III. VERS UNE ÉCOTAXE ?
A. LE NOUVEAU PROJET D'ÉCOTAXE
Proposée par la Commission européenne pour lutter contre l'effet de serre à l'échelle des Douze, l'écotaxe serait assise pour partie sur les émissions de carbone et pour partie sur les énergies consommées. Son montant initial, de 3 dollars le baril, serait accru pour parvenir à un niveau de 10 dollars en l'an 2000.
La France s'est prononcée négativement sur ce projet au Conseil de l'Énergie de mai 1992, non pour des raisons de principe, mais en raison de ses modalités :
- elle estime que l'écotaxe devrait être assise exclusivement sur le carbone émis, et non frapper sans discrimination l'ensemble des énergies, y compris le nucléaire et l'hydraulique qui n'émettent pas de gaz carbonique ;
- cette taxe ne doit pas remettre en cause la compétitivité des industries européennes, ce qui serait le cas si elle n'était pas adoptée parallèlement par les autres pays de l'OCDE. Il convient donc d'introduire une clause de conditionnalité.
Le 2 mai 1995, la Commission a présenté une nouvelle proposition de taxe.
Cette dernière fixe les paramètres communs d'une taxe mixte, spécifique et optionnelle pendant une période transitoire de 4 ans (1996-1999). À l'issue de cette période, le Conseil devrait arrêter les mesures nécessaires à l'introduction d'une taxe obligatoire dans l'Union européenne.
La Commission a repris les principaux critères constituant sa proposition initiale de 1992 : taxe spécifique, additionnelle aux taxes existantes dans les États membres. L'élément nouveau de la proposition réside dans la souplesse introduite au cours de la période transitoire. En effet, sur la période 1996-1999, les États membres détermineraient le taux de la taxe qu'ils souhaitent appliquer à chacun des produits. Ils auraient, de ce fait, la possibilité de fixer un taux « zéro » sur les produits de leur choix. En contrepartie, la Commission a supprimé la clause dite de conditionalité.
Toutefois, afin de faciliter l'introduction, en l'an 2000, d'une taxe spécifique harmonisée sur la totalité des produits visés, la Commission invite les États membres à faire converger leurs taux vers des taux indicatifs mentionnés dans la proposition.
B. LA POSITION DE LA FRANCE
La France a fait valoir que cette proposition ne pouvait constituer une base de travail satisfaisante. Elle préconise une réflexion sur la taxation des seules émissions de C02 dans le cadre du relèvement, des accises harmonisées et de l'extension de leur champ d'application, l'exercice devant reposer sur une approche sectorielle, afin de préserver la compétitivité des secteurs soumis à la concurrence internationale.
En effet, les autorités françaises ont toujours défendu l'idée que l'instrument fiscal constitue l'outil le mieux adapté et le plus efficace pour lutter contre l'effet de serre. Comparée à une approche pénalisante pour notre pays qui fixerait des objectifs de réduction des émissions, la taxation des émissions de dioxyde de carbone s'avère être un moyen équitable qui prend en compte les efforts déjà accomplis (le taux d'émissions de C0 2 par habitant de la France figure parmi les plus faibles des pays développés).
Or, les modalités proposées ne répondent pas à ces exigences :
• Sur la taxe spécifique
additionnelle
:
La France n'a aucun intérêt à voir progresser l'idée d'une taxe spécifique qui présente de nombreux inconvénients et la pénalise, compte tenu de ses taux nationaux élevés par rapport à ses partenaires. Il lui est, en effet, de plus en plus difficile de procéder à de nouveaux relèvements sans encourir des risques de délocalisation et de distorsion de concurrence.
L'intérêt de la France serait d'obtenir l'augmentation des taux minima harmonisés afin de réduire le plus rapidement possible les écarts existants à l'intérieur de l'Union.
•
Sur une approche par
produit
:
La Commission maintient son approche par produit, contrairement à l'approche sectorielle préconisée dans le mémorandum français qui permet d'agir sans délai et de façon programmée sur certains secteurs, les moins exposés à la concurrence internationale (transports et résidentiel-tertiaire), en excluant toute modification de taxation pour les combustibles fossiles à usage essentiellement industriel, afin de garantir la compétitivité des entreprises grosses consommatrices d'énergie.
•
Sur l'assiette mixte
:
Une taxe mixte, assise pour partie sur la valeur énergétique des produits, ne répond pas à l'objectif de lutte contre l'effet de serre et défavorise les pays qui ont développé des énergies non productrices de C02, tel que l'électronucléaire.
Tous ces arguments plaident pour un rejet, par la France, du nouveau projet d'écotaxe proposé par la Commission européenne.