B. LES MAGISTRATS ET LES FONCTIONNAIRES DES GREFFES

Pour sa deuxième année d'exécution, le plan pluriannuel pour la Justice devrait permettre de renforcer les effectifs des juridictions. S'y ajoute par ailleurs la transformation en emplois de catégorie C, réclamée l'an dernier par votre rapporteur, de 300 postes occupés par des personnels vacataires ou employés, en marge de la loi, sur des contrats emploi-solidarité.

1. Les magistrats

- Des créations de postes

Les organisations professionnelles de magistrats reçues par votre rapporteur ont globalement apprécié l'effort consenti en faveur de la justice, notamment en matière de créations d'emplois : la loi de finances initiale pour

1995 avait créé 60 emplois de magistrats ; le projet de loi de finances pour en crée également 60, soit, en deux ans, les 2/5ème des créations prévues par la loi de programme. Le nombre des emplois budgétaires atteindrait ainsi 6 258.

La perspective de la mise en place des tribunaux criminels départementaux annoncée par le Garde des sceaux imposera de toute évidence des créations d'emplois hors plan pluriannuel sur l'exercice 1997. Lors de leur audition par la commission des Lois, le Garde des Sceaux les a évaluées à 80 et les organisations professionnelles à une bonne centaine. Votre commission des Lois sera vigilante sur ce point et souhaite d'ores et déjà faire valoir que les emplois exigés par la création de ces nouvelles juridictions ne devront en aucun cas être prélevés sur les emplois prévus par la loi de programme. Le Garde des sceaux a d'ailleurs indiqué que telle était son intention.

Reste qu'il sera difficile de pourvoir les postes nouveaux qui devront être créés si, comme le signalait notre collègue M. Robert Badinter, lors de l'examen en commission des crédits du ministère de la Justice, le nombre des postes mis au concours de L'école nationale de la magistrature continuait de diminuer : de 228 en 1990, ce nombre est en effet tombé à 169 en 1992, 155 en 1995 et, selon les prévisions fournies par la Chancellerie, il devrait s'établir à 115 en 1996 tandis que les recrutements latéraux ne dépasseraient pas 10 (contre 51 en 1991).

Par ailleurs, la répartition des 58 postes de magistrats créés dans les juridictions a surpris votre commission des Lois. D'après les informations fournies par la Chancellerie, ces emplois seraient ainsi distribues :

- 2 à la Cour de cassation,

- 24 dans les cours d'appel afin de résorber les stocks,

- 9 auprès des chefs de cours d'appel (magistrats « placés »),

- 9 au siège et 8 dans les parquets des TGI,

- 3 dans les tribunaux pour enfants,

- 3 pour l'application des peines pour, en particulier, accompagner l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.

La loi de programme a certes fixé un objectif de réduction des délais de traitement des affaires mais votre commission des Lois s'inquiète de la médiocrité des moyens nouveaux mis à la disposition de deux secteurs pourtant très sensibles : la délinquance juvénile et 1 application des peines.

- Une revalorisation protocolaire et indemnitaire

L'année 1995 a par ailleurs vu la situation protocolaire des magistrats améliorée par la modification de leur rang dans les cérémonies publiques à la suite de la publication du décret du 22 juin 1995.

Quant à la situation indemnitaire des magistrats judiciaires, elle rattrapera, en 1996, celle des membres du corps des magistrats des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs dont elle s'était détachée en 1994, soit un taux moyen de prime de Tordre de 37 % (alors qu'il n'atteignait que 19 % en 1987).

- Une formation économique et financière à améliorer

Votre commission des Lois a par ailleurs pris connaissance avec intérêt des propositions publiées en avril dernier par la sous-direction des affaires économiques et financières pour améliorer la formation des magistrats en matière économique et financière. Ce rapport privilégie en effet une approche pragmatique qui s'articule autour de deux idées : professionnaliser plutôt que spécialiser, identifier des postes économiques et financiers au sein des juridictions destinés à être occupés par des magistrats professionnalisés plutôt que bouleverser la carte judiciaire.

La professionnalisation envisagée exigerait une formation théorique et pratique, initiale et continue. Elle permettrait de créer des sections spécialisées du parquet ainsi que des chambres de jugement économiques et financières dans les juridictions spécialisées, des fonctions de substitut délégué aux affaires économiques et financières, de juge d'instruction délégué aux affaires économiques et financières et de magistrat délégué aux affaires économiques et financières.

Reste à assurer la mise en oeuvre effective de ces orientations, ce qui suppose que des moyens budgétaires soient dégagés mais le projet de loi de finances pour 1996 n'ouvre malheureusement pas de perspectives en la matière.

2. Les fonctionnaires des greffes

- Des effectifs en augmentation

Au 31 juillet 1995, les effectifs des personnels des services judiciaires s'élevaient à 18 323 emplois réels, soit moins qu'en 1992 ; le taux de vacances qui avait beaucoup augmenté entre 1989 et 1994 était toutefois redescendu à 1,5 % à cette date et il pourrait se stabiliser à 0,6 % en fin d'année.

