II. LA VERTICALISATION DES CONTRATS DE MAINTENANCE AÉRONAUTIQUE AU DÉFI DE L'INFLATION ET DE L'HYPOTHÈSE D'ENGAGEMENT MAJEUR
Le coût de la fonction maintien en condition opérationnelle aéronautique par heure de vol est en diminution : en 2023, il devrait revenir au niveau de 2021 et se stabiliser à 12 090€. Le même indicateur pour les milieux terrestre et naval devrait poursuivre son augmentation en 2023.
À isopérimètre, les contrats de verticalisation n'induisent donc pas d'augmentation du coût à l'heure de vol. La mise en oeuvre des contrats s'est traduite par une remise à niveau des stocks, qui avaient souvent subi un sévère sous-investissement les années précédentes. La tentation existe de recherche d'un optimum économique arbitrant entre deux variables majeures : l'activité et la Disponibilité Technique (DT), fournie à partir de pièces de rechanges et de réponses techniques transmises par l'industriel titulaire du marché et par l'action des unités de maintenance des armées. Le raisonnement visant à réduire une supposée « sur-disponibilité » pour financer plus d'heures d'activité n'est pas rationnel, ni sur le plan économique ni sur le plan technique. Il conduirait à une surusure des équipements et à l'érosion plus rapide du capital technique des armées. La commission sera particulièrement attentive à ce que la DT ne devienne pas la variable d'ajustement dans un contexte budgétaire qui sera particulièrement difficile à tenir si l'inflation devait perdurer.
L'évaluation globale des capacités industrielles et humaines nécessaires au soutien en hypothèse d'engagement majeur
L'hypothèse d'engagement majeur et la perspective d'économie de guerre conduisent à réfléchir à la mise à niveau du système de soutien pour répondre à la haute intensité . Il est nécessaire pour cela de conduire une évaluation globale des capacités matérielles et humaines nécessaires au SO (soutien opérationnel) et au SI (soutien industriel) afin d'identifier leurs vulnérabilités et de mettre en oeuvre les actions nécessaires pour combler les écarts. Cette évaluation doit s'appuyer sur des analyses fines des besoins propres à chaque flotte qui ne peuvent se déduire de manière homothétique des normes de temps de paix (niveau de risques acceptable, cadre normatif, réquisitions, impact des perturbations des circuits d'approvisionnement internationaux, menaces hybrides). Celles-ci devraient être adaptées pour permettre l'engagement majeur (on ne peut envisager les mêmes délais d'achat public par exemple en temps normal et en temps d'engagement majeur).
Pour cela, des études ont été lancées avec les principaux représentants de la BITD du MCO aéronautique (notamment Dassault Aviation, SAFRAN, Thales et Airbus Helicopters) dont les premiers résultats permettent d'identifier des leviers d'action qui contribueront à améliorer la réactivité du système de soutien autour de deux axes : un axe « matériels » et un axe « ressources humaines ».
L'axe « matériels » consiste à :
- adapter les stocks opérationnels à la situation de chaque flotte en portant l'effort sur les rechanges critiques et les approvisionnements vulnérables aux situations de crise internationale ;
- s'assurer de l'existence des chaînes de réparation industrielles et de leur capacité à répondre aux besoins des forces ;
- anticiper la constitution de stocks de matières premières et de composants stratégiques nécessaires à la sécurisation des chaînes de production et de réparation (synergies à rechercher avec la DGA) ;
- réduire la charge de maintenance et mettre en place des programmes d'entretien d'aéronef applicables en temps de guerre, adossés à une évaluation du niveau de risque acceptable en situation opérationnelle , et permettant d'augmenter conjoncturellement la disponibilité des équipements et le niveau des stocks.
D'autres leviers pourraient être identifiés afin d'être en mesure d'augmenter rapidement la réactivité des chaînes de soutien . Dans ce cadre, l'exportation des matériels est un facteur clef de mutualisation et de pérennisation des chaînes de soutien. Ce travail, à poursuivre dans les prochains mois, sera mené dans le cadre de réunions tripartites EMA/DMAé/Industrie.
L'axe « ressources humaines » consiste à :
- s'assurer, pour chaque flotte d'aéronefs, de l'existence d'un noyau suffisant de compétences et de savoir-faire industriels en fonction des équilibres entre SO et SI, forces projetées et infrastructure arrière, stocks et capacités de régénération. Cette mesure est de nature à permettre le renforcement d'une réserve opérationnelle de personnel de l'industrie compétente sur chaque flotte ;
- poursuivre la généralisation et la montée en compétences des plateaux et pôles de conduite du soutien Etat-industrie et les impliquer dans la préparation opérationnelle et les exercices de simulation de montée en puissance des forces ;
- poursuivre la simplification des processus du MCO aéronautique en vue de leur optimisation (circuits logistiques, circuits d'information, mise en réparation et réception, interfaces SI/SO, etc.) ;
- renforcer la maîtrise d'ouvrage étatique dans des domaines clés des systèmes d'information, des données, des drones et plus largement dans l'innovation.
La prochaine LPM devra permettre de poursuivre la montée en puissance de la direction de maintenance aéronautique (DMAé) à l'aune de la réflexion sur l'HEM en consolidant les premiers résultats obtenus dans le cadre des contrats verticalisés grâce à l'affectation des crédits nécessaires et à la mise en oeuvre de nouveaux systèmes d'information, tels que BRASIDAS, qui permettent une meilleure maîtrise de la donnée et un pilotage plus efficient du MCO aéronautique.