B- LES MESURES EN VUE DU RENFORCEMENT DE LA SECURITE DANS LES VILLES
L'article 4 de la loi d'orientation assigne à la police nationale comme la première de ses missions prioritaires la lutte contre les violences urbaines et la petite délinquance, phénomènes particulièrement préoccupants dans les « quartiers difficiles ».
Le constat est unanime : on assiste progressivement dans certains quartiers à la création de zones de non droit où se conjuguent tous les facteurs de l'insécurité (concentration urbaine, immigration clandestine, drogue, délinquance juvénile multirécidiviste, chômage élevé, déficit de services publics, etc...). Votre rapporteur ne croit pas nécessaire d'allonger son propos sur un thème hélas trop connu, auquel il a d'ailleurs consacré à plusieurs reprises d'amples développements.
La lutte contre ces dérives s'avère d'emblée très difficile. Elle dépasse largement les seules missions de la police, impliquant le concours actif de tous les acteurs publics et privés de la sécurité, au premier chef desquels les collectivités locales, les services sociaux et culturels et le secteur associatif.
A cet égard, il n'est pas douteux que la reconnaissance légale du maire comme acteur de la sécurité publique et son association à la définition par le préfet du programme de prévention de la délinquance et de l'insécurité, inscrites à l'initiative du Sénat dans la loi d'orientation (article 7) comme un de ses principes forts, facilitera la mobilisation de tous les moyens disponibles.
Néanmoins, la police joue un rôle fondamental dans la politique de la ville car une présence plus effective des policiers -outre son caractère dissuasif indéniable- représente le signe visible de l'autorité de l'État dans les quartiers difficiles.
1. Un bon exemple de l'action policière urbaine « en temps réel »et sur le terrain : les brigades anti-criminalité
Le ministre de l'Intérieur a souligné l'efficacité des brigades anti-criminalité (BAC), dont il entend renforcer les moyens d'intervention. Actuellement, 289 BAC regroupent 3 129 policiers.
Les BAC centrent leur activité sur les interpellations en flagrant délit (83 000 en 1994). Ces interventions « en temps réel » imposent de lourdes contraintes aux personnels en tenue et en civil et se révèlent très dangereuses, car les policiers se heurtent souvent à des individus qui n'hésitent pas à riposter (armes blanches, armes à feu, percussion des véhicules de police par des « voitures bélier », etc...).
D'où l'effort d'équipement spécifique -mais onéreux- consenti au profit des BAC : gilets pare-balles, « flash ball » (fusil à balle en caoutchoucs), etc...
En revanche, force est de constater que les véhicules en dotation dans ces unités n'ont ni les performances ni la robustesse de ceux qu'utilisent généralement les bandes sévissant dans certains quartiers difficiles (souvent des véhicules volés ou achetés avec l'argent de la drogue). Une réflexion devrait être engagée à ce sujet.
2 La présence policière passe aussi par des mesures comme l'îlotage ou l'incitation à résider au plus près des lieux d'affectation. La loi d'orientation prévoit expressément de les développer.
Votre rapporteur a émis dans le passé quelques doutes sur l'îlotage, tactique qui peut être efficace mais à condition de ne pas sombrer peu à peu dans la routine.
Comme l'a observé récemment le ministre de l'Intérieur, M. Jean-Louis Debré, à quoi bon organiser des rondes d'îlotage à heure fixes, tous les jours jusqu'à 20 heures, par exemple, puisque très vite les délinquants adaptent leurs horaires en fonction de ceux de la police !
La logique de la délinquance a sans aucun doute deux gros atouts face à celle de l'administration : la souplesse et l'adaptation rapide...
C'est pourquoi votre rapporteur approuve pleinement les propos du ministre de l'Intérieur, pour qui l'îlotage ne doit pas être un « alibi pour la routine » et dont l'efficacité nécessite « une remise en question permanente des méthodes et des modalités » pour coller aux réalités du terrain.
Ces propos démontrent qu'une bonne mise en oeuvre de la loi d'orientation exige non seulement des moyens mais aussi la remise en cause de conceptions routinières dépassées.
Faciliter le logement des policiers au plus près de leur lieu d'affectation est un des objectifs de la loi d'orientation.
L'article 24 du décret du 9 mai 1995 fixant les nouvelles dispositions communes applicables aux policiers des services actifs dispose que « les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont tenus de résider sur leur lieu d'affectation ou à une distance telle que leur rappel inopiné soit possible en toutes circonstances et dans les délais les plus brefs ».
La réalité est toute différente. On sait, par exemple, que dans le ressort du SGAP de Versailles (Grande couronne), seulement 21 % des policiers résident dans leur commune d'affectation, 17% à des distances comprises entre 20 et 100 kilomètres et 9 % à plus de 100 kilomètres.
Dans les faits, l'affectation des policiers dans les zones urbaines est souvent ressentie comme une simple étape de carrière -en général, de début de carrière- en raison de la difficulté de ces postes et du coût les logements. La fidélisation des policiers est y est très faible, faute de facteurs incitatifs.
Aussi l'effort en faveur du logement des policiers, au même titre que les avantages indemnitaires, est tout à fait nécessaire pour parvenir à la stabilisation dans les zones fortement urbanisées d'un nombre suffisant de policiers expérimentés.
On constate aussi que la présence de policiers habitant au sein même des quartiers réputés difficiles y réduit statistiquement le nombre des incidents, tant dans leur immeuble qu'à proximité. Tout simplement, elle fait jouer la « peur du gendarme ».
En région francilienne, la loi d'orientation et de programmation a fixé des objectifs exprimés non pas en termes budgétaires mais en nombre de logements. Elle prévoit ainsi de loger 4 000 policiers, soit un doublement annuel par rapport à 1994.
Outre les acquisitions et les réservations traditionnelles auprès des bailleurs sociaux, le ministère de l'Intérieur expérimente avec succès de nouvelles formes d'intervention, notamment le cautionnement par la Fondation Jean Lépine des loyers des policiers en contrepartie d'un abaissement du prix de la location. Assurés du paiement, les bailleurs privés sont enclins à consentir un loyer plus faible que celui du marché, d'autant que les policiers sont en général des locataires plus appréciés que d'autres.