la concurrence pour les terminaux (dont postes téléphoniques).

7 décembre 1989

- Sous présidence française : décision du Conseil des Ministres européens d'ouvrir progressivement à la concurrence la plupart des services de télécommunications, sous réserve des droits exclusifs et spéciaux sur le service téléphonique entre points fixes et sur les infrastructures publiques.

28 juin 1990

- Directives ONP et « services » instaurant la concurrence pour les services de télécommunications hors service téléphonique.

1 er janvier 1993

- Concurrence sur les services de transmissions de données.

16 juin 1993

- Décision du Conseil des Ministres européens de généraliser la concurrence sur tous les services de télécommunications à compter du 1 er janvier 1998.

17 novembre 1994

- Décision du Conseil des Ministres européens de généraliser la concurrence sur les infrastructures à compter
du 1 er janvier 1998..

16 janvier 1996

- Directive instaurant la concurrence sur les mobiles (libéralisés depuis 1987 en France)

13 mars 1996

- Directive modifiant la directive « services » pour fixer le calendrier et les conditions de la généralisation de la concurrence.

1 er juillet 1996

- Concurrence sur les infrastructures alternatives.

1 er janvier 1998

- Concurrence sur le service téléphonique ouvert au public et l'établissement des infrastructures sous- jacentes.

Comme le soulignait déjà votre rapporteur pour avis dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 1996, les mesures adoptées à l'échelon européen nécessitaient donc une adaptation du cadre réglementaire français. Mais les progrès techniques eux-mêmes rendaient cette évolution inéluctable.

b) Un mouvement mondial d'ouverture poussé par les avancées technologiques

Un mouvement mondial de libéralisation

Jusqu'en 1984, les télécommunications étaient partout cloisonnées en monopoles nationaux détenus par les opérateurs publics.

Depuis, de très nombreux pays ont instauré la concurrence dans ce secteur : en 1984, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont été les premiers à le faire, bientôt suivis par les pays d'Europe du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne.

L'ouverture internationale du secteur à la concurrence fait d'ailleurs actuellement l'objet de négociations. Les ministres des pays membres du GATT ont. à Marrakech, lors de la signature du cycle de l'Uruguay, décidé d'entamer de nouvelles négociations dans plusieurs secteurs et notamment dans le secteur des télécommunications. Ils ont fixé au Groupe de négociations sur les télécommunications de base (GNTB), structure qui a été mise en place à l'Organisation mondiale du commerce pour mener à bien ces négociations, un délai de deux ans pour aboutir.

Pour ces négociations sur les télécommunications, la Communauté européenne et les États membres ont une compétence partagée. La délégation européenne comprend donc tout à la fois des représentants de la Commission et des représentants des États membres.

Suite à un revirement des États-Unis sur la question des télécommunications par satellites dans les dix derniers jours de la négociation, il a été impossible d'aboutir à la signature d'un accord le 30 avril 1996. Il a alors été décidé de prolonger les négociations jusqu'au 15 février 1997 en s'appuyant sur les résultats déjà obtenus.

Votre rapporteur pour avis estime que l'impossibilité de conclure un accord en avril dernier n'entame pas le processus, largement inéluctable, de libéralisation de ce secteur.

Les nouvelles technologies rendent les monopoles nationaux largement caducs

Comme l'ont fort bien montré les débats de votre commission des Affaires économiques, lors de l'adoption de la loi de réglementation des télécommunications 5 ( * ) , les nouvelles technologies ignorent les frontières et tendent à faire des monopoles nationaux des « boucliers de cartons ».

L'exemple du « call back », qui permet déjà de détourner le monopole de France Télécom sur le téléphone entre points fixes pour les appels internationaux, est à cet égard révélateur.

Face à ces évolutions, le Gouvernement a déposé en avril un projet de loi, adopté par le Parlement, permettant d'adopter le cadre réglementaire français.

2. La loi de réglementation des télécommunications met en place pour les années à venir un cadre concurrentiel qui s'articule autour du respect du service public des télécommunications

a) Une ouverture à la concurrence qui renforce les droits des consommateurs

L'avancée principale du texte est de permettre à de nouveaux opérateurs d'établir un réseau ou de fournir un service de télécommunication.


• De nouvelles libertés

Le texte de loi réforme le code des postes et télécommunications et assouplit les régimes juridiques existants en abolissant le monopole jusqu'alors réservé à France Télécom.

La concurrence en 1998 sera complète : elle touchera, sans restriction, l'ensemble des segments du marché, indépendamment de la clientèle visée, de la technologie utilisée ou du service offert. Cette concurrence sera également ouverte : le nombre de licences susceptibles d'être octroyées à de nouveaux opérateurs ne sera pas limité a priori.

Le nouveau régime juridique des activités de télécommunications est le suivant :

- Pour l'établissement et l'exploitation des réseaux :

D'autres opérateurs que France Télécom pourront désormais être autorisés par le ministre chargé des télécommunications (pour les réseaux ouverts au public) ou par l'Autorité de régulation des télécommunications (pour les réseaux dits indépendants) à établir et exploiter les réseaux. Les petites installations de proximité pourront être établies librement.

- Pour la fourniture des services de télécommunications : Le service téléphonique entre points fixes n'est plus l'apanage exclusif de France Télécom, d'autres opérateurs pourront être autorisés par le ministre à le fournir.

Le régime de la fourniture d'autres services (services radioélectriques. certains services sur réseaux câblés...) est également libéralisé puisqu'il s'agit, suivant les cas, soit d une liberté totale soit d'un simple régime déclaratif auprès de l'Autorité de régulation des télécommunications.

Pour rendre possible la concurrence et la coexistence de plusieurs opérateurs téléphoniques, le texte pose le principe et les conditions de l'interconnexion , c'est-à-dire de la liaison physique et logique des réseaux de télécommunications des différents opérateurs, par convention entre eux. Le texte affirme l'existence d'un droit à partir du moment où la demande n'est pas déraisonnable, ce qui assure en pratique que le développement de la concurrence ne puisse pas être freiné par l'éventuelle mauvaise volonté d'un opérateur déjà en place. Néanmoins, c'est à un décret -qui est actuellement en cours d'élaboration- que renvoie l'article 6 de la loi (article L.34-8 du code des postes et télécommunications) pour la fixation des principes de tarification des accords d'interconnexion. Ce point, lourd d'enjeux financiers pour les futurs entrants sur le marché, ne manquera pas de retenir toute l'attention de votre Commission pour avis .


• De nouvelles garanties pour le consommateur

Le texte adopté permet certaines avancées notables pour l'ensemble des usagers, grand public ou entreprises.

- Il s'agit d'abord de la « portabilité » des numéros de téléphone, c'est-à-dire de la possibilité pour un abonné de garder le même numéro de téléphone s'il déménage ou s'il s'abonne à un autre opérateur.

La portabilité sera mise en oeuvre en deux temps :

Le nouvel article L.34-10 du code des postes et télécommunications prévoit qu'à partir de 1998 un abonné pourra conserver son numéro s'il change d'opérateur sans changer d'implantation géographique. À compter de 2001 , l'abonné pourra obtenir un numéro qu'il gardera même s'il change d'implantation géographique. C'est la portabilité dite « géographique ».

- En outre, le texte adopté assouplit le régime de la cryptologie, c'est-à-dire du chiffrement des données, permettant ainsi le développement futur des transactions électroniques. Désormais, la liberté sera totale d'utiliser des moyens de cryptologie pour rendre confidentiel un message à condition que les clés de chiffrement employées soient gérées par un « tiers de confiance ».

- De plus, la concurrence préservera l'universalité des télécommunications. Un annuaire universel, recensant tous les abonnés de tous les opérateurs, sera établi pour éviter que la concurrence sur le téléphone ne se traduise par des « bibliothèques » d'annuaires forts peu commodes à manier et à consulter.

- Enfin, à l'initiative de notre Haute Assemblée, le texte adopté consacre le principe de l'insaisissabilité de la ligne téléphonique, c'est-à-dire de la possibilité pour les personnes les plus en difficulté, qui ne peuvent payer leurs factures téléphoniques, de continuer pendant un an à recevoir des appels et de pouvoir appeler les services d'urgence et les numéros dits verts. Le téléphone est, en effet, bien souvent un facteur important pour préserver son capital relationnel et ne pas basculer dans l'exclusion.

La loi de réglementation a, en outre, mis en place un nouveau volet institutionnel.

b) Un nouveau dispositif institutionnel


• L'Autorité de régulation des télécommunications

Conformément aux recommandations de votre commission des Affaires économiques 6 ( * ) , le texte présenté par le Gouvernement a instauré une autorité de régulation indépendante du pouvoir (l'État ne peut, en effet, être juge et partie, c'est-à-dire arbitrer la concurrence tout en possédant France Télécom), mais dont les pouvoirs n'aient pas une étendue excessive qui heurterait notre tradition juridique où l'État est lui-même le garant de l'intérêt général.

Les dispositions du texte qui instaurent l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) satisfont à ces exigences, comme le montre le tableau ci-dessous qui détaille les compétences dévolues à l'Autorité :

COMPÉTENCES DE L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DU MINISTRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LE MINISTRE CHARGÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

met en oeuvre les règles :

- propose les règles d'application des lois et
décrets ;

- délivre des autorisations (réseaux indépendants)
et reçoit les déclarations ;

- attribue les numéros et les fréquences, gère le
plan de numérotation ;

- délivre l'agrément des terminaux ;

- approuve les tarifs d'interconnexion

fixe les règles :

- mène les négociations internationales ;

- propose les lois et décrets ;

- délivre les licences pour les réseaux et services
téléphoniques au public

contrôle l'application des règles :

- contrôle le respect des licences

- arbitre les conflits d'interconnexion

- prononce des sanctions administratives et financières (cf. tableau, ci-après) ;

- propose des médiations dans les conflits

contrôle le service public et le service universel

- contrôle les tarifs ;

- contrôle le financement du service universel

soutient le ministre pour l'exercice de ses attributions :

- est associée aux négociations internationales ;

- est associée à l'élaboration des lois et décrets.

- donne un avis sur les tarifs ;

- propose et surveille les contributions au financement du service universel

En outre, l'Autorité de régulation (ART) est dotée de pouvoirs de sanction importants.

Le Président de l'ART dispose du pouvoir de saisine du Conseil de la Concurrence des abus de position dominante ou des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur des télécommunications.

L'Autorité a, en outre, des pouvoirs de sanction qui lui sont propres :

1) En cas d'infraction d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de services à une disposition législative ou réglementaire, l'autorité le met en demeure de s'y conformer dans un délai déterminé. Elle peut rendre publique cette mise en demeure.

2) Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision de l'autorité ou à une mise en demeure, l'autorité peut prononcer à son encontre une des sanctions suivantes :

- soit, en fonction de la gravité du manquement, la suspension totale ou partielle, la réduction de la durée ou le retrait de l'autorisation ;

- soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, une sanction pécuniaire, ne pouvant excéder 1 % du chiffre d'affaires, porté à 3 % en cas de nouvelle violation de la même obligation, ou un million de francs, porté à deux millions en cas de nouvelle violation de la même obligation.

La loi de réglementation a également posé le principe de la mise en place d'un nouvel établissement public : l'agence des fréquences.


• L'agence des fréquences

L'article 14 de la loi de réglementation des télécommunications a changé le mode de gestion en France du spectre des fréquences radio-électriques, en mettant en place l'agence nationale des fréquences.

L'AGENCE NATIONALE DES FRÉQUENCES

Son statut :

- établissement public de l'État à caractère administratif.

- président du conseil d'administration nommé par décret.

Ses missions :

- planification, gestion et contrôle de l'utilisation des fréquences ;

- préparation et coordination de la position française dans les négociations internationales sur les fréquences ;

- coordination nationale des implantations de stations radioélectriques.

c) Le service public des télécommunications, une option politique majeure

Comme il a été largement souligné lors des débats qui se sont tenus devant votre Haute Assemblée, la concurrence qui se généralisera au 1 er janvier 1998 ne signifie pas la fin du service public dans les télécommunications, tout au contraire. Les nouvelles règles du jeu ont permis de définir le service public des télécommunications et d'en assurer un financement qui soit réparti entre tous les opérateurs, même si France Télécom reste, aux termes mêmes de la loi, l'opérateur public chargé du service universel.

