COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME CATHERINE VAUTRIN, MINISTRE DU PARTENARIAT AVEC LES TERRITOIRES ET DE LA DÉCENTRALISATION

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MERCREDI 27 NOVEMBRE 2024

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous procédons à l'audition de Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Traditionnellement, cette audition est aussi le moment d'aborder le soutien financier de l'État aux collectivités territoriales, qui ne se résume pas à cette mission.

Ce matin, nous avons entendu le rapport de notre collègue Jean-Michel Arnaud, en sa qualité de rapporteur pour avis. Je rappelle que notre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en adoptant trois amendements proposés par notre rapporteur pour avis.

L'examen du budget s'inscrit cette année dans un contexte particulier, marqué par l'impératif de redressement de nos finances publiques. Au travers de l'examen de cette mission se pose la question de la participation des collectivités territoriales à l'effort budgétaire collectif.

Lors de nos débats sur cette mission, nous avons dressé le constat d'une stabilité de ses crédits, ce qui constitue un fait notable dans le contexte budgétaire actuel et un bon signal envoyé par l'État aux territoires.

Nous vous invitons, madame la ministre, à nous présenter les crédits de cette mission et l'évolution proposée, ainsi que les dispositifs portés par les articles rattachés. Nous aurons l'occasion, après vous avoir cédé la parole pour une présentation, de débattre sur la base des questions qui vous seront adressées par le rapporteur et les autres membres de la commission.

Avant votre présentation liminaire, je souhaite vous poser une première question. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a annoncé que notre assemblée était prête à ramener l'effort demandé aux collectivités de 5 à 2 milliards d'euros. Cela passe notamment par une modification du fonds de réserve, adoptée ce matin par notre commission en appui des travaux menés par la commission des finances.

Votre collègue Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, a déclaré hier que le Gouvernement avait l'intention de réduire significativement l'effort auquel devront consentir les collectivités en 2025. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. - Merci de m'accueillir devant votre commission pour vous présenter les principales mesures du PLF pour 2025. La situation de notre pays, les défis auxquels font face les territoires, l'urgence de répondre aux attentes de nos concitoyens exigent clarté, responsabilité et action. Cette audition est l'opportunité de vous détailler le budget, mais aussi d'échanger avec vous sur vos travaux.

Le PLF, comme vous le savez, a été élaboré dans un contexte budgétaire difficile, exigeant un effort collectif sans précédent. Le Premier ministre a fixé une priorité absolue pour l'action gouvernementale : la réduction de la dette financière, dont le montant s'élève à 3 228 milliards d'euros, avec une charge d'intérêts qui, depuis le jour du dépôt du texte jusqu'à aujourd'hui, n'a fait qu'augmenter ; nous parlons aujourd'hui d'environ 57 milliards d'euros, soit le deuxième budget de l'État derrière celui de l'éducation nationale.

Je souhaite insister sur le niveau très élevé des dépenses publiques, à hauteur de 57 % de la richesse nationale quand, en Europe, la moyenne se situe à 49 %. Se pose la question du niveau des prestations ; celui-ci est-il meilleur qu'ailleurs ? Nous n'en avons pas la certitude. Alors, pourquoi un tel différentiel ? N'avons-nous pas des procédures trop coûteuses ?

Un sursaut national est indispensable, l'effort doit être collectif et réalisé dans un esprit de rassemblement et de responsabilité. Le contribuable est une seule et même personne ; l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales, pour lesquels était prévu, dans la première version du budget, un effort respectivement de 20, 15 et 5 milliards d'euros d'économies, ne s'opposent pas dans leur contribution au redressement des comptes publics.

Dès le début, il a été dit que cette copie pouvait être améliorée. Les collectivités territoriales, qui portent 60 % de l'investissement public, ne représentent que 8 % de la dette publique. Je le répète, les collectivités territoriales ne sont pas responsables de l'aggravation du déficit de notre pays. Dans tous les cas, nous avons besoin d'un dialogue renforcé entre les acteurs.

Le ministère qui m'a été confié porte le mot « partenariat ». Ce terme sous-tend quatre principes : l'écoute des besoins et les attentes des acteurs locaux ; le dialogue constant pour construire des solutions ; le suivi des engagements pris ; et enfin, une contractualisation pour donner corps à ce partenariat.

