Article premier D
(Art. 12-1 nouveau de l'ordonnance du 1er décembre 1986)
Prix abusivement bas
Cet article insère dans le titre III de l'ordonnance relatif aux pratiques anticoncurrentielles des dispositions prohibant les offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas, dès lors que ces prix prédateurs sont susceptibles d'éliminer d'un marché une entreprise ou l'un de ses produits.
L'article 3 du projet de loi initial avait placé ces dispositions au sein du titre IV intitulé « De la transparence et des pratiques restrictives ». Or, s'agissant de pratiques susceptibles d'avoir des conséquences de type macro-économique sur le marché (élimination d'une entreprise ou d'un produit) et dès lors que le Conseil de la concurrence est chargé d'assurer l'application de ce nouveau dispositif, le transfert du titre IV au titre III de l'ordonnance semble justifié.
La prohibition porte sur les pratiques de prix abusivement bas mais également sur les offres de prix abusivement bas : aussi, dès l'annonce de tels prix, le Conseil de la concurrence peut-il prendre des mesures conservatoires, sur le fondement de l'article 12 de l'ordonnance qui lui permet d'intervenir si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.
Les prix abusivement bas prohibés sont ceux offerts aux consommateurs, non à des professionnels, et concernent les produits fabriqués ou transformés par le distributeur.
L'appréciation du caractère abusivement bas du prix s'effectue par comparaison avec l'ensemble des coûts de production, de transformation et de commercialisation supportés par l'entreprise. Il faut en outre qu'un tel prix ait pour conséquence ou soit susceptible d'avoir pour effet l'éviction du marché d'une entreprise ou d'un de ses produits.
Ce nouveau dispositif ne concerne pas les produits revendus en l'état auxquels s'applique en revanche la prohibition de la revente à perte. L'Assemblée nationale a cependant introduit une exception pour la vente de carburants au détail, produits revendus sans transformation préalable et pour lesquels les grandes surfaces pratiquent des prix d'appel, sans pour autant revendre à perte (seulement 4 infractions constatées en 1991, 5 en 1992 et 7 en 1993). Cette exception répond à la préoccupation d'éviter une disparition progressive des stations-service, dès qu'elle entraîne celle de l'ensemble du tissu commercial et artisanal. Il s'agit d'endiguer un phénomène aux conséquences inquiétantes pour l'aménagement du territoire qui conduit chaque année à la fermeture d'un millier de pompes à essence. Le rapport Villain du mois de janvier 1995 indique que leur nombre est passé de 29 000 en 1988 à 21 700 en 1992, les grandes surfaces assumant désormais 43% de la fourniture de carburants.
En ce qui concerne la procédure d'examen par le Conseil de la concurrence des affaires relatives aux pratiques de prix abusivement bas, l'Assemblée nationale a prévu une saisine automatique de la commission permanente. Or, il n'apparaît pas justifié d'appliquer une procédure particulière en la matière, privant le président du Conseil de la concurrence du pouvoir qui lui appartient, aux termes de l'article 22 de l'ordonnance, de décider de la répartition des dossiers en fonction de la gravité des pratiques constatées.
En conséquence, votre commission vous soumet un amendement de suppression du dernier alinéa de l'article premier D prévoyant la compétence automatique de la commission permanente. Par ce même amendement, elle vous propose de transférer les dispositions relatives à la prohibition des prix abusivement bas après l'article 10 de l'ordonnance afin de respecter une cohérence de présentation au sein du titre III.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier D ainsi modifié.