D. UNE DETTE ÉLEVÉE ET CROISSANTE DES HÔPITAUX

1. Les hôpitaux sont essentiellement financés par l'assurance maladie

La dette des hôpitaux, et notamment des hôpitaux publics, constitue un facteur important de fragilisation des comptes de la sécurité sociale et de dégradation des dépenses. En effet, les dépenses des hôpitaux sont essentiellement financées par l'assurance maladie.

Les ressources des hôpitaux

Les ressources des hôpitaux sont constituées à 80 % par l'assurance maladie, via la tarification à l'activité (T2A) des activités de médecine-chirurgie-obstétrique, représentant 51 % des produits des hôpitaux en 2022, les dotations annuelles de financement (16 % des ressources des hôpitaux) et les dotations de mission d'intérêt général et accords de contractualisation (MIGAC) allouées pour la couverture des surcoûts liés à la crise sanitaire et des revalorisations salariales issues du Ségur de la santé (12 % des ressources des hôpitaux). Les établissements de santé ont par exemple perçu 9 milliards d'euros de l'assurance maladie au titre de leurs activités en médecine, chirurgie, obstétrique et hospitalisation à domicile en 2022.

De manière plus indirecte, le fonds d'investissement régional (FIR), abondé essentiellement par l'assurance maladie et piloté par les agences régionales de santé, peut permettre d'aider aux investissements des hôpitaux. Par exemple, au titre du plan de relance, les aides versées par le FIR aux hôpitaux entre 2021 et 2029 devraient s'élever à 2,3 milliards d'euros.

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe 6 du PLFSS

Ainsi, un déficit très important des hôpitaux publics en 2023 viendrait encore aggraver les comptes de la sécurité sociale.

2. Une dérive croissante de la dette des hôpitaux

Dans le Rapport d'application des lois de la sécurité sociale (RALFSS) pour 2023, la Cour des comptes écrit ainsi que « en l'absence de réformes ou d'une augmentation des dotations de l'assurance-maladie, l'accumulation de tels déficits se traduira par une nouvelle dérive de la dette hospitalière ». Le résultat net des hôpitaux publics accuserait un déficit de 1,1 milliard d'euros en 2022, et jusqu'à 1,9 milliards d'euros en 2023, selon des estimations encore provisoires, soit une multiplication par 3 par rapport au résultat de 2021. La baisse des aides liées à la crise sanitaire n'explique que partiellement l'explosion probable du déficit des hôpitaux.

Résultat net du budget principal et des budgets annexes des hôpitaux publics

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes

Selon la Cour des comptes18(*), en 2022, 37,1 % des hôpitaux seraient toujours surendettés, en hausse par rapport à 2020 (33,7 %) mais en baisse par rapport à 2018 (42,7 %). La situation est très contrastée entre hôpitaux : seul un tiers a un résultat net inférieur à - 0,18 millions d'euros. À noter, le cas l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont le déficit s'élève à 282,6 millions d'euros en 2021.

La situation financière des hôpitaux s'était pourtant améliorée en 2020 et 2021, grâce aux aides mises en place lors de la crise sanitaire, les surcoûts liés au traitement des patients ayant été pris en charge par l'Assurance maladie pour un montant de près de 7 milliards d'euros entre 2020 et 2022. Dans le cadre du Ségur de la santé, des aides supplémentaires importantes ont été accordées aux hôpitaux publics, d'un montant total de 15,5 milliards d'euros, via un prélèvement de 13 milliards d'euros sur les recettes de la CADES entre 2020 et 2022 (voir infra) et une contribution du plan France relance financée par l'Union européenne à hauteur de 2,5 milliards d'euros (incluse dans l'ONDAM). Mais selon la Cour des comptes, les aides à la restauration des capacités financières des hôpitaux publics et des établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), ont été trop dispersées, 80 % des hôpitaux publics en ayant bénéficié, et n'ont pas permis de résorber la dette des établissements hospitaliers les plus fragiles financièrement.

Ainsi, si les recettes ont augmenté de 21,6 % entre 2018 et 2022, les charges ont également beaucoup augmenté, à hauteur de 22,3 %, essentiellement en raison de la hausse de 17 % des charges de personnels entre 2018 et 2021. La progression des charges de personnels est liée en partie aux mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé, ainsi que globalement à l'augmentation des effectifs, la masse salariale enregistrant une hausse de 15,6 % entre 2019 et 2021.

Charges et produits du budget principal des hôpitaux publics et privés

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la Cour des comptes

La hausse des charges des hôpitaux implique une hausse des financements par l'assurance maladie, qui fragilise les comptes de la sécurité sociale. Dans cette situation, les aides aux hôpitaux décidées dans le cadre du Ségur de la santé, d'un montant de 15,5 milliards d'euros, financées en majeure partie par la CADES, devraient être accompagnées de mesures supplémentaires pour diminuer l'endettement des hôpitaux. Les mesures déjà mises en oeuvre se sont en effet révélées insuffisantes pour diminuer l'endettement des hôpitaux déjà fragiles.


* 18  La situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire, Cour des comptes, 12 octobre 2023.

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