B. UNE EXPLOSION DES DÉPENSES DE LA BRANCHE MALADIE DEPUIS 2020, NON RÉSORBÉES MALGRÉ LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE

1. Une explosion des dépenses de l'ONDAM, sous l'effet du Ségur de la santé

Les dépenses de la branche maladie reposent en grande partie sur l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui comprend 80 % des dépenses de l'assurance maladie et intègre d'autres éléments qui n'en relèvent pas, tels que le fonds d'intervention régional (FIR). Il représente par exemple 36 % des dépenses de la branche AT-MP.

Les dépenses relevant de l'Ondam

L'Ondam est voté chaque année par le Parlement en loi de financement de la sécurité sociale et vise à encadrer l'évolution des dépenses publiques de santé. Il est conçu comme un objectif à ne pas dépasser, sans constituer un plafond au sens strict.

L'Ondam intègre les prestations légales en nature d'assurance maladie et d'accident du travail, les dotations aux établissements de santé et médicosociaux et les rémunérations forfaitaires des professionnels de santé. Il n'inclut pas les indemnités journalières maternité et paternité, les pensions d'invalidité, ni les rentes d'accidents du travail-maladies professionnelles. Les dépenses sont diminuées par les remises versées par les entreprises pharmaceutiques sur les prix publics des médicaments en fonction des volumes vendus.

Six sous-objectifs le structurent :

- soins de ville ;

- établissements de santé ;

- établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées, établissements et services médico-sociaux pour personnes en situation de handicap,

- fonds d'intervention régional (FIR) ;

- soutien national à l'investissement ;

- autres prises en charge.

Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes

L'ONDAM voté en LFSS pour 2023 était de 243,1 milliards d'euros, hors dépenses liées à la crise sanitaire évaluées à 1 milliard d'euros. Il a été réévalué à 243,85 milliards d'euros lors de la LFRSS pour 2023. Au final, l'ONDAM hors Covid aura dépassé de 1,5 %, soit 3,7 milliards d'euros, la prévision en LFSS pour 2023, pour atteindre 246,85 milliards d'euros (247,8 milliards d'euros en prenant en compte les dépenses « Covid »).

Écart entre l'ONDAM « hors Covid » prévu et réalisé entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes

Le dépassement de l'ONDAM par rapport à la prévision est lié à 60 % aux mesures salariales, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, causées tant par le Ségur de la santé que par la revalorisation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2023. En 2023, le Ségur de la santé aura coûté 13,4 milliards d'euros, soit 0,7 milliard d'euros de plus qu'en 2022. La hausse de l'ONDAM est également liée à l'augmentation des indemnités journalières versées20(*) de 1,1 milliard d'euros, liées à la hausse des arrêts maladie hausse.

L'ONDAM est composé à 42 % de dépenses pour l'objectif « soins de ville » (soit 104,7 milliards d'euros) et à 42 % des dépenses pour l'objectif « établissements de santé » (102,8 milliards d'euros). Il a augmenté de 6,3 % entre 2021 et 2022, et de 4,8 % entre 2022 et 2023, hors dépenses liées à la crise sanitaire, soit une hausse totale de 11,1 % (25,3 milliards d'euros). Cette évolution est liée en majeure partie à la hausse de dépenses des établissements de santé, à hauteur de 11,3 milliards d'euros et des dépenses de soins de ville, à hauteur de 8,4 milliards d'euros.

Décomposition des dépenses de l'ONDAM « hors Covid »
par sous-objectif entre 2021 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Commission des comptes de la sécurité sociale

Une hausse structurelle des dépenses de l'ONDAM est observée depuis 2019 : en moyenne, elles ont augmenté de 5,4 % par an entre 2019 et 2023, alors que le taux d'inflation hors tabac n'a été que de 3 % par an. En particulier, en 2022, l'inflation a été de 5,2 %, alors que les dépenses d'ONDAM ont augmenté de 6,3 %, hors dépenses Covid. Entre 2017 et 2019, l'ONDAM a progressé de 5 %, alors que la hausse est de 23,7 % entre 2019 et 2023. En 2023, les dépenses de l'ONDAM sont supérieures de 47 milliards d'euros à celles de 2019. Sans les mesures liées à la crise sanitaire, aux revalorisations du Ségur de la santé ou l'inflation, les dépenses actuelles de l'ONDAM auraient été moins élevées de 20 milliards d'euros en 2023.

La hausse des dépenses de l'ONDAM est donc très importante et largement responsable de l'augmentation du déficit de la sécurité sociale, même sans compter les dépenses liées à la crise sanitaire.

Elles vont selon toute vraisemblance continuer à augmenter. La LFSS pour 2024 a prévu un ONDAM à 254,9 milliards d'euros, dont 200 millions d'euros consacrées aux dépenses « Covid », soit une hausse de 2,9 % par rapport à 2023. Cette prévision semble relativement crédible dans la mesure où elle correspond à l'inflation anticipée pour 2024.

Évolution des dépenses de l'ONDAM entre 2017 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : d'après la Cour des comptes et la commission des comptes de la sécurité sociale

La trajectoire de l'ONDAM a été révisée pour intégrer une évolution annuelle moyenne de 3 % entre 2024 et 2027, l'inflation hors tabac étant anticipée à 2 %. La Cour des comptes juge toutefois cette prévision « trop optimiste ». Au vu de l'évolution récente, et en l'absence de mesures d'économie décidées, il semble en effet difficile de croire que les évolutions de dépenses de l'ONDAM resteront contenues, comme c'était le cas entre 2017 et 2019. Ces dépenses font peser un risque sur le financement de la sécurité sociale, et doivent être contenues par des mesures d'économie.

2. Une hausse plus limitée des dépenses de la branche santé hors ONDAM

Les dépenses hors ONDAM des branches maladie et AT-MP, centralisées par la CNAM, atteignent 20,4 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 2,5 % par rapport à 2022, inférieure à l'inflation. Ces dépenses avaient déjà augmenté en 2022 sous l'effet de l'allongement du congé paternité. À noter, le coût des indemnités journalières post-natales et post-adoption, représentant 2,1 milliards d'euros, a été transféré en 2023 de la branche maladie à la branche famille.


* 20 Le montant des indemnités journalières est fixé selon le niveau des salaires, qui ont augmenté sous l'effet de l'inflation.

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