- L'ESSENTIEL
- I. LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE, UNE
EXIGENCE SCIENTIFIQUE ET UN OBJECTIF POLITIQUE FAISANT L'OBJET D'UN LARGE
CONSENSUS
- II. RÉUSSIR LA SOBRIÉTÉ
FONCIÈRE EN ASSOCIANT MIEUX LES ÉLUS LOCAUX À LA
RÉPARTITION TERRITORIALE DES EFFORTS
- A. UNE MÉTHODE REPENSÉE POUR
FACILITER L'ATTEINTE DES OBJECTIFS
- 1. La pérennisation des modalités de
décompte de l'artificialisation en Enaf (article 1er)
- 2. La non-mutualisation des projets d'envergure
nationale et européenne (article 4)
- 3. Des assouplissements pour éviter que les
différentes priorités de l'action publique n'entrent en
contradiction (article 4)
- 1. La pérennisation des modalités de
décompte de l'artificialisation en Enaf (article 1er)
- B. UNE TRAJECTOIRE ÉTABLIE PAR LES
COLLECTIVITÉS ELLES-MÊMES
- C. DES ÉVOLUTIONS DE GOUVERNANCE AFIN
D'INSTAURER UN VÉRITABLE DIALOGUE TERRITORIAL
- A. UNE MÉTHODE REPENSÉE POUR
FACILITER L'ATTEINTE DES OBJECTIFS
- I. LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE, UNE
EXIGENCE SCIENTIFIQUE ET UN OBJECTIF POLITIQUE FAISANT L'OBJET D'UN LARGE
CONSENSUS
- TRAVAUX EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
- AMENDEMENTS ADOPTÉS
PAR LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
N° 350
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 février 2025
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux,
Par M. Daniel GUERET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.
Voir le numéro :
Sénat : |
124 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le 18 février 2025, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, sur la proposition de Daniel Guéret, rapporteur pour avis, sous le bénéfice de l'adoption des dix amendements.
Considérant que la sobriété foncière constitue une ardente obligation du fait des conséquences environnementales de l'artificialisation des sols, la commission a jugé nécessaire d'apporter des assouplissements et des évolutions au cadre normatif régissant la lutte contre l'artificialisation. Cette stratégie n'a en effet de sens et d'utilité que si les objectifs qu'elle fixe sont atteignables par les collectivités chargées de les mettre en oeuvre.
La commission souscrit pleinement à l'objectif d'un aménagement du territoire durable, plus économe en foncier, tout en estimant que, pour y parvenir, il est nécessaire d'inverser la logique et de repenser les méthodes qui ont prévalu jusqu'alors. C'est en partant des territoires et en associant plus étroitement les élus locaux à la définition des cibles intermédiaires ainsi qu'à la territorialisation des trajectoires que la sobriété foncière peut devenir un objectif commun et partagé, et non plus une stratégie qui exaspère les collectivités, voire qui génère une concurrence territoriale aux effets délétères.
En apportant des évolutions relatives à la comptabilisation des projets fonciers et en instaurant une gouvernance de la sobriété foncière où chaque élu peut faire valoir les spécificités et les dynamiques de son territoire, la commission estime qu'il n'est pas trop tard pour trouver le bon chemin vers la sobriété foncière et faire de l'ambition fixée par la loi « Climat et résilience » de 2021 en matière de lutte contre l'artificialisation des sols un des vecteurs de la transition écologique.
Pour ces raisons, la commission a ainsi émis un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.
I. LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE, UNE EXIGENCE SCIENTIFIQUE ET UN OBJECTIF POLITIQUE FAISANT L'OBJET D'UN LARGE CONSENSUS
La gestion économe de l'espace constitue une préoccupation politique depuis plus d'un quart de siècle. Le législateur a été amené, au début des années 2000, à affirmer ce principe pour lutter contre l'étalement urbain et dissuader les pratiques extensives d'aménagement du territoire, dont les effets négatifs sur l'environnement et les paysages sont devenus de plus en plus visibles.
Source : Cerema, portail de l'artificialisation
Après une diminution marquée jusqu'en 2015, la trajectoire nationale des consommations foncières marque le pas depuis une décennie, pour atteindre un plateau haut de l'ordre de 20 000 hectares artificialisés chaque année.
La sobriété foncière n'est pas un luxe, ni une mode urbanistique, mais une nécessité dûment attestée par les études scientifiques.
A. LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX DE LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE
La France est pionnière dans la connaissance et la cartographie de ses sols : nous disposons du plus important réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS), réunissant des scientifiques à la pointe de l'expertise pédologique. En outre, notre pays possède une remarquable diversité de sols, à l'échelle européenne et mondiale, constituant une richesse patrimoniale qu'il fait sens de chercher à préserver.
1. Les sols, des milieux écologiques fondamentaux mal pris en compte par notre droit
On ne protège efficacement que ce que l'on connaît. Cet adage est particulièrement vrai s'agissant des sols : cet « épiderme de la Terre » remplit de nombreux services directement utiles à l'homme et assure des fonctions écologiques qui renforcent la résilience de notre société.
Source : Indiquasols, Inrae
Pendant longtemps, notre corpus juridique n'a pas appréhendé les sols comme des milieux fonctionnels, au profit d'une approche réduite au prisme foncier, considérant les sols uniquement comme des supports de culture et d'aménagement. Plutôt qu'un volume, le droit n'y a vu qu'une surface.
La progression des connaissances scientifiques relatives aux sols a cependant permis de diffuser l'idée que la protection des sols de l'altération, qu'il s'agisse de pollution, d'imperméabilisation ou d'artificialisation, constituait une démarche économiquement rationnelle.
La préservation des sols se situe en effet au croisement des trois principaux enjeux environnementaux : biodiversité, régulation de l'eau et atténuation climatique. Plus l'on protège les fonctions écologiques des sols, meilleurs et plus efficaces sont les services écosystémiques rendus et la préservation de leur potentiel agronomique.
2. Les conséquences négatives de l'altération des sols
Les effets, directs et indirects, induits par la dégradation des sols coûtent de plus en plus cher à la société : la baisse de la capacité d'infiltration de l'eau entraîne une augmentation du ruissellement de surface, ainsi qu'une charge polluante accrue dans les milieux naturels et à traiter par les réseaux d'assainissement. La baisse de la capacité de stockage de CO2 réduit notre capacité à limiter les effets du changement climatique et rend plus difficile l'atteinte de nos objectifs climatiques et de baisse de gaz à effet de serre. L'artificialisation concourt également à la perte et à la fragmentation d'espaces naturels, avec des effets négatifs pour les conditions de production agricole et la biodiversité.
L'artificialisation des sols génère également des risques à court terme pour la santé humaine, par l'augmentation de l'intensité des épisodes d'inondation et de dôme de chaleur. Ainsi, lutter contre l'artificialisation constitue une stratégie d'atténuation efficace pour faire face aux événements plus fréquents et intenses projetés par les modélisations climatiques, à l'instar des inondations ou des incendies de grande ampleur.
Ces constats doivent d'autant plus inciter à la sobriété foncière que la pédogenèse (i.e. la formation du sol) est particulièrement lente : la formation d'un sol moyennement profond se déroule sur une période allant de 10 000 à 100 000 ans, faisant du sol une ressource rare et non renouvelable à l'échelle de temps humaine. En outre, un sol et un écosystème artificialisés ne recouvrent jamais l'ensemble de leurs propriétés et qualités, même au terme d'opérations de restauration poussées.
B. L'ENTRÉE DANS UNE NOUVELLE ÈRE DE SOBRIÉTÉ FONCIÈRE
Les articles 191 et suivants de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » constituent un jalon décisif pour la prise en compte juridique de la complexité des sols et actent un changement de paradigme législatif en matière de sobriété foncière.
Le législateur a décidé de rompre avec une vision exclusivement surfacique des sols, en ne les envisageant plus seulement à travers un prisme foncier, mais également en prenant en compte ses fonctions. À cette fin, un article L. 101-2-1 est introduit dans le code de l'urbanisme, qui dispose que « l'artificialisation est définie comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »
Cette définition, figurant parmi les premiers articles du code de l'urbanisme qui régit notamment l'usage et l'occupation des sols, participe à la prise en compte d'une approche volumique et fonctionnaliste du sol, alors que la vision était jusqu'à présent surfacique et statique.
Partant des constats que le rythme global de l'artificialisation des sols croît plus vite que celui de la démographie et que la lutte contre l'étalement urbain ne produit pas les effets escomptés, le législateur a fixé un double objectif programmatique de réduction des consommations foncières : la réduction de moitié du rythme de l'artificialisation des sols d'ici à 2031 par rapport à la décennie précédant la promulgation de la loi « Climat et résilience » et un objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050. C'est ce dernier qui a donné naissance à l'acronyme « ZAN », non voulu par le législateur, signifiant « zéro artificialisation nette ».
Partant d'un principe de gestion économe de l'espace devant inspirer les politiques publiques d'aménagement et d'urbanisme, nous sommes désormais entrés dans une ère de sobriété foncière prescriptive, avec des objectifs contraignants fixés dans les documents de planification et d'urbanisme, mis en oeuvre à travers une territorialisation de la trajectoire par les régions et les autres collectivités territoriales.
Ce cadre normatif novateur a naturellement généré des inquiétudes et des contestations, alors même que l'objectif de sobriété foncière est largement partagé. Plusieurs raisons peuvent justifier ces craintes : ce nouveau corpus de règles de droit n'a pas été préparé avec les élus locaux et, de ce fait, est vécu comme une démarche descendante s'imposant aux territoires, d'application immédiate, sans considération des efforts passés, sans outil juridique pour accompagner sa mise en oeuvre et à cadre fiscal constant, alors que la fiscalité locale est affectée d'un biais artificialisant.
Le législateur a souhaité promouvoir les réflexions locales en faveur de modèles d'aménagement durable et cohérent avec les besoins des territoires. Il existe d'impérieuses raisons scientifiques en faveur de la frugalité foncière et la préservation des sols peut être vue comme une assurance contre de nombreux risques climatiques.
Mais aucune stratégie nationale préparant l'avenir de nos territoires ne saurait être atteinte sans le concours et l'appui des élus locaux.
Aujourd'hui, nous avons moins que jamais le droit à l'erreur : nous devons renforcer la trajectoire vers la sobriété foncière, car il s'agit d'une condition sine qua non de la réussite de la transition écologique.
C'est précisément ce à quoi s'attache la présente proposition de loi.
II. RÉUSSIR LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE EN ASSOCIANT MIEUX LES ÉLUS LOCAUX À LA RÉPARTITION TERRITORIALE DES EFFORTS
La sobriété foncière fait aujourd'hui l'objet d'un fort consensus dans notre pays : aucun élu ne plaide pour l'abrogation d'un principe législatif modérant l'artificialisation des sols. Les acteurs de l'aménagement du territoire se sont peu à peu convertis aux vertus d'une approche économe en foncier et les habitants ont pris conscience de la nécessité de maîtriser l'étalement urbain.
Forte de ces constats, la commission confirme son attachement à l'ambition originelle de réduire graduellement le rythme national des consommations foncières jusqu'à atteindre l'absence d'artificialisation en 2050. Pour y parvenir, elle propose des évolutions calibrées et des assouplissements encadrés permettant aux territoires de déterminer les trajectoires adaptées à leurs spécificités et leurs dynamiques, tout en veillant au réalisme du rythme fixé.