Respecter les compétences des collectivités, bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre l'État et les territoires, quarante ans après les grandes lois de décentralisation, sont des sujets indispensables. Les efforts que nous demandons aux uns et aux autres doivent être calibrés avec justesse. Assurer une répartition juste et équilibrée nécessite de reprendre la copie initialement déposée. Vous avez présenté un amendement sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le Premier ministre a indiqué que la rétroactivité d'une telle mesure, en plus de nous interpeller quant à sa constitutionnalité, pouvait être considérée comme une sorte de non-respect d'un contrat passé.

Un autre sujet concerne l'article 64 du PLF. L'idée est de réduire les dépenses des collectivités en effectuant un prélèvement sur les recettes réelles de fonctionnement, initialement fixé à 2 %. Lors des Assises des départements de France, le Premier ministre a annoncé sa volonté de revenir de façon « très significative » sur le sujet. Le Premier ministre est conscient de la spécificité des départements. Les aides individuelles de solidarité, notamment, constituent des dépenses effectuées pour le compte de l'État par les collectivités.

Se pose également la question des collectivités dont le budget s'élève à plus de 40 millions d'euros. Votre assemblée a beaucoup travaillé sur le sujet pour, d'une part, baisser le montant de la contribution et, d'autre part, réfléchir à un mécanisme plus juste. L'objectif consiste à diminuer le nombre de départements et augmenter celui des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés, dans des proportions de moindre importance. Nous travaillons actuellement avec vos rapporteurs sur le sujet. Le Gouvernement regarde avec intérêt les amendements proposés.

Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) constituent un autre engagement du Premier ministre. À l'exception de deux départements, tous les autres atteignent le plafond fixé à 4,5 %. Le Premier ministre a laissé entendre qu'une augmentation de 0,5 point serait possible, le Gouvernement travaille sur le sujet. Le rendement de cette mesure diffère selon les territoires ; par exemple, dans les Alpes-Maritimes, le rendement est de 600 euros par habitant quand il n'est que de 70 euros dans les Ardennes. La réponse pour les finances des collectivités concernées n'est donc pas du tout la même.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous avons proposé d'étaler sur quatre ans - au lieu de trois - l'augmentation des cotisations des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). L'idée consiste à offrir un peu de souplesse, sachant que le montant de la contribution au titre de la CNRACL s'élèvera à environ 1 milliard d'euros.

Je souhaite également évoquer les moyens des collectivités en 2025, au titre du prélèvement sur recettes. Dans un contexte budgétaire contraint, l'État continue de soutenir les collectivités territoriales. Les concours financiers alloués s'élèvent à 53,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un niveau sans précédent. La principale composante reste la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui représente 27,245 milliards d'euros ; celle-ci sera maintenue à son niveau actuel avec un effort de péréquation. Le PLF consolide la DGF après deux années de hausse successive.

Nous proposons également des mesures de simplification élaborées avec le Comité des finances locales (CFL), telles que l'utilisation de données de longueur de voirie ou l'alignement du périmètre des logements sociaux sur le calcul de la dotation de solidarité rurale (DSR).

Un effort de péréquation se traduit par une augmentation significative des prélèvements en faveur de la DSU, portée à 140 millions d'euros, et de la dotation de solidarité rurale (DSR), qui atteint 150 millions d'euros. Ainsi, 60 % des collectivités verront leur DGF augmenter en 2025. À cela s'ajoutent des dotations spécifiques, telle la dotation de péréquation verticale des départements, majorée de 10 millions d'euros.

La dotation pour les titres sécurisés et la dotation aménités rurales, à hauteur de 100 millions d'euros chacune, restent inchangées. Votre commission a proposé un amendement ajoutant 10 millions d'euros supplémentaires à l'enveloppe prévue pour la dotation aménités rurales

Je souligne également la dynamique des prélèvements sur les recettes d'origine fiscale, avec une hausse de 286 millions d'euros en 2025, aidée par la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives cadastrales.

Enfin, le prélèvement sur recettes en faveur des communes nouvelles, introduit en 2024, a été réévalué à 24 millions d'euros pour 2025, consolidant ainsi le soutien aux démarches de mutualisation de regroupements communaux.

