Avis n° 168 (2021-2022) de M. Stéphane PIEDNOIR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 18 novembre 2021
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AVANT-PROPOS
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I. I. UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR UNE
AUGMENTATION DU BUDGET CONSACRÉ AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR MAIS QUI N'A PAS PROVOQUÉ LE SURSAUT NÉCESSAIRE
À LEUR RÉOXYGÉNATION FINANCIÈRE
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A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE QUI SE POURSUIT EN
2022 MAIS QUI DEMEURE SOUS-CALIBRÉ FACE AUX BESOINS
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B. LES POINTS DE VIGILANCE DU RAPPORTEUR
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1. Une forte inquiétude sur les
modalités de mise en oeuvre et le financement de la réforme des
études de santé
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2. Des avancées concernant la subvention aux
établissements d'enseignement supérieur privé, mais des
marges de progression persistantes
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3. La nécessité d'une dynamique plus
ambitieuse pour relever le défi stratégique de la gestion de
l'immobilier universitaire
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1. Une forte inquiétude sur les
modalités de mise en oeuvre et le financement de la réforme des
études de santé
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A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE QUI SE POURSUIT EN
2022 MAIS QUI DEMEURE SOUS-CALIBRÉ FACE AUX BESOINS
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II. UN BUDGET DE SOUTIEN À LA VIE
ÉTUDIANTE TRÈS ÉPROUVÉE PAR LA CRISE, QUI SUSCITE
PLUSIEURS INQUIÉTUDES
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I. I. UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR UNE
AUGMENTATION DU BUDGET CONSACRÉ AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR MAIS QUI N'A PAS PROVOQUÉ LE SURSAUT NÉCESSAIRE
À LEUR RÉOXYGÉNATION FINANCIÈRE
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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ANNEXE
N° 168 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 , |
TOME V Fascicule 2 RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPERIEUR Enseignement supérieur |
Par M. Stéphane PIEDNOIR, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial, Mme Mélanie Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687 Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022) |
AVANT-PROPOS
Cinquième et dernier budget du quinquennat, le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 offre l'occasion d'analyser l'évolution du budget de l'enseignement supérieur depuis 2017, alors que le secteur a connu, sur cette période, une explosion de la démographie étudiante et de nombreuses mutations, dont certaines ont été accentuées par la crise sanitaire (développement de l'enseignement numérique, augmentation de la précarité étudiante, défi de la transition énergétique et écologique, enjeu de la participation des établissements aux politiques d'aménagement des territoires...). Le rapporteur reconnaît que des efforts substantiels ont été réalisés année après année ; cette constance dans la progression du budget de l'enseignement supérieur est assez rare pour être saluée. Néanmoins, ceux-ci n'ont pas permis de redonner les marges de manoeuvre budgétaires dont les établissements d'enseignement supérieur ont besoin pour sortir de l'impasse financière dans laquelle ils se trouvent.
Il a sans doute manqué, au cours de cette législature, une analyse fine et exhaustive de l'évolution de leurs besoins, une véritable stratégie d'action, à laquelle une loi de programmation de l'enseignement supérieur aurait pu donner corps, et aussi une certaine vision de ce que doit être l'enseignement supérieur.
Le PLF pour 2022 est caractéristique de ce bilan quinquennal en demi-teinte , des moyens supplémentaires étant attribués, mais dans des proportions qui ne permettent pas de répondre durablement aux défis à la fois conjoncturels et structurels du secteur.
I. I. UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR UNE AUGMENTATION DU BUDGET CONSACRÉ AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR MAIS QUI N'A PAS PROVOQUÉ LE SURSAUT NÉCESSAIRE À LEUR RÉOXYGÉNATION FINANCIÈRE
A. UN EFFORT BUDGÉTAIRE QUI SE POURSUIT EN 2022 MAIS QUI DEMEURE SOUS-CALIBRÉ FACE AUX BESOINS
1. Une hausse des moyens toujours moins dynamique que celle des effectifs d'étudiants
Le mal désormais bien connu dont souffre l'enseignement supérieur connaît, chaque automne, à l'occasion de la rentrée universitaire puis de l'examen du projet de loi de finances, un triste regain d'actualité : la dépense publique qui y est consacrée augmente moins vite que les besoins . Le décrochage financier s'est opéré il y a une dizaine d'années sous l'effet de l'arrivée dans le supérieur des générations issues des politiques de démocratisation scolaire mises en place dans les années 1980 et, plus récemment, des baby-boomers des années 2000. En 2019, la France comptait près de 2,8 millions d'étudiants, soit une augmentation de 21,3 % sur les dix dernières années. Cette croissance soutenue des effectifs dépasse celle de la dépense publique consacrée à l'enseignement supérieur (+ 11,7 % entre 2009 et 2019), ce qui entraîne une baisse de la dépense moyenne par étudiant (- 7,9 % sur la même période). D'un montant de 11 530 euros en 2019, celle-ci est repassée en deçà de son niveau de 2007, même s'il ne s'agit pas du seul paramètre d'appréciation.
