EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le 16 novembre 2022, sous la présidence de Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de René-Paul Savary sur le projet de loi de finances pour 2023 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions »).
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraites » et du CAS « Pensions » . - Il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », que notre commission examine conjointement depuis 2018.
Il s'agit ici d'analyser l'évolution des subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux structurellement déséquilibrés, d'une part, et celle de la situation financière du régime de retraite de la fonction publique de l'État, d'autre part.
En premier lieu, concernant la mission « Régimes sociaux et de retraites », j'attire votre attention quant au fait qu'elle ne retrace pas l'ensemble des subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux de retraite. Ainsi, celles dont bénéficient les régimes de l'Opéra de Paris, de la Comédie-Française ou encore des industries électriques et gazières relèvent d'autres missions budgétaires. En outre, les crédits destinés au financement du congé de fin d'activité des conducteurs routiers sont transférés cette année vers la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
La mission serait dotée, en 2023, de 6,14 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 0,57 % par rapport à 2022, où elle avait atteint un point bas. Le nombre d'affiliés des régimes concernés continue certes de diminuer du fait de la fermeture de certains d'entre eux, dont celui du personnel de la SNCF depuis 2020, mais le niveau élevé de l'inflation a conduit le Gouvernement à revaloriser les pensions à hauteur de 4 % au 1 er juillet 2022 après une hausse de 1,1 % le 1 er janvier. Du reste, une nouvelle revalorisation est prévue au 1 er janvier 2023 à hauteur de 0,8 %. Ces mesures ne sont évidemment pas sans effet sur la situation financière de ces régimes, dont les charges de pension s'alourdissent, tandis que le produit des cotisations collectées s'amenuise à mesure que le nombre de cotisants recule.
Dans ce contexte, la subvention versée au régime de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), qui représente plus de 80 % des crédits de la mission, augmenterait de 4,98 % pour atteindre 3,45 milliards d'euros.
Notons toutefois que le taux de cotisation salariale y a augmenté de deux points depuis 2014. Il doit encore progresser de plus d'un point d'ici 2026, date à laquelle il atteindrait 10,95 % contre 11,31 % dans le secteur privé. Par ailleurs, le versement de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et de l'Agirc-Arrco, destiné à compenser le manque à gagner de cotisations depuis la fermeture du régime aux nouveaux entrants, est passé de 10 millions d'euros en 2020 à près de 52 millions cette année, et devrait dépasser les 200 millions à l'horizon 2030.
Le régime de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), lui, est encore ouvert aux nouveaux entrants, mais sera fermé de facto à moyen terme en raison de l'ouverture progressive à la concurrence des activités de la Régie et de l'affiliation au régime général des nouveaux salariés recrutés pour assurer les services concernés, qu'ils le soient par RATP Cap Île-de-France, la filiale qui exercera les activités de transport public opérées dans le cadre concurrentiel par la RATP, ou par une autre entreprise qui aurait remporté un appel d'offres. La subvention versée au régime augmentera, elle, de 7,54 %, pour atteindre 811 millions d'euros. Notons, du reste, que la subvention d'équilibre représentera en 2023 65,3 % des charges de pension du régime de la SCNF et 63,4 % de celles du régime de la RATP.
Dans ce contexte, il paraît légitime de s'interroger sur la pertinence du maintien des conditions actuelles de départ à la retraite dont bénéficient les agents sous statut affiliés à ces régimes, qui demeurent particulièrement avantageuses malgré une convergence tardive et encore très imparfaite vers les paramètres applicables aux régimes alignés. Ainsi, à la SNCF, l'âge légal de départ atteindra seulement 52 ans pour les conducteurs de trains et 57 ans pour le personnel du service sédentaire à compter de la génération 1972. Pour ce qui concerne la RATP, les agents d'exploitation de cette même génération pourront partir à 52 ans, les personnels de maintenance à 57 ans et les agents de la catégorie sédentaire à 62 ans. C'est la raison pour laquelle l'amendement au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 portant mesures de redressement des comptes de la branche vieillesse, adopté par le Sénat sur ma proposition, prévoit, en cas d'échec de la convention nationale pour l'emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraites à formuler des propositions crédibles, le report de l'âge de départ à 64 ans à compter de la génération 1967 et la transposition de cette mesure aux régimes spéciaux d'ici dix ans au plus tard.
J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », qui retrace notamment les recettes et les dépenses des régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État et d'autres avantages accessoires gérés par l'État.
Rappelons tout d'abord que le solde cumulé du CAS correspond uniquement à l'addition de ses excédents annuels successifs sur le plan comptable. Ceux-ci n'ont pas été cumulés et mis en réserve, mais reversés au budget de l'État. Il s'agit donc seulement d'assurer à chaque instant que toutes les dépenses du CAS auront été financées par des recettes en lien direct avec elles, conformément aux prescriptions de la loi organique.
Le PLF pour 2023 prévoit une augmentation des recettes du CAS de 3,7 %, à 63,5 milliards d'euros, soit un niveau inférieur à ses charges, qui augmenteraient de 5,3 %, se hissant à 64,4 milliards d'euros. Cette situation est liée à la fois au vieillissement démographique, avec près de 78 000 nouveaux retraités prévus pour 2023 contre 62 000 décès, ainsi qu'à la forte revalorisation des pensions de retraite et à celle des pensions d'invalidité, qui représentera un coût de 1,3 milliard d'euros en 2023.
Dès lors, le CAS affichera pour la première fois depuis 2012 un déficit de l'ordre de 200 millions d'euros en 2022. Son solde cumulé reculera donc de 9,5 à 9,3 milliards d'euros et deviendrait négatif d'ici à 2025 de 200 millions d'euros.
