4. Quelle sera la navigation aérienne de demain en Europe ?
a) le phénomène d'encombrement du ciel aérien
On peut mesurer l'évolution du phénomène d'encombrement de l'espace aérien à travers celle de la ponctualité des vols.
À cet égard, 1995 a marqué une très nette dégradation de la situation et celle-ci ne se présente pas sous un angle plus favorable pour 1996. En moyenne, 18,40 % des vols ont été retardés de plus de quinze minutes sur l'année. Ces retards sont imputables au contrôle de la navigation aérienne, aux aéroports et aux compagnies aériennes.
Pour ce qui concerne le retard moyen imputable au contrôle du trafic aérien, selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), celui-ci est demeuré inférieur à quatre minutes au départ des aéroports parisiens en 1995 (à l'exception du mois de décembre), ceci dans un contexte d'augmentation forte et continue du trafic aérien.
Au-delà des chiffres, l'évolution des retards est très mal ressentie par les usagers, même si elle s'explique partiellement par la forte croissance du nombre de vols au cours des dix dernières années. En outre, ces retards ont un coût non négligeable . Ainsi, la Commission européenne évalue à environ 2 milliards de francs le coût des retards dus au contrôle de la navigation aérienne, soit environ 5,5 % du coût total des services aériens intra-européens.
Cette situation incite à faire le point des actions menées par l'Union européenne dans le cadre d'Eurocontrol, ceci d'autant plus que la convention ayant créé cette Agence est en cours de révision.
b) Les activités et les perspectives d'évolution d Eurocontrol
Eurocontrol regroupe aujourd'hui 22 États. Tous les grands pays d'Europe occidentale (à l'exception de l'Espagne, dont l'adhésion est prévue pour fin 1996) font donc partie de cette organisation.
Le rôle d'Eurocontrol, qui est resté limité de sa création en 1960 jusqu'en 1985, a été renforcé à partir de cette date, avec la mise en place du centre européen de gestion des flux de trafic aérien (CFMIJ) à Bruxelles, puis le lancement du programme d'harmonisation et d'intégration du contrôle de la navigation aérienne en Europe (programme EATCHIP).
Le CFMU , projet lancé en 1988, est opérationnel pour la France depuis avril 1995 et pour l'ensemble des pays européens de la Conférence européenne de l'Aviation civile (CEAC) depuis avril 1996. Cette fonction de régulation du trafic était assurée jusqu'à présent dans cinq États avec des difficultés de coordination entre les différentes unités de régulation. Par la connaissance de l'ensemble de la demande de trafic aérien en Europe, la CFMIJ peut optimiser de façon plus précise son écoulement en Europe en fonction des capacités disponibles dans les différents centres de contrôle. Tous les acteurs du système de contrôle, y compris les usagers, considèrent que le projet CFMU est un succès.
Le programme EATCHIP , quant à lui, a été confié à Eurocontrol en 1990. Ce programme d'harmonisation et d'intégration progressive des systèmes de contrôle de la navigation aérienne européen pour accroître la capacité à court et moyen terme commence à porter ses fruits. On assiste a l'amélioration des coordinations entre pays, par l'échange de données radar, de données plans de vol. et par l'interconnexion des réseaux de communication. Par ailleurs, les programmes de recherche coordonnes entre les différents États sont de plus en plus nombreux, et conduisent a des spécifications communes pour les nouveaux systèmes. Enfin, des systèmes opérationnels destinés aux États membres commencent à être produits sous maîtrise d'ouvrage de l'Agence.
Une prochaine étape, qui devrait renforcer le rôle d'Eurocontrol dans l'intégration des systèmes de contrôle en Europe se dessine , compte tenu des évolutions institutionnelles en cours. Celles-ci devraient se concrétiser en février 1997 , lors de la prochaine réunion des ministres des transports des 33 pays membres de la Conférence européenne de l'Aviation civile (CEAC) à Copenhague.
En effet, une réflexion de fond a été lancée depuis plusieurs années au sein d'Eurocontrol pour amender la convention actuelle qui lie États membres et l'Agence. Les objectifs principaux étaient, d une part, adapter la structure juridique aux nouvelles tâches de l'agence, notamment l'exploitation de la CFMU et le programme EATCHIP et, d'autre part, de renforcer le mécanisme décisionnel en donnant une plus grande place au vote majoritaire.
Parallèlement, pour répondre aux critiques des usagers et sous la pression des compagnies aériennes, en particulier des associations internationales qui réclament une plus grande intégration des systèmes de contrôle en Europe afin de réduire les retards générés par le contrôle de la navigation aérienne, tant la Commission européenne que la CEAC ont réfléchi à l'évolution des institutions européennes en matière de navigation aérienne.
Les proposions de la Commission européenne dans le domaine du contrôle aérien figurent dans son Livre Blanc : « la gestion du trafic aérien vers un espace aérien européen sans frontière », paru au printemps 1996. Commission propose, d'une part, le renforcement des pouvoirs de l'Agence Eurocontrol et. d'autre part, la participation de la Communauté européenne en tant que membre d'Eurocontrol, par le biais de la Commission elle-même, avec des compétences exclusives ou partagées avec les États membres suivant les domaines.
Si le renforcement des pouvoirs de l'Agence est déjà largement couvert par le projet de nouvelle convention, l'opportunité d'une participation directe de la Commission européenne au fonctionnement de l'institution Eurocontrol ne paraît pas de nature à améliorer celui-ci.
Les travaux de la CEAC sur l'évolution des institutions européennes, lancés par les ministres en 1994 (dénommés travaux INSTAR) sont en voie d'achèvement. Sans préjuger des décisions des ministres en février 1997, la solution proposée pourrait se baser sur la convention Eurocontrol, à laquelle des améliorations seraient apportées.
Selon le rapport d'information 3 ( * ) de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale sur le thème : « Faut-il une Europe de la navigation aérienne ? », les nouvelles structures d'Eurocontrol seraient les suivantes :
« . un organe supérieur de niveau politique élevé (assemblée générale) : les ministres des transports et de la défense auraient la responsabilité de définir la politique générale de l'organisation, l'objectif étant de les impliquer plus qu' `aujourd'hui dans la gestion d'Eurocontrol ;
. des enceintes spécialisées (comités permanents, groupes de travail ou d'étude, équipes de recherche) ;
. une agence sous l'autorité exclusive du directeur général, dont l'autonomie de gestion serait renforcée ;
. la possibilité de gérer certaines tâches dans un contexte privé plus commercial, prenant en compte les changements importants intervenus dans la gestion des services nationaux de contrôle aérien, qui fait appel, soit à la privatisation, soit à une certaine autonomie de gestion et financière ».
Le processus de décision serait largement basé sur le vote majoritaire, ce qui introduirait une certaine souplesse dans le fonctionnement de l'organisation, dont l'objectif est l'élargissement géographique de la CEAC, à l'ensemble de l'Europe.
Enfin, une participation systématique des usagers, en qualité d'observateurs, aux débats sur les questions opérationnelles et techniques et sous la forme de consultations régulières pour les questions stratégiques et financières, permettrait une meilleure prise en compte de leur point de vue.
Une telle réforme d'Eurocontrol apparaît souhaitable et positive.
* 3 Voir le rapport d'information n° 2953 présenté par M. Charles Josselin, au nom de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale