LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 5 octobre 2021
- Direction générale des finances publiques - Direction de l'immobilier de l'État : MM. Alain RESPLANDY-BERNARD , directeur de l'immobilier de l'État, et Alain JOSSERAND , chef de bureau.
Jeudi 7 octobre 2021
- Conférence des présidents d'université : M. Pierre MUTZENHARDT , président de la commission moyens et personnels, M. Michel DELACASAGRANDE , consultant, Mme Sibylle ROCHAS , chargée de mission, et M. Kévin NEUVILLE , conseiller relations institutionnelles et parlementaires.
- Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif : Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC , déléguée générale, M. Germain COMERRE , chargé de relations institutionnelles et animation réseau.
Mardi 12 octobre 2021
- Centre national des oeuvres universitaires et scolaires : Mmes Dominique MARCHAND , présidente, et Laurence SORRET , sous-directrice.
Mardi 19 octobre 2021
- Conférence des grandes écoles : MM. Laurent CHAMPANEY , président, et Hugues BRUNET , délégué général, et Mme Océane ROUSSEAU , responsable du pôle affaires publiques, partenariats entreprises et formation.
ANNEXE
Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
MERCREDI 27 OCTOBRE 2021
M. Laurent Lafon , président . - Nous poursuivons cet après-midi notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances pour 2022 en accueillant Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Avant de nous présenter le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2022 - auquel viennent s'ajouter des crédits de la mission « Relance » - il me semble important que vous nous donniez des informations sur le déroulement de la rentrée dans les établissements d'enseignement supérieur, sur le plan tant sanitaire - avec la reprise des cours en présentiel en métropole et avec des cours restant en mode hybride dans des collectivités d'outre-mer -, que des capacités d'accueil, compte tenu de la poursuite de la hausse des effectifs, liée notamment au taux exceptionnel de réussite au baccalauréat cette année.
Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que notre commission a beaucoup travaillé ces derniers mois sur l'enseignement supérieur et la recherche dans le cadre de son programme de contrôle, que ce soit dans le cadre de la mission, confiée au printemps à notre collègue Sonia de La Provôté, sur la mise en oeuvre de la réforme des études de santé ou avec la mission d'information, conduite par Céline Boulay-Espéronnier et Bernard Fialaire sur la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). De nombreux membres de la commission ont également participé activement à la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, présidée par Pierre Ouzoulias et dont j'étais le rapporteur. Nous souhaiterions donc vous entendre plus spécifiquement sur ces trois sujets, sur lesquels nous avons émis des propositions.
En matière de recherche, secteur qui nous avait intensément mobilisés en 2020, l'année 2021 est la première année de mise en oeuvre de la loi de programmation pour la recherche (LPR) et le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 est la traduction de sa deuxième marche budgétaire. Nous sommes évidemment très intéressés de savoir où vous en êtes de la publication des décrets d'application qui conditionnent l'entrée en vigueur de plusieurs nouveaux dispositifs, et si les engagements budgétaires ambitieux, pour lesquels nous avons oeuvré, sont bien au rendez-vous.
Après votre intervention liminaire, je donnerai la parole successivement à nos rapporteurs budgétaires Stéphane Piednoir, pour l'enseignement supérieur, et Laure Darcos, pour la recherche, puis aux orateurs des groupes et aux membres de la commission qui souhaiteront vous poser des questions.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - L'exercice 2022 est le cinquième budget que j'ai l'honneur de vous présenter et j'en suis particulièrement fière, car il traduit, poursuit et consacre tout l'engagement de ce gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que des étudiants et des personnels, dont je tiens à saluer l'engagement, le courage et la résilience pendant la période de crise sanitaire. Dans l'ensemble des établissements - j'ai pu le constater en me déplaçant sur de nombreux sites, c'est le plaisir de retrouver les cours et la vie étudiante en présentiel qui domine. Je salue aussi l'esprit de responsabilité des étudiants, qui ont massivement répondu à l'appel à la vaccination sans laquelle cette rentrée n'aurait pas été possible. Les 18-24 ans ont un taux de vaccination excellent, et il est encore supérieur pour les étudiants. De nombreux établissements ont ainsi un taux de couverture de 100 % et ont mis en place des dispositifs sur site pour accueillir les étudiants internationaux qui n'avaient pu être pleinement vaccinés dans leur pays d'origine.
Ce cinquième budget est celui de la continuité et de l'aboutissement. Il représente 24,8 milliards d'euros de crédits au sein des 29,2 milliards d'euros de la mission « Recherche et enseignement supérieur », soit une hausse de 717 millions d'euros et de 650 emplois par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Jamais un gouvernement n'avait déployé de tels moyens pour son enseignement supérieur, sa recherche et son innovation.
Ces 717 millions d'euros supplémentaires se décomposent en trois principales briques : la deuxième marche de la LPR, qui représente 472 millions d'euros, la vie étudiante, à hauteur de 179 millions d'euros, et le programme « Enseignement supérieur et recherche universitaire », pour 66 millions d'euros, avec un effort particulier pour l'accompagnement des étudiants.
Avec ces trois briques, nous poursuivons la dynamique enclenchée dès 2017 avec le « Plan Étudiants » puis la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), qui a permis de créer plus de 83 000 places dans l'enseignement supérieur public.
Avec ces trois briques, nous faisons deux fois plus en une seule année que sous l'ensemble du précédent quinquennat. Depuis 2017, ce sont 2,4 milliards d'euros qui ont ainsi été ajoutés au budget de la recherche et l'enseignement supérieur, auxquels il faut ajouter les crédits du plan « France Relance », du programme d'investissements d'avenir (PIA) et du plan « France 2030 ».
Cette trajectoire et cet engagement, nous les avons construits avec la représentation nationale, et je tiens à saluer l'ensemble des travaux menés par le Sénat ces cinq dernières années, qu'il s'agisse des travaux sur la CVEC de Mme Céline Boulay-Espéronnier et de M. Bernard Fialaire, de ceux de Mme Sonia de La Provôté sur la réforme des études de santé, ou encore ceux de M. Pierre-Antoine Levi sur la restauration étudiante. Je pense bien évidemment aussi à votre engagement à tous lors de l'examen de la LPR l'an dernier ou, plus récemment, aux travaux de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France.
Concernant la condition étudiante, nos étudiants ont été tout particulièrement affectés par la crise, et ils sont une fois encore l'absolue priorité de mon ministère. C'est ainsi que 179 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2022 à l'amélioration des conditions de vie étudiante, dont 151 millions d'euros pour les bourses sur critères sociaux. Près de 20 millions d'euros soutiendront les actions à destination des étudiants déployées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).
Cet engagement envers nos étudiants se traduit par une revalorisation des bourses sur critères sociaux (BCS) qui représentent 2,4 milliards d'euros d'aides directes. En cette rentrée 2021, les montants des bourses ont été revalorisés pour la troisième année consécutive, de 1 %. Ils avaient déjà été rehaussés de 1,2 % à la rentrée 2020 et de 1,1 % à la rentrée 2019.
L'augmentation prévisionnelle du nombre de boursiers a été prise en compte dans ce budget. La mise en paiement à date fixe des bourses sur critères sociaux le 5 de chaque mois bénéficie à l'ensemble des étudiants et, comme l'année dernière, tous ceux qui avaient un dossier complet ont pu recevoir le versement anticipé de leur première mensualité de bourse.
