C. LE « VERDISSEMENT » DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT NE DOIT PAS S'EFFECTUER AU MÉPRIS DE LEUR LIBRE EMPLOI PAR LES COLLECTIVITÉS
Le PLF 2024 s'inscrit dans un mouvement de « verdissement » des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales. La loi de finances initiale (LFI) pour 2023 prévoyait, outre la faculté pour les préfets de moduler le taux de subvention des projets financés par la DETR et la DSIL en considération du caractère écologique des projets27(*), que 25 % des crédits ouverts au titre de la DSIL devaient servir à financer des projets concourant à la transition écologique. En 2024, ce taux est rehaussé à 30 % pour la DSIL et les crédits de la DSID et de la DETR devront également participer au verdissement des dépenses publiques à hauteur, respectivement, de 25 % et 20 %.
Si la nécessité du financement des projets environnementaux par les collectivités apparaît incontestable, le rapporteur juge le « fléchage » des dotations problématique à plusieurs égards.
D'une part, en restreignant la liberté d'emploi de ces crédits par les collectivités, cette orientation par l'État des dotations vers des priorités environnementales risque de se muer en outil de « recentralisation ». Couplé avec le développement de la « contractualisation », le fléchage des dotations amoindrit les marges de décision des collectivités. Le rapporteur considère qu'il convient de faire confiance à l'intelligence locale : une part substantielle des projets des collectivités territoriales financés via les dotations d'investissement concourent d'ores-et-déjà à la transition écologique.
D'autre part, le « fléchage » des dotations vers des projets écologiques ne doit pas se faire au détriment d'autres investissements. En effet, certains investissements des collectivités ne peuvent, en application des nomenclatures28(*) utilisées par les services de l'État, être considérés comme « verts » mais demeurent pourtant indispensables. C'est notamment le cas de certaines communes touristiques et des communes de montagne, pour lesquelles la conciliation entre intérêts économiques du territoire et investissements en faveur de la transition écologique peut s'avérer complexe.
Enfin, les collectivités expriment régulièrement un besoin de lisibilité et de stabilité des règles juridiques et financières qui leur sont applicables. L'instabilité des critères d'éligibilité aux financements via les dotations contraint parfois les collectivités à reporter des projets qui, pourtant nécessaires, n'intégreraient pas la catégorie des « projets verts ». Ce risque est d'autant plus prégnant que des divergences locales ne manqueront pas d'apparaître dans l'appréciation des critères permettant d'évaluer la contribution d'un projet à la transition écologique. Les opérations favorables à l'environnement constituent déjà, de surcroît, des critères d'éligibilité à la DSIL et la DETR29(*).
Compte tenu de ces éléments et afin d'améliorer la lisibilité et le rôle des élus dans la procédure d'attribution des dotations, la commission a adopté trois amendements visant :
- à revenir sur la faculté, ouverte aux préfets par la LFI 2023, de moduler le taux de subvention d'un projet en fonction de son caractère écologique ;
- à renforcer l'information des membres de la « commission DETR », en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles, et non plus seulement les seules opérations subventionnées comme c'est le cas actuellement ;
- à améliorer l'association des présidents de conseil départemental aux décisions d'attribution prises en matière de DSID par le préfet de région, en prévoyant une saisine pour avis non contraignant de ces derniers, qui devront se prononcer dans un délai de quinze jours.
* 27 Article 198 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 28 L'annexe n° 3 de l'instruction IOMB2236543J du 8 février 2023 relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires en 2023 contient un « guide méthodologique de cotation des subventions attribuées au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dans le cadre du budget vert ».
* 29 Les articles L. 2334-42 et L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales fixent, respectivement pour la DSIL et la DETR, des critères d'éligibilité qui comprennent une dimension environnementale, à l'image de la rénovation thermique des bâtiments.