Évolution de la DIE
1
(
*
)
, de la dépense moyenne et
des effectifs de l'enseignement supérieur
(indice base 100
en 1980, prix 2019)
Source : note d'information de la direction de
l'évaluation, de la prospective et de la
performance
n° 21.21 - mai 2021, Ministère de
l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
L'augmentation tendancielle du nombre d'étudiants se trouve renforcée par la crise sanitaire, sous l'effet des taux exceptionnels de réussite au baccalauréat (respectivement près de 96 % et de 94 % pour les éditions 2020 et 2021) et des difficultés que rencontrent les jeunes diplômés à s'insérer sur le marché du travail. Au cours de l'année universitaire 2020-2021, le nombre de nouveaux inscrits à l'université a progressé de près de 0,9 % (+ 14 600 étudiants). Les chiffres de la rentrée 2021 ne sont pas encore consolidés, mais tout porte à croire que la dynamique reste soutenue. C'est en licence que la tension est la plus forte : le nombre d'étudiants a progressé de 1,6 % à la rentrée 2020 (+ 16 113 étudiants) ; certaines disciplines comme le droit, l'économie-gestion, la psychologie ou Staps sont particulièrement concernées. Mais la pression s'accroît aussi à l'entrée en master, le passage au bac + 4, moment où se fait la sélection depuis la réforme de 2017, s'est transformé en véritable goulet d'étranglement. Cette année, des milliers d'étudiants diplômés de licence 2 ( * ) , mais n'ayant pas été acceptés en master, ont ainsi fait valoir leur « droit à la poursuite d'études » que la réforme était censée garantir.
Dans ce contexte de forte croissance de la démographie étudiante, le rapporteur ne peut que saluer les efforts budgétaires déployés sous l'actuelle législature . Les crédits de paiement alloués aux programmes « Enseignement supérieur » (programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et programme 231 « Vie étudiante ») ont régulièrement progressé d'un exercice à l'autre, passant de près de 16,1 millions d'euros en 2018 3 ( * ) à près de 17,3 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de 1,2 million d'euros (+ 7,4 %).
Il déplore cependant le manque d'anticipation de l'évolution des effectifs et donc des besoins (en termes de places, de taux d'encadrement, d'accompagnement, de locaux...) et, plus globalement, l'absence de stratégie sur l'avenir de l'enseignement supérieur à moyen terme, notamment de son modèle de financement . Le décrochage de la dépense publique par rapport aux besoins est un choix politique périlleux , alors que les retombées positives de l'investissement dans l'enseignement supérieur ne sont plus à démontrer, tant en termes de formation, d'innovation, de compétitivité que de croissance.
Le rapporteur estime regrettable que le constat du Président de la République sur le « sous-investissement dans l'enseignement supérieur », dressé lors de la présentation du plan « France 2030 », intervienne en fin de quinquennat et n'ait pas donné lieu à un sursaut plus tôt .
2. Une nouvelle augmentation de la dotation allouée aux établissements qui ne leur permet cependant pas de dégager les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires
Le rapporteur constate qu'une large part (193 millions d'euros 4 ( * ) ) de la hausse des crédits du programme 150 pour 2022 est consacrée au financement du volet « ressources humaines » de la loi de programmation pour la recherche (LPR) et de divers dispositifs indemnitaires et statutaires , c'est-à-dire à des mesures portant sur la masse salariale. Il rappelle toutefois que la principale problématique RH, à savoir le financement du glissement vieillesse technicité (GVT), n'aura pas été traitée sous le quinquennat 5 ( * ) , maintenant les établissements d'enseignement supérieur dans une situation financière très préoccupante, que certains de leurs représentants n'hésitent pas à qualifier de « mise sous respiration artificielle ». Confrontés à une progression très dynamique de leurs dépenses de masse salariale, désormais plus systématiquement compensées par l'État, les établissements ne sont pas en mesure de dégager les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à l'accueil d'un flux toujours plus soutenu de nouveaux étudiants .