La lutte contre la précarité alimentaire continue d'occuper une place centrale dans notre action. C'est pourquoi nous poursuivons cette année la mesure du repas à un euro pour les étudiants, boursiers et non-boursiers, précaires. Ce dispositif a permis de servir 14,4 millions de repas entre janvier et juin 2021, et pour le seul mois de septembre, plus de 2 millions de repas à un euro ont été servis par les Crous. Ce dispositif est financé à hauteur de 49 millions d'euros dans le projet de budget pour 2022. Toutefois, ce n'est pas la seule mesure que nous mettons en oeuvre : tous les étudiants bénéficient d'un repas complet, équilibré et de qualité au tarif social de 3,30 euros, et ce grâce à la contribution de l'État et l'impulsion donnée par la proposition de loi de M. Levi, qui a permis de révéler un angle mort de nos politiques publiques. Nous allons ainsi déployer des dispositifs d'accès à la restauration dans les territoires les plus éloignés des métropoles universitaires et de leurs services de restauration.
Les Crous assurent aussi le déploiement de distributeurs de protections périodiques gratuites. Ce dispositif sera amplifié, avec un financement de 8 millions d'euros en 2022.
Parmi les mesures déployées pendant la crise et qu'il m'a semblé impératif de pérenniser, je voudrais mentionner les référents étudiants. Leur apport a été considérable, et ils seront plus de 1 000 cette année, salariés par les Crous au plus près de leurs pairs. Je rappelle également que 20 000 postes de tuteurs étudiants ont été créés à l'automne dernier et qu'ils sont eux aussi reconduits pour cette rentrée. Depuis janvier, plus de 3,6 millions d'heures de tutorat ont été dispensées.
L'accompagnement psychologique des étudiants mis en place en 2021 se poursuivra également en 2022, comme vous le préconisiez d'ailleurs dans les conclusions de la mission d'information. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : 70 000 séances ont été dispensées par plus de 1 700 professionnels, via la plateforme ou par le biais des services de santé universitaires.
Un autre élément majeur de la vie étudiante est le logement. C'est pourquoi le gel de l'indexation des loyers des résidences universitaires est prolongé jusqu'à la rentrée 2022.
Enfin, les étudiants vont bénéficier du bouclier énergie annoncé par le Premier ministre la semaine dernière, et ils seront ainsi concernés par l'indemnité inflation. Les boursiers et, au-delà, tous les étudiants, salariés ou sans activité, en situation d'autonomie, c'est-à-dire disposant de leur propre foyer fiscal, bénéficieront de cette indemnité de 100 euros. En tout, 1,7 million d'étudiants seront concernés, et ce sans démarche particulière à faire.
La CVEC est aussi utilisée par les Crous et les établissements continuent d'accompagner les étudiants les plus fragiles, avec des cartes d'achat, la livraison de matériels informatiques et des abonnements. On va ainsi au-delà des objectifs initiaux de la CVEC, qui étaient l'accompagnement de la santé étudiante et le soutien aux initiatives étudiantes pour la vie de campus.
En outre, 66 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2022 au programme « Vie étudiante », et permettront d'abonder la subvention pour charges de service public versée aux établissements.
Cela permettra tout d'abord de renforcer les actions en faveur de la réussite étudiante, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) et du plan « Égalité des chances », et avec les moyens complémentaires de « France Relance », pour mieux répondre à la diversité des profils des étudiants et accueillir les nouveaux bacheliers. Le volet financier du « Plan Étudiants », je le rappelle, avait été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Cette programmation, respectée à l'euro près, a été amplifiée par les financements issus du plan de relance.
Il s'agit ensuite de poursuivre la réforme des études de santé, sur laquelle vous êtes tout particulièrement mobilisés. Ainsi, le nombre de places dans les filières de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie augmente à nouveau cette année ; les enseignements et leurs modalités d'évaluation s'appuieront davantage sur des mises en situation pratiques, notamment dans le second cycle.
Je tiens à le rappeler, grâce à cette réforme, ce sont 17 660 places qui ont été offertes dans les quatre filières que je viens de mentionner pour la rentrée 2021, soit 2 663 de plus que pour la rentrée 2020. Cette augmentation concerne particulièrement la filière médecine avec 11 173 places ouvertes cette année, soit 1 812 nouvelles places. Cette augmentation est inédite depuis cinquante ans.
Ce budget pour 2022 traduit, enfin, l'engagement continu et résolu de mon ministère pour la recherche française. La LPR, que vous avez adoptée il y a maintenant un an, prévoit un réinvestissement massif et progressif de 25 milliards d'euros sur dix ans. En 2021, cette première marche nous avait permis d'abonder de 400 millions d'euros supplémentaires le budget de la recherche, contre 472 millions d'euros cette année.
Dans le détail, 334 millions d'euros seront consacrés au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 138 millions d'euros au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».
Ces crédits permettront d'abord d'améliorer la rémunération des personnels, à hauteur de 114 millions d'euros supplémentaires. Ce montant représente la deuxième marche des mesures prévues par la LPR et l'accord syndical du 12 octobre 2020, après les 92 millions d'euros déjà engagés en 2021. Il s'agit ainsi d'améliorer la rémunération de tous : chercheurs, ingénieurs, techniciens, fonctionnaires et contractuels, dans les organismes comme dans les universités. Outre ces hausses de rémunération, 800 postes de maître de conférences deviendront des postes de professeur d'université.
Pour les personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé (BIATSS), en plus de la revalorisation du point d'indice pour les catégories C, nous allons ouvrir au cours de l'année universitaire 1 046 transformations d'emplois vers la catégorie supérieure. De plus, 17 millions d'euros permettront de revaloriser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et d'engager la convergence indemnitaire prévue par l'accord syndical précité.
Par ailleurs, 16 millions d'euros supplémentaires permettront de poursuivre les actions déployées en faveur des étudiants qui s'engagent dans une thèse. Il s'agit d'augmenter à la fois le nombre de thèses financées par l'État de 20 % pour qu'une majorité de doctorants bénéficie d'une solution de financement, et le montant minimal réglementaire de la rémunération des doctorants de 30 %, soit 1,5 SMIC, à l'horizon de 2023. C'est la première fois qu'un gouvernement s'engage à ce point pour ses doctorants. Ainsi, 279 contrats doctoraux supplémentaires ont été conclus cette année, avec une première augmentation de 100 euros brut par mois pour les doctorants recrutés en 2021.
Enfin, grâce aux financements prévus dans le cadre de la LPR et du budget 2022, plus aucun chercheur ne sera rémunéré à moins de deux SMIC.
Cette deuxième étape décisive dans la montée en puissance de la LPR se traduit également par une augmentation des moyens dédiés à l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont les financements sont revalorisés à hauteur de 131 millions d'euros. Cela permet d'élever le taux de sélection des projets à 23 %, contre 16 % seulement en 2020.
Par ailleurs, je suis convaincue que le financement sur appel à projets et le financement de base ne s'opposent pas. La recherche n'a jamais souffert d'un excès de financement, fût-il compétitif, mais plutôt de décennies de gel budgétaire, ce qui est désormais derrière nous avec l'adoption de la LPR.
D'une part, les nouveaux moyens de l'ANR permettent, par une redéfinition du préciput, de favoriser la solidarité entre les équipes dans les laboratoires et de soutenir les établissements et les politiques de sites : 73 millions d'euros supplémentaires seront mis à la disposition des établissements et des laboratoires en 2022.
D'autre part, les moyens de base des laboratoires seront renforcés, car la recherche ne peut s'appuyer sur la seule logique des appels à projets. Vous aviez insisté sur ce point lors de vos débats. Les financements de base devaient donc être confortés. Ils l'ont été, et le seront à nouveau en 2022, puisque le budget des universités et des organismes de recherche augmente de 127 millions d'euros, ce qui permettra d'accroître les recrutements et d'augmenter de 15 % par rapport à 2020 la dotation de base des laboratoires, pour un objectif de 25 % à l'horizon de 2023.