Les dotations de soutien à l'investissement - programme 119 de la mission - sont maintenues à hauteur de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), affirmant ainsi notre engagement pour des territoires plus résilients et durables. La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est dotée de 1,046 milliard d'euros, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) de 570 millions d'euros, la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) de 200 millions d'euros et la dotation politique de la ville (DPV) de 150 millions d'euros. Nous allons renforcer leur trajectoire de verdissement tout en préservant leur caractère généraliste.

Le sujet du fonds vert a suscité de nombreux commentaires. Le projet de loi de finances initiale (PLFI) pour 2024 avait prévu un montant de 2,5 milliards d'euros. Dès février 2024, ce programme a été gelé à 2 milliards d'euros. Au moment où nous parlons, nous sommes à 1,2 milliard d'euros et, en fin d'année, nous serons à 1,6 milliard d'euros. Dans le PLF pour 2025, le montant s'élève à 1 milliard d'euros, soit une différence de l'ordre de 700 millions d'euros par rapport à la réalité de 2024, afin de mieux maîtriser les finances publiques.

Le soutien de l'État repose principalement sur deux grands programmes budgétaires. Ces derniers, bien qu'administrativement distincts, partagent les mêmes gestionnaires délégués - les préfets - qui s'adressent aux mêmes partenaires - les collectivités territoriales.

Lors de l'exercice 2025, je proposerai de réfléchir à un rapprochement de ces dotations d'investissement. Pour information, 25 % des investissements financés par la DSIL et 15 % de ceux qui sont financés par la DETR contribuent déjà à la transition écologique. Le fonds vert n'a donc pas le monopole du verdissement.

En parallèle, nous constatons une multiplication des cofinancements. Au moment où l'on recherche des simplifications pour nos concitoyens, on pourrait engager une réflexion. Un gestionnaire parvenant à optimiser ses crédits sur un projet ne devrait pas être sanctionné, mais encouragé à redéployer ses moyens sur d'autres priorités. Cela correspond à la logique de fongibilité partielle, que je souhaite vous proposer.

Le programme 122 regroupe les aides spécifiques aux collectivités et les moyens alloués à la direction générale des collectivités locales (DGCL). Les crédits, reconduits à un niveau quasi identique, constituent un enjeu fort dont nous constatons la nécessité ; je pense notamment à la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSEC), fortement utile en 2024. Une ouverture exceptionnelle de 63,8 millions d'euros en crédits de paiement est prévue pour financer les dégâts causés aux biens des collectivités lors des violences urbaines de juin et juillet 2023. Les crédits inscrits au titre de ce fonds, créé en 2023, permettront de couvrir les engagements restants de l'État.

Concernant ma feuille de route, je souhaite simplifier notre action publique locale en identifiant les projets bloqués par des réglementations trop complexes, et lever les obstacles en concertation avec le Parlement. Tel est le sens de la mission confiée au maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, afin de transformer certaines des propositions de son rapport en actions concrètes.

Je souhaite également reconnaître la diversité territoriale qui caractérise notre pays. Les zones rurales, la montagne, les territoires ultramarins et insulaires nécessitent une attention toute particulière. Le dialogue avec les élus en Corse doit nous conduire vers un consensus républicain solide.

Je souhaite réaffirmer la proximité de l'État au travers du préfet et des sous-préfets, au plus près des acteurs locaux. Avant de parler de décentralisation, nous pouvons renforcer la déconcentration, avec un préfet qui sera davantage encore le correspondant naturel des maires sur l'ensemble des territoires.

Enfin, je souhaite évoquer la nécessité d'un statut protecteur pour nos élus. Au Sénat, vous avez adopté, à l'unanimité, une proposition de loi sur ce sujet. Ce texte, initié par votre ancienne collègue Françoise Gatel, sera repris par le Gouvernement. Il a vocation à être complété par des propositions de l'Assemblée nationale. La volonté du Gouvernement est d'inscrire ce texte à l'agenda des travaux de l'Assemblée nationale au début de l'année prochaine. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous avons l'opportunité de transformer notre action publique locale. Je suis convaincue que nous pouvons concrétiser ensemble cette ambition.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Madame la ministre, je serai bref sur la question de la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques, puisque nous aurons l'occasion d'en débattre en séance publique.