DÉFINITION DU SERVICE PUBLIC DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Le service public dans les télécommunications comprend trois éléments :

le service universel, c'est-à-dire le service de base du téléphone, de qualité et fourni à un tarif abordable, auquel se rajoutent plusieurs fonctionnalités complémentaires (cabines publiques, appels d'urgence gratuits, annuaire et service de renseignement) ; ce service universel, qui est au coeur de notre service public, pourra voir sa définition enrichie en fonction des besoins de la société et de la technologie. Une clause de « rendez-vous » tous les quatre ans au moins avec le Parlement est prévue à cet effet :

les services obligatoires, tels que l'accès au RNIS, les transmissions de données, le télex ou les services avancés sur le réseau téléphonique, qui seront fournis sur l'ensemble du territoire ;

les missions d'intérêt général, dans le domaine de la défense et de la sécurité, de la recherche publique et de la formation, qui sont accomplies sous la responsabilité de l'État et pour son compte.

Les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité s'appliquent au service public des télécommunications.

La loi instaure, en outre, un mécanisme de financement 7 ( * ) par tous les opérateurs des charges qui résultent du service public, afin que les coûts qu'occasionne, par exemple, le raccordement des abonnés isolés en zone rurale par l'opérateur chargé du service universel -qui a seul l'obligation de raccorder toutes les personnes qui en font la demande- soient répartis entre tous les opérateurs.

Le tableau ci-après résume le mécanisme de financement mis en place :

LE FINANCEMENT DU SERVICE UNIVERSEL PAR L'ENSEMBLE DES
OPÉRATEURS

La participation de tous les opérateurs aux coûts nets du service universel se fera par deux moyens :

une rémunération versée en sus de la rémunération d'interconnexion (calculée au prorata de la part de l'opérateur dans le trafic téléphonique) qui compense :

- la péréquation géographique ;

- la péréquation liée au déséquilibre historique de la structure des tarifs de France Télécom (amené à se résorber).

le fonds de service universel (les versements y sont proportionnels au volume de trafic de l'opérateur), qui compense :

- la péréquation sociale ;

- le coût des cabines publiques, de l'annuaire universel, du service universel de renseignements ;

- la péréquation géographique (qui ne sera financée par le fond que quand la rémunération additionnelle sera supprimée).

À terme, le fonds de service universel sera le seul moyen de financement des coûts du service universel.

d) L`aménagement du territoire, une priorité réaffirmée


• Le contrat de plan de France Télécom et la politique tarifaire

La signature du contrat de plan entre France Télécom et l'État le 13 avril 1995 fixait des objectifs quant au rôle joué par France Télécom en matière d'aménagement du territoire.

La politique tarifaire de France Télécom contribue au développement du territoire. La baisse du prix des services des télécommunications et notamment la baisse du tarif des communications longue distance est déterminante en ce domaine et modifie la problématique du coût des télécommunications au regard de l'aménagement du territoire.

De plus, l'égalité d'accès des citoyens au téléphone se traduit par une péréquation tarifaire qui est d'abord géographique. Cette péréquation géographique, et « l'égal accès » au téléphone, quelle que soit la localisation, est réaffirmée par la loi de réglementation des télécommunications.


• Un enrichissement du contenu du futur schéma sectoriel des télécommunications

La loi du 4 février 1995 relative au développement et à l'aménagement du territoire (article 20) dispose qu'un schéma sectoriel des télécommunications -actuellement en cours d'élaboration- doit être défini par décret. Ce schéma sectoriel a pour objet de préciser les objectifs de développement et de modernisation des infrastructures et services de base de ce secteur, mais aussi d'indiquer comment pourraient se développer de nouvelles formes d'accès à distance aux services publics et de nouveaux services avancés de communication ou d'information.

Sur proposition de notre Haute Assemblée, la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a introduit un alinéa supplémentaire à l'article 20 de la loi du 4 février 1995 relatif au schéma sectoriel des télécommunications.

Cet alinéa dispose que le schéma des télécommunications prévoira un accès préférentiel pour les établissements scolaires et universitaires aux services les plus avancés de télécommunications. Les établissements des zones les plus fragilisées pourront bénéficier de tarifs de raccordements préférentiels.


• Une exigence accrue de couverture du territoire national par la radiotéléphonie mobile

Les cahiers des charges des opérateurs de radiotéléphone leur font obligation de couvrir un pourcentage donné de la population selon un strict calendrier. Ceci correspond à une double exigence : faire en sorte que les opérateurs ne concentrent pas exclusivement leurs efforts sur les parties les plus rentables du territoire et permettre à la plus grande partie de la population d'accéder à ces services.

À titre d'exemple, les réseaux GSM autorisés en 1991 devaient couvrir 70 % de la population en 1995, soit trois ans après l'ouverture commerciale des réseaux de France Télécom et de SFR et 85 % fin 1997. Par ailleurs, l'autorisation d'exploiter le réseau DCS 1800 impose à Bouygues Télécom de couvrir 15 % de la population en juin 1996, soit six mois après l'ouverture commerciale, 54,2 % fin 1998 et 86,6 % fin 2005.

Conscient de l'enjeu considérable que représente le téléphone mobile pour l'espace rural, le Parlement, lors de la discussion de la loi de réglementation des télécommunications, a souhaité aller plus loin.

Pour promouvoir une meilleure couverture du territoire, les opérateurs de téléphonie mobile seront exemptés d'une partie du financement du service universel (celle qui correspond au déséquilibre de la structure tarifaire de France Télécom), à condition qu'ils s'engagent avant le 1er octobre 1997 à couvrir avant le 1 er janvier 2001 « des routes nationales, des autres axes routiers principaux et des zones faiblement peuplées du territoire » (voir article L.35-3 nouveau du code des postes et télécommunications, article 8 de la loi du 26 juillet 1996). Le dispositif est résumé ci-après :

L'EXEMPTION CONDITIONNELLE DES OPÉRATEURS MOBILES DANS LA LOI DE RÉGLEMENTATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

1 er octobre 1997 : les opérateurs s'engagent à une couverture des zones faiblement peuplées avant le 1 er janvier 2001 ;

en contrepartie, ils sont exemptés d'une partie du financement du service universel ;

ceux qui ne s'engagent pas avant le 1 er octobre 1997 sont exclus, par le ministre chargé des télécommunications sur proposition de l'Autorité de régulation, du bénéfice de l'exemption.

Ce mécanisme incitatif devrait permettre une plus large couverture de la population et non seulement du territoire national, au bénéfice des zones les moins denses.

Ce cadre législatif profondément rénové permet que se fasse sans mal la mutation engagée du secteur des télécommunications.

II. UN SECTEUR EN PROFOND CHANGEMENT

A. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RADIOTÉLÉPHONIE MOBILE ET L'OUVERTURE DU TROISIÈME RÉSEAU BOUYGUES TÉLÉCOM

1. Un marché en pleine expansion

Votre rapporteur pour avis soulignait déjà, dans son avis budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 1996, l'ampleur qu'était, selon lui, appelé à prendre dans notre pays l'usage du radiotéléphone.

Cette prévision ne s'est pas démentie, loin de là.

Depuis l'ouverture à la concurrence en 1987, le marché français de la radiotéléphonie cellulaire a connu de profondes modifications. Aujourd'hui, cinq services sont offerts par trois opérateurs :

- France Télécom propose un service analogique et un service numérique à la norme GSM (Itinéris). Ce dernier est ouvert depuis 1992 ;

- la SFR, filiale de la Compagnie générale des Eaux, exploite également un service analogique depuis 1987 et un service numérique depuis 1992 ;

- Bouygues Télécom a été autorisé fin 1994 à établir et exploiter un réseau de radiotéléphonie à la norme DCS 1800 sur le territoire national. Le service est ouvert depuis fin mai 1996.

Le lancement du réseau de Bouygues Télécom a entraîné un fort développement du nombre d'abonnés, non seulement pour ce nouvel arrivant, mais également pour les opérateurs déjà présents sur le marché. France Télécom, avec son offre Itinéris, a d'ailleurs fêté en septembre son premier million d'abonnés. Ce développement a été encouragé par une baisse très significative des tarifs de chacun des opérateurs.

NOMBRE D'ABONNÉS AU RADIOTÉLÉPHONE EN FRANCE

FIN 1995

FIN JUIN 1996

CROISSANCE EN SIX MOIS

PART DE MARCHÉ

Itinéris

700.700

937.400

34 %

65 %

SFR

305.500

499.600

67 %

35 %

Bouygues Télécom

-

12.600

-

-

TOTAL NUMÉRIQUE

1.066.200

1.449.600

45 %

100 %

Radiocom 2000

146.760

122.300

- 20 %

48 %

SFR analogique

141.989

132.700

- 7 %

52 %

TOTAL ANALOGIQUE

289.749

255.000

- 14 %

100 %

Source : DGPT

Le radiotéléphone est donc devenu en France un produit grand public. Le taux d'équipement en téléphones mobiles de notre pays, qui reste inférieur à celui de nos partenaires (à seulement 2,8 % de taux de pénétration contre 10 % au Royaume-Uni. 5.4 % en Allemagne, 8,1 % en Italie et 2,5 % en Suède) devrait, de l'avis de votre rapporteur, continuer à croître jusqu'à s'aligner sur celui des autres pays occidentaux.

2. Des interrogations quant aux effets sur la santé publique des champs électromagnétiques

Face à ce développement accéléré, qui a une ampleur largement mondiale, un débat a surgi entre scientifiques quant à l'innocuité sur la santé de l'usage des radiotéléphones, dont la presse s'est fait l'écho 8 ( * ) . Ce débat, qui concerne 85 millions d'utilisateurs à travers le monde, n'a pour l'instant pas permis de tirer de conclusion définitive. Il en ressort néanmoins que tout risque n'est pas écarté. En effet, les téléphones mobiles émettent des rayonnements électromagnétiques de faible puissance, absorbés pour moitié par l'organisme, provoquant ainsi un échauffement dans le liquide céphalo-rachidien et le cerveau.

HISTORIQUE DU DÉBAT SCIENTIFIQUE SUR LA NOCIVITÉ DES ONDES
ÉLECTROMAGNÉTIQUES

Milieu des années 1960 : des chercheurs soviétiques mettent en cause les champs électromagnétiques générés par les lignes à haute tension. La méthodologie employée est contestée par les chercheurs occidentaux.

Fin des années 1970 : des chercheurs américains établissent une corrélation entre la fréquence du cancer chez les enfants et la proximité des réseaux électriques.

1991 : aux États-Unis plainte (classée sans suite) contre Motorola suite au décès Par tumeur du cerveau d'un utilisateur de téléphone cellulaire.

1993 : l'INSERM estime, dans un rapport commandé par EDF. qu'il n'y a que « très peu d'arguments » permettant d'établir une corrélation entre l'exposition a un champ magnétique et le cancer, même si on ne peut « totalement exclure » une influence sur le développement d'une leucémie chez l'enfant.

Seconde moitié des années 1990 : lancement de très nombreuses études dont aucune ne permet de mettre en évidence une corrélation entre l'usage du téléphone mobile et les troubles de la santé.

Mai 1996 : lancement d'un programme de recherche par l'OMS (organisation mondiale de la Santé) sur cinq ans.

1997-2002 : financement par la Communauté européenne d'un groupe d'experts sur le sujet.

Votre rapporteur pour avis estime que sans céder aux paniques irrationnelles qui seraient dommageables pour le développement de cet outil d'avenir des télécommunications qu'est le radiotéléphone, il convient néanmoins d'identifier les risques éventuels.

Surtout, il faut faire la part entre ce qui relève de vrais enjeux de santé publique et une éventuelle manipulation économique visant à remettre en cause le développement des technologies hertziennes.

L'effort d'expertise en la matière doit donc être poursuivi. Votre Commission pour avis engage le Gouvernement à persévérer dans les efforts entrepris dans ce sens.

B. LE PASSAGE À LA NOUVELLE NUMÉROTATION

Cet événement, dont les modalités ont été largement décrites par les média et directement vécues par tous nos concitoyens, n'appelle pas de trop longs développement.

Aussi, votre rapporteur pour avis se contentera-t-il d'en exposer brièvement les causes et le financement.