A. UNE MÉTHODE REPENSÉE POUR FACILITER L'ATTEINTE DES OBJECTIFS
1. La pérennisation des modalités de décompte de l'artificialisation en Enaf (article 1er)
L'article 194 de la loi « Climat et résilience » dispose que le rythme d'artificialisation est mesuré durant la première décennie par la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), après quoi la trajectoire sera calculée en tenant compte de l'artificialisation observée.
De nombreux élus locaux font part de leur inquiétude concernant ce changement de métrique intervenant en 2031, craignant que des discordances comptables ne compliquent l'appréciation de la trajectoire par les territoires.
Ces deux méthodes de comptabilisation ne sont en effet pas équivalentes et des écarts parfois significatifs peuvent apparaître : la consommation d'Enaf, bien connue des élus locaux, est fondée sur une approche fiscale et conventionnelle ; l'autre décompte apprécie la réalité physique à partir d'une nomenclature discriminant les états du sol en fonction de critères prédéfinis.
Pour éviter ce hiatus qui risque de brouiller les repères et entraîner des divergences dont le redressement risque d'être source de contentieux, l'article 1er de la proposition de loi envisage de pérenniser la mesure de l'artificialisation en consommation d'Enaf, pour une meilleure lisibilité du droit. La prorogation de cette méthode de comptabilisation des trajectoires foncières n'est pas antagoniste avec la prise en compte de la multifonctionnalité des sols, les Enaf n'étant que l'unité de mesure de la trajectoire.
Afin d'harmoniser le décompte en Enaf, la commission a décidé de définir les notions d'espace urbanisé et de dent creuse ( amdt). Cette inscription dans la loi de critères aujourd'hui dégagés par la jurisprudence permettra d'éviter toute divergence d'interprétation concernant le décompte de la consommation des Enaf et d'unifier les approches d'un territoire à l'autre.
2. La non-mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (article 4)
Obtenu à l'initiative du Sénat par la loi du 20 juillet 2023, le principe de la mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (« Pene ») est parfois contesté pour son manque d'équité. Le décompte de l'artificialisation induite par ces projets, du fait de leur nature et de leur ampleur, indépendamment de leur localisation, est réparti entre l'ensemble des régions. Ces projets représentent actuellement un peu moins de 12 500 hectares et conduisent à ce que l'effort de réduction au niveau de chaque région est porté en réalité à 54,5 %, quel que soit le nombre de projets concernés par région.
La logique est vertueuse dans sa finalité, mais n'incite pas l'État à faire les mêmes efforts fonciers que ceux qu'il exige des collectivités. La commission est favorable à l'évolution proposée à l'article 4 de la proposition de loi : l'État doit s'astreindre à montrer l'exemple et il n'est pas incohérent à ce titre que ses projets fassent l'objet d'un décompte à part.
Elle propose de consolider juridiquement la non-imputation de la consommation d'Enaf engendrée par les Pene sur les enveloppes régionales et locales, pendant une période de 15 ans, tout en prévoyant l'établissement par l'État d'une stratégie de sobriété foncière pour les Pene dont il assure, directement ou indirectement, la maîtrise d'ouvrage ainsi qu'une trajectoire de réduction de l'artificialisation cohérente avec les objectifs nationaux ( amdt).
3. Des assouplissements pour éviter que les différentes priorités de l'action publique n'entrent en contradiction (article 4)
Plusieurs élus ont indiqué, au cours des auditions préparatoires, craindre que la stratégie de sobriété foncière ne les empêche par ailleurs de participer à l'effort de réindustrialisation encouragé par le législateur, d'investir dans les aménagements nécessaires à la transition écologique ou encore de favoriser la production de logements abordables. Il s'agit ici d'une question fondamentale de compatibilité des politiques publiques entre elles, à laquelle le législateur doit constamment veiller, afin que la loi votée hier n'entre pas en contradictoire avec la loi de demain.
Soucieuse de la cohérence de l'édifice normatif et de l'atteinte simultanée des priorités fixées au niveau national, la commission a fait le choix d'acter l'exclusion, jusqu'en 2036, de tout décompte local, régional ou national d'Enaf de la consommation occasionnée par la réalisation de projets industriels, ainsi que par la production de logements sociaux, pour les communes carencées ( amdt).
B. UNE TRAJECTOIRE ÉTABLIE PAR LES COLLECTIVITÉS ELLES-MÊMES
L'un des principaux reproches exprimés à l'encontre de la stratégie de réduction de l'artificialisation est sa verticalité et son caractère descendant.
De nombreuses collectivités du bloc communal ont l'impression de n'être pas en mesure d'influer sur la territorialisation des trajectoires foncières et de ne plus maîtriser les leviers de développement local.
La proposition de loi « Trace » vise à remédier à cette méthode centralisatrice, en la remplaçant par une démarche de subsidiarité, partant des territoires.
1. La transmission aux collectivités d'un bilan des consommations passées (article 1er)
Pour respecter les objectifs fixés par le législateur, les collectivités doivent au préalable connaître le bilan de leur artificialisation passée afin d'être en mesure d'élaborer avec précision leur trajectoire future, compatible avec les objectifs fixés par le législateur. Le régime juridique de la sobriété foncière repose en effet sur la détermination d'enveloppes foncières en fonction des dynamiques passées, auxquelles s'applique un facteur de réduction.
La commission a estimé que pour savoir où l'on va, il faut connaître d'où l'on part. C'est la raison pour laquelle elle a prévu la remise par l'État d'un bilan détaillé, chiffré et opposable de la consommation d'Enaf au cours de la précédente décennie, afin de faciliter la planification des trajectoires futures par les collectivités ( amdt).
2. Le changement d'approche pour la fixation des cibles intermédiaires (article 2)
L'atteinte du premier jalon intermédiaire, fixé par l'article 191 de la loi « Climat et résilience » à une diminution de 50 % de la consommation d'Enaf d'ici à 2031 par rapport à la décennie antérieure à 2021, suscite l'inquiétude de nombreux élus locaux. Outre son caractère mathématique et l'absence de prise en compte des spécificités territoriales, des efforts passés et des dynamiques démographiques, économiques et sociales, il est également reproché à cette stratégie que le compteur mesurant l'atteinte des objectifs a commencé à tourner au lendemain de la publication de la loi « Climat et résilience », en août 2021.
C'est méconnaître que l'urbanisme se caractérise par d'importants effets d'inertie, avec des décalages temporels marqués entre l'élaboration des objectifs d'urbanisme, la validation des projets et le premier coup de pelleteuse qui génère l'artificialisation proprement dite. En raison de son application immédiate, les enveloppes locales d'artificialisation se retrouvent grevées des consommations générées par des projets décidés avant la fixation de l'objectif législatif.
Pour parer aux conséquences négatives de ce phénomène, la commission a jugé nécessaire d'inverser la méthode pour parvenir aux objectifs de réduction de l'artificialisation ( amdt) : au lieu d'une réduction de 50 % pour tous d'ici à 2031, ce seront désormais les collectivités elles-mêmes qui fixeront la trajectoire et la courbe de la pente pour y parvenir, sous réserve que celles-ci soient réalistes et crédibles. Il s'agit là d'une réponse à la forte demande de différenciation territoriale exprimée par les élus locaux.
Afin d'éviter des effets d'aubaine ou la tentation de différer les efforts pour y parvenir, les collectivités devront s'engager à instaurer une trajectoire compatible avec l'atteinte de l'absence d'artificialisation nette en 2050, qui pourra être déférée par le préfet lors du contrôle de légalité des documents d'urbanisme si tel n'était pas le cas. Les collectivités seront tenues de respecter l'objectif final, au rythme qui leur paraît le plus vraisemblable pour y parvenir, en tenant compte de leurs spécificités.
3. Le report des dates butoirs de modification des documents d'urbanisme (article 3)
La proposition de loi « Trace » reporte des dates butoirs de mise à jour des objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme. Cette évolution est cohérente avec le fait que les collectivités fixent dorénavant le rythme de décélération des consommations d'Enaf.
Dans les faits, la date limite pour la modification du Sraddet est déjà dépassée, alors que seule une minorité de régions ont arrêté, avant le terme prévu par la loi en novembre 2024, leur document de planification. Plutôt que mettre les collectivités « hors-la-loi » du fait d'un cadre normatif instable et de retards qui s'expliquent aussi par le fait que les assemblées réfléchissent à des évolutions législatives, la commission propose un décalage « en cascade » des délais de mise à jour du volet artificialisation des documents de planification et d'urbanisme, tout en veillant à ne pas remettre en cause des situations acquises sur le fondement de la loi ( amdt).
Ainsi, la modification des Sraddet, Padduc, SAR et Sdrif1(*) n'ayant pas encore intégré les objectifs de réduction de l'artificialisation devra intervenir avant août 2027, la modification des schémas de cohérence territoriale avant août 2028 et celle des plans locaux d'urbanisme et des cartes communales avant août 2029.
C. DES ÉVOLUTIONS DE GOUVERNANCE AFIN D'INSTAURER UN VÉRITABLE DIALOGUE TERRITORIAL
1. Une conférence régionale de sobriété foncière repensée (article 5)
Instaurée par la loi d'initiative sénatoriale du 20 juillet 2023, la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols n'a pas produit tous les effets que le législateur avait placés dans la création de cette instance dotée d'une compétence générale sur les sujets liés à la mise en oeuvre des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols pour formuler des avis, des propositions et établir un bilan.
La gouvernance territoriale de la sobriété foncière se caractérise par la verticalité et le caractère descendant des objectifs qu'elle avalise, avec un rôle prépondérant conféré à la région qui assure le « chef de filât » en matière de territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation. En outre, le caractère exclusivement consultatif de la conférence régionale désespère de nombreux élus locaux, qui ont le sentiment de n'avoir pas voix au chapitre et de subir le ZAN comme un couperet.
Désireuse de faire de la conférence régionale l'instance où les élus peuvent influer sur les objectifs de sobriété à atteindre, la commission a souhaité renforcer le rôle de la conférence régionale du ZAN, en lui conférant un pouvoir de s'opposer à la liste des projets d'intérêt régional et d'enjoindre la région qui a déjà arrêté son Sraddet de modifier le volet relatif à l'artificialisation pour prendre en compte les assouplissements de la loi Trace ( amdt).
Pour plus de simplicité, cette instance est renommée conférence régionale de sobriété foncière et voit sa composition par défaut rééquilibrée au profit des élus locaux, représentés à hauteur de 75 % au lieu de 62 % actuellement, avec 80 membres ainsi qu'un représentant par département siégeant à titre consultatif. Les régions qui le souhaitent peuvent établir une autre composition des membres siégeant au sein de la conférence, dès lors que la majorité des communes et EPCI en sont d'accord.
La commission partage également la volonté du rapporteur de mettre fin à la prescriptivité du Sraddet sur le volet artificialisation, en actant le passage d'un rapport de conformité à un rapport de prise en compte pour les documents de rang inférieur dans la hiérarchie des normes. Pour garantir qu'aucun maire n'ait le sentiment de n'être pas écouté à propos de la détermination des trajectoires foncières, la commission a ouvert la possibilité aux communes et EPCI de délibérer sur les objectifs fixés au niveau régional et leur territorialisation, en amont de la procédure de modification du Sraddet, lequel avis est transmis au président de l'exécutif régional.