Nous avons déposé un amendement de suppression concernant le fonds de réserve. Il s'agit d'imaginer un dispositif plus juste, plus équitable, avec des critères permettant un élargissement de l'assiette et une minoration de la charge pour chacune des collectivités concernées. Par ailleurs, les sommes prélevées en application du dispositif doivent pour l'essentiel revenir dans le budget des collectivités contributrices.

Je note également votre volonté d'améliorer la dotation aménités rurales. Celle-ci concerne un nombre significatif de collectivités territoriales ayant des charges propres liées à la spécificité de leur territoire et contribuant à la préservation d'espaces protégés. Avec la mise en oeuvre en 2024 de la réforme de cette dotation, le montant moyen attribué à chaque commune est passé de 6 512 à 11 153 euros par commune et le nombre de communes bénéficiaires de 6 388 à 8 921.

Il est important de sauvegarder, au moins en valeur absolue, les financements au titre des dotations, notamment la DETR et la DSIL. Sachant les risques de déperdition, peut-être faudrait-il, comme vous l'avez évoqué, envisager des passerelles entre ces différentes dotations. Le fait d'avoir une DETR clairement identifiée sur le périmètre rural me paraît toutefois important. Je souhaite que votre proposition de simplification et de souplesse dans l'usage des fonds, afin de permettre une certaine fongibilité, ne pénalise pas les territoires ruraux.

Sur la base de ces observations à caractère général, j'ai deux questions complémentaires à vous poser. Ma première question porte sur l'accompagnement des collectivités frappées par des intempéries, et ma seconde, en marge de la mission qui nous réunit aujourd'hui, concerne le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

Les crédits ouverts au titre de la DSEC - 40 millions d'euros en AE et 30 millions d'euros en CP - tendent à devenir insuffisants pour accompagner l'ensemble des collectivités victimes d'intempéries. Dans mon département des Hautes-Alpes, 18 millions d'euros manquent pour couvrir le coût des travaux de reconstruction rendus nécessaires par les dégâts provoqués par les épisodes d'intempéries que nous avons connus à la fin de l'année 2023. La ministre Françoise Gatel fera, je l'espère, des annonces rassurantes en ce sens lors de son déplacement dans les Hautes-Alpes le 28 novembre. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?

De nombreuses collectivités sont concernées - environ une sur trois dans mon département. Si vous ne souhaitez pas que l'on consacre des crédits spécifiques via un fonds d'accompagnement exceptionnel, comme ce fut le cas l'année dernière pour plusieurs départements du Nord-Pas-de-Calais et de la région Bretagne, il convient de revoir la manière dont est attribuée la DSEC et de revenir également, en lien avec les assureurs, sur les démarches nécessaires à effectuer après chaque intempérie. Actuellement, une même collectivité est tenue de déposer un dossier de demande compensation via la DSEC pour chaque événement climatique qu'elle subit, même si elle est victime de plusieurs intempéries dans l'année. La volonté de simplification doit également passer par une inflexion en la matière. Comment comptez-vous prendre en compte la situation des collectivités confrontées à ces difficultés au cours de ces deux dernières années ?

Concernant le FNADT, il s'agit d'un outil financier souple et efficace, dont l'effet levier sur les politiques de développement local des territoires est considérable. Dès lors, si le dispositif subit une coupe budgétaire importante en raison du report d'un an des opérations contractualisées, certaines dépenses de fonctionnement, comme celles qui ont été allouées aux comités de massif, doivent être préservées. Ces comités sont nécessaires à la cohésion des territoires de montagne, notamment pour les territoires qui auront la charge d'organiser les Jeux Olympiques de 2030. Comptez-vous infléchir la ligne d'entrée de ce PLF afin de sanctuariser les moyens nécessaires à cette politique utile ? Pour rappel, ces comités de massif travaillent en coordination avec les collectivités locales ainsi qu'avec les ONG.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Premièrement, je souhaite vous remercier, madame la ministre, pour la méthode adoptée dans le cadre de ce PLF. Cette méthode a permis une contribution des collectivités à l'effort national, en sortant du procès d'intention et en retravaillant la version initiale du projet de loi. Nous aboutissons aujourd'hui à un texte qui, à la fois sur le volume et les modalités, me semble plus acceptable pour les collectivités.