Le rayonnement de la recherche française dépend aussi de la qualité de ses infrastructures, et c'est pourquoi 54 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés.
De plus, 10 millions d'euros viendront financer la nouvelle agence ANRS-maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), afin d'amplifier son action de coordination et de financement de la recherche sur les maladies infectieuses.
Enfin, plus de 20 millions d'euros seront consacrés à l'ouverture de la science vers la société, sujet auquel vous êtes attachés et qui a désormais toute sa place dans mon ministère. Ces financements permettront d'amplifier la diffusion de la culture scientifique et les transferts des résultats de la recherche vers le monde de l'entreprise.
Ces financements pour l'enseignement supérieur, la recherche et la vie étudiante sont prolongés et renforcés par ceux des plans « France Relance » et « France 2030 ».
« France Relance » consacre 7,8 milliards d'euros supplémentaires, au sein de la mission spéciale « Relance », à l'accueil et à la formation des jeunes aux métiers de demain, à la rénovation énergétique des bâtiments universitaires et à la préservation des compétences professionnelles en recherche et développement.
Dans la continuité de « France Relance », le Président de la République a annoncé l'ambitieux plan d'investissement « France 2030 », doté de 30 milliards d'euros et où la sphère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation occupera un rôle central. Tour d'abord, la formation des talents de demain, tournée vers les filières et les métiers d'avenir, bénéficiera de 2,5 milliards d'euros.
Ensuite, mieux soigner était déjà la priorité du plan « Innovation Santé 2030 », annoncé en juin et qui prévoit 1 milliard d'euros au profit de la recherche en santé. D'ici à 2030, notre objectif est d'avoir au moins 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques et de créer en France les dispositifs médicaux de demain. L'agence d'innovation en santé aura un rôle essentiel à jouer.
Enfin, il faut explorer l'espace et les fonds marins. Le secteur spatial international est en plein bouleversement avec l'émergence du new space et de nouveaux acteurs ; la France doit y prendre toute sa part. Pour cela nous devons faire évoluer notre industrie en y faisant entrer les start-up et l'innovation de rupture. Nos objectifs sont de développer des mini-lanceurs réutilisables, des microsatellites, les constellations de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services au coeur de ce new space . En outre, la France, deuxième puissance maritime du monde, se doit d'investir dans l'exploration des fonds marins.
Ainsi, ce cinquième budget permet de poursuivre le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche de notre pays. Jusqu'au bout, le soutien de nos étudiants et de nos personnels aura été au centre de nos préoccupations, et le Sénat y a occupé toute sa place par ses missions d'évaluation et de contrôle.
M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur . - Merci pour cet exposé complet, dans lequel vous avez annoncé des moyens financiers qui illustrent les effets de la LPR. Si les crédits sont bien inscrits et visibles, pourriez-vous nous donner quelques indications sur les décrets d'application, dont certains tardent ?
En outre, on ne peut nier les efforts substantiels consentis depuis quelques années dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais l'agrégation de plusieurs plans me laisse dubitatif : les montants sont certes massifs, mais ils sont présentés sur dix ans. Sans parler de manipulation des chiffres, cela invite à les relativiser.
La vie étudiante reprend sur les campus, c'est une bonne chose pour le moral et pour la réussite des étudiants, mais encore faut-il que les campus soient en bon état. Des professeurs dynamiques ne suffisent pas. Or l'on connaît l'état de vétusté du parc immobilier universitaire, qui représente une part importante du patrimoine de l'État. Je suis satisfait par les moyens octroyés pour la rénovation énergétique des bâtiments. Cependant, d'autres leviers pourraient être activés. Une troisième vague de dévolution est-elle envisagée, et selon quel calendrier ? Certaines universités sont-elles déjà volontaires ?
J'ai par ailleurs été alerté, au cours de mes auditions, sur la situation particulièrement tendue de l'activité de restauration des Crous, due à une conjonction de plusieurs facteurs : hausse des effectifs d'étudiants, attractivité du repas à un euro, difficultés à recruter du personnel dans le secteur de la restauration et problèmes d'approvisionnement. Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) se dit désemparé, sans aucun levier d'action à sa portée. Comment comptez-vous répondre à cette situation ?
En novembre 2020, le Premier ministre avait annoncé plusieurs mesures visant à soutenir l'emploi étudiant, fortement affecté par la crise. Parmi celles-ci figurait la sortie des emplois étudiants du plafond d'emplois des Crous. Un an plus tard, il semble que cela ne soit pas effectif. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Nous serions aussi intéressés d'avoir des éléments sur les difficultés, récurrentes, d'étudiants titulaires de licences à entrer en master, ainsi que sur les manques de recrutements dans les écoles d'enseignement supérieur.
Enfin, la Cour des comptes a récemment formulé des propositions d'évolution de l'enseignement supérieur. Que pensez-vous de celle consistant à créer des collèges universitaires et des moyens qui pourraient être mis à leur disposition, éventuellement avec d'autres sources de financement ? Ne serait-ce pas le seul levier pour que nos universités s'en sortent par le haut ?
Mme Laure Darcos , rapporteur pour avis des crédits de la recherche . - Sur la mise en oeuvre de la LPR, j'observe moi aussi que les décrets d'application prennent du retard, nous en avons d'ailleurs déjà parlé ensemble. J'ai cru comprendre qu'il y avait « un embouteillage » des décrets au niveau de Bercy... serez-vous en mesure de tous les publier avant la fin du quinquennat ?
Par ailleurs, où en sont les discussions entre les différents acteurs concernés sur la part « site » du préciput ? Tout comme vous, je me félicite bien sûr de cette progression du taux de sélection des projets à 23 % et, plus généralement, de la bonne dynamique observée depuis la prise de fonctions de Thierry Damerval.
Concernant la préservation des emplois de recherche et développement, le processus a certes bien démarré, mais il semble que la cible des 100 millions ne sera pas forcément atteinte... pourriez-vous nous en dire plus ?
Sur la culture scientifique, sujet que j'ai choisi d'approfondir cette année parce qu'il me paraît fondamental en ces temps de défiance à l'égard de la parole scientifique, le rapport annexé à la LPR prévoit de nombreuses mesures pour améliorer sa diffusion et renforcer les relations entre la science et la société, dont le fait d'y consacrer 1 % du budget d'intervention de l'ANR. Lesquelles ont été effectivement mises en oeuvre ? Comment comptez-vous enclencher une véritable dynamique ?
Plusieurs acteurs du secteur, que j'ai rencontrés, dont Universcience et le Muséum nationale d'Histoire naturelle, constatent un retour encourageant des visiteurs individuels, mais pas celui des groupes scolaires. Or il va sans dire que l'école joue un rôle fondamental dans l'acculturation des enfants à la science. Comme moi, vous ne vous contentez pas de la seule fête de la science... Une action concertée avec l'Éducation nationale ne serait-elle pas nécessaire pour inciter les équipes pédagogiques et administratives à réorganiser ces sorties scolaires plus régulièrement ? En particulier - et nous pourrions associer le ministre de l'éducation nationale à cette démarche -, il est fondamental d'initier plus de jeunes filles aux sections scientifiques.
Enfin, au-delà de l'acculturation, il faut former les enfants et les jeunes au sens critique, on le voit avec l'influence des réseaux sociaux et la diffusion du complotisme.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Sur les décrets d'application tout d'abord, nous tiendrons l'objectif de 100 % de publication d'ici à la fin de l'année. Je remarque d'ailleurs que ceux qui s'inquiètent aujourd'hui de leur parution sont parfois ceux qui refusaient leur inscription dans la loi...
Vingt-neuf décrets et sept ordonnances étaient prévus pour l'application de la loi, sans compter les arrêtés et les circulaires. Douze décrets et deux ordonnances sont d'ores et déjà publiés au Journal officiel, soit 40 % des textes d'application. La quasi-totalité des arrêtés et des circulaires est elle aussi publiée.