1. Les causes de la nouvelle numérotation

Onze ans après la précédente réforme, le passage à cette nouvelle numérotation est destiné à accroître le nombre de numéros disponibles, de 60 millions à 470 millions.

Bien que des numéros de dix chiffres commençant tous par zéro offrent, en théorie, près d'un milliard de combinaisons, seuls 470 millions d'entre eux sont réellement exploitables, du fait de la réservation de certains numéros et du découpage de la France en cinq régions.

La forte croissance de la téléphonie mobile, de la télécopie, de la télématique, l'ouverture à la concurrence, les nouveaux services comme la radio-messagerie ou les radio-ordinateurs, ainsi que la croissance démographique de la population française contribuent à faire exploser la demande de numéros Les experts estiment que chaque personne utilisera en 2050 six numéros de téléphone, contre environ 1,5 aujourd'hui. D'ores et déjà, un million de nouveaux numéros sont créés chaque année.

2. Le coût du changement


• Le coût pour France Télécom

Globalement, le coût de la modernisation et de la mise à niveau des centraux se chiffre pour l'opérateur public à 5 milliards de francs.


• Le coût pour les entreprises

Comme l'indiquait le ministre M. François Fillon en réponse à la question d'un de nos collègues député 9 ( * ) , le code des postes et télécommunications (article D.447) et le contrat de France Télécom (article 11) disposent que, en cas d'évolution nécessaire du réseau public, les adaptations liées à cette évolution sont à la charge des propriétaires des installations terminales.

Le coût total à la charge des entreprises est évalué à 2 milliards de francs.

Selon la direction générale des postes et des télécommunications, près de 17 % des 600.000 autocommutateurs en service (systèmes permettant d établir automatiquement des connexions temporaires entre des lignes entrantes et sortantes) devront être renouvelés, tandis que les autres subiront une réactualisation, notamment ceux utilisant les services de numérotation abrégée ou de restrictions d'appels.

Afin d'éviter tout abus de tarification de la part des fournisseurs de matériel et des installateurs, le ministère des télécommunications a mené une enquête dont les résultats, ainsi qu'une liste de prestataires agréés sont disponibles sur serveur minitel.

C. LES GRANDES MANOEUVRES DU MARCHÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

La perspective de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications au 1 er janvier 1998 a amené les entrants potentiels à constituer de nouvelles alliances en vue de pénétrer ce marché.

Parmi ces évolutions, on peut en citer deux parmi les plus récents, la création des filiales télécommunications de la SNCF et de la RATP, ainsi que la mise en place de Cégétel.

1. La création de Télécom Développement, Filiale de la SNCF et de Télécom Réseaux, Filiale de la RATP

La SNCF dispose de 28.000 kilomètres d'emprises équipées de câbles, dont environ 8.600 en fibres optiques, le long de son réseau. Afin d'exploiter cette infrastructure dite « alternative ». elle a décidé, en novembre 1995, de la création d*une filiale spécialisée dans les télécommunications. « Télécom Développement ». La parution de l'arrêté interministériel rendant officielle cette création est attendue sous peu au Journal officiel. D'ores et déjà, le conseil d'administration de la SNCF du 25 septembre 1996 a approuvé une augmentation du capital de sa filiale de 2 milliards de francs.

Depuis mai 1995. la SNCF a obtenu l'autorisation de revendre des capacités de transmission aux opérateurs de téléphonie mobile (la SFR utilise déjà le réseau de la SNCF sur l'axe Paris-Lille). La nouvelle loi de réglementation des télécommunications va plus loin puisque la SNCF sera autorisée à utiliser son réseau pour l'ensemble des services de télécommunications. Ce réseau en fibre optique doit, à terme, s'intégrer à un réseau paneuropéen baptisé Hermès, qui regroupera près d'une dizaine de sociétés de chemin de fer. Pour les nouveaux entrants sur ce marché, qui comptent rivaliser en 1998 avec les opérateurs historiques, nouer des liens avec les opérateurs ferroviaires représente un intérêt stratégique considérable.

En Allemagne comme en Italie, les acteurs les plus déterminés se sont ainsi alliés avec les chemins de fer allemands et italiens pour constituer l'amorce d'un réseau alternatif d'envergure nationale.

Aussi, la SNCF envisage-t-elle l'entrée dans le capital de Télécom Développement de partenaires stratégiques déjà implantés dans le secteur des télécommunications. Il s'agit, d'une part, d'établissements financiers apporteurs de capitaux et, d'autre part, d'un opérateur disposant de l'expérience technique. La banque d'affaires Lehman Brothers a été chargée de sélectionner ce partenaire, sur la base d'un appel à candidatures auquel ont répondu la plupart des opérateurs.

De même, la RATP qui possède également des infrastructures dites « alternatives » de télécommunications, a annoncé la création de sa filiale Télécom Réseaux, afin d'exploiter ses 300 kilomètres d'emprises ferroviaires qui pourraient servir de support à 200 kilomètres de câbles.

2. La création de Cégétel

La Compagnie générale des eaux, comme l'a affirmé son président M. Jean-Marie Messier 10 ( * ) , entend faire des télécommunications un pôle majeur du groupe, représentant 20 % de ses activités. Dans cette perspective, les activités télécommunications du groupe ont été réunies au sein d'une filiale, Cégétel.

Fin septembre, la Compagnie générale des eaux annonçait l'ouverture du capital de Cégétel à BT, opérateur britannique, à hauteur de 25 % ainsi qu'à l'allemand Mannesmann à hauteur de 10 %, en plus de l'américain SBC (pour 15 %). La maison mère ne conservera que 50 % du capital de sa filiale.

Cette alliance capitalistique n'est qu'un des multiples exemples possibles pour montrer l'attrait qu'exerce sur les opérateurs le marché français des télécommunications en voie de libéralisation.

III. FRANCE TÉLÉCOM, UN OPÉRATEUR EN MUTATION

A. L'ADAPTATION DU STATUT DE FRANCE TÉLÉCOM

Votre commission des Affaires économiques 11 ( * ) a appelé de ses voeux, au printemps dernier, une réforme du statut de l'opérateur public afin de le mettre en position d'affronter la concurrence.

1. Le changement de forme sociale de l'opérateur

Le Gouvernement s'est engagé dans cette voie à la suite d'une large concertation.

Les 18 mars et 29 avril derniers, le Premier ministre confirmait les garanties apportées au personnel. Le projet de loi était adopté en Conseil des ministres, le 29 mai. La loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel 12 ( * ) , change la forme juridique de France Télécom en préservant le statut des personnels et les missions de service public de l'opérateur.

PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI RELATIVE À L'ENTREPRISE
NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM

La loi prévoit la transformation, à compter du 31 décembre 1996, de France Télécom en « une entreprise nationale dont l'État détient directement plus de la moitié du capital ».

Les dispositions permettant d'assurer et de garantir les missions de service public de l'opérateur et la situation des personnels :

La loi portant création de l'entreprise nationale France Télécom prévoit trois garanties essentielles :

- la propriété directe et majoritaire du capital par l'État ;

- le maintien du statut des fonctionnaires et du régime de retraite associé ;

- la continuité du service public, grâce à un droit d'opposition de l'État à la cession ou à l'apport d'actifs nécessaires à la continuité du service public.

Les dispositions de nature à faciliter les conditions de fonctionnement de l'entreprise dans un cadre concurrentiel

Le cadre juridique applicable à l'entreprise nationale France Télécom est rapproché de celui de ses concurrents : France Télécom est. en partie, soumis aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes, les règles relatives à la composition et aux pouvoirs du conseil d'administration sont celles prévues par la loi n° 83-675 relative à la démocratisation du secteur public.

Les conditions de recrutement et de financement des retraites de France Télécom sont également rapprochées de celles des entreprises de droit commun :

- l'entreprise est libre de recruter du personnel employé sous le régime des conventions collectives ; des fonctionnaires pourront toutefois être recrutés jusqu'au 1 er janvier 2002 ;

- l'entreprise est soumise, pour le financement des charges sociales et fiscales obligatoires pesant sur les salaires, à un système de taux de contribution libératoire permettant d'obtenir un niveau de charges comparable à celui des autres entreprises du secteur des télécommunications.

Les dispositions favorisant la réforme interne de l'entreprise

- En vue de favoriser le dialogue social entre la direction social entre la direction et les personnels de l'entreprise nationale, il est créé un comité paritaire en charge d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel ; la loi prévoit explicitement la conclusion d'accords collectifs dans différents domaines. Des dispositions relatives au congé de fin de carrière sont de nature à accélérer le rééquilibrage de la pyramide des âges de l'opérateur.

- La loi permet de mettre en oeuvre, auprès de l'ensemble des personnels, un régime de participation aux résultats de l'entreprise et prévoit également la mise en place d'un actionnariat salarié, instrument de motivation à long terme des personnels.

Dans le cadre de la politique de rajeunissement des personnels de France Télécom (la moyenne d'âge dans l'entreprise est de 43 ans actuellement), M. Michel Bon a annoncé au mois de septembre 1996 le recrutement de 6.000 jeunes.

Votre rapporteur se félicite de cette initiative qui correspond tout à fait au souhait exprimé par votre commission des Affaires économiques que la politique de l'emploi à France Télécom permette à la fois d'insérer de jeunes arrivants sur le marché du travail et de remédier au problème spécifique de la nécessité de rajeunissement de l'opérateur.

2. Le règlement du problème des retraites

Comme l'ont déjà largement montré tant les travaux de votre Commission 13 ( * ) que l'ensemble des débats parlementaires du mois de juin dernier, les charges de retraite supportées par France Télécom avant la réforme de son statut étaient, à terme, insoutenables. Le texte adopté permet de remédier au problème qui, votre rapporteur pour avis le soulignait il y a un an déjà, hypothéquait gravement l'avenir de l'entreprise.

LE FINANCEMENT DES RETRAITES DES AGENTS DE FRANCE TÉLÉCOM :

Les éléments du problème : les fonctionnaires relèvent du régime spécial de retraites de la fonction publique défini par le code des pensions civiles et militaires.

Dans l'ancien système, les pensions étaient versées directement par l'État, France Télécom remboursant chaque année à l'État, à due concurrence, le montant des charges de retraites de ses agents fonctionnaires grâce à une retenue sur leur traitement au taux de 7,85 % et à une contribution complémentaire de France Télécom qui permettait la prise en charge intégrale des pensions des agents fonctionnaires retraités de France Télécom.

Le régime des pensions civiles et militaires étant un régime à prestations définies et non à cotisations libératoires comme l'est le régime général, France Télécom s'engageait sur le futur pour assurer le financement, en tant que de besoin, des retraites de ses fonctionnaires. Compte tenu des hypothèses faites sur l'emploi et la répartition par âges du personnel de France Télécom, le maintien du système conduisait à une augmentation sensible de ces charges, pouvant atteindre 13 milliards de francs en 2007 -soit près d'une fois et demi le bénéfice 1995-25 milliards de francs en 2017 et 34 milliards de francs en 2027.

Les solutions apportées par le texte de loi

Ce texte adopté affirme la prise en charge par l'État de la charge de paiement des pensions des anciens agents des télécommunications.

En contrepartie. France Télécom versera à l'État :

a) une contribution « employeur » à caractère libératoire dont le taux est calculé afin d'égaliser, entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications, les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires pesant sur les salaires , pour les risques communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires (c'est-à-dire en excluant la cotisation chômage).

b) une contribution forfaitaire exceptionnelle -ou « soulte »- versée une fois pour toutes en 1997. Le transfert d'une partie des charges de retraites des fonctionnaires de France Télécom au budget général crée, sans conteste, une charge nouvelle pour l'État. Afin d'en diminuer l'importance, il est prévu que France Télécom verse à l'État une contribution forfaitaire exceptionnelle de 37,5 milliards de francs (voir chapitre premier).

Un tel mécanisme n'a pas d'effet sur le niveau des prestations perçues par les agents de France Télécom.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner l'importance que revêt à ses yeux l'entrée de la France dans la monnaie unique. À ce titre, il se félicite que le budget de l'État proposé pour 1997 permette, grâce à la contribution de France Télécom, de respecter les critères de convergence fixés par le Traité sur l'Union européenne.