Deuxièmement, dans ce périmètre global des relations entre l'État et les collectivités locales - à savoir l'enveloppe de l'ensemble des transferts estimée à 151 milliards d'euros, dont les 4 milliards d'euros de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » -, j'observe une forme de stabilité. Un point de vigilance doit être accordé aux compensations et à la question des « variables d'ajustement » sur laquelle devront sans doute s'effectuer des travaux à l'avenir.

Je souligne les engagements tenus concernant les nouveautés introduites lors du PLF pour 2024 ; je pense aux efforts de péréquation, encore renforcés cette année, à hauteur de 150 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale (DSR), de 140 millions pour la DSU et de 10 millions pour la péréquation verticale des départements. La réforme des dispositifs France Ruralités Revitalisation (FRR) est également confirmée en 2025.

Troisièmement, concernant le FCTVA, il s'agit de trancher la question de la rétroactivité des modifications des modalités d'attribution des compensations. Nous avons entendu les engagements du Premier ministre et les vôtres sur le sujet. L'approche de la commission des finances, plus globale, vise à rendre le dispositif plus lisible. Il conviendra, à l'avenir, de travailler sur le contenu et le périmètre.

Les travaux sur l'article 64 sont en cours ; le dispositif deviendrait un outil de lissage conjoncturel sur les recettes des collectivités. L'objectif est de rendre celui-ci plus progressif - il était, jusqu'à présent, un peu brutal, avec beaucoup d'effets de seuil -, plus juste - il faut sortir de la seule approche du niveau de dépenses de fonctionnement pour considérer davantage la richesse et les ressources des collectivités - et enfin plus souple - il faut trouver des réponses différenciées et allégées, notamment pour les départements.

Je partage l'inquiétude de Jean-Michel Arnaud concernant la DSEC. La commission des finances n'a pas pu proposer d'évolutions à ce stade. Il s'agit d'avoir une approche globale, en tenant compte des mesures qui existent déjà dans la mission « Écologie » - je pense notamment au fonds Barnier -, afin de répondre aux enjeux.

Au-delà des mesures conjoncturelles dans un cadre assez inédit d'examen du PLF, il convient de dresser des perspectives. Vous avez évoqué des travaux partagés sur les sujets de simplification et de débureaucratisation, ou encore sur l'approche de la diversité territoriale. De notre côté, nous sommes convaincus que des marges d'économies sont envisageables dans le domaine de la commande publique. Enfin, nous devons réfléchir aux sujets de fiscalité locale et, en lien avec cela, à la question de la DGF.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Madame la ministre, vous avez indiqué que les départements pourraient augmenter le taux des DMTO. Au regard du marché actuel de l'immobilier, je m'interroge sur le bien-fondé d'augmenter un impôt qui va surenchérir le coût de l'achat. Les conseils départementaux ne disposant plus du pouvoir d'agir sur les taux - la quasi-totalité des départements ayant fixé le taux à son maximum de 4,5 % -, il s'agirait de s'orienter vers une refonte de la fiscalité locale. Partagez-vous cette réflexion ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Concernant les DMTO, l'idée serait de relever le taux plafond et ainsi de proposer une augmentation à la main des départements. Par ailleurs, le dispositif serait temporaire - sur trois ans - et exonérerait les primo-accédants. Le Gouvernement déposera un sous-amendement sur le sujet, l'objectif étant de donner un peu de pouvoir aux départements tout en étant vigilant ; il ne faudrait pas, notamment, que l'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) soit entravé par une augmentation des DMTO.

Sur l'évolution de la fiscalité, le sujet a déjà été évoqué par le CFL. Des questions se posent notamment sur les critères et l'organisation de la DGF. Parmi les mesures de simplification, ne peut-on pas envisager un renforcement du CFL combiné à une suppression du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ?

Concernant le fonds de réserve, les travaux sont en cours. Les dernières simulations viennent de nous parvenir. Nous aurons, j'imagine, un débat en séance sur ce sujet. Une chose est certaine : les sommes prélevées seront restituées aux collectivités à partir de 2026.

Dans la loi de finances pour 2024, la dotation pour les aménités rurales a été réformée, passant de 40 à 100 millions d'euros, afin de valoriser les efforts des communes qui contribuent à la biodiversité. Le montant pourra être discuté en séance publique.

Concernant la spécificité des territoires ruraux et la fusion des subventions d'investissement, l'idée est de faciliter la gestion pour les communes avec un document unique. Les crédits dédiés à la DETR, la DSIL et la DSID sont sanctuarisés et mobilisables, notamment sur les sujets liés à la montagne.