Bilan financier de la mise en oeuvre du « Plan Étudiants » sous le quinquennat
En 2022, les moyens nouveaux alloués, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, aux établissements au titre du « Plan Étudiants » - destinés à hauteur de 50 % à l'augmentation des capacités d'accueil dans les filières en tension, à 25 % au développement des dispositifs d'aide à la réussite (« oui si ») et à 25 % à la valorisation de l'investissement pédagogique et au financement de projets d'investissements - s'élèvent à 30,5 millions d'euros. Sur l'ensemble de la législature, ce sont 213,5 millions d'euros supplémentaires qui auront été budgétés pour la mise en oeuvre de ce plan, permettant notamment la création de 56 000 places 6 ( * ) entre 2017 et 2020 dans les formations universitaires les plus demandées. Bien que positif, ce nombre de créations de places est toutefois loin de couvrir, en pratique, l'augmentation des effectifs .
Répartition des moyens budgétaires alloués au « Plan Étudiants » entre 2018 et 2022
en euros
2018 |
2019 |
2020* |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
|
Création de places |
19 114 408 |
45 178 387 |
76 548 751 |
129 708 427 |
170 167 719 |
Étude des dossiers, directeurs des études, accompagnement pédagogique |
5 831 661 |
11 142 044 |
11 142 043 |
11 142 044 |
1 114 204 |
Rémunération indemnitaire des personnels |
5 000 000 |
2 010 000 |
2 010 000 |
2 010 000 |
2 010 000 |
Dispositifs et parcours d'accompagnement « oui si » |
7 657 039 |
25 436 581 |
31 892 139 |
36 184 423 |
35 714 622 |
Investissement - fonctionnement |
6 980 883 |
13 587 779 |
7 579 919 |
4 027 958 |
4 566 307 |
Total alloué aux établissements |
44 583 992 |
97 354 791 |
129 172 852 |
183 072 852 |
213 572 852 |
en flux |
+ 52 770 799 |
+ 31 818 061 |
+ 53 900 000 |
+ 30 500 000 |
Source : ministère de l'enseignement
supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri),
en
réponse au questionnaire budgétaire
B. LES POINTS DE VIGILANCE DU RAPPORTEUR
1. Une forte inquiétude sur les modalités de mise en oeuvre et le financement de la réforme des études de santé
Au printemps 2021, la commission, par la voix de sa rapporteure Sonia de La Provôté, a dressé un constat sévère sur la mise en oeuvre de la réforme des études de santé et formulé plusieurs recommandations visant à répondre à l'urgence de la situation vécue par les étudiants de PASS et de L.AS 7 ( * ) . Six mois plus tard, malgré les souhaits de « recherche de solutions » formulés par le Premier ministre, force est de constater que le compte n'y est toujours pas : le déroulement des épreuves orales a donné lieu à de nombreux dysfonctionnements, les étudiants n'ayant pas toujours été informés des modalités de celles-ci, ni de leur poids dans le classement final ; le nombre de places ouvertes en deuxième année ne garantit pas aux étudiants du nouveau système un taux de réussite équivalent à celui dont bénéficiaient les étudiants de PACES, ni aux étudiants de L.AS 2 de pouvoir poursuivre dans la discipline choisie en L.AS 1. Le rapporteur réitère, pour sa part, ses profondes réserves tant sur le principe de cette réforme - en dépit de certains travers dans le mode de sélection, la PACES avait le mérite de la clarté, de l'équité et de l'excellence - que sur ses modalités de mise en oeuvre - précipitation, déficit d'information et de communication ont prévalu alors que la complexité du nouveau système était connue.