2. La possibilité de mutualiser la garantie communale à d'autres échelles (nouvel article après l'article 5)
Dans cette même logique d'instauration d'un dialogue territorial plus paritaire entre les collectivités territoriales, la commission a inséré un nouvel article ( amdt) qui prévoit la possibilité pour le maire de mutualiser également la surface minimale dont sa commune dispose au niveau des Scot et des régions, au lieu de l'EPCI qui constitue actuellement le seul niveau de mutualisation admis.
Cette mutualisation peut également porter sur la totalité ou une partie de la surface, à la discrétion du maire de la commune concernée, et permet en dernier lieu la modification simplifiée des documents d'urbanisme afin d'ouvrir ou fermer les zones correspondantes à l'urbanisation, garantissant ainsi que la commune puisse effectivement bénéficier de la garantie et que la surface minimale ne soit pas virtuelle.
TRAVAUX EN COMMISSION
Désignation du
rapporteur
(Mercredi 15 janvier 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Il nous reste à procéder à la désignation d'un rapporteur pour l'examen de la proposition de loi dite « Trace », déposée par nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux. Ce texte suscite un très vif intérêt au sein de notre assemblée ; j'en veux pour preuve le fait qu'il a été cosigné par plus de 170 sénateurs.
Il faut dire que la stratégie de sobriété foncière est entrée dans une nouvelle dimension à la suite de la loi « Climat et résilience » d'août 2021, en instaurant des objectifs de réduction de la consommation d'espaces d'une ambition inédite : une cible de 50 % de baisse à l'issue de la première décennie par rapport aux dix années précédant la promulgation de la loi et l'absence de toute artificialisation nette d'ici à 2050. Il n'est donc pas surprenant que les élus locaux, les principaux intéressés par cette réforme, soient vigilants aux incidences de cette stratégie et expriment leur inquiétude quant à la neutralisation potentielle des leviers dont ils disposent en vue de favoriser leur développement. La sobriété foncière est pourtant une nécessité, un fort consensus se dégage autour de cette priorité : l'artificialisation des sols est en effet lourde d'enjeux pour l'environnement, la préservation de la biodiversité, le maintien de notre potentiel agronomique ou encore la régulation du cycle de l'eau.
Malgré cela, il ne se passe pas une semaine sans que je sois sollicité sur la question du « zéro artificialisation nette » (ZAN) par des élus partageant l'objectif de sobriété foncière, mais inquiets sur les modalités retenues par le législateur. Les défauts de la loi ont été bien identifiés par le groupe de suivi sur la mise en oeuvre de la stratégie de réduction du rythme de l'artificialisation, auquel six sénateurs de la commission ont participé. Elle souffre de plusieurs lacunes, que le dialogue territorial au sein des régions et des collectivités compétentes en manière d'urbanisme a permis d'identifier : un manque d'intelligibilité, un accompagnement défaillant de l'État, une approche comptable et arithmétique, une indifférence aux dynamiques locales, aux efforts passés et à la qualité des sols.
C'est dire si l'ambition de la proposition de loi Trace est scrutée avec attention par les élus locaux et les acteurs publics : elle intervient à la suite de la loi dite « ZAN 2 » du 20 juillet 2023, d'initiative sénatoriale, qui avait levé certains blocages et irritants, mais sans remédier à l'ensemble des difficultés ni répondre à toutes les attentes du terrain. Aujourd'hui, nous approchons des échéances fixées par la loi pour la modification des documents d'urbanisme et nous n'avons pas le droit à l'erreur. Nous devons résoudre la périlleuse équation qui consiste à maintenir une stratégie environnementale de réduction marquée de l'artificialisation, tout en préservant la capacité des territoires à répondre à leurs besoins fonciers et à se développer.
Ce texte a été envoyé pour examen au fond à la commission des affaires économiques, qui a désigné ce matin ses rapporteurs, Jean-Marc Boyer et Amel Gacquerre. Le calendrier est très serré, puisque ce texte sera débattu en séance publique dès les 18 et 19 février prochains, ce qui implique que nous puissions l'examiner au sein de notre commission dès le mardi 11 février.
Je forme le voeu de travailler en bonne intelligence et en étroite collaboration avec la commission des affaires économiques, dans l'intérêt des territoires, pour « tracer » un chemin concerté et réaliste de sobriété foncière, tout à veillant à tirer parti des bénéfices environnementaux attendus de la réduction de l'artificialisation.
Je vous propose de nommer Daniel Guéret rapporteur pour avis pour l'examen de la proposition de loi.
M. Ronan Dantec. - Il est curieux que seule la commission des affaires économiques traite à présent du ZAN, alors que le choix d'une commission spéciale aurait été plus opportun, comme ce fut le cas pour l'examen de la proposition de loi qui a abouti à la loi du 20 juillet 2023 : il s'agit d'un cadre propice au croisement des expertises et des sensibilités. Je ne comprends donc pas pourquoi nous n'avons pas conservé la logique qui sous-tendait la constitution de cette dernière.
M. Jean-François Longeot, président. - La commission spéciale avait pour objectif que nous travaillions de concert au sein de notre assemblée et l'expérience a montré que cela fonctionnait bien. Cependant, pour la proposition de loi Trace, il n'y a pas eu la volonté de poursuivre plus avant cette méthode d'examen des textes. Le rapporteur pour avis et moi-même n'en serons pas moins vigilants à la conduite des travaux par la commission des affaires économiques.
M. Ronan Dantec. - À défaut d'instaurer une commission spéciale, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable aurait pu reprendre à son compte ce travail. Cela n'aurait pas semblé illogique étant donné les incidences environnementales de la stratégie de sobriété foncière.
M. Jean-François Longeot, président. - C'est précisément la raison pour laquelle nous nous saisissons pour avis, étant précisé que la nature des dispositions de la proposition de loi conduit logiquement à confier son renvoi à la commission des affaires économiques, compte tenu de son champ de compétences en matière d'urbanisme.
La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi no 124 (2024- 2025) visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues, et désigne M. Daniel Guéret rapporteur pour avis.
Examen du rapport pour
avis
(Mardi 18 février 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis ce jour pour l'examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « Trace », dont notre commission est saisie pour avis, afin d'apporter de nouvelles évolutions au cadre normatif de la sobriété foncière instauré par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience ». Je salue notre rapporteur, Daniel Guéret, pour son implication et son investissement sur un sujet loin d'être facile et sa capacité à nouer une collaboration étroite et fructueuse avec la commission des affaires économiques, saisie au fond de ce texte - je salue également le travail de ses rapporteurs, Amel Gacquerre et Jean-Marc Boyer.
Avant toute chose, ce texte présente, à mes yeux, une évolution nécessaire : il tend à proposer un nouvel acronyme, moins clivant et plus fédérateur, pour remplacer un sigle honni, le ZAN - « zéro artificialisation nette » -, qui irrite un grand nombre d'élus locaux et qui, au fil du temps, est devenu synonyme d'une méthode centralisatrice, arithmétique, descendante et désespérante.
La sobriété foncière et la nécessité de privilégier un aménagement du territoire économe en consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sont des préoccupations partagées par une majorité d'élus. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une nouveauté juridique : le législateur a posé le principe d'une gestion économe de l'espace et la lutte contre l'étalement urbain en objectifs de l'action publique, et ce depuis le début des années 2000. En août 2021, la loi « Climat et résilience » a fait entrer la sobriété foncière dans une nouvelle dimension, avec la détermination d'un objectif national de réduction de moitié du rythme d'artificialisation à atteindre en dix ans, par rapport à la décennie précédente.
Nous sommes depuis lors passés d'un principe général devant inspirer l'action publique en matière urbanistique à l'atteinte d'une cible chiffrée et prescriptive, impliquant la révision des documents de planification et d'urbanisme pour y intégrer la déclinaison territoriale permettant de réduire effectivement le rythme d'artificialisation des sols. Naturellement, ce changement de paradigme a suscité des interrogations, voire des craintes, chez les élus locaux : comment vais-je pouvoir continuer à dynamiser mon territoire avec des leviers fonciers contraints ? Comment compter l'artificialisation des projets déjà décidés avant l'entrée en vigueur de la loi ? Pourquoi ma collectivité, ayant déjà fait des efforts de sobriété au cours de la dernière décennie, est-elle pénalisée par une approche mathématique « bête et méchante » de réduction de 50 % des consommations d'Enaf ? Ces questions, chacun d'entre nous les a entendues sur son territoire, en échangeant avec les élus. De nombreux maires ont bien de la peine à appréhender et à expliquer une stratégie complexe, alors qu'ils sont aux premières lignes face à des habitants ayant des attentes précises en matière d'évolution du cadre de vie ou de services publics.
Le droit de la nouvelle sobriété foncière a déjà évolué, à l'initiative de notre assemblée, en juillet 2023. Mais les assouplissements apportés n'ont pas remédié à toutes les inquiétudes, il subsiste des « irritants » et des craintes par rapport à la comptabilisation de l'artificialisation, à l'égard de la première cible intermédiaire fixée en 2031, concernant la prise en compte des projets d'envergure nationale ou européenne, ou encore les instances créées par la loi afin de favoriser la territorialisation de la sobriété foncière. Autant de questions auxquelles nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc tentent de répondre de manière responsable et pragmatique au travers de la proposition de loi que nous allons examiner.
Je forme le voeu que ce texte apporte les réponses attendues par les élus locaux et mette fin à l'instabilité législative sur ce sujet. Pour qu'une stratégie porte ses fruits et puisse pleinement produire ses effets, il est fondamental de stabiliser le cadre normatif, pour laisser le temps aux élus d'assimiler les objectifs nationaux et de mettre en oeuvre la différenciation voulue par la Haute Assemblée.
Notre rapporteur Daniel Guéret va nous présenter les grandes lignes de ses travaux préparatoires pour éclairer la commission et partager ses constats ainsi que les solutions qu'il recommande pour « tracer » un chemin collectif et gagnant vers la sobriété foncière.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - Il me revient l'honneur de vous présenter les grandes lignes de mon rapport pour avis sur cette proposition de loi que l'usage a conduit à dénommer « Trace » - pour trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux. Ce nouvel acronyme résume bien, à mes yeux, l'intention des auteurs de ce texte, nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc : conserver un cap prescriptif et une tendance jalonnée pour continuer à faire baisser la consommation globale d'Enaf, afin de promouvoir un aménagement du territoire durable, plus économe en foncier, tout en inversant la méthode pour y parvenir - partir des territoires, en associant plus étroitement les élus locaux à la définition des cibles intermédiaires et à la territorialisation des objectifs.
Je n'apprends à personne dans cette enceinte que la France est plurielle et que sa diversité fait sa force, son attractivité et sa résilience. Cela se traduit notamment par des territoires qui présentent une grande variété d'habitats, des manières d'occuper l'espace et de répartir les activités, ainsi que des dynamiques démographiques, économiques et sociales propres à chacun d'eux. Un objectif unique, une stratégie pensée comme un exercice de mathématique de classe primaire ne saurait conduire aux résultats espérés, à l'heure où s'exprime une demande croissante de différenciation. C'est la raison pour laquelle une nouvelle évolution du cadre normatif de la sobriété foncière héritée de la loi « Climat et résilience » d'août 2021 est nécessaire. La loi d'initiative sénatoriale du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux n'a en effet parcouru que la moitié du chemin ; les inquiétudes des élus locaux et les « irritants » produits par le ZAN doivent nous conduire à trouver des solutions adaptées aux territoires, tout en gardant l'esprit et l'ambition originelle de la sobriété foncière.
