IV. LA PREMIÈRE ANNÉE D'EXÉCUTION DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION : UN BILAN POSITIF, EN DÉPIT DE QUELQUES INCERTITUDES
Votre rapporteur observe que le rapport sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation, que le Gouvernement doit présenter au Parlement chaque année n'a pas encore été déposé.
En son absence, il a donc jugé opportun de formuler quelques observations sur la première année de mise en oeuvre de cette loi, étant entendu qu'il est encore trop tôt pour en évaluer précisément tous les effets.
A. L'AVANCEMENT RAPIDE DE LA RÉORGANISATION DES CORPS ET DES STATUTS DES PERSONNELS DE LA POLICE
Indépendamment des nouveaux moyens juridiques et financiers mis dès cette année à la disposition de la police pour lui permettre d'assurer plus efficacement ses missions, la loi d'orientation et de programmation a posé les bases d'une profonde rénovation des corps et des statuts des personnels.
1. La structure des nouveaux corps
L'article 19 et l'Annexe I paragraphe III de la loi d'orientation ont prévu une refonte des statuts axée sur la fusion des corps en tenue et des corps en civils. Ces corps étaient jusqu'à présent étroitement cloisonnés.
- le corps d'encadrement, réparti en trois grades de commandant, capitaine et lieutenant, et accueillant les anciens inspecteurs et officiers de paix ;
- le corps de maîtrise et d'application, composé des enquêteurs, des brigadiers-major et des brigadiers et gardiens.
Une référence expresse était prévue par la loi d'orientation en ce qui concernait d'une part les modalités d'intégration dans les nouveaux corps des fonctionnaires déjà en poste, d'autre part les mesures transitoires et les « passerelles » devant permettre de passer d'une filière à l'autre.
L'Annexe III de la loi d'orientation prévoyait enfin que les décrets nécessaires interviennent dans un délai de dix-huit mois.
2. Le processus réglementaire de mise en application des dispositions de la loi d'orientation
Ce cadre légal posé, restait à mettre en oeuvre une réforme qui, pour l'essentiel, relève juridiquement du pouvoir réglementaire mais qui suppose, en pratique, une étroite concertation avec les représentants des personnels concernés.
Dès le 20 octobre 1994, une «commission du suivi» et plusieurs groupes de travail constitués en son sein ont permis, au cours de très nombreuses réunions préparatoires (plus de cinquante) d'élaborer dans des délais rapides les principaux textes attendus.
C'est ainsi qu'une première série de quatre décrets du 6 mai 1995 (publiés au Journal officiel le 7 mai 1995) ont respectivement modifié les statuts particuliers des inspecteurs (décret n° 95-578), des commandants et officiers de paix (décret n° 95-579), des gradés et gardiens (décret n° 95-581) et des enquêteurs (décret n° 95-581).
Six décrets du 9 mai 1995 sont ensuite intervenus (Journal officiel du 10 mai 1995):
• Le premier décret fixe les nouvelles
dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs de la police
nationale (décret n° 95-564).
Ce texte de base, qui se substitue au décret du 24 janvier 1968 modifié, organise les fonctionnaires actifs de la police en trois corps et renvoie à des statuts particuliers les dispositions propres à chacun de ces corps.
Il définit par ailleurs les principes généraux du recrutement des policiers, de leur formation, du déroulement de leur carrière, de leurs obligations particulières de service -celle de résider à proximité de leur lieu d'affectation, notamment- de leurs règles disciplinaires, ainsi que les structures de concertation et de participation (commissions administratives paritaires, notamment).
ï Trois autres décrets (n° 95-655 à 95-657) définissent les statuts particuliers des trois nouveaux corps.
ï Deux derniers décrets (n° 95-658 et 95-659) précisent enfin les règles applicables au comité technique paritaire central et aux comités techniques paritaires départementaux de la police nationale.
D'autres dispositions réglementaires complètent cet ensemble, en particulier trois arrêtés des 9 août, 18 octobre et 20 octobre 1995, relatifs à la formation initiale du premier grade du corps de maîtrise et d'application, au recrutement des lieutenants de police et aux dispositions communes.
Sur le plan juridique, le « rendez-vous réglementaire » prévu par la loi d'orientation a donc été tenu.
L'ensemble de ce dispositif aboutira à la transformation de 111.184 emplois et, pour 1996, à un coût de 31 millions de francs.
3. L'objectif de la réforme : la modernisation et le décloisonnement des corps de la police
Il n'est pas douteux que cette réforme d'envergure pourra susciter ça ou là quelques difficultés -à tous les échelons de la hiérarchie, d'ailleurs- car elle remet en cause des structures et des cadres hérités du passé, généralement rigides, bien souvent atteints par certaines pesanteurs.
La concertation menée en amont sur avec les personnels pourra sans doute en faciliter la mise en oeuvre en aval.
Un des effets immédiats des nouvelles dispositions statutaires sera de hausser dès les prochains concours le niveau de recrutement des policiers. Il passe du niveau « bac + 3 » (licence) au niveau « bac + 4 » (maîtrise) pour les commissaires et du niveau « bac » au niveau « bac+2 » pour le corps d'encadrement.
Pour les inspecteurs, commandants et officiers, l'exigence de deux années de formation universitaire préalable au recrutement est très appréciable.
En effet, la majeure partie des dix-huit mois de formation initiale de ces personnels était consacrée à l'acquisition de connaissances purement juridiques -en droit pénal et procédure pénale, notamment- au détriment de l'apprentissage des techniques policières proprement dites. En recrutant des fonctionnaires ayant déjà une formation universitaire à dominante juridique -compte tenu de la nature des épreuves- les écoles de police pourront ainsi recentrer leur enseignement sur le métier de policier proprement dit.
En revanche, il n'a pas été prévu d'exiger le baccalauréat pour les candidats au corps de maîtrise et d'encadrement (brigadiers et gardiens), cette mesure étant jugée trop élitiste et de nature à empêcher le recrutement de jeunes policiers de valeur en dépit de l'absence de ce diplôme. Pour autant, le concours se situera au niveau des classes de première.
Quoi qu'il en soit, la création de ces trois nouveaux corps et la suppression du cloisonnement entre « la Tenue » et les policiers exerçant en civil vont induire de nouveaux comportements, voire une nouvelle culture policière.
L'objectif déclaré, en ce domaine, est de parvenir, selon les termes du directeur général de la police nationale, M. Claude Guéant, à une « meilleure professionnalisation et à une plus grande polyvalence » des nouveaux policiers.