L'examen du PLF pour 2022 est aussi l'occasion, pour lui, d'alerter sur le calibrage de son financement. Deux dotations, respectivement de 17 millions d'euros (pour le premier cycle) et 19 millions d'euros (dont 13 millions pour le premier cycle et 6 millions pour le deuxième cycle), ont été ouvertes en loi de finances initiale (LFI) pour 2020 et LFI pour 2021. L'allocation de ces crédits aux universités et l'utilisation qu'elles en font ne sont toutefois pas connues avec précision ; ce défaut de transparence s'explique, en amont, par un manque de directives ministérielles sur le fléchage de ces fonds. Dans le PLF pour 2022, il est prévu une dépense de 27,8 millions d'euros pour la montée en charge de la réforme du deuxième cycle 8 ( * ) - qui avait été retardée d'un an en raison de la crise sanitaire - mais, dans le même temps, une économie de 43,4 millions d'euros induite par la suppression du redoublement en PACES. Les montants engagés depuis 2020 - soit 63,8 millions d'euros - ne sont assurément pas à la hauteur des besoins de formation générés par l'ampleur de la réforme sur l'ensemble des cycles des études en santé , qu'il s'agisse des locaux, des matériels de travaux pratiques, des terrains de stage ou des personnels hospitalo-universitaires encadrants. Faute d'une budgétisation rigoureuse et exhaustive de ces besoins, c'est la qualité de la formation qui risque in fine de se voir affectée.
2. Des avancées concernant la subvention aux établissements d'enseignement supérieur privé, mais des marges de progression persistantes
La revalorisation, en LFI pour 2021, de 9 millions d'euros de la subvention aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG), que le rapporteur appelait de ses voeux depuis plusieurs années en raison de leur participation grandissante à l'accueil des nouveaux étudiants, s'est traduite, en exécution, par un versement de 7 millions d'euros supplémentaires. Cette meilleure effectivité est à souligner, alors qu'en 2020, les 3 millions d'euros supplémentaires votés en LFI pour 2020 ne s'étaient pas concrétisés dans les faits. La rédaction des documents budgétaires continue toutefois à manquer de transparence : pour la deuxième année consécutive, une seule ligne budgétaire rassemble la dotation versée aux EESPIG et celle dédiée aux organismes de formation des enseignants, ce qui ne permet pas de connaître le montant « strictement » dévolu aux établissements et crée une incertitude regrettable. Par ailleurs, une nouvelle clef de répartition de la subvention entre établissements est en cours de discussion : le projet présenté par le ministère, reposant principalement sur un critère quantitatif lié aux effectifs, ne satisfait pour l'instant pas les EESPIG qui voudraient que soient davantage pris en compte leurs choix stratégiques. Le rapporteur sera attentif à l'issue de ce dossier .
Autre avancée notable, dont le rapporteur se félicite après l'avoir demandée à plusieurs reprises au Gouvernement, le taux de mise en réserve dérogatoire appliqué aux EESPIG a enfin été abaissé de 7 % à 4 % . Il demeure cependant toujours supérieur au taux de droit commun de (3 %).
Le rapporteur regrette enfin que le dialogue triennal entre l'État et les établissements privés , inséré à son initiative à l'article 22 de la LPR, n'ait toujours pas été officiellement amorcé , alors qu'il s'agit d'une mesure, non coûteuse, de bonne gouvernance.
3. La nécessité d'une dynamique plus ambitieuse pour relever le défi stratégique de la gestion de l'immobilier universitaire
L'année dernière, le rapporteur avait insisté sur la question de la rénovation énergétique du bâti universitaire, lequel représente à lui seul 20 % du patrimoine immobilier de l'État. Un appel à projets spécifique au secteur était alors en cours dans le cadre du plan de relance. Le rapporteur avait estimé qu'il s'agissait d'une impulsion bienvenue à un dossier resté trop longtemps en suspens, mais qu'une dynamique plus forte était nécessaire au regard du retard pris et de l'ampleur des besoins . En effet, la remise en état des 18 millions de m 2 d'immobilier universitaire requerrait un investissement évalué, par la Conférence des présidents d'université (CPU), entre 1 à 1,5 milliard d'euros par an pendant dix à quinze ans, soit un niveau « bien au-delà des dotations cumulées de France Relance (1,2 milliard d'euros) et des CPER 2021-2027 (3 milliards d'euros) » , ainsi que le constate le rapporteur spécial de la commission des finances dans un récent rapport de contrôle 9 ( * ) .