B. LA SITUATION FINANCIÈRE DE FRANCE TÉLÉCOM

1. Les principaux résultats financiers


• En 1995, le chiffre d'affaires
de France Télécom s'établit à 133 milliards de francs, en légère progression. L'excédent brut d'exploitation est de 63 milliards de francs, en hausse de 3,3 %. Le résultat net de l'exercice s'élève à 9,7 milliards de francs, en progression de 5,1 %.


• Le chiffre d'affaires total estimé pour 1996
-hors prise en compte des éléments exceptionnels liés au changement de statut de France Télécom- est de 134,6 milliards de francs, soit une augmentation de 1,2 % par rapport au chiffre d'affaires réalisé en 1995.

En ce qui concerne le chiffre d'affaires relatif au seul trafic téléphonique, il est estimé pour 1996 à 85,4 milliards de francs, soit une baisse 1,7 % par rapport au chiffre d'affaires de 1995. Cette diminution est due aux baisses importantes des tarifs relatives aux liaisons louées, intervenues le 1 er janvier 1996 et aux baisses des tarifs des communications internationales et nationales longue distance, intervenues le 2 mars et le 9 juillet 1996. Ces baisses importantes ne seront probablement pas entièrement compensées par 1 augmentation volume et l'augmentation du prix des abonnements.


• L'endettement,
s'il reste élevé, poursuit sa pente décroissante. En conséquence, les frais financiers devraient représenter en 1996 4,9 % du chiffre d'affaires, contre 5,1 % en 1995.

ÉVOLUTION DE LA DETTE FINANCIÈRE DE FRA,CE TÉLÉCOM

1991

1992

1993

1994

1995

1996 (prévision)

120,6

111,6

105,6

95,0

84,3

74,6

(en milliards de francs)

La nécessité de verser 37,5 milliards de francs à l'État en 1997 va néanmoins probablement inverser cette tendance et causer une hausse de l'endettement de France Télécom.

En ce qui concerne le programme d'investissement de l'opérateur, le total des investissements programmés en 1996 se monte à 39 milliards de francs, en augmentation de 39 % par rapport à 1995.

Pour 1997, les investissements, au-delà des programmes classiques liés à la croissance ou à l'amélioration de la qualité de service, devraient concerner la modernisation du réseau et le développement de l'offre de services autour de six axes :

- le développement de la radiotéléphonie mobile, avec en particulier la poursuite du déploiement et de la densification de la couverture du radiotéléphone numérique Itinéris :

- la modernisation du système d'information, notamment dans le domaine commercial ;

- le renouvellement des équipements de commutation anciens avec la mise en service de commutateurs électroniques de troisième génération et la généralisation de nouvelles versions du logiciel des commutateurs, permettant l'ouverture de nouveaux services aux abonnées ;

- l'utilisation massive de la fibre optique dans le réseau de transmission (au total 2 millions de kilomètres de fibre optique devant être installés d'ici à l'an 2000) ;

- le développement de nouveaux services numériques pour les entreprises (Numéris, raccordements optiques et réseaux privés) ;

- l'expérimentation de nouveaux services multimédia sur les autoroutes de l'information. Votre rapporteur pour avis, qui, en sa qualité de rapporteur de la mission commune d'information du Sénat sur les nouvelles technologies de l'information, mesure l'enjeu essentiel que représentent, pour notre société, les autoroutes de l'information, ne peut que se réjouir de cette orientation.

2. L'évolution tarifaire

a) La loi a posé le principe d'un réajustement des tarifs de France Télécom pour lui permettre de faire face à la concurrence

La situation de départ

Traditionnellement, France Télécom demandait des prix relativement élevés pour les communications à longue distance et des prix en deçà des autres pays -et inférieurs aux coûts- pour l'abonnement résidentiel et -dans une moindre mesure- les appels locaux. Un tel déséquilibre tarifaire résultait largement de l'histoire et de la situation de monopole.

L'obligation de résorption de ce déséquilibre historique

Les engagements européens 14 ( * ) de la France, mais surtout l'ouverture à la concurrence rendaient indispensable un rééquilibrage des tarifs qui les rapproche des coûts réels. Sinon, un autre opérateur aurait pu déstabiliser l'opérateur public en captant les segments les plus rentables du marché par des offres de prix avantageuses (surtout s'il n'a pas à supporter les coûts fixes liés à l'accomplissement du service public et au raccordement des réseaux locaux).

Aussi, la loi de réglementation des télécommunications, votée en juin dernier, a-t-elle posé le principe d'une résorption du déséquilibre tarifaire de France Télécom.

LOI DE RÉGLEMENTATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Article L.35-3 II. 3° du code des postes et télécommunications

« Le déséquilibre résultant de la structure actuelle des tarifs téléphoniques au regard du fonctionnement normal du marché sera résorbé progressivement par opérateur public avant le 31 décembre 2000, dans le cadre de baisses globales des tarifs pour l'ensemble des catégories d'utilisateurs ».

b) Les baisses de tarif intervenues en 1996

Cette année, deux baisses successives de tarif sont intervenues, comme le retrace le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES TARIFS TÉLÉPHONIQUES DE FRANCE TÉLÉCOM

(en francs, toutes taxes comprises)

1994

1995

1996

2 mars 1996

1996

9 juillet 1996

ÉVOLUTION

de 1994 à 1996

Abonnement résidentiel

45,76

45,76

52,80

52,80

+ 15,4 %

Communications locales (3 minutes)

0,73

0,74

0,74

0,74

+ 1,3 %

Communications nationales (exemple 1 minute Paris-Marseille)

2,43

2,23

1,98

1,73

- 28,8 %

Communications internationales (exemple Paris-New-York 1 minute)

6,69

5,93

4,94

4,45

- 33,5 %

(source : France Télécom)

La dernière baisse, qui a pris effet le 9 juillet 1996 à 8 heures, est destinée, dans l'optique de l'ouverture à la concurrence, à « dynamiser véritablement le marché de la communication [...]. Avec cette baisse de tarifs, France Télécom souhaite donc développer l'utilisation du téléphone » 15 ( * ) .

3. La reprise par la Cour des Comptes des observations du Sénat sur les impayés téléphoniques de l'État

Votre rapporteur pour avis a déjà, à de maintes reprises, attiré l'attention de votre Haute assemblée et interpellé le Gouvernement au sujet du scandale que constituent les retards de paiement de l'État à France Télécom.

Cette vigilance n'a pas empêché cette regrettable situation de perdurer.

La Cour des Comptes, dans son rapport annuel remis cet automne, reprend à son compte les critiques que formulait votre Commission. La haute juridiction financière estime à 2 milliards de francs, soit le quart du total des arriérés de paiement à France Télécom, la somme que doit l'État à l'opérateur public, principalement du fait des ministères de l'Intérieur, de l'Équipement et des Affaires étrangères.

Le Gouvernement a assuré à votre rapporteur pour avis que ces arriérés seraient réglés avant la fin de l'année. Aussi votre rapporteur pour avis souhaite-t-il que le Gouvernement précise, lors des débats budgétaires, les moyens concrets qu'il entend prendre pour que cesse au plus vite cette regrettable situation.

C. LA PERSPECTIVE DE L'OUVERTURE DU CAPITAL EN AVRIL 1997

Comme en ont déjà posé le principe les débats parlementaires relatifs à la loi sur l'entreprise nationale France Télécom. l'État, qui restera majoritairement directement propriétaire de France Télécom, devrait en 1997 ouvrir le capital de l'entreprise à des financeurs extérieurs . Le cadre législatif permet que jusqu'à 49.9 % du capital puisse être vendu.

Les estimations moyennes de la valeur de France Télécom chiffrent à 75 milliards de francs la somme que représentent 49 % du capital de l'entreprise, ce qui constitue pour les marchés financiers un montant trop considérable pour être réalisé en une seule opération D'autant que la mise sur le marché d'une partie du capital de Deutsche Telekom fin 1996 va provoquer un phénomène « d'assèchement » des capitaux internationaux susceptibles Placer dans les télécommunications.

En conséquence, seule une partie des 49,9 % possibles devrait être vendue en 1997, vraisemblablement autour de 20 % du capital, comme l'a affirmé M. Fillon. qui a également indiqué que l'offre publique de vente pourrait avoir lieu pendant la deuxième quinzaine d avril.

Rappelons que cette ouverture du capital devra, aux termes de la loi relative à l'entreprise nationale France Télécom, comprendre des conditions particulières pour les salariés de l'entreprise, permettant une très large association des personnels qui le souhaiteront au développement futur de l'opérateur.

CHAPITRE III LA POSTE FACE AUX MUTATIONS DE SON ENVIRONNEMENT

Les changements des modes de communication des Français tout autant que les perspectives d'un nouveau cadre réglementaire européen contribuent à faire de l'environnement dans lequel évolue l'opérateur postal un paysage en mutation. Les résultats financiers de la Poste traduisent ces évolutions.

I. LES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE L'EXPLOITANT PUBLIC

A. DES ACTIVITÉS AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES

1. Les prestations courrier : vers une modification de la place de l'écrit dans la société de l'information.

Les tendances au ralentissement de l'activité courrier se sont confirmées en 1995, encore accusées par la baisse de trafic consécutive aux mouvements sociaux de fin d'année et la morosité de la conjoncture économique.

La correspondance (lettres et écoplis confondus) enregistre pour la première fois une baisse en volume de 3,6 %. Le Postimpact publicité adressée) stagne sur un marché en croissance et le Postcontact (publicité non adressée) ne progresse que de 1,5 % contre 12.13 % l'année précédente. La messagerie chute également à 304,5 millions d'objets (hors colis postaux) contre 336,4 millions en 1994. Au total, la baisse en volume atteint 3,8 %.

Les techniques de substitution au courrier postal ont en effet continué de se développer : l'utilisation de la télécopie engendre un manque à gagner évalué à 3 milliards de francs, l'EDI (échange de données informatisées) progresse et devrait atteindre quelque 680 millions de francs de chiffre d'affaires en 1995 contre 576 millions de francs en 1994.

Le tableau ci-après retrace les évolutions du courrier postal :

ÉVOLUTION DU TRAFIC COURRIER EN 1994 ET 1995

(en millions d'objet)

1994

1995

Lettres

Ecoplis

Périodiques

Messagerie

Prospection commerciale

Autres (1)

6.323,4 3.884,3 2.085,4

336,4 9.758,7

343,8

5.099,8 3.825,2 2.057,6

305,7 10.062,4

326,9

TOTAL TRAFIC PAYANT (hors franchises)

22.732,0

21.677,6

(1) Autres : lettres recommandées, lettres valeurs, distingo, catalogues/annuaires, postréponses.

L'année 1995 marque une véritable rupture qui entraîne à s'interroger sur la place de l'écrit dans la société de l'information. En effet, traditionnellement, l'activité courrier était étroitement corrélée à l'évolution du produit intérieur brut. On constate que, si sur la période 1990-1993 la croissance en volume de l'activité courrier de La Poste a été supérieure à l'activité économique générale, ce phénomène n'a été observé ni en 1994 ni en 1995.

Si le déclin de la correspondance traditionnelle -la lettre de 20 grammes- dans le trafic total était un fait avéré (- 3 % entre 1994 et 1993), la messagerie et le segment du marketing direct ont également connu un recul en 1995. Seule la publicité non adressée -activité totalement concurrentielle- a connu en 1996 une très légère croissance, néanmoins sans commune mesure avec les chiffres observés antérieurement (diminution du taux de croissance par trois).

On pourrait certes s'interroger sur les causes commerciales d'une telle situation -l'opérateur public a d'ailleurs entrepris une refonte de sa politique commerciale sur les segments les plus exposés de son activité-, mais cette explication ne serait en tout état de cause pas suffisante.

On constate, en effet, une mutation des marchés traditionnels de l'opérateur public qui se traduit par une maturation du marche de a correspondance et une modification des structures du marche de la messagerie.

La dématérialisation progressive des échanges explique, en partie cette évolution. La diffusion des nouvelles technologies de l'information accentue ce phénomène et s'accompagne, en effet souvent d'une rationalisation des procédures de courrier chez les grands clients de La Poste. Le taux d'équipement Minitel des ménages français permet le développement du télépaiement, supprimant des flux de courrier réguliers et importants émis par les particuliers. Enfin, le développement de l'EDI (Échange de données informatiques) -auquel participe d'ailleurs l'opérateur public en coopération avec d'autres postes européennes- devrait entraîner à terme la disparition de flux de courrier traditionnel.