Sur les vingt-neuf décrets prévus, vingt-et-un devaient être examinés par le Conseil d'État dont dix-huit, portant sur des questions de ressources humaines ou statutaires, font l'objet de procédures spécifiques de consultation, particulièrement longues. Toutefois, le processus est enclenché. Restent encore trois décrets simples à publier sur onze : celui qui porte sur l'intégrité scientifique, déjà présenté à la séance d'octobre du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), celui qui traite du partage des préciputs, qui le sera à celle de mi-novembre, et le décret relatif à la coordination des évaluations par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), qui pourrait être présenté à l'occasion de la séance du 14 décembre.
Parmi les autres décrets, ceux qui portent sur les chaires de professeur junior et le statut du Hcéres doivent être examinés en Conseil d'État en novembre, les rapporteurs ayant déjà tenu leurs réunions de travail. Trois textes ont déjà fait l'objet d'un retour de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), et sept ont été examinés en octobre. Des sept ordonnances, trois sont programmées en conseil des ministres, et deux sont déjà publiées au Journal officiel . L'arrêté modifiant la rémunération minimale des doctorants a été publié le 17 octobre, c'était une priorité pour nous. Vous le voyez, tout est dans les tuyaux.
Sur l'agrégation des financements associés aux plans, je précise que la durée de dix ans de la LPR donne une visibilité à la recherche, avec 500 millions d'euros supplémentaires par an. Le plan de relance prévoit 7 milliards d'euros sur deux ans, le PIA est échelonné sur sept ans, et « France 2030 », tout comme la LPR, l'est sur dix ans. Cela permet d'accompagner la recherche, si besoin d'accélérer le mouvement, et de mettre en place des formations pour les métiers de demain. Il faut éviter l'inadéquation entre formation et besoins réels : les étudiants doivent certes être formés aux futurs métiers, mais ceux-ci évoluent rapidement. Il faut donc aussi apprendre à apprendre, pour éviter que leurs compétences ne deviennent obsolètes.
On observe des difficultés de recrutement dans tout le secteur de la restauration, et les Crous ne font pas exception. Sur les coûts d'approvisionnement, nous continuons de les accompagner pour assurer des repas de qualité, et nous compensons intégralement le coût du repas à un euro.
Sur l'immobilier universitaire, nous travaillons avec plusieurs établissements pour continuer à aller vers plus de dévolution, mais nous voulons la faire par segments. En effet, les compétences nécessaires en matière de gestion immobilière ne sont pas présentes dans tous les établissements. Nous envisageons plutôt des partenariats avec les collectivités territoriales, qui ont en général des capacités de maîtrise d'ouvrage ou de maîtrise d'oeuvre. Oui, nous prévoyons de poursuivre la dévolution.
La question de l'entrée en master demeure liée à la capacité des établissements à proposer une insertion professionnelle dès le bac +3. Ce n'est pas un problème quantitatif : 150 000 jeunes obtiennent une licence chaque année, pour une capacité d'accueil de 170 000 places en master. Cependant, beaucoup de recrutements en première année du master ne sont pas prolongés en seconde année ; c'est, par exemple, le cas de professions réglementées comme celle de psychologue, ou de sélections au niveau de la maîtrise comme pour le concours des avocats. Pour faire face à ces problématiques d'insertion professionnelle, nous prévoyons d'établir, dans les futurs contrats entre l'État et les établissements, un volet sur l'insertion professionnelle permettant d'impliquer les collectivités territoriales.
J'en viens à la question des collèges universitaires. Je suis opposée à leur création, car l'université se caractérise par une unité de lieu de l'enseignement et de la recherche. On enseigne la connaissance que l'on produit. Un autre modèle n'est pas pertinent. Au contraire, depuis cinq ans, je travaille à ce que tous les établissements restent des universités de plein exercice. Toutefois, il faut se préoccuper de l'insertion professionnelle avant le bac +5 ou le bac +8. On demande à tous les étudiants de réussir leur baccalauréat, puis leurs premier et second cycles où l'accès est de droit, seul le doctorat étant sélectif. Les jeunes veulent-ils vraiment tous poursuivre leurs études ou ne le font-ils que parce que leurs diplômes ne favorisent pas l'insertion professionnelle ? Recruter des titulaires de master au niveau d'un salaire de bac +2 dévalorise les études longues.
Nous avons beaucoup travaillé avec les instituts universitaires de technologie (IUT). Alors qu'ils sont les mieux placés pour accompagner les étudiants dans leur insertion professionnelle après deux ans d'études, la majorité avait, il y a encore cinq ans, pour objectif que leurs étudiants poursuivent leur cursus en école d'ingénieur. Des établissements conçus pour des études courtes accueillaient ainsi les jeunes ayant les meilleurs dossiers, aptes à suivre une filière longue, ce qu'ils faisaient ensuite d'ailleurs, alors que des filières très académiques et conceptuelles accueillaient les étudiants aux moins bons dossiers. Il faut encourager les étudiants à aller là où ils en ont envie et à faire ce dont ils sont capables, sans jugement de valeur. Travailler au niveau des universités, en lien avec les collectivités, à introduire de vrais cursus d'insertion professionnelle me semble nécessaire.
Les Crous ne nous ont pas fait part de la nécessité de rehausser le plafond d'emplois. Nous continuons cependant à évaluer les besoins du réseau et sommes prêts à agir sur ce plafond s'il devient le facteur limitant.
J'en viens aux questions portant sur la recherche.
Tout d'abord, je rappelle notre objectif de préserver 2 000 emplois en recherche et développement. La mise en oeuvre de cette mesure largement demandée rencontre cependant des difficultés de mise en oeuvre. Nous avons notifié les premiers financements dès les mois d'avril et de mai, et 700 personnes sont déjà dans le processus de changement de leur contrat à la mi-octobre. En 2021, il était prévu que nous engagions 128 millions d'euros sur les 300 millions prévus pour ces 2 000 emplois : nous y sommes.
Ensuite, l'ANR a lancé plusieurs programmes visant à favoriser le développement de la culture scientifique. Les lauréats du label « Science avec et pour la société », doté de 2,6 millions d'euros et octroyé pour trois ans, seront bientôt annoncés. L'appel à projets « Médiation et communication scientifiques » a été clos il y a quinze jours. Symboliquement, la médaille du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les prix de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) permettent une mise en avant de la médiation scientifique. Nous avons aussi augmenté le budget consacré aux associations et à la fête de la science. Enfin, et j'y tiens particulièrement, nous avons lancé, avec la ministre de la culture et France Télévisions, un appel à projets pour des courts métrages valorisant les femmes dans les métiers scientifiques. Les role model sont un moyen de toucher les jeunes, et nous voulons le faire en partenariat avec les associations « Femmes et cinéma », « Femmes et séries », « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs », pour faire avancer la place des femmes dans les sciences dites fondamentales.
Je partage votre préoccupation sur le retour des groupes scolaires dans les musées, et le fait de ramener les enfants à la découverte et à la manipulation. Cependant, le sujet est complexe, car il faut un passe sanitaire pour les musées, mais pas pour l'école.
Enfin, nous sommes tous convaincus de l'importance du sens critique, et les enseignants utilisent tous les outils possibles pour l'éveiller. Je me souviens par exemple d'enseignants souhaitant utiliser le film Germinal pour intéresser les enfants. La crise sanitaire a mis en exergue l'importance de conserver le sens critique.