Deuxième poste de dépense des universités derrière la masse salariale, le patrimoine immobilier se trouve aujourd'hui à la croisée de plusieurs problématiques stratégiques : la transition énergétique, le développement de l'enseignement à distance, la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation, la recherche de nouveaux outils de valorisation... Pour le rapporteur, ces enjeux appellent une approche transversale et une démarche réellement ambitieuse, qui pourraient prendre la forme d'une nouvelle « opération Campus » . Le lancement d'un plan d'investissement d'envergure suppose toutefois certains prérequis, au premier rang desquels une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des évolutions pédagogiques et sociétales à l'oeuvre. Pour reprendre l'expression du directeur de l'immobilier de l'État, « il faut sans doute moins de m 2 pour mieux de m 2 » . Des conditions de bonne gouvernance nécessiteraient également d'être satisfaites du côté des universités, telles que la montée en compétences des équipes chargées de l'immobilier, la nomination systématique d'un vice-président dédié à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Le rapporteur plaide également pour la poursuite du mouvement de dévolution immobilière , dont la troisième vague vient d'obtenir le feu vert ministériel 10 ( * ) : ce processus, dont les résultats ont été très probants pour les deux premières vagues 11 ( * ) , renforce l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation. D'autres leviers juridiques, comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL), mériteraient aussi, selon lui, d'être actionnés.
Premier bilan de l'appel à projets
dédié à la rénovation
énergétique
dans le secteur de l'enseignement supérieur
et de la recherche
Dans le cadre du plan de relance, deux appels à projets ont été lancés le 7 septembre 2020 pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l'État, dont l'un dédié à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR). Au total, une enveloppe de 2,7 milliards d'euros est consacrée à ces deux appels à projets, sur les 4 milliards prévus par « France Relance » pour l'immobilier public, les 1,3 milliard d'euros restants étant destinés aux bâtiments des collectivités.
À la clôture de la procédure de candidature, le 9 octobre 2020, 6 682 projets ont été déposés pour un total de 8,4 milliards d'euros, dont environ 1 600 projets au titre de l'ESR pour un montant de 3,7 milliards d'euros : ces chiffres témoignent de l'intérêt du secteur pour la problématique de la rénovation énergétique et de son bon niveau de préparation, les délais étant particulièrement contraints. À l'issue de la procédure de sélection, le 14 décembre 2020, 4 214 projets ont été retenus, dont 1 054 projets ESR, représentant un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État . La répartition des crédits est la suivante : 700 millions d'euros pour les universités, 250 millions pour les Crous, 140 millions pour les organismes de recherche, 110 millions pour les grandes écoles et 100 millions pour des écoles et organismes relevant d'autres ministères que le Mesri.
Les projets retenus sont variés ; il peut s'agir de grosses réhabilitations (de logements étudiants, de bâtiments d'enseignement) ou de projets structurants (transformation de tout un campus) de plusieurs millions d'euros ou de plus petits projets de quelques centaines de milliers d'euros (changement de chaudière, réfection de toiture, installation de panneaux solaires, etc.). Tous ont en commun d'être soumis à des délais très contraints : les projets doivent en effet être notifiés avant fin 2021 et livrés d'ici fin 2023. D'après la direction de l'immobilier de l'État, auditionnée par le rapporteur, le calendrier de notification est en passe d'être respecté. Le principal enjeu qui se pose aujourd'hui est celui de la dérive des coûts et de la faible disponibilité des entreprises dans le secteur du bâtiment et des travaux publics .
II. UN BUDGET DE SOUTIEN À LA VIE ÉTUDIANTE TRÈS ÉPROUVÉE PAR LA CRISE, QUI SUSCITE PLUSIEURS INQUIÉTUDES
A. LA POURSUITE DE L'AIDE AUX ÉTUDIANTS AFFECTÉS PAR LA CRISE
1. Une réaction volontariste de l'État pendant la crise sanitaire
Comme l'ont montré les travaux de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, dont le rapporteur était membre 12 ( * ) , la précarité étudiante, préexistante à la crise sanitaire, a été aggravée par celle-ci, induisant une très forte sollicitation des services sociaux des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) et des établissements d'enseignement supérieur. Outre l'augmentation des difficultés financières dues à la perte des emplois étudiants comme des gratifications de stage, a été constatée une dégradation de l'état de santé mentale de la population étudiante, causée par l'interruption des échanges sociaux pendant les périodes de confinement.