2. Les services financiers de La Poste lui confèrent un rôle majeur qu'il convient de réaffirmer

a) Des bonnes performances de la Poste pour les prestations financières

En matière de produits financiers, La Poste est le premier réseau en nombre de points de vente, le deuxième réseau en nombre de client et le troisième réseau en montant d'encours gérés.

ÉVOLUTION DES PRESTATIONS FINANCIÈRES

(en millions d'opérations ou de comptes)

1991

1992

1993

1994

1995

Chèques postaux

- nombre de comptes au 31 décembre

- nombre total d'opérations

9,12

2.987,

9,39

3.058,0

9,64

3.147,6

9,81

3.117,

9,91

2.736,

Caisse nationale d'Epargne :

- nombre de livrets au 31 décembre

- nombre total d'opérations

22,76

152,40

22,93

161,50

23,29

167,20

23,76

162,8

24,2

187,2

Mandats émis

75,80

72,80

66,5

59,9

(*)

(*) donnée non disponible

(Source : DGPT)

Avec 25 millions de clients. La Poste se place au deuxième rang des institutions financières. On dénombre 10 millions de détenteurs de comptes chèques postaux, 27 millions de détenteurs de livrets d'épargne, 2,2 millions de contrats d'assurance, près de 3 millions de possesseurs de SICAV, FCP et autres titres financiers. Les services financiers de La Poste affirment leur position dans toutes les catégories de la population, des revenus les plus modestes aux catégories plus aisées, sur une gamme diversifiée qui répond à tous les besoins.

Avec 909.5 milliards d'encours en 1995 (en progression de 9,1 %). La Poste consolide sa part de marché globale à hauteur de 9,75 %, en troisième position, après des années de décroissance régulière. Les services financiers de La Poste ont franchi, en 1995, le seuil historique des 20 milliards de chiffre d'affaires.

Le magazine Capital, en septembre 1996, a publié les résultats de son enquête sur les services financiers de La Poste. Sous le titre : « La Poste est-elle un bon banquier ? », on peut lire : « La Poste multiplie, aujourd'hui, services bancaires et produits financiers. Nous les avons testés pour vous. Surprise : le bilan est positif ».

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU MAGAZINE « CAPITAL » SUR LES SERVICES FINANCIERS DE LA POSTE

AVANTAGES DE LA POSTE

INCONVÉNIENTS DE LA POSTE

Densité du réseau : 14.000 bureaux ouverts
entre 50 et 70 heures par semaine

Services bancaires comparables à ceux de la
concurrence et souvent moins chers

Prêts immobiliers très compétitifs

Possibilité d'ouvrir un livret A

Files d'attente dans certaines agences en
zone urbaine

Pas de crédits à la consommation

Prêt immobilier subordonné à la détention
d'un compte ou plan d'épargne logement

Pas d'ordre de bourse par minitel ni de
gestion sous mandat des opérations boursières

b) L'activité financière, une priorité à réaffirmer pour l'avenir de l'opérateur postal

L'association française des Banques (AFB) a lancé cette année une offensive pour que soient examinées les conditions dans lesquelles la Poste offre ses services financiers. L'AFB juge, en effet, qu'il y a distorsion de concurrence au détriment du réseau bancaire, notamment parce que ce dernier n'est pas autorisé à distribuer le livret A. D'autre part, la Poste est accusée de bénéficier du soutien (en matériel et personnel) de son activité de service public postal pour ses prestations financières. L'AFB a sollicité, dans une lettre du 20 octobre 1995. l'avis du Conseil de la Concurrence sur la compatibilité du fonctionnement des services financiers de la Poste avec le droit de la concurrence.

Ces principales conclusions de cet avis 16 ( * ) , qui ne reconnaît pas de privilège particulier à la Poste, sont résumées ci-après :

Le Conseil de la Concurrence ne se prononce pas sur l'existence d'un éventuel comportement déloyal ou abus de position dominante.

L'examen comparatif des conditions de concurrence est difficile car « La Poste et les banques exploitent leurs activités dans des conditions très différentes » , notamment pour les horaires d'ouverture, le statut des personnels, les missions de service public, les contraintes prudentielles.

« La mise en place d'un système de comptabilité analytique fiable et transparent et de comptes généraux séparés est donc pour la Poste une impérieuse nécessité ».

La filialisation des activités financières de la Poste faciliterait le contrôle du respect des règles de concurrence.

Votre rapporteur pour avis, sans entrer dans le débat qui oppose la Poste aux banques traditionnelles, souhaiterait attirer l'attention de votre commission sur plusieurs points :

- une plus grande transparence comptable de la Poste, par la mise en place d'une comptabilité analytique appropriée, est en voie d'achèvement ;

- le coût des contraintes imposées à la Poste (rôle social, missions de service public et d'aménagement du territoire) doit être évalué et justement compensé.

À ces conditions, la Poste pourra offrir ses services financiers dans la transparence et sans distorsion de concurrence, vis-à-vis du secteur bancaire.

L'activité financière de la Poste, pleinement légitime, est en effet, de l'avis de votre rapporteur, une nécessité pour la viabilité financière de l'opérateur et une priorité qui doit être réaffirmée.

B. UNE SITUATION FINANCIÈRE FRAGILISÉE

L'exercice 1995 n'a pas été bon pour la Poste. Il se solde par un déficit de 1,1 milliard de francs. La progression (+ 6,9 %) de l'activité des services financiers n'a pas réussi à combler la baisse sensible du chiffre d'affaires courrier (- 3,2 %) . Malgré la difficulté de l'exercice, La Poste a poursuivi son désendettement à hauteur de 2,1 milliards de francs.

La perte enregistrée en 1995 est due essentiellement au retournement des marchés du courrier, dont les effets ont été amplifiés par l'impact des mouvements sociaux de fin d'année dans l'ensemble du secteur public. Le chiffre d'affaires du courrier est, pour la première fois, depuis très longtemps en recul de 2 milliards de francs environ par rapport à 1994.

Sur les correspondances. La Poste doit faire face à la fois à un effort très net de contraction des dépenses courrier engagé par les entreprises et au développement de technologies concurrentes. Sur le marché du marketing direct, du fait du ralentissement de l'activité économique en fin d'année et de l'atonie du secteur de la vente par correspondance, La Poste n'a pas réalisé les niveaux de progression connus au cours des années précédentes. Le marché le plus affecté est celui de la messagerie. La Poste y est le premier pour les colis jusqu'à 2 kg, mais la concurrence est exacerbée. La maison mère a perdu 500 millions de francs compensés, il est vrai, par un surcroît d'activité de ses filiales Chronopost et Tat Express.

Une bonne gestion des charges a permis d'absorber une partie de la baisse du chiffre d'affaires. Les consommations intermédiaires (14 milliards de francs en 1995) ont été stabilisées en francs constants avec une augmentation de 2,4 % sur l'année. Les charges de personnel ont progressé de 2,9 %, notamment du fait de la hausse du point fonction publique qui intervient pour 2,5 %, et une augmentation de 7,7 % des charges de retraite. La Poste a acquitté en 1995 la taxe sur les salaires de droit commun, soit un surcoût de 1,3 milliards de francs par rapport à 1994.


La politique de désendettement, engagée en 1993, a été poursuivie, ce qui a permis en 1995 une réduction de 2,1 milliards de francs de la dette, qui s'élevait fin 1995 à 31,2 milliards de francs.


Pour 1996, les ministres de tutelle ont demandé à l'entreprise de prendre des mesures de redressement, dans le cadre d'un État prévisionnel des recettes et des dépenses révisé, qui comprend des mesures d'urgence commerciales (reconfiguration de la gamme des produits) et de maîtrise des charges (consommations extérieures et investissements).

II. LE MAINTIEN DE LA PRÉSENCE POSTALE SUR LE TERRITOIRE

A. LA PRÉSENCE POSTALE, UN ATOUT POUR L'ESPACE RURAL

Votre commission n'a cessé 17 ( * ) de s'alarmer des dangers que font peser sur les zones rurales fragiles les fermetures de bureaux de poste ou leur transformation en agence postale. Elle est, en effet, consciente du fait que le réseau postal et un élément essentiel de solidarité entre les différentes parties de notre territoire.

Quelques chiffres suffisent à s'en convaincre. Chaque jour, La Poste dessert une large partie de la population grâce à ses 73.000 tournées de facteurs et ses 17.000 points de contact dont 14.000 bureaux de poste 18 ( * ) .

Son histoire Ta conduite à être très fortement implantée dans le milieu rural : plus de la moitié des tournées de distribution s'effectuent dans les communes de moins de 10.000 habitants, 16.800 tournées quotidiennes de facteurs et 10.000 points de contacts (60 % de l'ensemble) concernent des communes de moins de 2.000 habitants.

En zone rurale, la densité des guichets (un guichet pour 800 habitants) est supérieure à celle observée en zone urbaine (un guichet pour 2.500 habitants).

Le tableau ci-dessous témoigne de la forte « ruralité » du réseau postal :

TAILLE DE COMMUNE

POPULATION EN %

NOMBRE DE BUREAUX DE POSTE EN %

Moins de 2.000 habitants

2.000 habitants et plus

25,1

74,9

58,1

41,8

(Source : DGPT)

D'ailleurs, la Poste a eu historiquement un rôle important à jouer dans la politique d'aménagement du territoire, comme l'illustre l'encadré ci-contre :

LE RÔLE DE LA POSTE DANS L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

1960-1974 : retrait progressif des services publics des zones rurales en relation avec le mouvement de concentration de la population française vers les villes où sont localisés les emplois industriels et tertiaires. La Poste suit ce mouvement de retrait avec retard et apparaît souvent alors, dans les communes dites du « rural profond », comme le dernier service public encore présent au côté de la mairie et de l'école.

1974 : déclaration de la politique générale du Premier ministre demandant la suspension de la fermeture des services publics en milieu rural et la prise de mesures propres à revitaliser les zones rurales.

1979 : mise en place de la polyvalence administrative postale en milieu rural , qui a vu jusqu'à 2.500 bureaux de poste offrir aux populations rurales d'autres services que postaux pour le compte d'administrations (ex. : Intérieur : formulaires de pièces d'identité, Finances : vente d'objets fiscaux et de vignettes auto) ou d'organismes publics (ex. : ANPE : diffusion des offres d'emploi).

Début 1990 : mise en place des premiers schémas départementaux de présence postale (SDPP) aidant les directeurs départementaux des postes à implanter des bureaux de poste à partir de critères économiques et socio-démographiques.

Avril et septembre 1990 : publication du rapport du sénateur Delfau visant à conforter le réseau postal en zone rurale avec application ultérieure par La Poste de la plupart des 11 mesures préconisées par le sénateur (création de conseils postaux locaux, mise en place du système « Allô Facteur », de télécopieurs, de conseillers financiers itinérants) et généralisation du concept des points-postes et de la diversification de l'offre postale (signature de conventions avec des partenaires privés du type réseau Total, débitants de tabac commerçants des « 1.000 villages »).

1991 : le Premier ministre institue un moratoire interdisant la fermeture des services publics et met en place des schémas et des commissions de services publics en milieu rural dans les 25 départements ruraux les plus fragiles.

1993 : le moratoire, les schémas et les commissions sont étendus à l'ensemble des départements ruraux par le Premier ministre.

4 février 1995 : loi d'orientation sur l'aménagement du territoire.

1995 : le Premier ministre étend les mesures sur les schémas et les commissions de services publics à tous les départements ; publication le 11 octobre 1995 du décret d'application et de la circulaire aux préfets portant sur l'article 28 de cette loi et relatifs à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics et au schéma départemental des services publics.

21 juin 1995 : à la demande du Président de la République , le président de La Poste décide de ne fermer aucun bureau de poste dans les zones rurales jusqu'à la fin de 1997.