M. Yan Chantrel . - Sur le papier, on pourrait se réjouir de la hausse globale du budget que le gouvernement accorde à la recherche. Cependant, dans le détail, la déception pointe. En effet, les augmentations pour 2022 demeurent en deçà de ce que la LPR prévoyait. Je vous avais déjà interpellée à ce sujet lors d'une séance de questions d'actualité au gouvernement. Ainsi, la loi de programmation prévoyait 905 millions d'euros pour 2022. Or, on atteint 472 millions sur les trois programmes concernés. Ainsi, 559 millions d'euros étaient prévus pour le programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », contre 334 millions d'euros en réalité. On passe de 302 à 138 millions d'euros pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Je n'ai même pas retrouvé les 48 millions d'euros pour la recherche spatiale.
Comment expliquez-vous ces écarts par rapport à ce que votre gouvernement avait lui-même proposé ? En tant que parlementaire représentant les Français établis hors de France, je rencontre des compatriotes qui ne pouvaient plus exercer leur passion en France dans des conditions salariales et d'équipement décentes. Vous devez prendre conscience du retard colossal de la France par rapport aux pays du G7, mais aussi à d'autres. Or, financer la recherche, c'est financer notre avenir. Ce retard a été mis en exergue par les problèmes climatiques et sanitaires que nous rencontrons.
Votre budget n'est donc pas à la hauteur, j'espère que votre gouvernement en prendra conscience et le relèvera a minima au niveau de ce qui était prévu dans la loi de programmation pour la recherche.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Je me dois de vous répondre tout de suite, monsieur Chantrel, pour ne pas laisser un malentendu s'installer. En cumulé, depuis l'entrée en vigueur de la LPR, on atteint bien 905 millions d'euros et la trajectoire est strictement suivie. Je vous rappelle l'engagement, pris en 2000, d'atteindre 3 % du PIB en dépenses de recherches en 2010 : avant le nôtre, aucun gouvernement n'avait fait l'effort de s'en approcher. Je me réjouis cependant que cette préoccupation fasse consensus aujourd'hui.
L'innovation d'aujourd'hui est la recherche d'il y a vingt ans, mais le retard n'est pas la faute de ce gouvernement. C'est pour lutter contre le sous-financement chronique de la recherche que le Président de la République et le Premier ministre y consacrent, en plus de ce que la LPR prévoit, des milliards d'euros dans les plans de relance et d'investissement.
M. Pierre Ouzoulias . - Nous nous sommes rendus, avec Laurent Lafon, à l'Institut national universitaire Champollion d'Albi, où on trouve 69 % d'étudiants venant du Tarn et de l'Aveyron et 53 % de boursiers, avec un taux de réussite en licence de 42,5 %, c'est-à-dire le meilleur score national : 22 % des étudiants y sont titulaires d'un bac technologique et 8 % d'un bac professionnel. Cette réussite est le résultat d'une implication exceptionnelle de l'équipe pédagogique et d'un accompagnement des étudiants qui fonctionne très bien.
Le Hcéres, en mars 2021, a noté la réussite exceptionnelle des étudiants, mais considère que l'Institut Champollion ne mérite pas d'être une université de plein exercice faute d'un investissement suffisamment massif en recherche.
Y a-t-il encore une place dans la politique nationale de l'enseignement supérieur pour des établissements universitaires travaillant à l'émancipation sociale et intellectuelle d'étudiants dans des territoires menacés par de grandes métropoles ? N'y aurait-il pas un moyen terme entre le classement de Shanghai et la relégation d'Albi ? Notre commission a conclu que les collectivités devaient de nouveau pouvoir s'approprier l'université et l'enseignement supérieur, exceptionnels outils d'aménagement du territoire.
M. Jean Hingray . - Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur le plan « France 2030 », en particulier sur l'innovation et la formation dans les filières stratégiques ?
Par ailleurs, qu'en est-il de l'expérimentation, lancée à la suite de l'adoption de la LPR, sur l'autonomie de recrutement de professeurs par les universités ?
M. Bernard Fialaire . - Tout d'abord, la CVEC dépassera-t-elle les 150 millions d'euros en 2021 et l'éventuel surplus de collecte sera-t-il bien affecté à la condition étudiante ?
Ensuite, je vous avais interpellée l'an passé sur les officines par lesquelles les étudiants en santé sont obligés de passer. L'augmentation du numerus clausus n'a pas réglé ce problème. Le fait même que l'autonomie des universités leur permet d'organiser des concours différenciés ne va-t-il pas aggraver les disparités entre ceux qui peuvent payer ces officines et ceux qui ne le peuvent pas ?
Enfin, dans le Rhône, quels sont les résultats de l'appel à projets PIA4 « Excellence sous toutes ses formes » ? Cette belle initiative s'avère fédératrice et mérite un investissement important.
Mme Monique de Marco . - En dix ans, les établissements d'enseignement supérieur ont absorbé 500 000 étudiants, avec 34 000 de plus cette année. Les difficultés de logement s'aggravent, le sujet a d'ailleurs été abordé par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France. Avez-vous la volonté d'y répondre dans le cadre de ce projet de loi de finances ?
M. Max Brisson . - Une remarque tout d'abord : nous avons voté la LPR, après de longs débats. Je ne vous ferai pas le procès du rattrapage du retard passé, pour lequel les responsabilités sont partagées.
Si j'ai bien compris le chef de l'État, « France 2030 » porte sur l'avenir industriel du pays. Mais quand je vous ai écoutée, vous parlez de l'espace : pourriez-vous insister davantage sur la dimension industrielle de la recherche s'agissant de ce nouveau plan ?
Deuxième question, depuis la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), un enseignant-chercheur peut consacrer 50 % de son temps au travail en entreprise au lieu de 20 % auparavant, et détenir jusqu'à 32 % du capital d'une société. Quels sont le bilan et l'utilisation effective de cette possibilité par les chercheurs ?
Enfin, je me dois d'aborder Parcoursup, dont le bilan reste mitigé... Combien d'étudiants restent sans affectation à ce jour et combien ont été réaffectés dans une filière non souhaitée ? Quelles sont les perspectives pour la rentrée de 2022 ?
M. Jacques Grosperrin . - Je rejoins ce que vient de dire Max Brisson : la critique est facile, mais nous partons d'une situation difficile.
Stéphane Piednoir a évoqué la problématique du patrimoine immobilier, sur laquelle notre collègue Vanina Paoli-Gagin a présenté, au nom de la commission des finances, un récent rapport de contrôle budgétaire. L'immobilier représente 20 % du patrimoine de l'État. Je reviens sur la belle loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Un obstacle à la dévolution est peut-être le manque d'esprit d'entreprise des présidents d'université. Ainsi, trois universités ont connu la dévolution en 2011 et quatre en 2016. Cependant, l'État est majoritairement propriétaire du bâti et passe des conventions d'utilisation avec les universités. Pourquoi assiste-t-on à une certaine crainte de la part des universités, alors que l'immobilier est leur deuxième poste de dépenses après la masse salariale, qu'il s'agit d'une dimension stratégique pour la réussite des étudiants, et que la question de la transition énergétique se pose de manière de plus en plus prégnante ?
De plus, selon le rapport de notre collègue de la commission des finances, 31 % du bâti est dans un état insatisfaisant en matière de rénovation thermique. Quels sont les efforts financiers de votre ministère, correspondant à l'action 14 du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ?
Vous aviez aussi annoncé une nouvelle vague de dévolution courant jusqu'à 2022. Où en est-on ?
Pour conclure, à l'occasion de ce cinquième budget que vous défendez, et même si nous ne sommes pas toujours d'accord, je tenais à rendre hommage à votre sérieux, à votre disponibilité, à votre expertise et à votre écoute.