Face à l'urgence de la situation, le Gouvernement a multiplié, depuis début 2020, les dispositifs de soutien aux étudiants en agissant sur leurs principaux postes de dépenses tels que le logement (gel de l'indexation des loyers en résidence universitaire), la restauration (abaissement du tarif du repas universitaire à un euro, distribution de chèques alimentaires), l'hygiène (distribution gratuite de protections périodiques), en compensant leurs pertes de revenus (versement d'une aide pour perte d'emploi ou de stage), en accordant des aides exceptionnelles (pour l'ensemble des boursiers, pour les étudiants ultra-marins) ou d'urgence aux plus fragilisés (attribution d'aides ponctuelles d'urgence par les Crous), en abondant le fonds de garantie « prêts étudiants », en instaurant un dispositif d'accès à des consultations psychologiques gratuites (« chèque psy »), en prévoyant le recrutement de 80 psychologues et 60 assistantes sociales supplémentaires. Le rapporteur salue l'ensemble de ces initiatives qui ont permis d'amortir le choc économique et social de la crise pour les étudiants. Il rappelle toutefois que les collectivités territoriales, en déployant leurs propres mécanismes de soutien, ont également joué un rôle très important dans la mise en place d'un « filet de sécurité » .
2. Une mobilisation qui continue en 2022
Sur l'enveloppe de moyens nouveaux accordée au programme 231 « Vie étudiante » (+ 179 millions d'euros en crédits de paiement) en 2022, le rapporteur note que plus de 150 millions d'euros sont consacrés aux bourses sur critères sociaux afin de tenir compte, d'une part, de l'évolution à la hausse des effectifs de bénéficiaires (+ 2,85 % en prévisionnel pour l'année universitaire 2021-2022), d'autre part, de la revalorisation de 1 % de leurs montants à la rentrée 2021. Il estime cependant que cette mesure de revalorisation ne règle en rien les nombreuses lacunes du système actuel qui se caractérise par des effets de seuil, des disparités de traitement et une certaine inadaptation des critères d'attribution. Il fait donc sienne la recommandation de la mission d'information consistant en une refonte globale des bourses sur critères sociaux, chantier que le Président de la République avait annoncé 13 ( * ) mais qui n'a pas été mis en oeuvre.
Une ouverture de crédits de 12,1 millions d'euros est par ailleurs fléchée sur la prorogation d'actions d'accompagnement sanitaire et psychologique déployées par les Crous (distribution de protections périodiques gratuites, dispositif des référents en résidences universitaires) qui, jusqu'à présent, étaient financées par la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Le rapporteur approuve cette prise en charge par l'État de mesures qui n'ont, selon lui, pas à être financées par les étudiants . Une dotation de 1,5 million d'euros est également prévue pour le recrutement de 60 assistantes sociales au sein du réseau des oeuvres universitaires.
La restauration et le logement universitaires, qui avaient fait l'objet d'abondements supplémentaires en cours d'exercice 2020 et en LFI pour 2021 compte tenu des importantes pertes d'exploitation subies pendant la crise, voient, pour leur part, leurs crédits augmenter de 4,9 millions d'euros , dont 2 millions au titre de la compensation de la prolongation du gel des loyers universitaires jusqu'au 1 er septembre 2022 et du ticket de « resto U » à un euro . Sur cette dernière mesure, le rapporteur approuve son ciblage sur les étudiants en situation de précarité depuis la rentrée 2021 , son extension à l'ensemble des étudiants n'étant financièrement pas soutenable sur le moyen terme.
B. UNE FRAGILISATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES CROUS QUI OBLIGE À PENSER L'ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DU RÉSEAU
1. Une compensation intégrale des pertes d'exploitation qui n'est pas au rendez-vous
Saluant la très forte mobilisation des Crous pendant la crise, le rapporteur avait, dès l'année dernière, alerté sur le risque de non-compensation intégrale par l'État des pertes d'exploitation subies par le réseau sur les activités de restauration et d'hébergement. Ses inquiétudes se sont révélées fondées .
