B. UNE PRESTATION BIEN CIRCONSCRITE
1. Une prestation différentielle en nature
Les paramètres financiers définissant la prestation d'autonomie sont au nombre de deux :
- d'une part, son montant maximum est fixé par décret, par référence à la majoration pour aide constante d'une tierce personne (article 4 du projet de loi). Le Gouvernement entend retenir un maximum égal à 80 % de la majoration pour tierce personne, soit 4.300 F par mois ;
- d'autre part, la prestation d'autonomie est attribuée sous condition de ressources (article 5 du projet de loi). Elle ne peut être cumulée avec les ressources du bénéficiaire et, le cas échéant, de son conjoint que dans la limite d'un plafond déterminé par décret. Le Gouvernement entend retenir un plafond égal à 1,5 fois le plafond de l'allocation supplémentaire du FNS, soit 13.000 francs bruts par mois, ou 9.250 francs nets. Le mode de calcul de la prestation d'autonomie n'est donc pas forfaitaire, mais différentiel.
Votre rapporteur constate que les déterminants financiers essentiels de la prestation d'autonomie relèveront, comme il est d'usage en matière sociale, du seul pouvoir réglementaire, le législateur n'étant invité à se prononcer que sur ses principes fondamentaux.
Telle qu'elle est présentée, la prestation d'autonomie apparaît plus favorable que l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui est attribuée sous la condition d'un plafond de ressources inférieur fixé a 7.600 francs nets par mois.
Cela ressort de la comparaison effectuée ci-dessous, à partir de l'exemple d'une personne âgée dépendante disposant d'un revenu net de 4.680 F (soit 6.500 francs bruts).
L'article 2 du projet de loi définit la prestation d'autonomie comme une prestation en nature.
Ce point la distingue radicalement de l'allocation compensatrice pour tierce personne, prestation versée en espèces, et garantit l'effectivité de l'aide apportée à la personne dépendante. Toutefois, une fraction limitée de la prestation d'autonomie pourra être versée en espèces afin de prendre en charge le petit appareillage souvent rendu nécessaire par l'état de dépendance.
Pour les personnes à domicile, la prestation d'autonomie servira à rémunérer une aide, soit directement, grâce à des "chèques autonomie" comparables aux "chèques services" existants, soit par l'intermédiaire d'une association agréée grâce à un système de tiers payant.
Pour les personnes en hébergement, la prestation d'autonomie sera versée directement à l'établissement d'accueil. Elle ne prendra en charge que les frais exposés par l'établissement au titre de la dépendance du bénéficiaire, à l'exclusion des prestations strictement hôtelières.
L'effectivité de l'aide financée par la prestation d'autonomie devrait garantir à celle-ci un impact assez important en matière de création d'emplois. Les premiers résultats issus de l'expérimentation menée dans douze départements depuis le début de l'année font apparaître un rapport de l'emploi à temps plein créé pour 3 prestations expérimentales dépendance attribuées.
Le Gouvernement attend la création de 50.000 emplois de la mise en oeuvre de la prestation d'autonomie.
2. Une évaluation rigoureuse des besoins
Le bénéfice de la prestation sera réservé aux 700.000 personnes âgées lourdement dépendantes. L'état de dépendance est défini par l'article premier du projet de loi comme le besoin d'une aide pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou la nécessité d'une surveillance régulière.
L'appréciation du degré de dépendance de chaque bénéficiaire sera faite par une équipe médico-sociale, qui devra se référer à la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie - Groupe Iso-Ressources). Cette référence unique sur l'ensemble du territoire devrait garantir l'égalité de traitement des demandes de prestation d'autonomie.
Le montant de la prestation ne sera pas déterminé uniquement en fonction du degré de perte d'autonomie ainsi évalué, mais pourra être modulé en fonction de "l'environnement" de la personne âgée, c'est-à-dire notamment de ses conditions de logement et des aides régulières qui lui sont apportées (article 4 du projet de loi). Ce montant est par ailleurs encadré, comme on l'a vu, par un maximum d'attribution et un plafond de ressources.
Enfin, la prestation d'autonomie n'est pas définitivement attribuée mais fait l'objet d'une révision périodique (article 7). Un suivi médico-social est assuré qui permettra de contrôler le caractère effectif de l'aide apportée et son adéquation aux besoins du bénéficiaire (article 20 du projet de loi).
3. Une possibilité de recouvrement sur succession
L'attribution de la prestation d'autonomie ne sera pas subordonnée à la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire prévue par les articles 205 à 211 du code civil (article 10 du projet de loi). En effet, la mise en oeuvre par voie d'autorité de cette obligation pose des problèmes délicats de partage entre les obligataires et de prise en compte de leurs revenus propres, de nature à susciter beaucoup de contentieux.
Par ailleurs, compte tenu de l'âge moyen probable des bénéficiaires de la prestation d'autonomie, le poids de l'obligation alimentaire devrait porter essentiellement sur des descendants retraités.
En revanche, les sommes versées au titre de la prestation d'autonomie pourront être recouvrées sur les successions (article 14 du projet de loi). En effet, la prestation d'autonomie sera attribuée aux personnes âgées ne disposant pas d'un revenu suffisant pour faire face aux frais entraînés par leur état de dépendance. I1 paraît dès lors normal que le patrimoine des bénéficiaires soit utilisé, après leur décès, pour rembourser à la collectivité les dépenses que celle-ci aura exposées à leur profit. Certains départements parviennent déjà aujourd'hui à des taux de recouvrement sur succession significatifs pour leurs dépenses d'aide sociale à l'hébergement (16,7 % à Paris. 12% dans les Hauts-de-Seine. 5 à 10 % dans les autres départements).
Ce point distingue radicalement la prestation d'autonomie de l'allocation compensatrice, et la situe clairement dans le champ de l'aide sociale.
Cette possibilité de récupération sur succession contribuera beaucoup à prévenir toute dérive éventuelle de la prestation d'autonomie. Elle garantira que celle-ci ne sera demandée que lorsque les besoins seront réels et auront dépassé la capacité du soutien naturellement fourni Par la famille.
Toutefois, l'article 14 du projet de loi prévoit que le recours en récupération ne s'exercera que sur la fraction de l'actif net successoral excédant un seuil fixé par décret. Dans un souci d'efficacité votre rapporteur estime que ce seuil spécifique devra être fixé à un niveau inférieur à celui du seuil de 250.000 francs de droit commun en matière d'aide sociale : un abattement de 100.000 francs apparaît raisonnable, à défaut d'une récupération au premier franc.