EXAMEN DE L'ARTICLE SUR LEQUEL
LA COMMISSION S'EST SAISIE POUR AVIS

Article 3
Régimes et organismes de sécurité sociale habilités à recourir à des ressources non permanentes

Cet article vise à autoriser divers organismes de sécurité sociale à recourir à l'emprunt.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Une autorisation de divers organismes de sécurité sociale à recourir à l'emprunt pour financer leurs besoins de trésorerie

Chaque année, la sécurité sociale a besoin d'emprunter, afin de couvrir son besoin de financement annuel (son « déficit »), mais surtout ses autres besoins de trésorerie, découlant du décalage entre ses recettes et ses dépenses. Ainsi, le texte initial du PLFSS 2025 prévoyait pour l'Acoss un plafond d'emprunt de 65 milliards d'euros, pour un déficit prévisionnel de « seulement » 16 milliards d'euros.

Cet article, très succinct, prévoit que « jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sont habilitées [en 202523(*)] à recourir à des ressources non permanentes dans la seule mesure nécessaire à la couverture de leurs besoins de trésorerie ».

Cette rédaction est analogue à celle retenue pour l'État par l'article 2, qui prévoit que « jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, le ministre chargé des finances est autorisé à procéder [en 202524(*)] à des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros ou en autres devises pour couvrir l'ensemble des charges de trésorerie ou pour renforcer les réserves de change, ainsi qu'à toute opération de gestion de la dette ou de la trésorerie de l'État ».

B. Contrairement aux LFSS, cet article ne fixe pas de plafonds

Cet article se distingue de l'article 13 du PLFSS 2025, et plus généralement des LFSS, par le fait qu'il ne fixe pas de plafonds d'emprunt.

Ces plafonds font partie des dispositions devant obligatoirement figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale, conformément aux dispositions de la loi organique du 14 mars 2022.

Article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale

« Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, la loi de financement de l'année :

(...)

e) Arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. »

Le tableau ci-après rappelle les plafonds fixés par les LFSS pour 2023 et 2024 et par l'article 13 du PLFSS pour 2025.

Rappel des plafonds prévus par les LFSS 2023 et 2024 et le PLFSS 2025

(en millions d'euros)

 

Plafonds
de la LFSS 2023

Plafonds
de la LFSS 2024

Plafonds du PLFSS 2025

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

45 000

45 000

65 000

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

350

0

0

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF)

550

595

0

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF)

400

350

0

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

450

450

450

Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)

7 500

11 000

13 200

Source : LFSS 2023 et 2024, PLFSS 2025

Le graphique ci-après indique pour mémoire le profil des soldes de trésorerie prévus pour l'Acoss, sur la base du texte initial du PLFSS.

Prévisions de soldes de trésorerie de l'Acoss pour 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Source : Annexe 3 du PLFSS pour 2025

Ces plafonds et prévisions ne sont plus d'actualité, du fait du rejet des conclusions de la CMP par l'Assemblée nationale. En particulier, en l'absence de LFSS, le déficit de la sécurité sociale en 2025 serait considérablement plus élevé, ce qui dégraderait le solde de trésorerie.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur général, Charles de Courson, afin de préciser que l'autorisation d'emprunter ne concernait que la seule année 2025.

III - La position de la commission

Comme indiqué supra, cet article, prévu par aucun texte, est nécessaire pour permettre à la sécurité sociale de recourir à l'emprunt, et donc de continuer à verser les prestations.

Dans son avis précité sur l'application de l'article 45 de la Lolf, le Conseil d'État confirme qu'il peut figurer dans la loi spéciale prévue par celui-ci, afin de ne pas porter atteinte à la continuité de la vie nationale (cf. encadré).

