SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

I. UNE NOUVELLE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE » DANS UN CONTEXTE DE DÉFIANCE ENVERS L'INSTITUTION JUDICIAIRE 6

II. JUSTICE JUDICIAIRE : UNE HAUSSE CONSÉQUENTE DU BUDGET QUI APPELLE UNE RÉFLEXION SUR L'ORGANISATION DES RESSOURCES HUMAINES 8

A. UNE HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX JURIDICTIONS QUI CONCERNE TOUS LES POSTES DE DÉPENSE 8

B. UN RENFORCEMENT BIENVENU DES MOYENS HUMAINS QUI DOIT ALLER DE PAIR AVEC UNE RÉORGANISATION DES RESSOURCES HUMAINES 9

1. Un effort notable de renforcement des effectifs en juridiction et de l'attractivité des fonctions de justice 9

2. Une nouvelle évaluation des besoins en juridiction qui doit maintenant aboutir, tout comme la réflexion sur « l'équipe du magistrat » 11

C. DANS CE CONTEXTE, DES JURIDICTIONS QUI RESTENT EN DIFFICULTÉ DANS LA GESTION DES DÉLAIS ET DES STOCKS D'AFFAIRES 13

III. UN EFFORT DE RATTRAPAGE SUR LE NUMÉRIQUE QUI SE POURSUIT, MÊME SI LES DIFFICULTÉS PERDURENT SUR LE TERRAIN 13

IV. UNE NOUVELLE AUGMENTATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'AIDE JURIDICTIONNELLE ET À L'AIDE AUX VICTIMES 15

A. UNE POURSUITE DU FINANCEMENT DE L'AUGMENTATION DE LA RÉTRIBUTION DES AVOCATS À L'AIDE JURIDICTIONNELLE OBTENUE LES ANNÉES PASSÉES 15

B. UNE NOUVELLE AUGMENTATION DES CRÉDITS ALLOUÉS À L'ACCÈS AU DROIT ET À L'AIDE AUX VICTIMES 16

C. UNE NOUVELLE PROLONGATION DE L'EXPÉRIMENTATION DE LA TENTATIVE DE MÉDIATION FAMILIALE PRÉALABLE OBLIGATOIRE VOTÉE EN 2016 16

EXAMEN EN COMMISSION 19

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. ÉRIC DUPOND-MORETTI, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE 29

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 51

L'ESSENTIEL

La commission des lois, qui exprime depuis plusieurs années sa vive préoccupation face à l'état de la justice en France, constate à nouveau la hausse sensible des crédits de la mission « Justice » pour 2023.

En particulier, les crédits alloués aux juridictions judiciaires augmenteraient de 300 millions d'euros par rapport à 2022, notamment pour financer la création de 1 220 emplois nets , mais aussi renforcer le budget de fonctionnement courant des juridictions, investir dans l'immobilier judiciaire et donner une dotation plus sincère aux frais de justice .

Cette augmentation importante du nombre de titulaires, mais aussi de contractuels qui ont vocation à prendre une place de plus en plus importante, devrait se poursuivre au cours des prochaines années. Elle appelle selon la commission une réorganisation de la gestion des ressources humaines des juridictions, qui devrait désormais reposer sur une évaluation sincère des besoins et la modélisation de « l'équipe autour du magistrat ». Ces réformes que le Sénat appelle de ses voeux depuis de nombreuses années devraient enfin aboutir sur des bases solides à la faveur d'un travail engagé par la Chancellerie et du rapport de Dominique Lottin sur « La structuration des équipes juridictionnelles pluridisciplinaires ».

Après 431,7 millions d'euros de dépenses engagées sur 2018-2022 au titre du premier plan de transformation numérique , l'action informatique du ministère de la justice constitue toujours l'une de ses priorités , alors que des difficultés structurelles sont toujours constatées sur le terrain malgré ces efforts. Les projets phares comme PORTALIS et la procédure pénale numérique (PPN) doivent être menés à bien en prenant davantage en compte les processus métiers comme le revendique désormais la Chancellerie.

Conséquence de la revalorisation de la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle (AJ) consentie les années passées, le projet de budget pour 2023 augmente de près de 26 millions d'euros à ce titre, sans toutefois proposer de nouvelle augmentation de l'UV. Quant à l'article 44 bis introduit à l'Assemblée nationale, il permet opportunément aux bureaux d'aide juridictionnelle de recouvrer auprès d'un demandeur finalement non éligible les sommes qui lui ont été versées en urgence sans vérification a priori dans certains contentieux .

Enfin, les crédits alloués à l'accès au droit et à l'aide aux victimes augmentent eux aussi, mais de manière toutefois moins significative qu'en 2022. L' article 44 propose de prolonger de deux nouvelles années l'expérimentation prévoyant une tentative de médiation familiale préalable obligatoire dans certains litiges. Il sera grand temps ensuite d'en faire un bilan avant une éventuelle généralisation, cette mesure ayant été votée il y a plus de six ans.

Tout en appelant le ministère de la justice à veiller à la bonne exécution du budget voté par le Parlement, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2023.