B. UN PUISSANT MOTIF DE SATISFACTION : LA POURSUITE DE LA POLITIQUE DE « ZÉRO FERMETURE » DÉCIDÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA POSTE

La nécessité du maintien de la présence postale dans nos campagnes a été soulignée, à maintes reprises, par le Sénat, notamment à l'occasion des débats ayant conduit à l'adoption de la loi du 2 juillet 1990 relative a l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications. Suite à un amendement d'origine sénatoriale devenu l'article 6 du texte définitif, le principe de la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire a même été inscrit dans la loi.

La Haute Assemblée a également soutenu avec une grande fermeté le dispositif qui est devenu l'article 29 de la loi du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire. Cet article institue une procédure de contrôle du respect des objectifs d'aménagement du territoire fixés aux « établissements et organismes publics ainsi qu' `aux entreprises nationales » placés sous la tutelle de l'État en cas, notamment, de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers.

C'est pourquoi, votre commission pour avis s'était félicitée que le Gouvernement ait instauré, en avril 1993, un moratoire de durée limitée suspendant la fermeture des services publics en milieu rural.

Aussi, ne peut-elle que saluer avec une grande satisfaction la décision prise en juin 1995 par le président de La Poste, M. André Darrigand, et confirmée le 26 février dernier dans une lettre adressée a tous les parlementaires, de ne fermer aucun bureau dans les zones rurales jusqu'à la fin de 1997, dernière année de mise en oeuvre de l'actuel contrat de Plan de l'opérateur, et de n'effectuer, dans la même période, aucune réduction d'effectif dans les petits bureaux qui emploient moins de cinq personnes.

Cette décision est lourde de conséquences puisque, au vu des chiffres le plus souvent avancés, la majeure partie de ces bureaux implantes en zone rurale ne couvrent pas leurs charges fixes et coûteraient quelque 3 milliards de francs par an à La Poste. L'exploitant public accepte donc de supporter jusqu'à la fin du contrat de Plan une lourde charge. C'est en cela que son engagement en faveur de l'aménagement du territoire et de la revitalisation de l'espace rural doit être donné en exemple à bien des services publics qui n ont pas encore manifesté une aussi vigoureuse volonté en ce sens.

Pour compenser le poids de sa décision courageuse. La Poste, qui est tenue d'équilibrer ses comptes, s'est engagée dans la recherche de gains de productivité dans les centres de tri et les services financiers (programme Atlantis) et prévoit d améliorer la rentabilité de ses bureaux en zone rurale. Pour atteindre ce dernier objectif, elle a choisi une logique de développement des petits bureaux ruraux, qui donne la priorité aux fonctions commerciales : les tâches administratives et de gestion seront centralisées à un niveau supérieur tandis que les conseillers financiers seront multipliés. D'ici à la fin 1997, La Poste a prévu de créer au total 4.000 postes de commerciaux. Parallèlement, la distribution du courrier en zones rurales, jugée actuellement « trop atomisée » va être simplifiée et réorganisée en amont. L'opérateur va, parallèlement, investir 500 millions par an dans la modernisation de ses bureaux ruraux et urbains.

Votre commission pour avis s'intéresse désormais aux conditions de sortie du moratoire, notamment en ce qui concerne la gestion de l'évolution du réseau après 1997. Elle sera particulièrement vigilante pour assurer un maintien de la présence postale, notamment en milieu rural.

C. UNE FORMULE À DÉVELOPPER POUR L'ESPACE RURAL : LA POLYACTIVITÉ

Depuis le milieu des années 1970, la revitalisation de l'offre de services postaux devait passer par la polyvalence administrative.

Pratiquée dans 800 bureaux de poste, la polyvalence administrative porte essentiellement sur des opérations relevant du domaine du ministère de l'Économie et des Finances (ventes de vignettes et de timbres fiscaux, notamment). L'ensemble des prestations effectuées au profit de la SNCF (vente de titres de transport), l'ANPE (affichage des offres d'emploi) et des préfectures (demandes de cartes d'identité, de passeport, de carte grise...) reste très marginal.

La polyactivité, plus prometteuse, consiste en l'utilisation d'agents à temps partiel en complément des activités que ces salariés ou indépendants exercent par ailleurs.

Des nouvelles formules d'optimisation du réseau postal se développent sur ce principe. Elles entrent dans le cadre des orientations fixées dans le contrat de plan qui invite l'entreprise à conclure des partenariats avec des acteurs publics ou privés pour maintenir ou développer l'offre de services postaux.

C'est ainsi que des expériences sont en cours avec des partenaires privés (débitants de tabac) ou publics (communes, points multi-services ou points publics) destinées à développer la polyvalence des lieux en coopérant avec d'autres réseaux. Ces formules, et en particulier les conventions que La Poste souhaite signaler avec les communes, demandent encore à être validées sur un plan réglementaire, notamment en ce qui concerne la comptabilité avec les compétences des communes.

Une impulsion en provenance des pouvoirs publics paraît indispensable à votre rapporteur pour avis qui encourage vivement le développement de telles expériences.

En effet, la présence postale en milieu rural ne peut se dissocier du problème général d'un « service minimum de proximité » offert sur tout le territoire, dans divers domaines prioritaires (communications services sociaux, transports...), et ceci compte tenu des mutations technologiques et démographiques prévisibles. Il s'agira donc de répondre de façon moderne, évolutive suffisante (en qualité et en qualité) et efficace aux différents besoins en services sur tous les points du territoire où le dépeuplement ou les problèmes sociaux ont contribué à la fermeture des services de proximité.

III. LA PERSPECTIVE DE LA LIBÉRALISATION DES ACTIVITÉS POSTALES AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

Le trafic postal au sein de l'Union européenne représente environ 80 milliards d'objets par an. dont 3 milliards pour les échanges entre les quinze États, soit un chiffre d'affaires équivalent à 1.3 % du PIB et plus de 1,5 million d'emplois.

Votre commission des Affaires économiques a suivi avec vigilance l'évolution du dossier postal au niveau communautaire. Aussi, pour ce qui concerne l'historique de la proposition de directive européenne sur les services postaux communautaires, ainsi que ses principales orientations votre rapporteur pour avis se permet-il de renvoyer aux travaux du mois de mai dernier 19 ( * ) de votre commission relatifs à la résolution du Sénat n° 129 sur la proposition de directive européenne sur les services postaux communautaires. Seules les dernières évolutions du dossier feront ici l'objet de développements.

Suite à l'impossibilité d'aboutir à un accord des quinze pays européens au Conseil des ministres des télécommunications de Luxembourg, le 27 juin 1997, un nouveau Conseil des ministres s'est réuni fin septembre à Dublin, qui n'a pas non plus permis d'arrêter le texte définitif de la directive, la France ayant réussi à constituer, avec certains petits États membres, une minorité de blocage contre les États du Nord de l'Europe favorables à une très large ouverture à la concurrence. En effet, la France s'oppose à la libéralisation totale du publipostage et du courrier transfrontalier qui aurait pour la Poste des conséquences financières désastreuses.

Votre commission se félicite, qu'à l'invitation de votre Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale, le Gouvernement français fasse preuve de fermeté pour la défense du service public postal.

Le Président de la République, M. Jacques Chirac, a d'ailleurs affirmé le 3 octobre 1996 que le projet de directive européenne « ne convenait absolument pas à la France » et il a invité le Gouvernement à maintenir sa position.

IV. LES AUTRES ÉVOLUTIONS MARQUANTES

A. LA SUPPRESSION DES FRANCHISES POSTALES

Jusqu'au 31 décembre 1995, les échanges de correspondance officielle entre administrations bénéficiaient du régime de la franchise postale, de même que les envois des avis et avertissements aux contribuables effectués par les administrations financières. Les maires, lorsqu'ils agissent en tant que représentants de l'État, dans leurs fonctions d'officier d'État civil principalement, bénéficiaient également de ce régime, ainsi que les conseils généraux et régionaux, pour certaines de leurs fonctions définies par les lois de décentralisation.

La franchise ne signifiait en aucun cas la gratuité des prestations fournies par La Poste, mais une simple dispense d'affranchissement par l'expéditeur. Chaque année, l'État versait à La Poste, de manière globale, la compensation des prestations effectuées, sur la base des comptages des envois opérés par la Poste, soit 3,6 milliards de francs inscrits en loi de finances initiale, chiffre constant depuis 1991 mais soumis à régulation budgétaire -variable selon les années-. Ainsi ont été versés 3,481 milliards de francs en 1991, 3,418 milliards de francs en 1993, 3,422 milliards de francs en 1994 et 3,256 milliards de francs en 1995.

La réforme de 1990, érigeant La Poste en exploitant public autonome, a instauré de nouvelles relations entre l'État et l'exploitant public, impliquant la disparition du régime de la franchise. Le cahier des charges de La Poste, en 1990, avait fixé au 31 décembre 1995 la cessation définitive des franchises, à l'issue d'une ultime période transitoire de cinq ans destinée à permettre de préparer cette évolution majeure.

En effet, la cessation de la franchise a impliqué pour les bénéficiaires de s'aligner, dès le 1 er janvier 1996. sur les procédures d'affranchissement et de facturation de droit commun, appliquées à tout client de La Poste, en faisant de chaque entité expéditrice le payeur des prestations qu'elle demande à La Poste.

Les coûts liés au trafic postal qui bénéficiait du régime de la franchise ont été estimés par La Poste et validés par une mission conjointe de l'inspection générale des postes et télécommunications et de l'inspection générale des finances.

En contrepartie de la suppression de la franchise, les lois de finances ont prévu des dotations qui permettent de compenser le transfert de charge induit :

- pour les ministères, en 1996, des crédits (3,2 milliards de francs) étaient inscrits en charges communes du budget de l'État au titre de l'affranchissement postal. La répartition de ces crédits entre les services était effectuée par arrêté. Dans le projet de loi de finances pour 1997, la dotation est prévue ministère par ministère. L'enveloppe globale s'élève à 3 milliards de francs, c'est-à-dire la somme effectivement répartie en gestion en 1996 ;

- les budgets des Conseils régionaux et des Conseils généraux ont été augmentés au titre de la dotation générale de décentralisation. En 1996, cette augmentation a été de 87,41 millions de francs. Ce montant est reconduit dans la dotation prévue pour 1997 :

- pour les communes, la dotation globale de fonctionnement des communes est augmentée afin de permettre aux maires de faire face à la suppression de la franchise. La somme est répartie entre les communes au prorata du nombre d'habitants. La somme allouée en 1996 s élevait 97,5 millions de francs, elle est reconduite pour 1997.

S'agissant du courrier des écoles, rappelons qu'une partie en est prise en charge par le budget de communes. Si le courrier à destination des parents ne bénéficiait pas de la franchise postale et n'a pas à faire l'objet de mesure de compensation, le courrier administratif des écoles vers leurs ministères en bénéficiait et devait donc faire l'objet d'une compensation. La couverture du coût d'affranchissement correspondant ne pouvait être assurée que par les communes. En effet, les écoles ne constituent pas des entités juridiquement individualisées dont le responsable disposerait d'un budget propre et leur gestion est intégrée à celle des communes. En outre, l'État ne finance le fonctionnement d'aucun établissement scolaire.

Le Gouvernement a donc décidé de compenser intégralement aux communes cette charge spécifique, estimée à 22 millions de francs . En conséquence, la loi portant diverses dispositions relatives aux concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et aux mécanismes de solidarité financière entre collectivités territoriales a majoré de 22 millions de francs la dotation forfaitaire des communes. Cette somme a été répartie au prorata du nombre des écoles primaires et maternelles situées sur les territoires des communes à la rentrée scolaire 1994. Les sommes correspondant à cette compensation sont reversées par les communes bénéficiaires aux groupements de communes dont elles sont membres lorsque ceux-ci sont compétents en matière de fonctionnement des établissements d'enseignement élémentaire et préélémentaire.

Ainsi, au total, la dotation globale de fonctionnement pour les communes pour 1996 a été abondée de 119,5 millions de francs. Cette somme est reconduite pour 1997.

B. LA PERSISTANCE D'UNE ANOMALIE BUDGÉTAIRE DE MOINS EN MOINS ACCEPTÉE : LE PAIEMENT À L'ÉTAT DE LA TAXE PROFESSIONNELLE DE LA POSTE ET DE FRANCE TÉLÉCOM

La loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des Télécommunications prévoit l'assujettissement de La Poste et de France Télécom, à compter du 1 er janvier 1994, à une fiscalité de droit commun, tant pour la fiscalité d'État que pour la fiscalité locale.