La dotation de la FNADT s'élève à 64 millions d'euros en AE. L'objectif est de sanctuariser les dispositifs qui fonctionnent - France services, Petites Villes de demain, Action coeur de ville. Nous donnons la priorité aux projets les plus matures.

Concernant la DSEC, il s'agit d'anticiper, de gérer les catastrophes et de réparer. La gestion de l'information, comme l'a montré l'exemple récent de Valence, est essentielle. Nous devons également relier ce sujet à la réforme du régime assurantiel et au fonds Barnier. La dotation de la DSEC s'élève aujourd'hui à 40 millions d'euros en AE et 30 millions en CP. Le Gouvernement est conscient des conséquences de la tempête Aline et des intempéries dans les départements du sud-est de la France. Le 28 novembre, Françoise Gatel aura l'occasion de préciser la volonté d'accompagnement du Gouvernement.

Dans certains territoires, j'ai été interpellée sur les besoins en accompagnements à la fois financiers et techniques. Les analyses réalisées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) permettent d'évaluer les capacités à reconstruire, ainsi que les risques de reproduction des événements.

Sur l'article 64 et le lissage conjoncturel sur les recettes des collectivités, les travaux sont en cours. L'idée est de proposer une réponse irréprochable d'un point de vue constitutionnel, d'où les réflexions sur l'indice de fragilité sociale, sur les communes contributrices ou bénéficiaires du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic).

Enfin, concernant les travaux de simplification, je partage votre propos sur la commande publique. Cela fait partie des sujets à étudier prochainement. Cela n'empêche en aucun cas les contrôles de légalité et le travail effectué par les chambres régionales, mais il y a matière à avancer. Pour ma part, je suis tout à fait prête à m'y engager, de même que je suis disposée à ouvrir le chantier sur la fiscalité locale.

M. Pierre-Alain Roiron. - Vous avez évoqué le sujet du prélèvement versé par les collectivités locales contributrices. Le Premier ministre a indiqué qu'elles récupéreraient cette contribution, en 2026, avez-vous, pour votre part, précisé. Avez-vous envisagé des critères d'exonération ou de progressivité ? La situation financière des collectivités locales sera-t-elle prise en compte ?

Avec le dispositif proposé par le Sénat, 2 387 communes seraient concernées par la contribution ; vous avez indiqué qu'il pourrait y en avoir davantage. Le mécanisme sera-t-il le même pour chaque type de collectivité ?

Concernant le fonds vert, sujet important pour les collectivités, ne pensez-vous pas que la situation posera un problème dans le cadre de la transition environnementale, notamment avec le fonds chaleur ?

Mme Audrey Linkenheld. - Madame la ministre, vous avez précisé que les collectivités n'étaient pas responsables de l'aggravation du déficit. C'est la raison pour laquelle, en dépit de vos explications, il reste inconcevable pour ces collectivités d'être mises à contribution à un tel niveau. Le CFL a réalisé un certain nombre d'évaluations ; celles qui concernent la ville de Lille s'avèrent parfaitement justes. Le prélèvement annoncé était évalué à 8 millions d'euros, mais, lorsque l'on additionne les dispositifs, on obtient un montant d'environ 20 millions d'euros. Pendant des années, nous avons réalisé des efforts de gestion et de justice sociale, notamment en faveur de la transition énergétique. Je partage l'avis de Pierre-Alain Roiron sur les conséquences inévitables de la diminution des crédits du fonds vert dans le cadre de l'atténuation du changement climatique.

Nous avons entendu que certaines collectivités seraient moins touchées que d'autres ; je pense aux communes, notamment celles qui sont éligibles à la DSU. L'augmentation de la dotation de la DSU tiendra-t-elle compte du niveau de l'inflation ? Des collectivités comme celles de Lille, qui bénéficient de la DSU, seront-elles épargnées ?

M. Christophe Chaillou. - Concernant l'article 64 et le fonds de prélèvement, des messages contradictoires ont été envoyés aux collectivités, laissant penser que certaines d'entre elles pourraient y échapper. Les départements sont-ils concernés par le dispositif ? J'entends que certains critères sont envisageables afin de prendre en compte les situations particulières.