Ma ligne se résume assez simplement par la formule : « assouplir sans dénaturer ». Nous sommes au milieu du gué ; il est de notre impérieux devoir d'imaginer les évolutions en termes de méthode, de gouvernance et de comptabilisation des efforts pour « réussir le ZAN » et faire en sorte que cette stratégie n'empoisonne pas lentement la vie locale et ne neutralise pas les leviers dont disposent les élus locaux pour favoriser l'attractivité de leur territoire.
En préambule, je tiens à saluer la qualité de la collaboration avec mes collègues Amel Gacquerre et Jean-Marc Boyer, rapporteurs de la commission des affaires économiques, qui m'ont associé à toutes les étapes de la procédure parlementaire, bien que notre commission n'ait été saisie que pour avis de ce texte. Je les remercie d'avoir accepté le principe d'auditions conjointes, grâce auxquelles nous avons pu entendre plus de quarante personnes, d'avoir réfléchi ensemble aux évolutions souhaitables, en soupesant les options et les idées qui nous ont été soumises et enfin de déposer des amendements identiques. Le travail sénatorial ne peut que sortir grandi et renforcé d'un travail commun étroit et fructueux entre ses commissions permanentes.
Pour ma part, j'ai également souhaité associer tous les commissaires intéressés par le sujet de la sobriété foncière. En amont de mes travaux, j'ai donc réuni les membres du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols, dit « ZAN », siégeant dans notre commission pour qu'ils contribuent à ma formation accélérée, si je puis dire, et puissent m'indiquer leurs points de vigilance. Au terme des auditions, j'ai également convié l'ensemble des commissaires à un échange libre pour qu'ils fassent part de leurs attendus à l'égard des évolutions souhaitables. Cet exercice n'a pas été inutile : j'en veux pour preuve que douze d'entre vous y ont participé et je les en remercie.
Venons-en aux constats que mes travaux me conduisent à formuler.
En 2025, la sobriété foncière fait l'objet d'un fort consensus et il n'est pas d'association d'élus locaux qui souhaite son abrogation. C'est un principe qui irrigue le code de l'urbanisme et les pratiques d'aménagement des élus locaux depuis un bon quart de siècle, et nous connaissons tous les aberrations qu'un étalement urbain non maîtrisé peut produire. Les acteurs de l'aménagement du territoire se sont peu à peu convertis aux vertus d'une approche économe en foncier. Pour autant, nous constatons que nous avons atteint un plateau à 20 000 hectares par an. Les consommations annuelles d'Enaf stagnent, sans diminuer sensiblement, depuis une dizaine d'années - les chiffres du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) l'attestent.
Au cours de mes réflexions préparatoires, j'ai voulu interroger les meilleurs spécialistes et scientifiques du sol pour entendre ce que ces experts savent de l'artificialisation et de l'imperméabilisation. Cette approche m'a semblé indispensable, car nous devons sans cesse nous questionner sur la pertinence de poser de nouvelles règles de droit : la nécessité d'une norme contraignante, qui bouleverse des habitudes et des pratiques parfois séculaires, doit être bien comprise et faire l'objet d'un consensus pour produire les effets qu'elle vise.
La réduction prescriptive du rythme de l'artificialisation des sols repose sur des constats scientifiques robustes : l'altération des fonctionnalités et le changement d'usage des sols affectent notre capacité à maintenir une production de biomasse végétale de qualité, limitent la régulation de la qualité et de la quantité du cycle de l'eau, les sols jouant le rôle d'éponges filtrantes, avec des risques accrus d'inondations, réduisent leur capacité à stocker le carbone et par conséquent à atténuer le changement climatique, rendent plus complexe la préservation de la biodiversité du fait de la discontinuité des trames vertes et bleues... D'un point de vue plus anthropique, la consommation des sols et l'étalement urbain conduisent les collectivités à devoir prolonger les réseaux, à augmenter les besoins de mobilité des habitants et à réduire la surface agricole utile en ceinture maraîchère des villes, qui amoindrit le développement d'une bioéconomie locale et durable. En résumé, nous avons d'excellentes - et nombreuses - raisons de lutter contre l'artificialisation des sols.
Cela étant posé, il nous reste à trouver le chemin pour y parvenir ; c'est précisément l'enjeu de cette proposition de loi, qui prévoit des évolutions et des ajustements pour atteindre l'objectif fixé en 2021, à savoir l'absence d'artificialisation nette des sols en 2050. Les cinq articles du texte visent à répondre aux craintes et aux inquiétudes des élus locaux, sans remettre en cause les situations locales qui ont déjà abouti à la territorialisation des objectifs de réduction de l'artificialisation.
Cette fois-ci, le contexte est différent de celui de 2023, quand nous avions engagé les premiers ajustements au cadre normatif issu de la loi « Climat et résilience » : aujourd'hui, plusieurs régions ont déjà adopté un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) « ZANifié », les instances de gouvernance prévues par la loi se sont mises en place et de nombreux territoires ont bien avancé dans la réflexion collective autour de la répartition des enveloppes foncières.
La feuille n'est plus entièrement blanche, des situations ont été acquises sur le fondement de la loi, que nous devons prendre en compte : l'instabilité législative en la matière est susceptible de remettre en cause le travail accompli avec succès dans certaines régions. Je pense notamment à la Bretagne, qui nous a alertés sur le risque de fragiliser, voire de défaire le consensus forgé avec les territoires. C'est une préoccupation que nos travaux ont bien entendu intégrée : nous n'avons aucunement l'intention de pénaliser les territoires qui ont respecté la loi en territorialisant l'effort pour parvenir aux objectifs de frugalité foncière fixés par le législateur. Nous avons veillé à ce qu'aucune collectivité ne soit affectée négativement par les évolutions instaurées par la proposition de loi « Trace » : il s'agit en effet de l'un des prérequis de l'acceptabilité des évolutions législatives que nous proposons, et ce fut l'un de mes fils conducteurs en tant que rapporteur.
Je vais maintenant vous présenter l'esprit du cadre normatif que j'estime pertinent au regard des remontées de terrain et des informations recueillies au cours des auditions.
Il existe une inquiétude partagée concernant le changement de métrique en 2031, avec le passage de la comptabilisation en Enaf à la mesure de l'artificialisation effectivement constatée. Ces deux méthodes ne sont pas équivalentes : l'une est fondée sur une approche fiscale et conventionnelle bien connue des élus locaux, l'autre sur la réalité physique appréciée à partir d'une nomenclature discriminant les états du sol en fonction de critères prédéfinis pour qualifier s'ils sont artificialisés ou non. Pour éviter ce hiatus susceptible de brouiller les repères et entraîner des divergences dont le redressement risque d'être source de contentieux, nous proposons, pour une meilleure lisibilité, de conserver la mesure de l'artificialisation en consommation d'Enaf. Tel est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi.
Une inquiétude est également soulevée concernant l'atteinte de la première cible intermédiaire de réduction des consommations foncières, fixée au niveau national pour 2031 à moins 50 % par rapport à la décennie 2011-2021. Plusieurs limites ont été relevées par les élus, la principale étant que le compteur a commencé à tourner dès le lendemain de la publication de la loi « Climat et résilience », en août 2021. L'urbanisme se caractérise par une forme d'inertie, avec des décalages temporels marqués entre l'élaboration des objectifs d'urbanisme, la validation des projets et le premier coup de pelleteuse qui crée l'artificialisation proprement dite. La ministre Françoise Gatel a employé, pour caractériser ce phénomène, l'image éloquente du paquebot, dont les manoeuvres prennent du temps à modifier la trajectoire. Au lieu d'une réduction de 50 % pour tous d'ici à 2031, nous proposons que ce soit les collectivités elles-mêmes qui fixent la trajectoire et la courbe de la pente pour y parvenir, à condition que celles-ci soient réalistes et crédibles. Il ne sera ainsi pas possible de reporter l'essentiel de l'effort en fin de période, entre 2040 et 2050 par exemple. Les collectivités doivent respecter l'objectif final, mais au rythme qui leur paraît le plus vraisemblable, en tenant compte de leurs spécificités, pour y parvenir. Tel est l'objet de l'article 2 dont nous vous proposerons l'adoption.
L'article 3 prévoit le report des dates butoirs de mise à jour des objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme - celle qui porte sur la modification du Sraddet était déjà dépassée, alors que seule une minorité de régions ont arrêté à ce jour leur document de planification. Plutôt que de mettre les collectivités hors-la-loi, du fait d'un cadre normatif instable et des retards pris au niveau régional, de façon compréhensible et cohérente avec le fait que les assemblées réfléchissent à des évolutions législatives, nous proposons un décalage « en cascade » pour la mise à jour des Sraddet, des schémas de cohérence territoriale (Scot), des plans locaux d'urbanisme (PLU), des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et autres cartes communales au regard du volet « artificialisation ». Cette évolution est cohérente avec le fait que désormais, ce sont les collectivités qui fixent le rythme de décélération des consommations d'Enaf. Tel est l'enjeu de l'article 3.
La mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (Pene) est également source d'incompréhension pour les élus. Ces projets, qui représentent un peu moins de 12 500 hectares, sont mutualisés entre l'ensemble des régions, avec comme conséquence de faire passer l'effort de réduction pour chaque région de 50 % à 54,5 %. La logique est vertueuse, mais l'État ne consent pas les mêmes efforts fonciers que ceux qu'il exige des collectivités. Nous souhaitons que les Pene ne soient plus imputés sur les enveloppes régionales et locales. L'État doit s'astreindre à montrer l'exemple et à se doter d'une stratégie de sobriété foncière cohérente avec les objectifs nationaux. Tel est l'objet de l'article 4.
La gouvernance territoriale de la sobriété foncière se caractérise toujours par la verticalité et le caractère descendant des objectifs. Cette démarche désespère de nombreux élus locaux, qui ont le sentiment de subir le ZAN comme un couperet. Nous touchons avec cette question le coeur de l'acceptabilité politique et sociale de la sobriété foncière. Nous devons être très vigilants si nous ne voulons pas accroître la désespérance de certains élus locaux face à des normes complexes et foisonnantes ; sinon, nous pourrions fort bien assister à un mouvement d'« écharpes jaunes », réunissant des élus locaux qui contesteraient jusqu'au principe même d'une sobriété foncière inadaptée à leur territoire.
C'est pourquoi nous vous proposons de modifier la composition de la conférence régionale du ZAN et d'en renforcer le rôle, pour opérer un rééquilibrage au profit des élus du bloc communal, qui pourraient s'opposer à la liste des projets d'intérêt régional et demander à la région de modifier le volet relatif à l'artificialisation de son Sraddet pour prendre en compte les assouplissements prévus par cette proposition de loi. Nous souhaitons également ouvrir le droit aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux communes de se prononcer sur les objectifs fixés au niveau régional et sur leur territorialisation, en amont de la procédure de modification du Sraddet. Tel est l'objet de l'article 5.
En conclusion, je tiens à vous dire tout le plaisir que j'ai eu à rapporter au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable un texte aussi crucial pour la vie et l'avenir de nos territoires. Moins que jamais, nous n'avons droit à l'erreur. Nous devons trouver le chemin de la sobriété foncière, de concert avec les élus locaux, un chemin qui ne désespère pas les habitants et qui fera de notre pays un modèle en matière de connaissance des sols et de sobriété foncière.
