II. MALGRÉ L'INFLATION, DES RECETTES MOINS ÉLEVÉES QUE PRÉVU

A. UNE AUGMENTATION DES RECETTES PLUS FAIBLE QUE LA HAUSSE DES PRIX

1. Une hausse des recettes sous l'effet de l'inflation...

Les recettes de la sécurité sociale reposent essentiellement sur les cotisations sociales, à hauteur de 48,4 % en 2023 pour un montant de 291 milliards d'euros, sur la Contribution sociale généralisée (CSG) représentant 20,1 % des recettes, soit 121 milliards d'euros, et sur les taxes et impôts (15,8 % des recettes pour 95 milliards d'euros).

Ventilation des recettes de la sécurité sociale

(milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale

En 2023, les produits nets des régimes de base et du FSV ont augmenté de 4,8 %, contre 5,4 % en 2022. La hausse des recettes représente 27,5 milliards d'euros, dont 12,1 milliards d'euros liés à la hausse des recettes de cotisations sociales, 5,2 milliards d'euros correspondent à la hausse des recettes de la CSG et 3 milliards d'euros aux impôts et taxes. La hausse des recettes en 2023 est moins importante qu'en 2022, pour trois raisons :

- une croissance de 10 % des allègements généraux de cotisations, appliqués aux bas salaires, alors que la masse salariale assujettie à cotisations a augmenté de seulement 5,7 % ;

- une croissance des recettes de TVA de seulement 3,2 % à périmètre constant, alors que l'inflation a augmenté de 4,9 % en 2023 et que normalement les recettes de TVA augmentent dans les mêmes proportions que l'inflation ;

- une hausse de la charge liée à la compensation d'une partie du coût de la réduction générale dégressive de cotisations pour les cotisations Agirc-Arrco et d'assurance chômage, supportée par les branches du régime général de la sécurité sociale.

Décomposition de la hausse des recettes entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la commission des comptes de la Sécurité sociale

Par ailleurs, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale prévoit que l'État attribue des recettes fiscales ou des crédits à la sécurité sociale afin de compenser toute mesure de réduction, d'exonération, de réduction ou d'abattement d'assiette et cotisations ou de contributions, ainsi que toute mesure de transferts de charge.

En 2023, ces compensations atteignent 74,6 milliards d'euros, soit une hausse de 8,6 % par rapport à 2022, dont 65,5 sont compensés via une affectation de recettes pour solde de tout compte et 6,54 milliards d'euros sont compensés par des crédits inscrits dans des missions pérennes du budget de l'État.

2. ... Mais moins importante qu'espéré, suscitant un doute sur la sincérité des prévisions du Gouvernement

Les recettes pour 2023 sont inférieures de 2,3 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2024. Selon la Cour des comptes, le ralentissement des recettes en 2023 par rapport à 2022 a en effet été mal anticipé.

Le gouvernement avait ainsi prévu une progression de la masse salariale du secteur privé soumise à cotisations à 6,3 % (pour une réalisation à 5,7 %). Cet écart de 0,6 point dans les prévisions de croissance de la masse salariale entraine une diminution de recettes de CSG d'environ 4,3 milliards d'euros. Les recettes de la taxe sur les salaires ont également moins progressé qu'en 2022, de 3,7 contre 5,3 % en 2022.

De plus, les recettes des droits sur les tabacs ont été moins importantes que prévu, à hauteur de 200 millions d'euros, de même que les recettes des taxes sur les boissons alcooliques et sucrées, qui ont rapporté près d'un milliard d'euros de moins que prévu.

Cet errement dans les prévisions de recettes, y compris dans les prévisions pour 2023 comprises dans le PLFSS pour 2024, alors qu'une partie des recettes a déjà été recouvrée, est particulièrement dommageable et jette un véritable doute quant à la sincérité des prévisions macroéconomiques contenues dans les lois de financement de la sécurité sociale. Un tel constat a été effectué également par la commission des finances du Sénat19(*) concernant les recettes de l'État pour 2023.

3. Une hausse des recettes qui devrait se poursuivre en 2024 à un rythme moins soutenu

Les recettes de la sécurité sociale augmenteraient en 2024 de 4,4 %, soit 0,4 point de moins qu'en 2023. Les recettes de la CSG augmenteraient de 6 %, en partie en raison de la réaffectation de 0,15 point de CSG de la CADES à la CNSA, représentant 2,6 milliards d'euros en 2024.

Le gouvernement estime que les recettes de TVA augmenteraient également de 5,2 %, soit 3 points de plus qu'en 2023, ce qui parait étonnant dans la mesure où l'inflation ne devrait atteindre que 2,5 % en 2024 selon les prévisions de juin 2024 de la Banque de France.

Enfin, le gouvernement estime que la masse salariale soumise à cotisations augmenterait de 3,1 %, alors que les allègements de cotisations ne progresseraient que de 2,9 %, contre 10 % en 2023. Cette différence parait toutefois importante : il n'est pas certain que les recettes augmentent autant que l'anticipe le gouvernement, ce qui est d'autant plus gênant que le déficit prévu est déjà très élevé.

Les recettes réalisées auront globalement été inférieures à l'inflation jusqu'à présent : elles ont augmenté de 10,5 % entre 2021 et 2023, alors que l'inflation aura été de 12,1 %. Toutefois, si la prévision pour 2024 du gouvernement est réalisée, les recettes auront augmenté de 15,3 % entre 2021 et 2024, soit une augmentation pratiquement équivalente à l'inflation, égale à 15 % entre 2021 et 2024.

Évolution des recettes de la sécurité sociale entre 2021 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Commission des comptes de la sécurité sociale


* 19  Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, par M. Jean-François HUSSON, le 12 juin 2024.

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