Mme Céline Brulin . - Concernant la réforme des études de santé, on a manqué de places l'an dernier pour les redoublants de l'ancien système et pour les nouveaux entrants des filières du parcours spécifique santé (PASS) et de la licence option accès santé (L.AS). Leur nombre est toujours insuffisant cette année même si l'on observe des progrès. En particulier, le Conseil d'État, saisi par des familles d'étudiants, a enjoint à une quinzaine d'universités d'augmenter leur capacité d'accueil de 20 %, ce qui n'est pas sans soulever des problèmes concrets sur les aspects immobiliers soulevés par Stéphane Piednoir et Jacques Grosperrin.
Cette question concerne l'enseignement supérieur, mais aussi tous nos territoires où la désertification médicale s'accentue. Alors que de plus en plus d'étudiants s'orientent vers les professions de santé et qu'on a enfin levé le numerus clausus , on n'arrive pas à en former davantage.
Ainsi, des contrats de plan État-région permettraient de lancer des opérations d'immobilier. Il y a quelques difficultés à ce sujet en Normandie...
Si l'on veut former davantage de médecins, il faut aussi plus de chefs de clinique à même de les encadrer, pas seulement dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), mais aussi dans tous les hôpitaux, y compris de proximité, ce qui permettrait à des jeunes de faire des stages plus éloignés des métropoles. Que comptez-vous faire pour augmenter ces capacités ?
Par ailleurs, je m'associe à Bernard Fialaire lorsqu'il vous interroge sur les officines qui surenchérissent le coût des formations en santé. Elles mettent en lumière l'enjeu de la démocratisation des études de santé.
Enfin, de plus en plus de jeunes vont étudier en Belgique, voire en Roumanie. Que pouvez-vous nous dire de ce phénomène qui trahit un affaiblissement de nos universités ?
M. Pierre-Antoine Levi . - Les deux années écoulées se sont avérées éprouvantes pour les étudiants, en révélant une précarité à la fois financière et psychologique. Nous nous réjouissons donc tous du retour en présentiel. Votre ministère a certes agi, mais pas au niveau des attentes ni à la mesure des problèmes. Ma proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, mais c'est une victoire en trompe-l'oeil, car elle a été dénaturée. Nous verrons ce que le Sénat fait en deuxième lecture, alors qu'il s'agit de compléter le travail des Crous et non de les concurrencer.
Vous aviez généralisé le repas à un euro, ce qui était bienvenu, mais il a été suspendu pour les non-boursiers, alors que la précarité alimentaire n'a pas disparu pour les étudiants issus des classes moyennes.
Ensuite, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit certes une augmentation des moyens, mais les attentes étaient beaucoup plus importantes. C'est une occasion manquée alors que, avec le retour à une vie normale que nous espérons tous, des pans entiers de la précarité étudiante n'ont pas été résorbés et retourneront dans l'oubli.
Enfin, avec Parcoursup, de nombreux bacheliers sont restés sans réponse à quelques jours de la rentrée ou se sont retrouvés avec un choix par défaut ne correspondant pas à leurs souhaits, en tout cas pour les non-boursiers. En voulant réduire les inégalités avec les quotas de boursiers - le bleu budgétaire précise en effet que 120 000 lycéens boursiers ont pu intégrer la formation de leur choix - n'en avez-vous pas créé de nouvelles ?
Mme Sonia de La Provôté . - Quelles sont vos prévisions d'effectifs pour la rentrée universitaire de 2022 ? La hausse a été forte cette année. Il en va de même pour les inscriptions en master. Votre budget en tient-il compte ?
Dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », il n'est pas prévu d'autoriser la création d'entreprises publiques locales (EPL) universitaires. Cet outil est pourtant très demandé. Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans la remise à niveau du parc immobilier. Qu'en pensez-vous ?
Dans Parcoursup, certaines spécialités, comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), sont plus demandées que d'autres. Constatez-vous une évolution à cet égard avec la réforme du baccalauréat ? Observe-t-on une meilleure adéquation entre les parcours des lycéens et leurs demandes ? Avez-vous étudié spécifiquement la situation des redoublants ou de ceux qui font une nouvelle demande pour obtenir une réponse plus conforme à leurs voeux ?
Nos interrogations sur la réforme des études de santé ou l'entrée en master, les filières de licence en tension illustrent la difficulté à articuler cadrage ministériel et autonomie des universités. Quelle doit être l'action du ministère pour garantir l'égalité entre tous les étudiants sur le territoire, tout en respectant l'autonomie des établissements ?
Mme Sylvie Robert . - Les budgets des universités augmentent mais, avec la croissance de la démographie étudiante, la dépense par étudiant baisse. Il convient d'anticiper. La rentrée dans certaines filières en tension a été chaotique.
La Cour des comptes souligne les difficultés des bibliothèques universitaires et regrette l'absence de politique publique en faveur de l'information et de la documentation scientifique. Si des efforts ont eu lieu, elle estime qu'ils n'ont pas permis aux bibliothèques universitaires de devenir des centres de services répondant pleinement aux besoins des étudiants, alors qu'elles constituent un facteur déterminant d'égalité des chances et de réussite. La Cour pointe le manque de moyens.
M. Yan Chantrel . - Le rapport de M. Gattolin, intitulé Mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques, au nom de la mission d'information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes, nous alerte sur la nécessité de nous protéger face aux tentatives d'influences étrangères dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il souligne le manque de moyens de la communauté académique face à l'émergence de ces nouvelles menaces. Il propose de consacrer des crédits dans les budgets des universités à leur détection. Qu'en pensez-vous ?
M. Laurent Lafon , président . - Avez-vous déjà reçu des demandes pour la création de chaires de professeur junior, même si le décret n'a pas encore été publié ?
Mme Frédérique Vidal, ministre . - L'institut universitaire d'Albi accueille 4 000 étudiants et est rattaché à la communauté d'universités et d'établissements de Toulouse. Par sa taille, l'établissement se rapproche d'une petite université. La réussite peut s'expliquer par la proximité avec les étudiants, qui facilite leur accompagnement. Le taux d'encadrement n'est pas considérable : un pour trente. L'établissement joue un rôle considérable pour l'accueil des étudiants de premier cycle.
La question sous-jacente est celle du caractère monolithique de l'évaluation dans notre pays : on ne peut pas, en effet, évaluer tous les établissements et tous les étudiants de la même manière. C'est pour cela que l'on a développé la procédure de dialogue de gestion : il s'agit de demander aux établissements sur quels points ils souhaitent être reconnus et évalués, en fonction de leur stratégie - c'est ce que j'appelle la « signature » des établissements.
Vous m'interrogez aussi sur la formation dans les filières stratégiques inscrites dans le plan « France 2030 ». Nous sommes en train de réfléchir à la manière dont nous allons accompagner ces filières. Une partie de la formation sera délivrée par l'enseignement supérieur, mais pas seulement. Certaines compétences requises sont transversales, à l'image de celles du domaine numérique. Ces filières, comme le spatial ou l'agroalimentaire, recrutent à tous les niveaux : elles ont besoin d'ouvriers, de techniciens, d'ingénieurs comme de docteurs.
L'apparition de nouveaux métiers entraînera aussi la disparition d'autres. La formation continue aura un rôle crucial à jouer. Notre système doit donc s'adapter pour répondre aux attentes des métiers de demain. Mais il est difficile de construire un système purement « adéquationniste », et on sait que cela ne fonctionne pas ainsi en matière de formation. Certaines compétences seront transversales, d'autres spécifiques à certaines filières. Il ne s'agit pas de recruter des permanents statutaires pour créer des filières de formation qui auraient vocation à perdurer pendant les trente prochaines années, mais de former rapidement et massivement des personnes pour accomplir cette mutation industrielle. Je voudrais que les universités s'emparent de la question de la formation tout au long de la vie, pour devenir le lieu où l'on se forme et où l'on vient se reformer pendant sa carrière. Le niveau du diplôme initial ne fera pas tout. Quand les métiers évoluent, il faut se reformer.