M. Jean-François Longeot, président. - Je me félicite du travail mené conjointement par la commission des affaires économiques et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dont l'objectif tient, comme l'a résumé le rapporteur, en trois mots : assouplir sans dénaturer.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. - Dans notre assemblée, cette proposition de loi a une consonance très particulière, car il est impossible aujourd'hui d'échanger avec des élus locaux sans évoquer la question du ZAN.
Je voudrais rappeler brièvement les grands axes de ce texte, sur lesquels nos deux commissions se rejoignent. Nous voulons surtout faire en sorte qu'il n'y ait pas de quatrième proposition de loi ZAN ou Trace. Il nous faudra du courage, mais ce texte, pour moi, est une véritable opportunité de répondre aujourd'hui aux attentes de nos élus.
Assouplir sans dénaturer, voilà en effet trois mots qui résument parfaitement l'esprit de nos travaux. Il est nécessaire aujourd'hui de fixer une trajectoire de sobriété foncière, nous en sommes convaincus. Aucun élu n'a contesté cette évidence, surtout au regard des récents événements climatiques. Dans le Pas-de-Calais, nous sommes traumatisés par les dernières intempéries que nous avons subies.
Il s'agit non pas de remettre en cause l'objectif ZAN, mais de tracer une trajectoire pragmatique et crédible pour les territoires.
Nous demandons, tout d'abord, que la consommation soit comptabilisée en Enaf. Changer de mode de comptabilisation est impossible aujourd'hui, nous n'y sommes pas prêts. Ensuite, comment adresser un message de confiance aux territoires si nous leur imposons des objectifs qui ne sont pas atteignables ? La plupart des personnes que nous avons entendues au cours des auditions ont estimé que l'objectif de réduction de 50 % sur la période 2021-2031 n'était pas tenable. Le ministre François Rebsamen en audition plénière nous a proposé d'y substituer la période 2024-2034. Nous souhaiterions que les territoires puissent dépasser cette échéance, pour aller jusqu'à 2050, afin qu'ils puissent déterminer une trajectoire progressive, crédible, adaptée au développement de leur territoire.
Nous voudrions aussi que les grandes priorités nationales - industrie, logement social - soient prises en compte dans le cadre des Pene, afin de ne pas contrarier les trajectoires définies par les territoires.
Enfin, le dernier point, sans doute l'un des plus complexes, concerne la gouvernance. Les auteurs du texte, Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, avaient proposé d'ajouter un échelon de discussion au niveau départemental. Pour éviter une levée de boucliers des élus, qui demandent de la simplification, nous avons préféré renforcer le poids des conférences régionales de sobriété foncière, composées à 75 % de représentants du bloc communal.
M. Jacques Fernique. - Nous sommes tous d'accord sur l'horizon 2050. Il s'agit de stopper d'ici un quart de siècle l'artificialisation nette des sols en engageant dès maintenant une trajectoire résolue de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Vingt-cinq ans, c'est aussi le temps écoulé depuis la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui fixait déjà un principe de sobriété foncière. Or, faute d'objectifs chiffrés contraignants, de moyens concrets, de suivi régulier adapté à chaque territoire et d'intégration dans les documents d'urbanisme, nous avons globalement échoué à changer la donne. La loi « Climat et résilience », en déclinant notre engagement européen dans le droit national, a marqué notre volonté de changer de braquet.
En notre qualité de chambre des territoires, nous devons certes travailler à rendre soutenable localement la politique de réduction de l'artificialisation des sols, sans pour autant revenir aux conditions indécises et irrésolues des vingt dernières années. Assouplir sans dénaturer, oui ; rétropédaler, non !
Or c'est bien, selon nous, une régression qu'entraînerait l'adoption de quatre articles de cette proposition de loi, ainsi que la plupart des amendements déposés en vue d'élaborer le texte de la commission.
Supprimer l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation des Enaf, décaler très largement les échéances de modification des documents d'urbanisme, exclure du décompte global les consommations résultant des Pene - et vouloir y ajouter les installations pour les déchets, les projets industriels, les logements sociaux, les aires d'accueil des gens du voyage, les sites énergétiques, les bâtiments d'enseignement, etc. -, prolonger au-delà de 2031 l'hectare de garantie communale, voire le multiplier par deux, tout cela reviendrait à faire de la dérogation la norme, à détricoter plutôt qu'à adapter.
En revanche, prolonger la phase de réduction fondée sur la consommation des Enaf et ne pas passer prématurément à un décompte fondé sur une nomenclature plus fine d'artificialisation, c'est, selon moi, adapter avec pragmatisme.
Notre groupe s'opposera néanmoins à cette proposition de loi, qui consiste principalement à supprimer l'indispensable point d'étape à mi-parcours, en 2031 ou en 2034. Comment apprécier objectivement nos avancées, nos stagnations ou nos reculs sans cette étape, condition d'un suivi régulier et transparent pour chacune de nos collectivités impliquées dans ce mouvement commun essentiel ?
M. Alexandre Basquin. - Nous sommes tous convaincus qu'il faut promouvoir la sobriété foncière. L'artificialisation est un risque pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire.
La présente proposition de loi entend répondre aux lacunes de la loi « Climat et résilience » de 2021, qui péchait par sa complexité et sa verticalité. Elle réaffirme les objectifs nationaux pour 2050, intègre les réalités locales, améliore le copilotage des politiques et prévoit des bilans triennaux.
Elle présente toutefois un écueil à mes yeux : le manque de soutien aux collectivités sur la question majeure du recyclage foncier, en d'autres termes la résorption des 12 000 friches identifiées sur le territoire national. Dents creuses, vacances structurelles, biens sans maître, états manifestes d'abandon sont autant de problèmes que les élus locaux peinent à résoudre. Il faut parfois trente ans pour régler la question d'un bien sans maître. Nous devons réfléchir collectivement aux moyens de fluidifier et de faciliter les processus techniques, financiers, juridiques et administratifs.
Pour autant, cette proposition de loi va dans le bon sens ; nous la soutiendrons.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Il était nécessaire de compléter la loi « ZAN 2 », adoptée peu avant le dernier renouvellement sénatorial, car elle comportait des lacunes. En particulier, le droit à l'hectare accordé aux communes revient à empêcher les EPCI de faire du développement économique.
La présente proposition de loi pourrait donc constituer une belle avancée, car elle tend à rendre le pouvoir aux communes rurales. Lors des cérémonies des voeux en janvier dernier, tous les maires nous ont parlé du ZAN. La perspective de le voir se transformer en Trace les fait parfois sourire, mais ils espèrent réellement pouvoir reprendre la main sur ce dossier.
Il subsiste néanmoins des contradictions fortes dans ce texte.
Les projets industriels ou de construction de logements sociaux inclus dans les Pene n'auraient donc pas à être compensés au titre du ZAN. En revanche, un EPCI rural qui voudrait développer une zone artisanale devrait la compenser. Où s'arrête l'artisanal, où commence l'industriel ? Nous avons reçu le grand groupe industriel Airbus, qui a besoin de 75 hectares pour agrandir une usine et affirme ne pas avoir les moyens de compenser cette implantation. Lorsque nous avons entendu la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher, elle a affirmé qu'Airbus devrait compenser. Maintenant, au nom du développement industriel, ils ne compenseraient pas...
Autre exemple de contradiction : si une commune construit un hôtel ou un commissariat de police, le plus souvent sur une friche urbaine, elle n'aura pas à le compenser. En revanche, si une commune rurale accepte, au nom de l'État, de construire une nouvelle caserne de gendarmerie nationale, elle devra la compenser. Pourtant, les logements des gendarmes sont assimilables à des logements sociaux, puisqu'il s'agit d'un terrain acheté par le maire, cédé gratuitement à un bailleur social, avec vingt-cinq ans d'exonération de taxe foncière.
Repousser à 2050, c'est un peu loin, sachant que 20 000 hectares sont artificialisés chaque année. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises travaillent à la possibilité d'aller capturer le carbone dans la mer ou dans l'atmosphère, et font du lobbying au Parlement. Mais le meilleur épurateur du gaz carbonique reste les surfaces naturelles, agricoles et boisées.
Ce texte constitue une évolution bienvenue, mais nous devons veiller à ne pas opposer monde urbain et monde rural.
M. Sébastien Fagnen. - En raison de certaines carences et du manque de réponses concrètes qu'elle apporte aux élus locaux, nous ne pourrons approuver cette proposition de loi.
Le groupe de travail transpartisan sur le ZAN avait notamment mis l'accent sur l'accompagnement des communes rurales en matière d'ingénierie et sur la fiscalité, deux sujets de préoccupation majeure des élus auxquels ce texte n'apporte pas de réponse.
Les experts et certaines associations d'élus que nous avons entendus au cours des auditions, auxquelles le rapporteur a eu la courtoisie de convier tous les commissaires qui le souhaitaient, ont aussi relevé une contradiction dans la proposition de loi, qui conserve l'objectif du ZAN à l'horizon 2050, mais supprime tout objectif intermédiaire.
Nous avons aussi noté un contraste saisissant entre la position de la ministre de la transition écologique et celle du ministre de l'aménagement du territoire. Nous verrons en mars quelle sera la position de l'exécutif dans l'hémicycle, mais il n'est pas anodin que l'une des principales ministres du Gouvernement estime que la suppression de tout objectif intermédiaire contrevient au respect de celui qui a été fixé pour 2050.
Un amendement proposé vise certes à introduire un objectif intermédiaire, mais sans contrainte chiffrée, en laissant la main aux conférences régionales. À l'aune de leur nouvelle gouvernance, cette mesure pourrait entraîner des différences majeures entre territoires, sans répondre réellement aux objectifs de différenciation, car la nature de la consommation des sols n'est pas traitée.
Je termine sur la vertu écologique des sols, un sujet que nous avons souvent abordé dans cette commission. Si nous conservons le critère de la consommation des Enaf au-delà de l'objectif intermédiaire de 2031 ou 2034, sans tenir compte de l'artificialisation des sols, nous ne pourrons jamais préserver leur qualité écologique. C'est pourtant une nécessité au dire des experts. Quitte à décaler l'objectif calendaire, profitons-en pour nous doter d'outils aptes à mesurer finement l'artificialisation des sols pour qu'ils puissent continuer de remplir leur rôle de puits de carbone.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 1er pérennise la mesure de l'artificialisation en Enaf au-delà de 2031.
L'amendement COM-60 vise à définir dans la loi les notions d'espace urbanisé et de « dent creuse », pour éviter toute divergence d'approche départementale concernant le décompte de la consommation des Enaf et ainsi unifier l'appréhension d'un territoire à l'autre.
L'amendement COM-60 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-61 prévoit la remise par l'État d'un bilan détaillé, chiffré et opposable de la consommation d'Enaf au cours de la précédente décennie, afin de faciliter la planification par les collectivités des trajectoires futures. Pour envisager une évolution, il faut savoir d'où l'on part !
L'amendement COM-61 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-62 est un amendement de coordination et de mise en cohérence.
L'amendement COM-62 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 2 supprime l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation d'ici à 2031 par rapport à la décennie précédente, tout en conservant l'objectif final d'absence d'artificialisation en 2050.
L'amendement COM-63 est purement rédactionnel.