Concernant les DMTO et les départements, des annonces sont venues compléter le dispositif, notamment pour les primo-accédants. D'autres dérogations sont-elles envisagées ? Avez-vous étudié les conséquences de l'exonération des primo-accédants ?

Ma dernière question porte sur la CNRACL. L'hypothèse d'un lissage sur quatre ans de l'augmentation est-elle confirmée ? Cela ne change rien au fond du problème, la charge reste lourde, notamment pour les collectivités ayant des masses salariales importantes.

Enfin, concernant le fonds vert, il est clair que les mesures prises seront de nature à mettre les dispositifs existants sous pression, et un certain nombre de décisions rendues au niveau des différentes préfectures deviendront plus complexes encore.

M. André Reichardt. - Le budget de ce PLF s'inscrit dans le cadre traditionnel des compétences attribuées aux différentes strates de collectivités territoriales. Avez-vous des informations plus précises concernant la date éventuelle d'un texte sur la décentralisation ? Celui-ci est-il toujours d'actualité ?

Je rejoins mes collègues sur le sujet de la simplification des demandes et des dossiers. Les commissions départementales d'attribution fonctionnent différemment d'un département à l'autre. Mais rares sont les collectivités qui s'y retrouvent encore. À n'en pas douter, une pression s'exercera sur les instruments traditionnels, tels que la DETR et la DSIL, à la suite des mesures de réduction des crédits du fonds vert. Il sera nécessaire de réfléchir à la réorganisation des dossiers et, plus globalement, à la configuration des dispositifs d'intervention en faveur de ces collectivités.

M. Hussein Bourgi. - Le fonctionnement de la DETR gagnerait à être homogénéisé et mieux encadré. En effet, les préfets ont des approches différentes. Certains font les choses de manière républicaine, comme le préfet actuel de l'Hérault, qui communique toutes les informations relatives aux dotations, considérant qu'il s'agit de l'argent du contribuable. Cependant, en vertu des textes, les préfets ne sont obligés d'informer la commission DETR que des subventions supérieures à 100 000 euros. Nous gagnerions à supprimer ce seuil. Les communes rurales qui obtiennent des subventions supérieures à cette somme ne sont qu'une poignée.

Je voulais surtout vous parler de l'apprentissage, sujet qui nous tient particulièrement à coeur, que les apprentis travaillent dans le privé ou dans le public. Il y a quelques années, une convention tripartite a été signée par l'État, France compétences et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), sous l'égide d'Amélie de Montchalin, qui a été remplacée quelques semaines plus tard. Le financement tripartite a été remis en cause dès l'année dernière par France compétences, ce qui pose problème.

Le CNFPT a lancé un sondage auprès des collectivités, pour savoir combien d'entre elles souhaitaient avoir recours aux contrats d'apprentissage pour l'année 2024. Entre 4 800 et 5 000 collectivités ont répondu, pour demander 22 000 contrats, dont 18 000 concernaient des métiers en tension. Or les sommes allouées par l'État, France compétences et le CNFPT n'ont permis de financer que 9 000 contrats.

Les financements de France compétences s'élevaient à 15 millions d'euros en 2023 et à 10 millions d'euros en 2024. L'année prochaine, ils ne seront que de 5 millions d'euros. Or, si le CNFPT a pu pallier le désengagement de France compétences l'année dernière en ayant recours à ses réserves, celles-ci sont aujourd'hui épuisées. Je parle en connaissance de cause puisque je suis délégué du CNFPT en Occitanie.

Dans les départements, les préfets multiplient les forums de l'emploi public, dans lesquels on explique aux jeunes qu'il y a deux manières d'entrer dans la fonction publique : le concours et l'apprentissage. On suscite de l'intérêt et de l'espoir, que l'on finit par décevoir. Comment remédier à cette situation fâcheuse ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le sujet du prélèvement et de l'article 64 a été soulevé par plusieurs d'entre vous. Dans la version gouvernementale, certaines collectivités seraient exonérées en fonction d'indicateurs de ressources et de charges, tels qu'ils sont mesurés dans le cadre des dispositifs de péréquation, tels que le Fpic. Au départ, l'article prévoyait non pas la restitution aux collectivités des sommes prélevées, mais l'alimentation d'un fonds de péréquation. Aujourd'hui, le Gouvernement s'engage à un remboursement qui pourrait être effectué sur trois ans, en 2026, 2027 et 2028. Dans le PLF pour 2025, ce remboursement n'est pas pluriannuel et il est proposé pour une année.