Une personne qui a exercé la fonction de maître de conférences pendant plusieurs années est apte à postuler à un poste de professeur d'université, même si des particularités persistent dans certaines disciplines, comme les disciplines médicales. Un groupe de travail concernant le recrutement des maîtres de conférences a été créé et les premières expérimentations auront bientôt lieu. Plus généralement, il faut être vigilant pour éviter le risque du localisme. La mobilité est importante. Elle témoigne de la capacité à s'emparer d'un sujet, sans la proximité de son directeur de thèse. Mais la mobilité est-elle toujours possible ? Une femme de quarante ans, mère de famille, a-t-elle vraiment la capacité de demander à sa famille de déménager de plusieurs centaines de kilomètres pour devenir professeur ? Des personnes brillantes peuvent vouloir rester dans leur établissement. Il faut donc trouver le bon équilibre. Là encore, il faut faire confiance aux établissements. Dans la mesure où il s'agit d'un recrutement par les pairs, il est peu probable qu'ils décident de recruter les plus mauvais, à moins d'être masochistes...
Les chaires de professeur junior correspondent à des postes statutaires. Nous avons reçu 180 demandes, pour environ 90 places dans les universités et les organismes de recherche. Les demandes proviennent de toutes les disciplines et de tous les types d'établissements.
J'en viens à la question des études de santé. S'agissant des préparations privées, il est beaucoup plus facile de préparer des étudiants à des QCM que de leur apprendre à s'exprimer à l'oral sur des sujets divers qui peuvent surprendre. On réussit beaucoup mieux, c'est factuel, en suivant le tutorat gratuit assuré par les étudiants en santé qu'en s'inscrivant dans une prépa privée.
Le nombre de places en deuxième année de médecine a augmenté de 19,4 %. Ceux qui obtiennent la moyenne aux partiels ne peuvent plus redoubler l'année de PASS. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas repasser le concours d'accès aux études de médecine : il reste, en effet, toujours possible de le retenter une seconde fois, en fin de deuxième année de la L.AS.
Alors pourquoi conserver un concours ? Parce qu'on ne peut augmenter le nombre d'élèves que si l'on dispose de suffisamment de médecins formateurs. Grâce à notre réforme des deuxième et troisième cycles, on a accru le nombre de chefs de cliniques, qui sont désormais répartis dans tous les hôpitaux, et pas seulement dans les CHU ; on a délivré des agréments pour encadrer des étudiants, en internat comme en externat, à des médecins exerçant en ambulatoire dans des centres de santé pluriprofessionnels ou dans tous types d'hôpitaux. Les jeunes peuvent donc démarrer leurs études à proximité de chez eux, et pas uniquement dans des villes dotées d'un CHU. Cette réforme permet ainsi d'augmenter le nombre de jeunes en formation partout sur le territoire. Je précise que, parallèlement, les maîtres de stage pourront se voir retirer leur agrément en cas de violence ou de harcèlement.
Vous m'interrogez sur la place de l'oral au concours de médecine : cela relève de la liberté pédagogique des établissements ; dans la mesure où il ne s'agit pas d'un concours national, les épreuves sont différentes selon les lieux. Mais il en allait de même pour les QCM ! Chacun sait depuis longtemps que la pression n'est pas équivalente partout, et qu'elle varie en fonction du nombre de places proposé.
Le niveau de réussite de ceux qui étaient en L.AS est environ de 50 % - c'est un niveau jamais atteint. Nous avons tenu compte des différents rapports pour apporter les améliorations attendues, notamment sur la possibilité de voir son dossier réexaminé. Mais, il faut le reconnaître, l'année fut compliquée : les médecins étaient très pris, l'enseignement n'était pas en présentiel, etc. Toutefois, nous avons pu augmenter le nombre de places et la réforme fonctionne.
L'aide au logement dépend du ministère de ma collègue Emmanuelle Wargon. Nous avons construit 32 000 logements à tarif social et 30 000 logements à tarif libre pour les étudiants. La difficulté était de trouver du foncier disponible. Nous avons cherché à identifier à proximité des sites universitaires tous les terrains d'État libres, car il est parfois difficile de travailler avec les mairies : nous avons ainsi identifié 70 terrains sur lesquels on pourra construire 13 000 logements supplémentaires à tarif social, tandis que 95 % des logements des Crous seront rénovés grâce au plan de relance, en faisant en sorte de construire d'abord de nouvelles places afin qu'il n'y ait pas de déficit lorsque les travaux de réhabilitation seront effectués.
J'ai mentionné le spatial et l'exploration des fonds marins, car ces thématiques donnent lieu à une recherche nourrie, mais l'enjeu, plus largement, est de réindustrialiser. Nos industriels ont besoin que l'État accompagne le « dérisquage », à savoir le passage du concept de laboratoire au prototype qui permet d'envisager une industrialisation. C'est sur cette dimension que nous devons concentrer nos efforts, car nous sommes un petit peu en retard à cet égard. Il convient de développer des lieux où chercheurs en recherche fondamentale et recherche appliquée puissent travailler ensemble, en amont d'une éventuelle industrialisation. Il ne faut pas d'ailleurs séparer l'amont et l'aval : dans les entreprises, on constate que l'innovation procède de manière circulaire. Le développement industriel et la mise en production sont l'occasion de remettre en question la recherche et de la faire avancer. C'est plutôt un cercle vertueux.
Il ne faut pas résumer Parcoursup à un algorithme : c'est, avant toute chose, des milliers de personnes qui, durant tout l'été, étudient les dossiers des étudiants un par un et regardent ce que l'on peut leur proposer. À la fin de la procédure, plus de 500 000 jeunes reçoivent une proposition, qui correspond à un de leur choix, même si ce n'est peut-être pas le premier. Ils ont le droit de changer d'avis, auquel cas leur dossier est réexaminé par la commission d'accès. Ils ont donc en face d'eux des personnes qui peuvent les aider.
Au moment où la procédure s'est achevée, à peu près 200 jeunes continuaient à être accompagnés. Tous étaient titulaires d'un baccalauréat professionnel et tous avaient reçu un avis négatif à la poursuite d'études de la part de leurs professeurs. Au reste, si cet avis négatif ne lie pas la commission, c'est tout de même à ces jeunes que l'on a le plus de difficultés à proposer une filière d'enseignement supérieur dans laquelle ils ont une chance de réussir.
Je veux insister sur ce côté extrêmement humain de Parcoursup. Vous allez dire que je vois toujours le verre à moitié plein, mais je veux souligner que, sans abandonner ces 200 jeunes, le système a permis à l'immense majorité - 500 000 jeunes - de trouver une formation qui les satisfait.
Que des jeunes décident de faire leurs études ailleurs a toujours existé, et je ne pense pas que leur nombre ait augmenté ces dernières années. On me parle souvent de la Suisse. De jeunes Français qui y étudient m'ont expliqué avoir fait ce choix parce que les professeurs sont des chercheurs. Quand je leur ai appris qu'il en allait de même dans les universités françaises, ils sont tombés des nues...
Il faut porter très fort la fierté de nos universités. Tous les enseignants ont suivi des études très longues, ont passé des filtres de sélection très exigeants, ont passé des concours extrêmement difficiles... Ils devraient autant faire briller les yeux des lycéens que les enseignants de Suisse !