Le taux de retenue pour pension a été progressivement rapproché du taux de cotisation des salariés du secteur privé jusqu'en 2020, à 11,10 % contre 11,31 %. La seule marge de manoeuvre réside donc dans le taux de contribution employeur de l'État, fixé à ce jour à 74,28 % pour les fonctionnaires civils et à 126,07 % pour les militaires. Il paraît inévitable à court terme de le rehausser pour absorber l'augmentation des charges de pension. Il pourrait toutefois être envisagé, par souci de lisibilité et de simplification, de normaliser ce taux en le fixant au niveau des cotisations patronales de retraite, soit 28,12 %, et de compenser la différence par le versement d'une subvention d'équilibre.
Toutefois, l'utilisation de ce seul levier conduirait à alourdir la charge pesant sur l'État. Le report de l'âge légal de départ à 64 ans et l'allongement de la durée de cotisation requise pour le taux plein me paraissent donc constituer une solution plus pertinente, qui permettrait de garantir le financement des pensions dans la durée.
Au total, mes chers collègues, la situation que je viens de décrire constitue un argument supplémentaire en faveur d'une réforme des retraites, pénible mais impérieuse nécessité qui s'imposera à nous au cours des prochains mois. En l'état, et comme chaque année, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du CAS, dont nous ne pouvons que constater la progression, sous le bénéfice de réserves liées, d'une part, aux conditions de départ en retraite dans les régimes de la SNCF et de la RATP et, d'autre part, à l'inquiétante trajectoire financière des régimes de retraite et d'invalidité de la fonction publique de l'État.
Mme Monique Lubin . - Je souhaite poser une question technique à propos de la RATP. Dans le cadre de la mise en concurrence, les nouveaux salariés ne bénéficieront pas du même régime de retraite ; or la RATP a du mal à recruter, elle est en recherche permanente de personnel. Dans ce contexte, il paraît assez peu pertinent que les fonds réservés aux retraités diminuent. Ai-je bien compris : ces fonds sont-ils en baisse ?
Mme Laurence Cohen . - Je m'interroge à propos de la logique que défend notre rapporteur par rapport aux régimes spéciaux. Au-delà de ce que l'on peut penser du report de l'âge de départ à la retraite en général, une telle mesure serait contre-productive dans ces métiers. Leurs acquis sociaux et leurs avantages ont été acquis par des luttes sociales. On parle beaucoup des régimes spéciaux de retraite, mais, comme vient de le dire Mme Lubin, on constate une forte désaffection à l'égard ces professions. Sans augmentation de salaire ni revalorisation de la retraite, le mouvement ne fera qu'empirer. En Île-de-France, on ne parvient plus à recruter de chauffeurs de bus. Le service public est désorganisé. On ne trouve pas de personnels. Quand on prône une réforme, il faut en mesurer toutes les conséquences.
Mme Monique Lubin . - Je voudrais moi aussi revenir sur le sujet de la RATP. La retraite à 52 ans fait partie d'un contrat. Elle constitue une sorte de compensation pour les chauffeurs qui travaillent toute la journée sous terre et dans le noir et qui exercent un métier difficile. Je rappelle que leur salaire se situe à un niveau moyen, voire plutôt bas : le salaire d'un jeune conducteur à la RATP avoisine les 1 600 ou 1 700 euros. Ce ne sont pas des nantis. Je ne comprends pas cette obstination à vouloir leur retirer leur unique avantage, un départ précoce à la retraite, et je crains que ce ne soit contre-productif.
Mme Catherine Procaccia . - Le problème du recrutement se pose également dans d'autres métiers, par exemple dans l'accompagnement à la petite enfance. Quand, à vingt ou vingt-cinq ans, on choisit de s'engager ou de ne pas s'engager dans telle ou telle profession, ce n'est pas pour les conditions de retraite. Cela n'explique pas les difficultés à l'embauche.
M. Martin Lévrier . - Le salaire d'un conducteur de métro débutant s'élève à 1 847 euros brut mensuels hors prime sur 13 mois.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Sur l'aspect contre-productif d'une réforme : si, dans la situation actuelle, on ne parvient déjà pas à recruter malgré les conditions de départ en retraite, cela signifie que le problème est ailleurs. Néanmoins, je suis d'accord avec les remarques qui sont faites : ces conditions ont été négociées et font partie du contrat. C'est pourquoi nous ne voulons pas supprimer les régimes spéciaux, d'où notre proposition de privilégier un alignement progressif sur les paramètres applicables dans les régimes alignés et de demander un effort collectif.
Il a été décidé en 2020 que les nouveaux entrants à la SNCF relèveraient désormais du régime général d'assurance vieillesse et de l'Agirc-Arrco. Dans la mesure où la Cnav et l'Agirc-Arrco bénéficieront de cotisations supplémentaires et n'auront pas de dépenses à engager avant le départ en retraite de ces salariés alors que le régime de la SNCF, bientôt suivi par celui de la RATP, verra ses recettes diminuer tandis que ses effectifs de pensionnés augmenteront, une soulte de compensation est versée chaque année à la caisse de retraite du personnel de la SNCF. Actuellement fixés à quelques dizaines de millions d'euros, ces transferts dépasseront les 200 millions d'euros d'ici à 2030.
Il sera en outre nécessaire de prévoir une mesure similaire pour le régime de la RATP à partir de 2025, car les salariés nouvellement embauchés par sa filiale, RATP Cap Île-de-France, seront affiliés au régime général. Le régime se fermera donc progressivement à mesure que les activités de la RATP seront ouvertes à la concurrence.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».