La possibilité pour la loi spéciale de contenir le présent article, selon le Conseil d'État

« 13. Le Conseil d'Etat constate, au vu des informations transmises par le Gouvernement, que, eu égard à leur équilibre financier actuel et en l'absence d'autorisation de recourir à des ressources non permanentes, les organismes concernés ne seraient plus en mesure d'assurer la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales. Il considère que leur interruption serait de nature à porter atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé et d'accès à des moyens convenables d'existence garantis par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dans des conditions telles qu'il en résulterait une atteinte à la continuité de la vie nationale. Il relève, par ailleurs, que les dispositions constitutionnelles et organiques régissant les lois de financement de la sécurité sociale ne prévoient aucun dispositif équivalent à celui institué par l'article 47 de la Constitution et qu'il résulte des articles L.O. 111-3-9 et L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale qu'une disposition autorisant ces organismes à recourir à des ressources non permanentes ne saurait être adoptée dans le cadre d'une loi ordinaire. Enfin, le Conseil d'Etat estime que les circonstances [...] sont également susceptibles de faire obstacle à la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 avant le 1er janvier 2025. Par suite, il considère que la loi spéciale peut comporter une disposition permettant aux organismes concernés de recourir à des ressources non permanentes et ce, conformément à sa finalité qui est de permettre de garantir la continuité de la vie nationale, sans méconnaître ni les dispositions de l'article 47 de la Constitution, ni celles de l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances. »

Source : Conseil d'État, Avis relatif à l'interprétation de l'article 45 de la Lolf, pris pour l'application du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, n° 40908, 9 décembre 2024

Le choix de ne pas fixer de plafonds, contrairement à ce qui est prévu par la loi organique dans le cas des LFSS, semble pertinent.

Tout d'abord, cela évite d'inutiles polémiques. En effet, dans le cas de l'Acoss un plafond aurait impliqué de définir explicitement une hypothèse de déficit de la sécurité sociale en 2025. En particulier, en l'absence totale de mesures législatives ou réglementaires, déficit de la sécurité sociale, de plus de 30 milliards d'euros25(*), amènerait à fixer le plafond d'emprunt de l'Acoss pour 2025 à environ 80 milliards d'euros26(*) (contre 45 milliards d'euros pour 2024 selon la LFSS pour 2024 et 65 milliards d'euros pour 2025 selon le PLFSS pour 2025). Inversement, un plafond plus bas aurait impliqué que le Gouvernement fasse des hypothèses sur les mesures réglementaires du prochain Gouvernement, en particulier dans le domaine de la santé.

Ensuite, l'absence de plafonds semble juridiquement plus sécurisée. On peut s'interroger sur la possibilité d'inclure de tels plafonds dans la loi spéciale27(*). Par ailleurs, l'absence de plafonds évite de devoir les relever en cours d'année, si jamais le déficit de la sécurité sociale était plus important que prévu. Certes, l'article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le Gouvernement peut prendre en cours d'année des décrets de relèvement. Toutefois il se réfère aux plafonds fixés par la LFSS, et non par une loi spéciale, non prévue dans le cas de la sécurité sociale.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.


* 23 Précision rédactionnelle apportée par l'Assemblée nationale.

* 24 Précision rédactionnelle apportée par l'Assemblée nationale.

* 25 On rappelle que le décalage, dans le texte initial du PLFSS, entre le déficit prévisionnel de 16 milliards d'euros et le plafond de 65 milliards d'euros venait de la dette préexistante de l'Acoss, d'une marge de sécurité de 7,3 milliards d'euros et, surtout, des avances à certaines entités (comme la CNRACL) et du rôle de trésorier de l'Acoss.

* 26 Comme indiqué supra, le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre 2024 prévoyait un déficit de 28,4 milliards d'euros en 2025 sans mesures nouvelles. Compte tenu du dérapage de 2 milliards d'euros de l'Ondam en 2024, en l'absence de mesures législatives ou réglementaires le déficit 2025 devrait être supérieur à 30 milliards d'euros. C'est environ 15 milliards d'euros de plus que le déficit de 16 milliards d'euros prévu par le texte initial, qui fixait le plafond d'emprunt de l'Acoss à 65 milliards d'euros.

* 27 Lors de l'examen en première lecture de l'article 3 par l'Assemblée nationale, le ministre chargé du budget et des comptes publics a considéré que de tels plafonds, « politiques », n'auraient pas relevé du champ de la loi spéciale et n'auraient donc pas été constitutionnels.

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