En 2020, sous l'effet cumulé de l'arrêt de l'activité de restauration (puis de sa reprise sous forme de vente à emporter) et du départ des étudiants des résidences universitaires conjugué au gel des loyers, le réseau a subi des pertes significatives de près de 150 millions d'euros. En compensation, le réseau a obtenu de l'État un financement supplémentaire de 80 millions d'euros sur sa subvention pour charges de service public (auquel se sont ajoutés 20 millions d'euros au titre du repas universitaire à un euro instauré pour les étudiants boursiers à la rentrée 2020). Toutes les pertes d'exploitation n'ayant ainsi pas été compensées, le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) a dû puiser dans son fonds de roulement et procéder à des redéploiements de crédits pour aider les Crous les plus en difficulté.
En 2021, les pertes d'exploitation du réseau (hors conséquence de la généralisation du repas universitaire à un euro pour tous les étudiants entre janvier et août) sont estimées, notamment en raison d'une activité de restauration encore très bouleversée dans les six premiers mois de l'année (présentiel des étudiants limité à 20 % puis 50 % des effectifs, obligation de fournir des repas uniquement sous forme de vente à emporter) à 41 millions d'euros. Même si des économies de masse salariale ont pu être réalisées 14 ( * ) , les pertes nettes s'élèveraient au moins à 32 millions d'euros. Le Cnous a indiqué au rapporteur qu'à ce jour, il ne disposait d'aucune information sur le soutien qui lui serait apporté par l'État. Or celui-ci ne devrait pas intervenir trop tardivement afin que la répartition de ces crédits puisse être faite par le Cnous en temps utile et que les Crous soient en mesure de les utiliser avant la fin de l'exercice. Le rapporteur appelle donc le Gouvernement à rapidement préciser ses intentions quant à son effort de compensation vis-à-vis du réseau, comme il s'y était engagé.
2. Une activité de restauration sous tension
L'année 2021 se déroule dans un contexte très tendu pour les restaurants universitaires : ceux-ci enregistrent en effet une augmentation de leur activité de 20 % en moyenne 15 ( * ) du fait de la hausse des effectifs étudiants et de l'attractivité du repas à un euro. Trois facteurs supplémentaires viennent compliquer la donne : la très grande difficulté à recruter dans le secteur de la restauration (y compris en intérim), les problèmes d'approvisionnement (auxquels est confronté l'ensemble du secteur de la distribution) et l'application du protocole sanitaire. S'en suivent de longues files d'attente devant les restaurants, générant du mécontentement chez les étudiants et de la contestation sociale chez les personnels. Le Cnous se dit complètement démuni face à cette situation, ne disposant d'« aucun levier objectif » pour la débloquer. Le rapporteur attend donc du ministère une réelle prise de conscience et une réaction rapide pour éviter l'éclatement d'un conflit social latent.
3. Une stagnation de plus en plus problématique de la subvention pour charges de service public du réseau
Le rapporteur rappelle que la subvention pour charges de service public du réseau (en dehors des crédits destinés au financement de mesures nouvelles) n'évolue pas depuis plusieurs années . Cette stabilisation devient très problématique alors que le réseau poursuit son développement (ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, avec les recrutements afférents), se voit confier de plus en plus de missions d'accompagnement social des étudiants (nécessitant des recrutements de professionnels et le développement d'outils spécifiques), fait face à des surcoûts de masse salariale 16 ( * ) , et supporte les incidences financières de la loi EGalim sur son activité de restauration 17 ( * ) . Compte tenu de l'ensemble de ces évolutions, le rapporteur juge indispensable de mener une réflexion de fond sur le financement du réseau. À ce titre, il souhaite que les travaux engagés avant la crise sanitaire entre le Cnous et le Mesri sur la rédaction d'une convention d'objectifs et de moyens, qui permette de définir les orientations stratégiques du réseau et les moyens nécessaires correspondants, puissent rapidement reprendre et aboutir.
Une annonce non suivie d'effets : la sortie des
emplois étudiants
du plafond d'emplois des Crous
Le 26 novembre 2020, le Premier ministre avait annoncé plusieurs mesures destinées à soutenir l'emploi étudiant, fortement fragilisé par la crise. Parmi celles-ci figurait la fin de la comptabilisation, dans le plafond d'emplois des Crous, des emplois étudiants, cette mesure devant permettre à la fois d'encourager les jobs étudiants et de dégager de nouvelles marges de manoeuvre de recrutement pour les Crous . Près d'un an plus tard, le Cnous a informé le rapporteur que cette mesure n'était toujours pas effective et que le blocage viendrait d'une circulaire de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP). Interrogée sur ce sujet par le rapporteur lors de son audition devant la commission, le 27 octobre dernier, la ministre a répondu que les Crous n'avaient « pas fait part de la nécessité de rehausser le plafond d'emplois », mais que son ministère était « prêt à agir sur ce plafond s'il devient le facteur limitant » . Le rapporteur appelle donc le Gouvernement à rapidement dialoguer avec le Cnous pour lever ce frein à l'emploi étudiant .
