B. L'AMBITIEUSE STRATÉGIE DES AIRES PROTÉGÉES N'A PAS ENCORE TROUVÉ SON FINANCEMENT
La France a élaboré en janvier 2021 une stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP), qui vise la protection d'au moins 30 % du territoire national (terre, mer, métropole, outre-mer) et au moins 10 % sous protection forte d'ici 2030 1 ( * ) . Ce même objectif est par ailleurs défendu au niveau mondial par la France dans le cadre des négociations préalables à la COP15 sur la biodiversité, en décembre prochain à Montréal.
Si le premier objectif cible est d'ores et déjà atteint, avec la protection de 33 % du territoire national grâce à l'extension de la réserve naturelle des terres australes françaises en février dernier, il n'en va pas de même pour l'atteinte des 10 % sous protection forte 2 ( * ) : au 1 er janvier 2022, seul 1,86 % du territoire était sous protection forte.
Il est frappant de constater que les financements dédiés à la protection des espaces naturels ne sont pas à la hauteur des enjeux . C'est d'autant plus regrettable qu'outre leur rôle fondamental de protection de la biodiversité et de préservation des services écosystémiques, les aires protégées génèrent de nombreuses externalités positives pour les communes concernées (écotourisme, attractivité territoriale, emplois non délocalisables, etc. ). La commission plaide pour la mise en place de nouvelles sources de financement, par exemple au moyen d'une fiscalité incitative à la protection de la biodiversité . Le « fonds vert » et ses 150 M€ consacrés à la biodiversité sont une première étape à saluer.
Les moyens humains consacrés à la gestion des aires protégées sont également essentiels à l'atteinte des objectifs de la SNAP, afin d'éviter le phénomène des « aires de papier », des espaces où la protection est insuffisante pour empêcher les dégradations environnementales. Si ce terme est impropre dans le cas français, des points de vigilance subsistent : le parc national de forêts , créé fin 2019 et couvrant plus de 240 000 hectares, n'a pas les moyens de fonctionner correctement . Il bénéficie de 30 emplois à temps partiel, partagés avec l'ONF, alors qu'il lui faudrait 50 ETPT pour remplir ses missions. Ces moyens insuffisants peuvent dissuader certaines communes d'adhérer au processus de protection, faute de capacité d'intervention des agents dans les territoires. Cette dynamique défavorable peut notamment expliquer les retards pris par le projet de création d'un douzième parc national consacré aux zones humides.
* 1 Le principe de cette stratégie ainsi que ces deux cibles ont été codifiés à l'article L. 110-4 du code de l'environnement par l'article 227 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et résilience ».
* 2 Le décret n° 2022-527 du 12 avril 2022 définit une zone de protection forte comme une « zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en oeuvre d'une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées. »