I. UNE NOUVELLE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE » DANS UN CONTEXTE DE DÉFIANCE ENVERS L'INSTITUTION JUDICIAIRE

Le projet de budget pour 2023 1 ( * ) intervient alors que des concertations sont en cours sur la mise en oeuvre des préconisations issues du rapport du comité des États généraux de la justice , présidé par Jean-Marc Sauvé et remis au Président de la République le 8 juillet dernier 2 ( * ) . Ces États généraux s'inscrivaient dans un contexte de crise de l'institution , alors que plus de 7 000 magistrats avaient signé une tribune le 7 décembre 2021 dénonçant leurs conditions de travail en réaction au suicide dramatique de l'une de leurs collègues, suivie d'une grève inédite dans la profession le 15 décembre de la même année.

Le malaise dans la justice est une réalité incontestable. La perte de confiance des citoyens dans son action aussi, comme l'avait montré l' Agora de la justice organisé par le Sénat le 27 septembre 2021. Comme l'indiquait l'enquête que la commission des lois avait fait réaliser pour l'occasion, 53 % des citoyens n'ont plus confiance dans la justice 3 ( * ) .

Dans ce contexte difficile, l'effort de rattrapage des moyens alloués au service public de la justice devrait se poursuivre en 2023 , ce qui mérite d'être salué : les crédits de paiement augmenteraient de 7,7 % à périmètre constant. Hors charges de pensions, ils s'élèveraient à 9,58 milliards d'euros en 2023, en hausse de 8 % par rapport à 2022, soit 712 millions d'euros supplémentaires. Entre 2020 et 2023, le budget de la justice aura ainsi augmenté de près de 2 milliards d'euros hors charges de pension, ce qui représente une hausse d'environ 26 %.

Évolution des crédits consacrés à la justice judiciaire et à l'accès au droit
(en euros, à périmètre courant)

Numéro et intitulé
du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution (en %)

166 - Justice judiciaire

3 920 840 359

4 516 356 450

+15,19 %

3 849 089 892

4 148 805 671

+7,79 %

101 - Accès au droit
et à la justice

680 032 697

712 482 275

+4,77 %

680 032 697

712 482 275

+4,77 %

310 - Conduite et
pilotage de la politique
de la justice

619 002 773

764 462 906

+23,5 %

638 200 492

682 463 430

+6,94 %

335 - Conseil supérieur
de la magistrature

13 825 182

4 082 297

-70,47 %

5 263 300

4 974 238

-5,49 %

Total des programmes suivis dans cet avis

5 233 701 011

5 997 383 928

+14,59 %

5 172 586 381

5 548 725 614

+7,27 %

Total des crédits
de la mission « Justice »

12 770 735 263

12 510 993 647

+2,03 %

10 741 447 680

11 563 403 289

+7,65 %

Part des crédits de la mission affectés aux juridictions judiciaires

30,7 %

36,1%

35,8 %

35,9 %

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

Il faut toutefois noter le décrochage de plus en plus marqué de la part du budget alloué aux juridictions judiciaires qui ne représente plus que 36 % du budget total de la justice (contre presque 40 % en 2018), au profit notamment de l'administration pénitentiaire qui en représente désormais 43 % (contre 40 % en 2018).

Il convient également de relever que le montant des crédits de la mission « Justice » effectivement consommés s'écarte chaque année , dans des proportions plus importantes que la moyenne des missions du budget général, du montant inscrit en loi de finances initiale (LFI). En 2021 , le taux d'exécution du budget s'établissait à 98,39 % , soit près 132 millions d'euros non consommés, hors charges de pension, ce qui cache toutefois des disparités . En matière d'investissement, le taux d'exécution chute en effet à 68 % en 2021 avec près de 311 millions d'euros non consommés par rapport aux crédits votés (80 millions d'euros pour les juridictions, 115 pour l'administration pénitentiaire et 112 pour le pilotage de l'informatique notamment).

En 2022, après l'annulation par voie réglementaire de près de 11 millions d'euros de crédits 4 ( * ) , puis l'ouverture de 119 millions d'euros par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, le second projet de loi de finances rectificative (LFR) prévoit d'annuler quelque 161 millions d'euros de crédits de paiement (CP) pour l'ensemble de la mission , soit environ 1,5 % du total, dont près de 49,9 millions d'euros pour les juridictions.

Si la révision à la baisse des crédits alloués à l'administration pénitentiaire, notamment en investissement, s'explique par les difficultés à trouver du foncier pour la construction de nouveaux établissements, le rabotage en cours d'exercice des crédits dédiés à l'immobilier de la justice judiciaire ou à l'informatique se justifie moins .


* 1 Voir projet annuel de performance de la mission « Justice », annexé au projet de loi de finances pour 2023 :

https://www.budget.gouv.fr/index.php/documentation/documents-budgetaires/exercice-2023/projet-de-loi-de-finances/budget-general/justice

* 2 Rapport des États généraux de la justice :

http://www.justice.gouv.fr/etats-generaux-de-la-justice-13010

* 3 Voir les documents publiés lors de l'Agora de la Justice au Sénat :

https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202109/agora_de_la_justice.html

* 4 Décret n° 2022-934 du 27 juin 2022 portant transfert de crédits.

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