En ce qui concerne le mécanisme de lissage, le travail mené avec le Sénat nous conduit à dépasser largement le chiffre de 450 collectivités. En effet, la démarche de lissage en charge-ressources conduit à toucher plus de collectivités. Ainsi, 13 régions et la moitié des départements seraient concernés, mais le nombre de communes contributrices et d'EPCI contributeurs serait beaucoup plus important. Cependant, les montants seraient plus faibles, en raison du mécanisme de charge-ressources.

Les simulations ont pour objectif de vérifier que les communes potentiellement exonérées en fonction des critères retenus ne se retrouvent pas concernées avec ce nouveau mécanisme. Je ne citerai donc aucune commune à ce stade.

Le travail réalisé avec la commission des finances consiste à voir quel dispositif permettrait de toucher un maximum de collectivités. Les simulations permettront peut-être d'aller plus loin encore. Je le répète : les prélèvements seraient bien moins importants ; de millions d'euros, nous pourrions passer à des centaines de milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines d'euros. Pour certaines communes, cela pose question dans la mesure où les sommes récupérées pourraient être plus élevées que le prélèvement.

En ce qui concerne la DETR, la loi précise les priorités nationales, puis le ministre publie une circulaire. Les priorités locales sont fixées avec les commissions des élus. J'entends ce que vous dites sur la transparence. La notion de déconcentration soulève la question de savoir si les élus peuvent avoir des priorités différentes selon les départements. Cette question mérite d'être examinée. En tout cas, je pourrais rédiger une circulaire qui obligerait les préfets à donner communication de l'ensemble des attributions de la DETR, et ce pour une plus grande transparence. Cependant, cela pourrait relever du législatif.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Si je peux me permettre, madame la ministre, l'année dernière, dans le cadre de l'examen du PLF, nous avons adopté un amendement visant à obliger les préfets à communiquer sur les attributions de la DETR, quel que soit le montant.

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Si ce dispositif est présent dans la loi, nous devons avoir la capacité de faire une circulaire. Je prends donc l'engagement de m'y atteler, de sorte que l'information soit claire pour tout le monde.

Audrey Linkenheld et Christophe Chaillou m'ont interrogée sur le fonds vert. Évidemment, nous sommes soucieux de la performance environnementale de la dépense. En général, le fonds vert a un effet de levier qui multiplie par sept les fonds engagés. Ainsi, 1 milliard d'euros équivaut à 7 milliards d'euros de travaux. Dans le contexte budgétaire actuel, les crédits alloués au fonds vert s'élèvent à 1 milliard d'euros. Cependant, des fonds de la DSIL et de la DETR sont également utilisés à des fins environnementales.

Pour la CNRACL, l'idée était de lisser la mesure sur quatre exercices. Considérant les difficultés financières très importantes de la CNRACL, il était nécessaire de trouver des réponses permettant de payer les retraites des agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale. Pour cette dernière, nous connaissons un effet de ciseau important, lié au fait que de plus en plus de contractuels cotisent à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), quand les agents cotisent à la CNRACL. Il faut engager une réflexion en la matière, car la question de l'équilibre du régime se pose à long terme.

En ce qui concerne l'apprentissage, la convention tripartite que vous avez mentionnée, monsieur Bourgi, arrivera à son terme en 2025. Il faudra donc renégocier le montant que les trois parties consacrent à l'apprentissage dans la fonction publique. Je suis prête à ouvrir un échange à ce sujet avec le ministre Guillaume Kasbarian.

Enfin, aucune date n'est prévue pour une grande loi sur la décentralisation et d'ailleurs, il n'y a pas de texte. C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, j'étais plutôt favorable à une logique de déconcentration et de simplification, qui permet de travailler par voie réglementaire, dans une approche d'économie législative. Cependant, certains sujets nécessiteront des adaptations législatives.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je me permets, madame la ministre, de vous signaler que des propositions de loi constitutionnelle, organique et ordinaire ont été déposées au Sénat sur la décentralisation. Il vous est possible de vous en emparer ! Nous vous remercions de votre participation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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