L'amendement COM-63 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-64 prévoit la fixation par la région et les autres collectivités compétentes en matière d'urbanisme d'une trajectoire indicative et crédible de réduction de l'artificialisation d'ici à 2050, séquencée par des objectifs intermédiaires par décennie. Cela revient à ne plus fixer de manière centrale et descendante les objectifs au niveau local, ce qui supprime un irritant récurrent remonté par les élus locaux. Toutefois, la trajectoire dessinée doit être compatible avec l'objectif final ; à défaut, le document sera susceptible d'être déféré au moment du contrôle de légalité des documents d'urbanisme par le préfet. Cela ne ressemble donc en rien à une évolution open bar, une critique que j'ai entendue ici ou là.
L'amendement COM-64 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 3 reporte les dates butoirs pour inclure dans les documents de planification et d'urbanisme les objectifs de réduction de l'artificialisation.
L'amendement COM-65 tend à limiter les reports à un an et neuf mois, par rapport au droit en vigueur, de la date limite de modification du Sraddet et des autres échéances pour les modifications des Scot et autres documents d'urbanisme. Je propose également l'introduction d'une souplesse de deux ans supplémentaires aux collectivités pour la mise à jour de leurs documents d'urbanisme, si elles invoquent, pour ce faire, des raisons dûment justifiées, appréciées par le préfet.
L'amendement COM-65 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 4 acte la sortie des Pene des enveloppes foncières régionales et locales et la suppression de la mutualisation locale de ceux-ci.
L'amendement COM-67 tend à exclure, pendant quinze ans, au lieu de dix ans actuellement, de tout décompte local, régional ou national d'Enaf la consommation occasionnée par la réalisation de projets industriels, ainsi que par la production de logements sociaux, pour les communes carencées.
L'amendement COM-67 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-66 vise à consolider juridiquement l'exclusion, pendant quinze ans, de la consommation d'Enaf occasionnée par les Pene et prévoit l'établissement par l'État d'une stratégie de sobriété foncière qu'il s'applique à lui-même.
L'amendement COM-66 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - L'article 5 modifie la composition et le rôle de la conférence régionale du ZAN.
L'amendement COM-68 prévoit de rebaptiser l'instance de territorialisation, qui serait désormais appelée, par souci de simplicité, la « conférence régionale de sobriété foncière », et tend à rééquilibrer la composition de la conférence au profit des élus locaux du bloc communal, représentés à hauteur de 75 %, au lieu de 62 % actuellement, avec 80 membres plus un représentant par département siégeant à titre consultatif. La conférence se voit conférer un pouvoir d'opposition à la détermination de la liste des projets d'intérêt régional.
Cet amendement acte également la fin de la prescriptivité du Sraddet sur le volet artificialisation, avec le passage d'un rapport de conformité à un rapport de prise en compte pour les documents de rang inférieur dans la hiérarchie des normes. La conférence disposerait également du pouvoir d'enjoindre à la région qui a déjà arrêté son Sraddet de modifier les règles relatives à l'artificialisation, afin de permettre la mise en oeuvre des assouplissements prévus par la loi Trace.
L'amendement COM-68 est adopté.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis. - Enfin, l'amendement COM-69 vise à compléter la proposition de loi en insérant un nouvel article qui précise le régime applicable à la garantie communale, fixée à un hectare pour la décennie en cours. Il prévoit la possibilité pour le maire de mutualiser également la surface minimale de développement communal au niveau des Scot et des régions, au lieu de l'EPCI, qui constitue actuellement le seul niveau de mutualisation admis. Cette mutualisation peut également porter sur la totalité ou une partie de la surface, à la discrétion du maire de la commune concernée. Il permet enfin le recours à une modification simplifiée des documents d'urbanisme pour que la commune puisse effectivement bénéficier de la garantie et que la surface minimale de développement ne soit pas virtuelle.
L'amendement COM-69 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à remercier de nouveau le rapporteur pour avis du travail collaboratif réalisé avec les rapporteurs de la commission des affaires économiques et d'avoir su mener une vraie concertation et un dialogue nourri avec les commissaires de notre commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. GUÉRET |
60 |
Définition législative des notions d'espace urbanisé et de « dent creuse » |
Adopté |
M. GUÉRET |
61 |
Transmission aux collectivités d'un bilan chiffré des consommations d'Enaf au cours de la décennie précédente |
Adopté |
M. GUÉRET |
62 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. GUÉRET |
63 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. GUÉRET |
64 |
Fixation par les collectivités d'une trajectoire tendancielle crédible de réduction de la consommation d'Enaf et d'objectifs intermédiaires |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. GUÉRET |
65 |
Report des dates limites de modification des documents de planification et d'urbanisme |
Adopté |
Article 4 |
|||
M. GUÉRET |
67 |
Exclure jusqu'en août 2036 la consommation d'Enaf occasionnée par les projets industriels ainsi que par les logements sociaux pour les communes carencées |
Adopté |
M. GUÉRET |
66 |
Établissement par l'État d'une stratégie de sobriété foncière pour les projets d'envergure nationale ou européenne dont il assure la maîtrise d'ouvrage |
Adopté |
Article 5 |
|||
M. GUÉRET |
68 |
Composition, rôle et pouvoir de la conférence régionale de sobriété foncière |
Adopté |
Article additionnel après l'article 5 |
|||
M. GUÉRET |
69 |
Mise en oeuvre et mutualisation de la surface minimale attribuée aux communes |
Adopté |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
AUDITION MENÉE PAR M. GUÉRET,
RAPPORTEUR
POUR AVIS AU NOM DE LA COMMISSION
DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Mercredi 5 février 2025
- Association française pour l'étude des sols (Afes) : M. Alain BRAUMAN, président, et Mme Sophie RAOUS, directrice ;
- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : Mme Béatrice BÉCHET, chercheuse à l'Université Gustave Eiffel et directrice de l'Institut de recherche en sciences et techniques de la ville (IRSTV) ;
- Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : MM. Pierre RENAULT, directeur scientifique adjoint Environnement, et Marc GAUCHÉE, conseiller du P-D.G. pour les relations parlementaires et institutionnelles ;
- Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) : Mme Fanny GUILLET, sociologue chargée de recherche au CNRS, exerçant au centre d'écologie et des sciences de la conservation (Cesco)/MNHN, M. Brian PADELLA, écologue, coordinateur de la cellule Recherche-expertise Biodiversité et processus d'artificialisation.
AUDITIONS CONJOINTES AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Mercredi 22 janvier 2025
- Assemblée des départements de France (ADF) : MM. Pascal COSTE, président du conseil départemental de la Corrèze, Edouard GUILLOT, conseiller Environnement, transition énergétique, agriculture et réseaux, et Mme Marylène JOUVIEN, conseillère Relations avec le Parlement.
- Intercommunalités de France : M. Matthieu SCHLESINGER, vice-président d'Orléans métropole, vice-président en charge de l'urbanisme à Intercommunalités de France, Mmes Carole ROPARS, responsable du pôle Environnement et aménagement, et Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.
Vendredi 24 janvier 2025
- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : M. Philippe RIBOT, président de l'AMF30, maire de Saint-Privat-des-Vieux et vice-président d'Alès Agglomération, Mmes Nathalie FOURNEAU, responsable du département Aménagement du territoire, et Charlotte de FONTAINES, chargée des relations avec le Parlement.
Mardi 28 janvier 2025
- Association des maires ruraux de France (AMRF) : MM. Sébastien GOUTTEBEL, vice-président, François DESCOEUR, membre du conseil d'administration, maire d'Anglards-de-Salers, et Maxime MACHURAT, chargé de mission.
- Régions de France : Mme Laurence ROUÈDE, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, MM. Guillaume FOURGEAUD, directeur de cabinet adjoint du président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, Frédéric EON, conseiller parlementaire et juridique, et Pascal GRUSELLE, conseiller Affaires européennes, aménagement du territoire.
- Fédération nationale des SCoT (FédéSCoT) : M. Michel HEINRICH, président, et Mme Stella GASS, directrice.
- Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche : Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, accompagnée de Mmes Aurélie VIEILLEFOSSE, directrice adjointe du cabinet en charge de la biodiversité, du climat, de la forêt et de la prévention des risques, Marina MAURES, conseillère Planification, territoires et financements carbone, Lisa BROUTTÉ, conseillère parlementaire, et M. Vincent MONTRIEUX, adjoint au directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) à la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).
- Citadia (Groupe Scet) : M. Timothée HUBSCHER, directeur.
Mardi 4 février 2025
- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : M. Philippe MAZENC, directeur général, Mmes Émilie VOUILLEMET, sous-directrice de l'urbanisme règlementaire et des paysages, et Céline BONHOMME, sous-directrice de l'aménagement durable.
- Cabinet Létang : Mme Stéphanie ENCINAS, avocat associé et membre du conseil de l'ordre du Barreau de Paris, et Mme Gwenaël LE FOULER, avocat associé.
Mercredi 5 février 2025
- Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation : Mmes Françoise GATEL, ministre déléguée chargée de la ruralité, accompagnée de Mme Cécile DINDAR, directrice du cabinet, et M. Tristan ROCHAS, conseiller spécial, chargé des affaires parlementaires et de l'aménagement rural.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-124.html
AMENDEMENTS ADOPTÉS
PAR LA COMMISSION DE
L'AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ARTICLE 1ER
Amendement n° COM-60 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
I. - Alinéa 2
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
cinq
II. - Alinéa 3
Après cet alinéa, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« La notion d'espace urbanisé s'apprécie au regard de la quantité, de la densité et de la continuité de l'urbanisation, de la structuration par des voies de circulation, des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets et la présence d'équipements ou de lieux collectifs publics et privés, ainsi que des types d'urbanisation et d'habitat locaux.
« La création ou l'extension effective d'espaces urbanisés au sein de l'enveloppe urbaine n'est pas considérée comme une consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers. N'est pas non plus considérée comme consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés en bordure de l'enveloppe urbaine, dès lors que l'espace concerné est majoritairement entouré d'espaces bâtis ou dont le sol est imperméabilisé. Une commune peut comporter plusieurs enveloppes urbaines.
« La création ou l'extension effective d'espaces urbanisés s'apprécie à l'échelle de la parcelle cadastrale.
OBJET
L'amendement vise à simplifier et de rendre plus lisible la notion de consommation d'espace agricole, naturel et forestier (Enaf), actuellement définie au 5° du III de l'article 194 de la loi Climat-résilience comme « la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés ».
Il introduit donc dans le code de l'urbanisme des critères pour la détermination des espaces urbanisés.
Afin de mettre en cohérence les modalités de comptabilisation utilisées par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), sur la base des fichiers fonciers, et la définition fixée par la loi, l'amendement précise que la notion de consommation d'Enaf s'apprécie à l'échelle de la parcelle cadastrale.
Enfin, le statut des parcelles dans les fichiers fonciers, qui servent de base à la comptabilisation effectuée par le Cerema et mise à la disposition des collectivités, ne tient que très partiellement compte de leur localisation au sein de l'enveloppe urbaine ou en-dehors, reflétant plutôt l'usage effectif ou le régime fiscal de la parcelle, ce qui conduit à des incompréhensions de la part des élus locaux quant à la comptabilisation au titre de la consommation d'Enaf de parcelles assimilables à des « dents creuses ». L'amendement précise donc que par défaut, l'urbanisation dans ces « dents creuses », qu'elles se situent au sein de l'enveloppe urbaine ou en périphérie, ne doit pas être comptabilisée au titre de la consommation d'Enaf.