En ce qui concerne la taxe professionnelle de La Poste, l'assiette en est déterminée selon le droit commun. Elle porte sur trois éléments :

- les valeurs locatives des immobilisations passibles d'une taxe foncière que La Poste utilise en tant que propriétaire ou locataire ;

- un pourcentage (16 %) de la valeur brute au bilan des autres immobilisations corporelles :

- un pourcentage de la masse salariale (18 %).

Cependant, les modalités de déclaration et de paiement des impôts locaux sont, sur plusieurs points, dérogatoires au droit commun :

- pour La Poste, les bases d'imposition de la fiscalité locale font l'objet d'un abattement de 85 % de leur montant, en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de la participation à l'aménagement du territoire 20 ( * ) (article 21 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des Télécommunications) ;

- le taux applicable est un taux moyen pondéré national et non le taux applicable dans chacune des collectivités locales disposant d'un local appartenant ou loué à La Poste :

- surtout. La Poste et France Télécom paient leur taxe professionnelle au niveau national et non pas directement au niveau local comme les autres entreprises.

Le Gouvernement justifie ce que votre rapporteur considère comme une anomalie s'agissant d'un impôt local par le fait que « historiquement, le réseau des bureaux de poste s'est tissé, afin que La Poste puisse exercer ses missions de service public sur l'ensemble du territoire national. Contrairement aux autres entreprises, elle ne choisit donc pas le lieu de ses implantations en fonction d'avantages liés à la fiscalité locale. » 21 ( * )

Les sommes correspondantes sont perçues depuis 1994 par l'État qui contribue, en contrepartie, au financement de la dotation de compensation de la taxe professionnelle instituée par l'article 6 de la loi du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987.

Depuis 1995, lorsque le montant des impositions dues est supérieur en francs constants à celui perçu en 1994, le surplus est versé au budget des communes à faible potentiel fiscal par le biais du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP). Environ 300 millions de francs ont ainsi été reversés en 1995.

L'affectation à l'État et non aux collectivités locales des recettes de la taxe professionnelle versée par France Télécom et La Poste représente, pour ce dernier, un apport de 4.7 milliards de francs.

Votre rapporteur pour avis, comme il a déjà eu l'occasion de le faire lors de la discussion de son amendement à la loi de réglementation des télécommunications, amendement qui avait reçu un avis favorable de votre Commission des Affaires économiques, visant à restituer cette recette aux collectivités locales, insiste sur la nécessité de « rendre à César ce qui est à César » .

S'agissant d'un impôt local, il apparaît de bon sens que le budget des collectivités locales soit directement destinataire du produit de la taxe professionnelle de La Poste et de France Télécom.

D'ailleurs, suite à l'intervention de votre rapporteur pour avis, M. le ministre François Fillon, lors des débats en séance publique au Sénat le 6 juin 1996, a lui-même affirmé :

« Il est incontestable que la transformation de France Télécom en entreprise, projet dont nous allons débattre la semaine prochaine, posera, à terme, un problème de taxe professionnelle.

M. le Premier ministre vient d'annoncer que le Gouvernement s'engageait dans une vaste réforme fiscale. Il a indiqué que la taxe professionnelle ferait, à cette occasion, l'objet d'une réforme. Je puis vous indiquer ce soir que la question soulevée par l'amendement de M. Hérisson sera examinée dans le cadre de la réforme fiscale d'ensemble qui sera très bientôt soumise au Parlement ».

Votre rapporteur pour avis demande donc instamment au Gouvernement de respecter les engagements pris en juin 1996 devant notre Haute Assemblée.

CHAPITRE IV LA POLITIQUE DE L'ESPACE

L'Espace occupe une place prépondérante dans le projet de budget du ministère.

La politique générale du Gouvernement en ce domaine fait preuve de continuité, puisque les orientations définies le 4 octobre 1994 ont été confirmées et précisées à Toulouse en octobre 1995 par le conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne.

I. LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE SPATIALE

A. LES GRANDS PROGRAMMES D'INFRASTRUCTURES ET LES PROGRAMMES SCIENTIFIQUES

Dans le domaine civil, la France a choisi de privilégier le cadre de l'Agence spatiale européenne pour les programmes scientifiques et pour les grands programmes d'infrastructures lourdes.

Trois programmes sont particulièrement importants :

Le projet de station internationale

Le principal objet de ce programme est une maîtrise et une coopération technique à l'échelon mondial. En effet, le projet est placé sous direction américaine avec une participation de la Russie, du Japon, du Canada et de l'Europe.

L'Agence spatiale européenne y est associée de deux manières :

- par la fourniture d'un laboratoire pressurisé dit COF (Colombus Orbital Facility) ;

- et par la mise au point d'un véhicule de transport de fret dit ATV (Ariane transfer vehicle).

S'y ajouteront des installations de recherche en apesanteur, sur la microgravité.

Le programme scientifique obligatoire de l'Agence spatiale européenne

La France contribue au programme scientifique obligatoire de l'Agence spatiale européenne par la réalisation, dans le cadre du programme national du CNES, d'instruments scientifiques destinés à être embarqués sur des satellites.

Le programme Ariane 5

Il s'agit du lanceur de nouvelle génération dont la performance et la compétitivité devraient être sensiblement améliorées par rapport au lanceur Ariane 4. Il devrait, en particulier, permettre la réalisation de doubles lancements de satellites.

Malgré l'échec de son premier vol le 4 juin dernier, Ariane 5 reste un programme prioritaire pour la France dans le cadre de la solidarité communautaire. Ariane 5 doit permettre à l'Europe de maintenir ses avantages compétitifs et de conserver sa position commerciale dans le domaine des lanceurs spatiaux.

LE PROGRAMME ARIANE 5

L'intérêt du programme

L'Europe dispose depuis maintenant 15 ans, avec Ariane, d'une autonomie d'accès à l'espace qui lui permet de déployer, sans contrainte extérieure, les systèmes spatiaux nécessaires à son rayonnement scientifique, à son développement économique et sa défense.

Mais le maintien de cette autonomie, dans des conditions de crédibilité technique suffisante et à un coût acceptable pour les gouvernements européens, impose que le lanceur soit exploité avec fréquence et régularité, ce que ne permet pas le niveau modeste des besoins proprement européens. 11 est donc essentiel, pour Ariane, de servir une part importante du marché mondial des services de lancement (15 à 20 satellites à lancer par an). Cet impératif de compétitivité est une constante de l'effort européen et explique l'enchaînement des développements conduisant d'Ariane-1 à Ariane-4, puis au nouveau lanceur Ariane-5 qui entrera en service du début de 1996.

L'entrée en service d'Ariane-4 en 1988 -qui a porté la performance en lancement double à 4 tonnes- puis la mise en production d'une série de 50 lanceurs ont assuré à Arianespace la première place sur le marché des satellites, avec près des deux tiers des contrats commerciaux de lancement. Cependant, l'évolution de ce marché et l'accentuation de la concurrence -due au renforcement des offres américaine, russe et chinoise- a confirmé le nécessaire passage à Ariane-5. Ce nouveau lanceur devrait permettre à Arianespace de réhausser sa compétitivité par un recours systématique au lancement double -grâce à une performance portée à 5,9 tonnes- et par un coût de lancement inférieur à celui d'Ariane-4, lorsque la production aura atteint un régime de croisière.

Son état d'avancement après l'échec du lancement du 4 juin 1996

L'échec du premier vol d'essai le 4 juin dernier n'a pas remis en cause l'aboutissement du programme, même s'il l'a retardé d'environ 1 an.

Les conclusions du rapport remis le 21 juillet dernier par la commission d'enquête vont permettre de remédier aux défaillances qui avaient conduit à l'explosion du lanceur. Un deuxième tir est prévu pour le 15 avril 1997.

Le surcoût occasionné devrait avoisiner au total les 2 milliards de francs, d'après l'Agence spatiale européenne, sur un coût à achèvement de 38 milliards environ.

Ses perspectives commerciales

Le transport de 5,9 tonnes en orbite géostationnaire, objectif défini dès 1987 pour Ariane-5, est bien adapté aux prévisions actuelles du marché à l'horizon 2000. Une telle performance permet, en effet, d'associer, dans le cadre d'un lancement double, un satellite de 3 tonnes à un satellite de 2.5 tonnes, qui sont tous deux des composantes importantes du marché dans les projections annuelles. L'évolution vers des satellites de 3 à 3,5 tonnes au-delà des années 2002 rendra cependant plus difficile la réalisation systématique de lancements doubles dans la limite de la performance actuelle d'Ariane-5.

C'est pourquoi, a été élaboré un programme complémentaire « Evolution Ariane-5 » d'un montant estimé à 6,6 milliards de francs, dont le démarrage a été décidé à la Conférence de Toulouse de 1995. Ce programme repose sur un senbmel de développements qui permettront d'accroître les performances du lanceur, tout en conservant sa simplicité de conception et sa fiabilité.

B. LES PROGRAMMES CIVILS OPÉRATIONNELS OU AYANT DES APPLICATIONS COMMERCIALES

Il avait été indiqué, en octobre 1994, que « le cadre national sera retenu pour tout programme civil opérationnel devant conduire à l'exploitation d'un service ayant des applications commerciales. Bien entendu, des coopérations internationales seront mises en place aussi souvent que possible. La synergie avec les programmes militaires français sera recherchée, en privilégiant l'observation de la terre et les télécommunications spatiales ».

Deux secteurs ont été définis comme prioritaires :

L'observation de la terre

Il s'agit de la poursuite du programme Spot avec les modèles Spot 5A et Spot 5B.

LE SYSTÈME SPOT

Le système Spot (satellite pour l'observation de la terre) présente quelques caractéristiques qui méritent d'être soulignées. Construits sous la maîtrise d'oeuvre de Matra Marconi Space, les satellites de cette famille ont, en particulier, l'avantage de la simplicité. Ils sont tous basés sur la même « plate-forme », ce qui permet de moduler la configuration en fonction des besoins. De la sorte, la base sert pour les générations successives de Spot.

Contrairement à leurs confrères américains qui sont installés sur une orbite de « parking » d'où il faut les faire descendre pour observer tel ou tel point précis, les Spot tournent inlassablement. Ce qui permet d'obtenir, avec plusieurs satellites, une vision « dynamique » de la zone observée. De surcroît, évoluant à une plus grande altitude, ils permettent d'avoir un champ de vision plus vaste, couvrant des bandes de superficie terrestre allant jusqu'à 950 km de large.

L'observation est essentiellement optique, c'est-à-dire dans la lumière perceptible par l'oeil humain, mais des capacités limitées permettent aussi de passer des les premières fréquences de l'infrarouge.

Dernière particularité : les satellites Spot figurent parmi les rares engins d'observation de la Terre dont les enseignements soient accessibles à qui veut bien les acheter. Rien n'empêche un particulier de demander que soit réalisée depuis l'espace une prise de vue de sa maison de campagne. Ainsi, la CEE utilise les vues commercialisées par Spotimage pour vérifier l'application des mesures de mise en jachère des terres agricoles.

Les radiocommunications spatiales

À la fin de 1994, le Gouvernement a décidé d'engager le programme Stentor qui vise à permettre la maîtrise des techniques devant assurer les télécommunications du XXI ème siècle. Un premier satellite expérimental devrait être achevé à la fin de l'an 2000 et son lancement pourrait avoir lieu en 2001 ou 2002.

C. LE MAINTIEN DE L INDÉPENDANCE NATIONALE

Le respect de ce troisième objectif de la politique de l'espace nécessite un effort soutenu de recherche et de développement en faveur des diverses technologies concernées.

En effet, la perte d'une compétence industrielle ou d'un savoir-faire technique pourrait entraîner une perte de compétitivité ou une situation de dépendance à l'égard d'autres partenaires, préjudiciables au déroulement de certains programmes d'intérêt national.

Le maintien de la France parmi les puissances spatiales exige donc un effort important du Gouvernement pour soutenir la recherche et le développement technologique dans ce secteur.

On observera d'ailleurs que cet effort est loin d'être improductif. En effet, l'industrie spatiale a des retombées sur l'ensemble de l'économie, notamment en matière de recherche et de diffusion des techniques.