En 1995, la loi de finances initiale a créé 23 emplois auxquels se sont ajoutés 185 emplois « dégelés » de l'exercice 1994. En 1996, le projet de loi de finances prévoit la création de 490 emplois, - 190 au titre du plan pluriannuel et 300 pour convertir des vacations et des CES en emplois de catégorie C.

L'exécution du plan pluriannuel a donc d'ores et déjà pris du retard, ce qui est regrettable, d'autant que les gels qui frappent régulièrement ces créations perturbent les recrutements.

Votre commission des Lois est préoccupée par cette situation. Les juridictions ont impérativement besoin du concours de greffes suffisamment dotés en effectifs et dont les agents soient recrutés à un niveau de compétence adapté aux tâches qui leur incombent.

Par ailleurs, les différents corps des greffes font l'objet depuis plusieurs années d'une restructuration visant notamment à augmenter la proportion des personnels de catégorie B et à valoriser les fonctions de chef de greffe. Ces opérations s'achèvent en 1995. Les organisations professionnelles représentatives ont indiqué à votre rapporteur que l'effort de repyramidage devait impérativement être poursuivi en raison notamment de l'accroissement des responsabilités des personnels par la loi du 8 février 1995 en matière de réception de certaines déclarations, de contrôle des comptes de tutelle, d'établissement des certificats de nationalité et d'aide juridictionnelle.

Enfin, la conversion de certains emplois de vacataire, souvent occupés, au mépris de la loi, par des contrats emploi-solidarité, constitue une avancée dont votre commission des Lois, qui avait dénoncé ces pratiques, ne peut que se réjouir. Elle observe toutefois que les évaluations communiquées font état de 600 à 1 000 emplois à convertir : il conviendra donc que la loi de finances pour 1997 poursuive et achève l'effort engagé cette année. Reste à déterminer les modalités d'intégration des personnels concernés : sans doute faudra-t-il organiser un recrutement spécifique assorti d'une condition d'ancienneté.

- L'absence de toute revalorisation indemnitaire

En 1995, les agents des greffes ont vu leur taux moyen indemnitaire progresser d'un point pour s'établir à 18 %. Le projet de loi de finances pour 1996 ne prévoit aucune revalorisation. Cette situation a particulièrement ému les greffes qui ont réalisé des efforts de productivité importants au cours des années récentes et qui tenaient pour acquis les engagements pris à leur égard par le précédent Garde des sceaux, M. Pierre Méhaignerie. Le 10 octobre dernier le mouvement de grève lancé par les organisations professionnelles aurait été suivi par plus de 55 % des personnels et certains services ont même dû être fermés.

Lors de son audition par la commission des Lois, le Garde des Sceaux a regretté de ne pas avoir pu améliorer le régime indemnitaire des personnels des greffes en 1996 avant d'indiquer que la revalorisation de ce régime figurerait au premier rang de ses priorités pour 1997.

- La nécessité d'une réflexion d'ensemble sur les missions des greffes

L'an dernier, votre commission des Lois avait appelé à une véritable réflexion sur les missions des greffes, les statuts des fonctionnaires et leurs responsabilités. Le nouveau Garde des sceaux, M. Jacques Toubon, s'est engagé en ce sens. Gageons que cette réflexion débouchera au cours de l'année 1996 et que ses effets tant indemnitaires que statutaires et fonctionnels pourront commencer à se faire sentir dès l'an prochain. Tel est en tout cas le souci de votre commission des Lois tant il est vrai que l'institution judiciaire ne peut poursuivre sa modernisation sans la collaboration active de ses fonctionnaires.

3. Les assistants de justice

Lors de l'examen du plan pluriannuel pour la justice, le Sénat avait souhaité que le juge puisse être assisté par des collaborateurs susceptibles d'effectuer, sous sa direction, des recherches juridiques et de jurisprudence et de faire une première analyse des dossiers.

Faute de décret d'application, l'institution des assistants n'a pas connu les développements escomptés en 1995, même si la Chancellerie indique que des crédits de vacation ont été spécialement délégués à cet effet auprès de 15 cours d'appel qui les avaient sollicités et que 36 assistants ont ainsi pu être recrutés.

Le projet de décret en cours de préparation avec les ministères de la Fonction publique et du Budget prévoit le cadre d'exercice de la fonction d'assistant : un contrat entre le chef de cour et l'intéressé, des règles afférentes aux congés, au droit de grève, etc., et une indemnisation sous forme de vacations horaires dans la limite de 80 par mois et de 720 par an dont le montant serait fixé à 50,02 francs en 1996.

D'après les indications fournies par la Chancellerie, 200 assistants devraient être recrutés en 1996, pour un coût budgétaire de 7,5 millions de francs.

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