ARTICLE 1ER
Amendement n° COM-61 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
Alinéa 5
Après cet alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
3° Après le 2° de l'article L. 132-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le bilan détaillé et chiffré de leur consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers au cours des dix années précédant l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. » ;
OBJET
L'amendement prévoit que l'État met à disposition des collectivités et de leurs groupements en amont du processus d'évolution de leurs documents d'urbanisme, les données de consommation passée d'Enaf dont elles ont besoin afin de planifier ladite évolution, en fonction de la territorialisation des objectifs de réduction de la consommation d'Enaf effectuée par les documents de niveau supérieur (documents régionaux de planification et, le cas échéant, schémas de cohérence territoriaux). Une fois transmises, ces données ne pourront plus être modifiées unilatéralement par l'État.
Il s'agit de sécuriser les collectivités dans le diagnostic établi en amont de la révision de leurs documents d'urbanisme.
ARTICLE 1ER
Amendement n° COM-62 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
I. - Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Après le premier alinéa de l'article L. 1111-9-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au sens du présent article, l'artificialisation s'entend telle que définie à l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. » ;
II. - Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
OBJET
Amendement rédactionnel.
ARTICLE 2
Amendement n° COM-63 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable
I. - Alinéas 10 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
a) Les 1° à 3° du III sont abrogés.
II. - Alinéa 17
Remplacer le mot :
des
par le mot :
les
OBJET
Amendement rédactionnel et de coordination.
ARTICLE 2
Amendement n° COM-64 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
I. - Remplacer l'alinéa 14 par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le IV est ainsi modifié :
- Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Lorsque les documents mentionnés aux 1° à 4° du présent IV sont entrés en vigueur avant l'entrée en vigueur de la loi n° ... du ... visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, les trajectoires et objectifs relatifs à la réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers qui y figurent sont réputés conformes, selon les cas, à la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 4251-1, du quatrième alinéa du I de l'article L. 4424-9 ou du troisième alinéa de l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, ou du dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction résultant de la loi n° ... du ... visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux ; »
- À la fin du premier alinéa du 14°, les mots : « , durant la première tranche de dix années mentionnée au 1° du III, » sont supprimés ;
II. - Alinéas 19 à 23
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
c) La troisième phrase est ainsi rédigée : « En matière de lutte contre l'artificialisation des sols, les objectifs se traduisent par une trajectoire tendancielle et des objectifs intermédiaires de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers compatibles avec l'objectif national fixé à l'article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. »
III. - Alinéas 24 à 28
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° La première phrase du quatrième alinéa du I de l'article L. 4424-9 est ainsi rédigée : « Il fixe une trajectoire tendancielle de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers ainsi que des objectifs intermédiaires compatibles avec l'objectif national fixé à l'article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. »
IV. - Alinéas 30 à 34
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
a) La deuxième phrase est ainsi rédigée : « Il fixe une trajectoire tendancielle de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers ainsi que des objectifs intermédiaires compatibles avec l'objectif national fixé à l'article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets »
V. - Alinéas 36 à 42
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
III. - Le dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé : « Il fixe une trajectoire tendancielle de réduction de l'artificialisation ainsi que des objectifs intermédiaires compatibles avec l'objectif national fixé à l'article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets »
OBJET
L'amendement reformule les modalités de fixation par les régions et les Scot d'objectifs intermédiaires de réduction de l'artificialisation permettant d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050, en explicitant le fait que des objectifs intermédiaires devront être fixés dans ces mêmes documents.
La suppression de l'objectif national contraignant de réduction de l'artificialisation de moitié d'ici 2031 ne dispensera en effet pas les régions et les Scot de fixer une trajectoire indicative crédible d'ici 2050, scandée par des objectifs intermédiaires. Par application de la hiérarchie des normes, ces objectifs intermédiaires seront déclinés dans les documents d'urbanisme, ce qui leur permettra de se conformer à la trajectoire ainsi dessinée.
Afin que ce desserrement ne contraigne pas les régions qui ont déjà modifié leur document de planification ou sont en passe de le faire à le modifier à nouveau pour fixer ces objectifs intermédiaires jusqu'à 2050, le I propose en outre que lesdits documents, qui prévoient d'ici 2031 une réduction de l'artificialisation très contraignante, de plus de moitié par rapport à la décennie 2021-2031, conformément à la législation actuellement en vigueur, soient pour l'heure considérés comme conformes à ces nouvelles dispositions.
ARTICLE 3
Amendement n° COM-65 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
I. - Faire précéder le premier alinéa de la mention :
I. -
II. - Alinéa 2
1° Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
III. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
2° Le 5° est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) Le 5° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du premier alinéa du présent 5° ne sont pas applicables lorsque la conférence mentionnée à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales a statué en faveur de la modification des objectifs de réduction de l'artificialisation fixés dans le document mentionné, selon le cas, au 1°, au 2°, au 3° ou au 4°, et de leur territorialisation, ou lorsque la région a engagé la modification du même document en application du II de l'article 3 de la loi n° ... du ... visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux. »
IV. - Alinéa 4
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
sept
V. - Alinéa 5
Remplacer le mot :
quinze
par le mot :
huit
VI. - Alinéa 6
Après cet alinéa, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le 8° il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les délais fixés au 6°, au 7° et au 8° du présent IV peuvent être prorogés, dans la limite de deux ans, par le représentant de l'État dans le département, lorsque, selon les cas, l'établissement public élaborant le schéma mentionné à l'article L. 143-16 du code de l'urbanisme, la commune compétente en matière de document d'urbanisme ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de document d'urbanisme justifie dûment le dépassement desdits délais. »
VII. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, dans les régions dans lesquelles les documents mentionnés aux 1° à 4° du IV de l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets sont entrés en vigueur avant la promulgation de la loi n° ... du ... visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, la région peut engager la modification des seules dispositions desdits documents relatives à la trajectoire et aux objectifs de réduction de l'artificialisation ou de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers.
La procédure prévue, selon les cas, au I de l'article L. 4251-9, au I de l'article L. 4424-14 ou à l'article L. 4433-10-9 du code général des collectivités territoriales ou aux articles L. 123-14 à 17 du code de l'urbanisme, est applicable.
OBJET
L'amendement reporte d'un an et neuf mois, par rapport au droit en vigueur, la date limite de modification des documents de planification régionaux pour y inscrire des objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf) cohérents avec l'objectif national fixé à l'article 191 de la loi Climat-résilience (absence d'artificialisation nette en 2050).
Seules cinq régions couvertes par un Sraddet ont modifié leur document avant l'échéance qui était fixée en novembre 2024, la moitié environ des régions restantes ayant engagé la modification, qui pourrait aboutir dans les mois à venir.
Le report de l'échéance de modification de ces documents qui étend d'un an supplémentaire le report prévu dans le texte initial de la proposition de loi, vise à permettre aux régions de prendre en compte les assouplissements qui seront permis par la présente proposition de loi.
Il est d'autant plus nécessaire que :
- le V de l'amendement permet précisément aux régions qui ont déjà modifié leur document d'en rouvrir uniquement le volet relatif à la réduction de l'artificialisation ;
- l'article 5 de la proposition de loi rénove la « conférence régionale du ZAN » pour améliorer la concertation à l'échelon régional sur la fixation des objectifs et leur territorialisation, et ouvre la possibilité pour cette conférence d'inviter les régions à revoir ces objectifs, y compris lorsque le document de planification modifié est déjà entré en vigueur.
Par cohérence, il est proposé de repousser, par rapport à l'état actuel du droit, d'un an et demi les échéances pour les modifications des schémas de cohérence territoriaux (Scot) et des documents d'urbanisme, afin de s'assurer que les étapes de modification des différents documents pourront s'effectuer « en cascade », dans le respect de la hiérarchie des normes.
Afin de prendre en compte les cas où les documents de planification modifiés déjà entrés en vigueur seraient à nouveau modifiés pour prendre en compte les souplesses introduites par la présente proposition de loi, il est également précisé que les documents d'urbanisme qui seraient modifiés dans l'intervalle n'ont pas l'obligation de prendre en compte les objectifs fixés par ces documents de planification initialement adoptés, avant leur réouverture.
ARTICLE 4
Amendement n° COM-67 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
I. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le III est ainsi modifié :
a) Au début du 6°, les mots : « Pour la tranche mentionnée au 2° du présent III » sont remplacés par les mots « Pendant une période de quinze années suivant la promulgation de la présente loi » ;
b) À la première phrase du premier alinéa du 8°, les mots : « est prise en compte au niveau national au sens du III bis du présent article » sont remplacés par les mots : « n'est pas prise en compte pour l'atteinte de l'objectif de réduction de l'artificialisation mentionné à l'article 191, ni pour le respect des objectifs fixés par les documents de planification régionale et par les documents d'urbanisme » ;
II. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
3° Après le III quater, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pendant une période de quinze années suivant la promulgation de la présente loi, n'est pas comptabilisée pour l'atteinte de l'objectif de réduction de l'artificialisation mentionné à l'article 191, ni pour le respect des objectifs fixés par les documents de planification régionale et par les documents d'urbanisme, la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers résultant :
« - d'implantations industrielles ;
« - des constructions ou aménagements nécessaires à l'atteinte des objectifs en matière de réalisation de logements locatifs sociaux fixés par le représentant de l'État dans le département, conformément, selon les cas, au I de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation ou au quatrième alinéa du I de l'article L. 302-8-1 du même code. » ;
OBJET
L'amendement vise à exclure de tout décompte local, régional ou national de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) la consommation occasionnée par la réalisation de projets industriels, ainsi que par la réalisation de logements sociaux, pour les communes carencées, pour une période de quinze ans à compter de la promulgation de la loi Climat-résilience, soit jusqu'en août 2036 (II).
Il s'agit de concilier l'objectif de sobriété foncière fixé dans la loi Climat-résilience avec les autres priorités nationales des politiques publiques que sont la réindustrialisation et l'amplification de l'offre de logement, en particulier de logements abordables. Il convient à cet égard de rappeler que les implantations industrielles ne représentent que 4 % des surfaces artificialisées en France hexagonale.
Par cohérence, afin de donner de la visibilité aux collectivités dans l'élaboration de leurs documents de planification et d'urbanisme, l'amendement étend également jusqu'à la même date d'août 2036 l'exemption du décompte de la consommation d'Enaf dont bénéficient actuellement seulement jusqu'en 2031 les installations d'agrivoltaïsme (I a).
Le I b porte une modification rédactionnelle et de coordination.
ARTICLE 4
Amendement n° COM-66 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Le III bis est ainsi rédigé :
« En vue d'atteindre l'objectif national mentionné à l'article 191, l'État établit une stratégie de sobriété foncière pour les projets d'envergure nationale ou européenne dont il assure la maîtrise d'ouvrage, directement ou par le biais de l'un de ses établissements publics, assortie d' objectifs de réduction tendancielle de l'artificialisation, traduits à la fois par une trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols à l'échéance fixée à l'article 191, ainsi que par des objectifs intermédiaires de réduction du rythme de l'artificialisation. » ;
OBJET
L'amendement procède à des aménagements rédactionnels pour préciser les modalités de définition par l'État d'une trajectoire et d'objectifs intermédiaires de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf) occasionnés par la réalisation de projets d'envergure nationale et européenne (Pene) dont il assure la maîtrise d'ouvrage. Cette disposition figure dans le texte de la proposition de loi.