Je tiens à préciser que nous avons beaucoup progressé sur la prise en compte des zones dans lesquelles il n'existait pas de restauration à tarif social pour les étudiants. C'est un vrai sujet. Il faut reconnaître que le tarif n'est pas le même dans tous les établissements car ce n'est pas l'État qui le fixe. Mais, si vous êtes en BTS dans un lycée à Paris, le repas coûte, en réalité, moins d'un euro. Pour les étudiants en BTS et en classes préparatoires, dans un certain nombre de villes où il n'y a pas de résidence universitaire, pas de Crous, pas de restauration universitaire, les repas peuvent être très fortement subventionnés. On peut passer des conventions avec des lycées, mais, honnêtement, je crois que le travail est fait. Un effort reste, en revanche, à accomplir pour les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), certains IUT et certaines écoles. Les conventions que nous passons au travers des Crous fonctionnent bien ; il faut continuer à utiliser ce levier. Au demeurant, on a toujours la capacité de proposer des cartes repas préremplies ; cela fonctionne bien.
Le bâti universitaire est un sujet essentiel. Effectivement, il existe un service immobilier au ministère, mais celui-ci gère essentiellement la mise en sécurité et l'accessibilité des bâtiments. En réalité, tout l'immobilier universitaire est géré par le Domaine, donc par Bercy.
Dans le cadre du plan de relance, nous avons doublé les crédits dédiés au patrimoine immobilier universitaire du contrat de plan État-région sur les deux prochaines années, avec 1,3 milliard d'euros supplémentaires. Il s'agit essentiellement de rénovation thermique : les établissements vont pouvoir réaliser jusqu'à 30 % d'économies sur leur facture énergétique.
Il m'est arrivé, dans une autre vie - c'était lors d'une audition devant le Sénat -, de hurler à l'évocation de la dévolution du patrimoine immobilier des universités. Je n'ai pas changé d'avis.
Premièrement, il n'est pas dans la mission première d'une université que de s'occuper d'immeubles. Deuxièmement, le principe suivant lequel le prix de la vente revient au domaine pour moitié si la vente est conclue la première année, l'autre moitié revenant au ministère de tutelle des bâtiments, qui peut ou non décider de le reverser à l'établissement, est d'une complexité extrême. Au reste, il conduit à ce que plus la vente est longue, plus la part qui revient au ministère de tutelle, donc potentiellement à l'établissement, est faible. En gros, tout est fait pour que les bâtiments tombent en ruine... Troisièmement, la dévolution nécessite de gérer son patrimoine en propriétaire. Or nous sommes « en dessous de la maille » en termes de gestion du patrimoine immobilier de l'État. De mémoire, le Sénat avait estimé qu'il faudrait entre 12 et 14 euros pour entretenir chaque mètre carré - actuellement, on ne leur consacre qu'entre 2 et 3 euros...
On peut comprendre les hésitations des présidents d'université : il ne faudrait pas qu'ils y engloutissent toutes leurs marges de manoeuvre... Nous devons travailler non seulement à la dévolution morceau par morceau, pour monter en compétence, mais surtout à la mise en place de sociétés publiques locales universitaires. Ne vous inquiétez pas : si l'article 40 empêche de procéder par voie d'amendement, je n'ai pas renoncé à avancer sur ce dossier. Je crois que c'est la seule solution si l'on veut travailler correctement sur la question du patrimoine universitaire.
Il est difficile de répondre à la question du cadrage des universités. Celles-ci étant des établissements publics, elles doivent mettre en place les lois votées par le Parlement et appliquer les politiques publiques décidées par le Gouvernement. Leur autonomie consiste à pouvoir choisir le chemin qu'elles souhaitent prendre pour les mettre en oeuvre. Par définition, si l'on cadre l'autonomie, on la supprime. D'ailleurs, il est intéressant de voir que les universités prennent des chemins différents, d'où l'importance d'avoir des présidents d'université élus sur un programme et des majorités qui les soutiennent. La vie politique des universités ressemble un peu à la vie politique tout court... Cependant, il faut veiller à ce que le point d'arrivée soit bien identique. C'est le rôle de l'État que de le garantir, dans l'ensemble des établissements publics qui dépendent de lui.
On entend beaucoup parler de la baisse de la dépense par étudiant. Or diviser la subvention pour charges de service public (SCSP) d'un établissement par le nombre d'étudiants n'a pas de sens. On ne peut pas appliquer le même régime à un établissement qui a 14 sites et de nombreuses antennes dispersées et à un établissement qui se compose d'un seul bâtiment. De même, on ne saurait appliquer la même règle aux campus neufs et vieux et aux établissements qui font des sciences appliquées et à ceux qui n'en font pas. La méthode de calcul que je dénonce est extrêmement dangereuse. Je rappelle qu'il y a eu 1 milliard d'euros supplémentaires sur le programme 150, pour 83 000 étudiants en plus dans les universités... Je pense que personne n'a envie de jouer à cela !
Mme Sylvie Robert . - Ce n'est pas une question de jeu, madame la ministre ! Je me fonde sur des rapports, notamment celui de la Cour des comptes.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Je ne dis pas que c'est un jeu : je dis que ce n'est pas ainsi qu'il faut penser le budget consacré aux établissements. Il convient de tenir compte de leur disparité.
Longtemps a été utilisé un modèle d'allocation des moyens qui faisait la part entre les moyens dédiés à l'immobilier, ceux dédiés à la recherche, ceux dédiés à la formation et qui tenait compte du nombre de mètres carrés, de laboratoires et d'étudiants. Ce système a été totalement abandonné ; nous sommes passés à des règles de trois. Faisons attention, car nous sommes en train de passer une bosse : je ne souhaite pas, dans cinq ou dix ans, entendre des ministres annoncer une baisse de budget pour une université qui compterait 150 000 étudiants de moins.
La question des bibliothèques universitaires est un vrai sujet. En réalité, plusieurs questions se posent : celle des fonds, celle de la science ouverte, celle de l'égalité des chances - de fait, ce sont des lieux où l'on peut travailler quand le logement est petit, comme l'ont fait de nombreux étudiants durant la pandémie. Plus généralement, nous devons avancer sur la question des lieux où l'on trouve à la fois de la ressource documentaire et des espaces de travail ouverts et surveillés. D'ailleurs, dans le plan de relance, les établissements demandent de plus en plus souvent des salles modulables où l'on peut faire de la recherche documentaire, plutôt que la construction de gros amphithéâtres.
Le sujet des influences étrangères est un sujet de préoccupation majeure, non seulement dans notre pays, mais, au-delà, dans l'ensemble de l'Union européenne - il a été abordé lors d'une réunion des ministres de l'Union à laquelle j'ai participé hier.
Nous sommes convaincus que c'est vraiment au travers du nouvel espace européen de la recherche que nous pouvons nous protéger de ces ingérences, en réaffirmant deux éléments qui semblent simples, mais qui, en réalité, sont extrêmement difficiles à mettre en oeuvre : la nécessité de valeurs communes et la réciprocité. On voit trop souvent actuellement des États qui s'approprient des connaissances, mais qui n'ouvrent pas leurs bases de données en échange. Il importe que nous soyons un peu moins naïfs, capables de nommer les choses et d'armer davantage nos chercheurs. Nous avons besoin de garder la liberté de collaborer avec qui l'on veut dans le monde entier, mais cette collaboration doit être assortie aux valeurs et aux principes que porte la recherche. C'est de cette manière que nous pouvons essayer d'avancer. Au reste, le problème se pose avec la même acuité dans les sciences humaines et sociales que dans les sciences et technologies.
- Présidence de M. Max Brisson, vice-président -
M. Max Brisson , président . - Madame la ministre, le président Laurent Lafon a dû quitter notre commission et m'a chargé de clore la réunion. Je veux vous remercier très sincèrement de vos réponses extrêmement circonstanciées aux questions de l'ensemble de nos collègues et du temps que vous nous avez consacré.