La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, présentée par Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues, a été examinée par la commission des affaires économiques du Sénat le 9 février 2025. Elle sera examinée en séance publique du Sénat le mercredi 12 mars 2025.

Pourquoi ce texte ?

La loi Climat-résilience a fixé un double objectif national, quantitatif et temporel, de baisse du rythme des consommations foncières : la réduction de moitié du rythme d'artificialisation des sols durant la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente et l'atteinte en 2050 d'une absence d'artificialisation nette (dite "zéro artificialisation nette" - ZAN).

Malgré les assouplissements apportés par la loi d'initiative sénatoriale visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux du 20 juillet 2023 (loi "ZAN 2"), des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux.

Faisant suite aux conclusions du rapport d'information, issu des travaux du groupe de suivi des politiques de réduction de l'artificialisation des sols, la proposition de loi vise à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux à un rythme compatible avec l'ensemble des stratégies favorisant la transition écologique en France.

Pour cela, le texte propose de  :

  • simplifier les modalités de comptabilisation de l'artificialisation ;
  • assouplir la trajectoire de réduction pour l'horizon 2021-2031 ;
  • inverser la logique de territorialisation des objectifs, en partant des besoins et projets des collectivités locales, sans toutefois toucher à l'objectif final fixé par la loi Climat-résilience à l'horizon 2050.

La proposition de loi entend ainsi :

  • pérenniser la mesure de l'artificialisation par le décompte de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf), comme c'est actuellement le cas jusqu'en 2031. Ce mode de comptabilisation, connu et compris des élus locaux, permet aux collectivités de mieux piloter leur artificialisation à travers leurs documents d'urbanisme et de faciliter le suivi des consommations foncières (art. 1er) ;
  • abroger l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation à l'échelle nationale sur la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente (art. 2) ;
  • repousser les dates butoirs avant lesquelles doit intervenir la modification des documents régionaux de planification et des documents d'urbanisme afin d'y inclure les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols fixés par la loi Climat-résilience à respectivement 2026 pour les documents régionaux, 2031 pour les SCoT et 2036 pour les PLU(i) et cartes communales, afin de permettre aux collectivités de mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d'artificialisation (art. 3) ;
  • exclure et ne plus mutualiser des projets d'envergure nationale et européenne ("PENE") au sein des enveloppes de consommation d'Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux, assurant ainsi que ces dernières ne seront pas grevées par des projets ne relevant pas de l'initiative de la région ou des collectivités locales, et imposer à l’Etat une diminution progressive de l’artificialisation induite par les PENE dont il assure la maîtrise d’ouvrage (art. 4) ;
  • remplacer les conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols par des conférences élargies représentant l’ensemble des communes du ressort régional et leur confier un pouvoir décisionnel (art. 5).

Les apports du Sénat

La commission a enrichi cette proposition de loi avec des apports tendant notamment à :

  • permettre aux régions de fixer leur propre trajectoire et leurs propres objectifs intermédiaires de réduction de l’artificialisation, qui devront être compatibles avec l’objectif national d’absence d’artificialisation nette en 2050 ;
  • exempter du décompte de la consommation d’Enaf jusqu’en 2036 les implantations industrielles, les infrastructures de production d’énergie renouvelable et les constructions de logement social, dans les communes carencées au titre de la loi "SRU", tout en confirmant l’exemption du décompte pour les PENE ;
  • conserver les conférences régionales actuelles, en renforçant le poids des élus locaux, et leur permettre, à la suite de l’adoption de la loi Trace, de contraindre la région à reconsidérer ses objectifs de réduction de l’artificialisation ;
  • préciser que les dispositions relatives à l’artificialisation figurant dans les documents régionaux ne s’appliqueront plus aux documents d’urbanisme que dans un rapport de prise en compte ;
  • permettre la mutualisation de la garantie de développement communal de 1 hectare au-delà de l’échelon de l’EPCI, afin d’éviter les phénomènes de gel de foncier.