Il est proposé que l'État, par parallélisme des formes avec les communes et établissements publics de coopération intercommunale dans leurs documents d'urbanisme, se fixe une trajectoire et des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'Enaf compatibles avec l'objectif d'absence d'artificialisation nette à horizon 2050.
ARTICLE 5
Amendement n° COM-68 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 1111-9-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, aux premier, dixième et douzième alinéas du I, au premier alinéa du II, au III (deux fois), au IV, au premier alinéa du V et au VI, les mots : « gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols » sont remplacés par les mots : « sobriété foncière » ;
b) Le I est ainsi modifié :
- Au deuxième alinéa, la référence : « n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux » est remplacée par la référence : « n° ... du ... visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux » et la référence : « n° 2023-630 du 20 juillet 2023 » par la référence : « n° ... du ... » ;
- Les alinéas 4 à 9 sont ainsi rédigés :
« 2° Cinq représentants de l'État ;
« 3° Soixante représentants des établissements publics mentionnés à l'article L. 143-6 du code de l'urbanisme, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de documents d'urbanisme, des communes compétentes en matière de document d'urbanisme et des communes non couvertes par un document d'urbanisme, couverts et non couverts par un établissement public mentionné au même article L. 143-6, dans des proportions représentatives de la répartition de ces différents types de collectivités et établissements publics parmi l'ensemble des communes du ressort régional, ainsi que de leur répartition entre les différents départements du ressort régional ;
« 4° Un représentant de chaque département, siégeant à titre consultatif. » ;
c) Le troisième alinéa du II est ainsi modifié :
- à la première phrase, les mots : « est également consultée dans le cadre de la qualification des » sont remplacés par les mots : « rend un avis conforme sur la liste des projets qualifiés de » ;
- à la seconde phrase, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 2° » ;
2° L'article L. 4251-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, les trajectoire et objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnés à l'article L. 4251-1 s'appliquent aux schémas de cohérence territoriale et, à défaut, aux plans locaux d'urbanisme, aux cartes communales ou aux documents en tenant lieu dans un rapport de prise en compte. » ;
3° Le III de l'article L. 4424-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, les trajectoire et objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnés au quatrième alinéa du I s'appliquent aux schémas de cohérence territoriale et, à défaut, aux plans locaux d'urbanisme, aux cartes communales ou aux documents en tenant lieu dans un rapport de prise en compte. » ;
4° L'article L. 4433-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, les trajectoire et objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 4433-7 s'appliquent aux schémas de cohérence territoriale et, à défaut, aux plans locaux d'urbanisme, aux cartes communales ou aux documents en tenant lieu dans un rapport de prise en compte. ».
II. Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° L'article L. 131-1 est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par les mots : « , et à l'exclusion des règles relatives aux objectifs et trajectoire de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du même code » ;
b) Le 3° est complété par les mots : « , à l'exclusion des objectifs et trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols mentionnés au dernier alinéa du même article L. 123-1 » ;
c) Le 4° est complété par les mots : « , à l'exclusion des objectifs et trajectoire de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnés au troisième alinéa du même article L. 4433-7 » ;
d) Le 5° est complété par les mots : « , à l'exclusion des objectifs et trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols mentionnés au quatrième alinéa du I du même article L. 4424-9 » ;
2° L'article L. 131-2 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les objectifs et trajectoires de réduction de l'artificialisation des sols mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1, au troisième alinéa de l'article L. 4433-7 et au quatrième alinéa du I de l'article L. 4424-9 du même code, ainsi qu'au dernier alinéa de l'article L. 123-1. »
III. - Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, dans les régions dont le document de planification a déterminé les trajectoire et objectifs mentionnés, selon les cas, à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, au quatrième alinéa du I de l'article 4424-9 du même code , au troisième alinéa de l'article L. 4433-7 du même code ou au dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, la conférence régionale de gouvernance de la politique de sobriété foncière mentionnée à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales peut adopter, par délibération, et transmettre à l'autorité compétente pour l'élaboration dudit document un avis sur ladite trajectoire et lesdits objectifs. Lorsque l'avis est défavorable, l'autorité compétente pour l'élaboration du document mentionné à la première phrase du présent alinéa élabore un projet de modification des trajectoire et objectifs mentionnés à la même première phrase.
La procédure prévue, selon les cas, au I de l'article L. 4251-9, au I de l'article L. 4424-14 ou à l'article L. 4433-10-9 du code général des collectivités territoriales ou aux articles L. 123-14 à 17 du code de l'urbanisme, est applicable.
IV. - Dans un délai de trois mois après l'arrêt du projet de modification du document mentionné, selon les cas, aux articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales, ou à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, pour y intégrer la trajectoire et les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols prévus aux mêmes articles, les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de document d'urbanisme peuvent se prononcer sur la trajectoire et les objectifs fixés au niveau régional. L'avis est transmis, selon les cas, au président du conseil régional, au président de l'Assemblée de Guyane, au président du conseil exécutif de Martinique ou au président du conseil départemental de Mayotte. À défaut de délibération dans le délai de trois mois mentionné à la première phrase du présent III, l'avis est réputé favorable.
OBJET
Le 1° du I revoit la composition de la « conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols » (dite « conférence du ZAN ») - également renommée « conférence régionale de sobriété foncière » - afin d'y assurer une meilleure représentation des collectivités locales et de leurs groupements, dont la part au sein de la conférence passera d'environ 60 % à 75 %. Il maintient par ailleurs la possibilité pour les régions de composer différemment la conférence, dès lors que la majorité des communes et EPCI compétents en matière de documents d'urbanisme en sont d'accord.
Il donne également à la conférence le pouvoir de s'opposer à la liste des projets d'intérêt régional, dont l'artificialisation peut être mutualisée à l'échelon régional, et non pas imputée en totalité à la commune ou à l'EPCI où le projet est implanté.
Les 2° à 4° du I ainsi que le II précisent que les objectifs et trajectoire de réduction de la consommation d'Enaf fixés dans les documents régionaux de planification s'appliquent aux documents d'urbanisme dans un rapport de prise en compte, et non pas dans un rapport de compatibilité, plus contraignant.
Le III permet à la conférence d'enjoindre la région qui a déjà modifié son Sraddet de modifier le volet relatif à l'artificialisation pour prendre en compte des assouplissements qui seront permis par la loi Trace.
Le IV ouvre la possibilité à l'ensemble des communes et EPCI auxquels s'appliqueront directement les objectifs de réduction de l'artificialisation inscrits dans les documents de planification régionaux de se prononcer sur ces objectifs et leur territorialisation en amont de la procédure de modification de ces derniers, afin d'anticiper les éventuels blocages, au-delà de la conférence régionale de gouvernance de la politique de sobriété foncière. Ce mécanisme demeure facultatif pour les communes et EPCI concernées.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 5
Amendement n° COM-69 présenté par
M. GUERET au nom de la commission de
l'aménagement du territoire
et du développement durable
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° bis du III de l'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées : « Cette surface minimale est attribuée pour chaque tranche de dix années à compter de la promulgation de la présente loi. Pour la première tranche, elle est fixée à un hectare. Pour les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris après le 1er janvier 2011, une majoration de la surface minimale de 0,5 hectare est appliquée pour chaque commune déléguée. Cette majoration est plafonnée à deux hectares. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase :
- au début, sont ajoutés les mots : « À tout moment, » ;
- après le mot : « mutualiser », sont insérés les mots : « , en totalité ou partiellement, » ;
b) L'alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « À la demande du maire, une commune disposant de cette surface minimale peut également choisir à tout moment de la mutualiser, en totalité ou partiellement, à l'échelle du schéma de cohérence territoriale dont elle est membre, avec l'accord de l'établissement public mentionné à l'article L. 143-16 du code de l'urbanisme compétent, ou à l'échelle régionale, avec l'accord de la région. Cette mutualisation peut faire l'objet de mesures compensatoires accordées par l'établissement public de coopération intercommunale, l'établissement public mentionné au même article L. 143-16 ou la région. »
3° Le troisième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'une commune disposant de cette surface minimale ne peut en bénéficier en raison de dispositions contraires prévues par le plan local d'urbanisme ou le schéma de cohérence territoriale qui s'applique sur son territoire, il peut être recouru, à sa demande, aux procédures de modification simplifiées prévues aux articles L. 153-31 à L. 153-48 et L. 143-29 à L. 143-56 du code de l'urbanisme pour ouvrir la surface correspondante à l'urbanisation.
« Il peut également être recouru aux mêmes procédures, lorsque la commune disposant de cette surface minimale choisit de la mutualiser en application du deuxième alinéa du présent 3° bis, pour fermer la surface correspondante à l'urbanisation, ainsi que pour ouvrir la surface correspondante à l'urbanisation dans les établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires ou les communes bénéficiaires de la mutualisation.
« Les plans locaux d'urbanisme des communes ou établissements publics intercommunaux susceptibles de bénéficier de la mutualisation mentionnée au deuxième alinéa du présent 3° bis peuvent également prévoir que certaines zones identifiées dans le document d'urbanisme ne seront ouvertes à l'urbanisation qu'en cas de mutualisation de la surface minimale de consommation mentionnée au premier alinéa du présent 3° bis, après l'entrée en vigueur dudit document.
« Les plans locaux d'urbanisme couvrant les communes disposant de cette surface minimale peuvent en outre prévoir que les zones ouvertes à l'urbanisation afin d'en permettre la mise en application sont fermées à l'urbanisation dès lors que la commune a mutualisé cette surface minimale en application du deuxième alinéa du présent 3° bis. »
OBJET
L'amendement prévoit la possibilité de mutualiser la garantie de développement communal au niveau des Scot, voire des régions, afin de minimiser le risque de gel de foncier au niveau de l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI), qui est le seul niveau de mutualisation admis jusque-là. Pour la même raison, il précise que la mutualisation peut être effectuée à tout moment, et non pas seulement en amont de la modification des documents d'urbanisme pour y inclure les objectifs de réduction de la consommation d'Enaf. Enfin, il ajuste le mécanisme de mutualisation en précisant que la mutualisation peut concerner la totalité de l'hectare acquis au titre de la garantie de développement communal, ou seulement une partie de cette surface.
Afin de permettre la mise en oeuvre concrète de ce mécanisme de mutualisation, il permet en outre aux communes, Scot et EPCI concernés :
- de recourir à la modification simplifiée de leurs documents d'urbanisme pour assurer une plus grande flexibilité de ces derniers, y compris après leur modification pour y inclure les objectifs de réduction de la consommation d'Enaf en application de la loi Climat-résilience (qu'il s'agisse, selon les cas, de fermer ou d'ouvrir des zones à l'urbanisation) ;
- d'identifier dans les documents d'urbanisme modifiés pour y inclure les objectifs de réduction de la consommation d'Enaf, des zones qui pourront être ouvertes ou fermées à l'urbanisation de manière conditionnelle, dès lors que le mécanisme de mutualisation de la garantie de développement communal aura été mobilisé : pour les collectivités qui disposent d'une visibilité suffisante, cela permettra même de se dispenser de recourir à la modification simplifiée.
En effet, la garantie de développement communale comme sa mutualisation risquent de demeurer virtuelles, si les collectivités ne disposent pas dans le même temps des outils leur permettant d'ouvrir ou fermer les zones correspondantes à l'urbanisation.
* 1 Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, Plan d'aménagement et de développement durable de Corse, Schéma d'aménagement régional et Schéma directeur de la région d'Île-de-France.