Cette industrie occupe environ 12.550 emplois directs, dont les trois quarts au sein de 4 grandes entreprises, Aérospatiale, Matra Marconi Space, SEP et Alcatel Espace, et un quart dans les PME (80 % des entreprises ayant une activité spatiale ont moins de 200 salariés). Le chiffre d'affaires de l'industrie spatiale était supérieur à 25 milliards de francs en 1994.

II. LES CAUSES DE L'ÉCHEC DU PREMIER LANCEMENT D'ARIANE 5

La commission d'experts présidée par le professeur Jacques-Levis Lions, de l'Académie des Sciences, a rendu le 21 juillet dernier ses conclusions sur les motifs de l'explosion du lanceur.

Ces conclusions sont résumées dans l'encadré ci-dessous.

LES CAUSES DE L'ÉCHEC DU LANCEMENT D'ARIANE 5, LE 4 JUIN 1996

La perte totale des informations de guidage et d'attitude, 37 secondes après le démarrage de la séquence d'allumage du moteur principal (30 secondes après le décollage), est à l'origine de l'échec d'Ariane 501. Cette perte d'informations est due à des erreurs de spécification et de conception du logiciel du système de référence inertielle qui permet le contrôle de l'orientation du lanceur. Les revues et essais approfondis effectués dans le cadre du programme de développement d'Ariane 5 ne comportaient pas les analyses ou essais adéquats du système de référence inertielle ou du système complet de contrôle de vol qui auraient pu mettre en évidence la défaillance potentielle.

III. LES MOYENS DE LA POLITIQUE SPATIALE

L'essentiel du budget de La Poste, des Télécommunications et de l'Espace, soit 76 % du total, est destiné à la recherche et, au sein de celle-ci, quasi-exclusivement à l'espace.

Les crédits affectés à l'espace sont de deux ordres :

les crédits du Centre national d'études spatiales, soit, dans le Projet de loi de finances pour 1997 :

- une subvention d'investissement, stable par rapport au budget précédent (6.980 millions de francs d'autorisations de programme et 7.230 millions de francs de crédits de paiement).

En effet, l'accroissement de la contribution française à l'Agence spatiale européenne (ESA) en 1997 (134 millions de francs) est exactement compensé par la baisse des crédits affectés aux programmes nationaux du CNES.

En 1997, la moitié de la participation française à l'ESA devrait être consacrée au développement d'Ariane 5 et des lanceurs du futur, le reste étant notamment destiné au projet de station spatiale internationale et aux programmes d'observation de la terre.

Les crédits des grands programmes nationaux permettront de poursuivre les projets Spot 5 et Stentor ;

- une subvention de fonctionnement de 915 millions de francs, en progression de seulement 1,44 % en francs courants ;

les crédits de diffusion des technologies du secteur spatial, soit pour 1997 60 millions de francs en autorisations de programme (AP) et 64 millions de francs en crédits de paiement (CP), qui sont en diminution de 20 millions de francs, tant en AP qu'en CP par rapport aux dotations de 1996. Toutefois, en 1996, 20 millions de francs avaient été mis en réserve.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du 30 octobre 1996, la commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Pierre Hérisson sur le budget de la poste, des télécommunications et de l'espace pour 1997.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que les crédits inscrits au budget « poste, télécommunications et espace » connaissaient, dans le projet de loi de finances pour 1997 une évolution indéniablement positive puisqu'ils étaient en croissance de 6,6 % et s'élevaient à 11 milliards de francs.

Cette évolution, qui contrastait avec le cadre général de maîtrise des dépenses publiques, résultait, a-t-il souligné, du profond bouleversement du cadre réglementaire à la suite de l'adoption de trois lois par le Parlement, la loi du 10 avril 1996 dite « autoroutes de l'information », la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications et la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a relevé que ces lois avaient des traductions budgétaires importantes, parmi lesquelles la contribution exceptionnelle de 37.5 milliards de francs versée à l'État par France Télécom, qui figurait dans la première partie de la loi de finances. En ce qui concerne les dépenses, M. Pierre Hérisson a indiqué que les crédits demandés pour l'autorité de régulation des télécommunications étaient de 70 millions de francs et ceux demandés pour l'agence nationale des fréquences de 200 millions de francs. Toutefois, a relevé M. Pierre Hérisson, la majorité de ces crédits provenait du budget du ministère de l'Industrie, par simple transfert d'écriture.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur des télécommunications, dorénavant pris en charge par l'État, il a indiqué qu'une dotation de 412 millions de francs était prévue dans le projet de loi de finances. Toutefois, en 1997, France Télécom remboursera à l'État les trois-quarts de cette dotation.

M. Pierre Hérisson a ensuite évoqué les crédits affectés au secteur spatial qui s'élevaient à 8,2 milliards de francs. En ce qui concerne les autoroutes de l'information, les autorisations de programme demandées atteindraient 210 millions de francs et les crédits de paiement 159 millions de francs, soit un quasi-doublement de ces dotations en un an.

Après cette présentation des crédits, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a insisté plus particulièrement sur deux interrogations fortes, dont la première concernait la taxe professionnelle de la Poste et de France Télécom. Au moment où la réforme de l'État et la clarification des relations entre l'État et les collectivités locales étaient au coeur de l'action gouvernementale ; M. Pierre Hérisson a jugé qu'il était anormal que le produit de cette imposition n'aille pas alimenter le budget des collectivités locales.

D'autant, a rappelé le rapporteur pour avis, que les collectivités locales avaient contribué à la clarification de leurs relations avec l'État en mettant en oeuvre la suppression de la franchise postale prévue par la loi de 1990. En conséquence de cette suppression, les conseils régionaux et généraux avaient vu leurs dotations augmentées de 87,41 millions de francs en 1996 et les communes de 97,5 millions de francs. Ces dotations seraient reconduites en 1997.

Le rapporteur pour avis a cité les propos tenus au Sénat par M. le Ministre François Fillon le 6 juin 1996, lors de la discussion de la loi de réglementation des télécommunications, assurant que la question de l'affectation de la taxe professionnelle de la Poste et de France Télécom serait prochainement réexaminée.

Il a fait part de son intention de solliciter de M. François Fillon une réponse du Gouvernement sur cette question qui restait toujours en suspens.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué sa deuxième préoccupation forte, qui concernait les impayés téléphoniques de l'État à France Télécom. Le rapporteur pour avis a souligné qu'il avait déjà attiré l'attention de la commission sur cette question lors du débat budgétaire de l'année antérieure. D'ailleurs, lui répondant en séance, le ministre chargé des télécommunications avait fait part de son intention de se montrer « extrêmement vigilant », pour que cette dette soit résorbée et que les ministères paient enfin à France Télécom leurs communications téléphoniques.

Or, citant les chiffres du dernier rapport annuel de la Cour des Comptes, M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a rappelé que France Télécom détenait encore sur l'État une créance qui s'élevait à 2,5 milliards de francs au 31 décembre 1995, du fait principalement du ministère de l'intérieur (893 millions de francs), du ministère de l'équipement (385 millions de francs), de la préfecture de police de Paris (271 millions de francs) et du ministère des affaires étrangères (192 millions de francs).

En conséquence, le rapporteur pour avis a dénoncé ce regrettable état de fait qui était de nature à peser négativement sur les comptes de l'entreprise France Télécom au moment même où l'ouverture de son capital était prévue pour avril 1997. Il a fait part de son intention de demander au Gouvernement de préciser quelles étaient les mesures qu'il entendait prendre pour régler au plus vite ce lancinant problème.

Enfin M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a abordé la question du débat qui avait rencontré un large écho dans la presse et dans l'opinion, relatif à la nocivité éventuelle des ondes électromagnétiques pour la santé humaine. Il a rappelé que l'organisation mondiale de la santé et la Communauté européenne avaient récemment lancé des programmes de recherche à ce sujet.

Il a souhaité que le ministre chargé des télécommunications apporte sur ce point des éclaircissements, qui permettent de distinguer, dans la polémique actuelle, les fondements scientifiques des éventuelles manipulations ne visant qu'à remettre en cause le développement des technologies hertziennes.

M Pierre Hérisson, rapporteur pour avis, a rappelé l'attachement que la commission portait au développement des radiocommunications mobiles notamment en raison de leur rôle pour l'aménagement du territoire. Les débats sur la loi de réglementation des télécommunications avaient d'ailleurs permis, a noté M. Pierre Hérisson, de promouvoir le développement des technologies hertziennes, si prometteuses pour l'espace rural.

En conclusion sur ce point, M. Pierre Hérisson a jugé que, sans être alarmiste à tort, il revenait à la représentation nationale d'être vigilante sur thème de société.

Sur proposition du rapporteur, la commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances du ministère délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace.

* 1 Avec une hypothèse d'évolution des prix de 1,3 % en 1997.

* 2 Pour une description plus détaillée de ce mécanisme, voir le rapport de M. Gérard Larcher, n° 406, sur le projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom (Sénat, 1995-1996).

* 3 Voir les rapports n° 212 (Sénat 1995-1996) de M. Jean-Marie Rausch pour la loi du 10 avril 1996. n° 369 de M. Gérard Larcher pour la loi de réglementation des télécommunications et n° 406 de M. Gérard Larcher pour la loi relative à l'entreprise nationale France Télécom

* 4 Journal officiel du 27 juillet 1996, voir rapport n° 389 (1995-1996) fait au nom de la commission des Affaires économiques du Sénat par M Gérard Larcher.

* 5 Voir notamment le rapport n° 389 de M. Gérard Larcher (Sénat, 1995/1996).

* 6 Voir notamment le rapport d'information n° 260 (Sénat, 1995/1996) de M. Gérard Larcher : « L'avenir de France Télécom : un défi national »

* 7 Pour une analyse plus détaillée, voir le rapport n° 389 de M. Gérard Larcher (Sénat 1995/1996).

* 8 Voir notamment, pour les articles les plus récents parus dans la presse généraliste :

- Le Figaro, mardi 22 octobre 1996, » Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques ? »

- Le Canard Enchaîné, 16 octobre 1996, « La numérotation thermostat-10 »

- Science et vie, octobre 1996 : « Faut-il raccrocher son téléphone portable » ?

- Paris-Match, 3 octobre 1996 « Alerte aux téléphones portables »

- Le Midi Libre. 14 septembre 1996 « Les téléphones portables sont-ils inoffensifs ? »

- Le Monde, mercredi 11 septembre 1996, page 19 : « L'usage des téléphones mobiles est-il dangereux pour la Santé ? »

- Financial Times, Tuesday 16th of July 1996 « Mobile phones brain teaser ».

* 9 Voir Journal officiel. Assemblée nationale, 8 juillet 1996, page 3695.

* 10 Lors de l'annonce de la création de Cégétel, début septembre 1996.

* 11 Voir le rapport d'information n° 260 « L `avenir de France Télécom : un défi national », de M. Gérard Larcher.

* 12 Voir décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Journal officiel du 27 juillet 1996..

* 13 Voir notamment « L avenir de France Télécom : un défi national », rapport de M. Gérard Larcher, Sénat n° 260, 1995/1996.

* 14 Directive n° 96/19/CEE du 13 mars 1996 qui fixe comme objectif la résorption des déséquilibres tarifaires non justifiés.

* 15 Communiqué Je presse Je France Télécom. 8 juillet 1996

* 16 Avis n° 96-A-10 du Conseil de la Concurrence du 25 juin 1996. publié au Bulletin officiel de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 3 septembre 1996

* 17 Voir notamment l'avis de M. Pierre Hérisson relatif au budget Poste et nouvelles technologies

de l'information, Sénat n° 79, Tome XXI, 1995/1996.

* 18 Données du recensement 1993. Source DGPT.

* 19 Voir le rapport de M. Pierre Hérisson, n° 346, au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur les propositions de résolution n os 141 et 162 relatives à la directive sur les propositions de services postaux communautaires.

* 20 La loi du 2 juillet 1990 prévoit que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement retraçant les contraintes de desserte de l'ensemble du territoire et de participation à l'aménagement du territoire et les charges qui en résultent pou La Poste et France Télécom.

* 21 Réponse de M. le ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'Espace à M. le sénateur Vinçon, Journal officiel du 29 août 1996, page 2247.

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