C. LE RISQUE DE DÉNATURATION DE LA CONTRIBUTION DE VIE ÉTUDIANTE ET DE CAMPUS (CVEC)
Ayant régulièrement déploré le manque d'informations et de transparence sur l'usage de la CVEC, le rapporteur se félicite que la commission, par la voix de ses rapporteurs Céline Boulay-Espéronnier et Bernard Fialaire 18 ( * ) , en ait dressé un premier bilan dans le cadre de son programme de contrôle. Il estime, pour sa part, que le « péché originel » de la CVEC réside dans son intitulé même : à partir du moment où l'on parle de contribution, ceux qui s'en acquittent sont en droit d'attendre un retour effectif sur investissement . Or, tel n'est clairement pas le cas pour l'ensemble des étudiants, comme le montre le rapport d'information. Il partage donc pleinement les préconisations visant à une gestion plus transparente, plus lisible et plus équitable de la CVEC .
Au titre de l'année universitaire 2020-2021, le produit de la collecte de la CVEC devrait, selon les prévisions, s'établir autour de 150 millions d'euros (contre 137,9 millions d'euros au titre de l'année 2019-2020). Le dynamisme de ces recettes explique pourquoi la CVEC a constitué un précieux levier d'intervention en période de crise pour venir en aide aux étudiants, notamment pour le financement de mesures ne relevant pas directement de son périmètre (satisfaction des besoins alimentaires, achat d'équipements informatiques, distribution de protections périodiques...). Depuis le début de la crise, 77 % de l'utilisation de la CVEC concerne des actions dans le domaine social. Dans ce contexte, le rapporteur appelle à ne pas détourner la CVEC de sa cible première, à savoir l'amélioration de la vie étudiante et de campus, et à ne pas substituer les crédits CVEC aux dotations de l'État s'agissant de la prise en charge sanitaire et sociale des étudiants .
La CVEC dans le PLF pour 2022
Depuis la création de la CVEC, le rapporteur suit avec attention le niveau du plafond de recettes prévisionnelles fixé en loi de finances , celui-ci ayant été sous-calibré la première année d'entrée en vigueur de cette nouvelle taxe affectée. Dans le PLF pour 2022, le plafond de la CVEC est relevé de 15 millions d'euros pour atteindre 165 millions pour l'année universitaire 2021-2022. Le rapporteur note que cette augmentation est conforme aux prévisions d'évolution des recettes , qui intègrent à la fois un effet volume - l'augmentation du nombre d'étudiants en raison du taux très élevé de réussite au baccalauréat - et un effet prix - l'indexation de la CVEC sur l'inflation. Il continue cependant de regretter le manque de données permettant de suivre précisément l'utilisation de la CVEC .
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 3 novembre 2021, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2022.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 3 NOVEMBRE 2021
M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - L'exercice budgétaire 2022 revêt une dimension particulière puisqu'il s'agit du dernier budget du quinquennat, offrant l'occasion de regarder l'évolution des engagements financiers de l'État sur les cinq dernières années et de dresser un bilan de l'action menée par la majorité.
S'agissant du budget de l'enseignement supérieur, reconnaissons que des efforts substantiels ont été réalisés, avec une constance dans la progression qui est assez rare pour être saluée. Les crédits alloués aux deux programmes « Enseignement supérieur », regroupant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et le programme 231 « Vie étudiante », sont ainsi passés de 16,1 milliards d'euros en 2018 à 17,3 milliards d'euros en 2022, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros, c'est-à-dire 7,4 %.
Cependant, rapportée à la hausse continue du nombre d'étudiants, elle-même amplifiée par les taux exceptionnels de réussite au baccalauréat en 2020 et 2021, cette progression est bien moins reluisante que ne le laisse penser la présentation communicante du ministère. En conséquence de cet effet de ciseau, la dépense moyenne par étudiant continue son décrochage, amorcé il y a une dizaine années.
Loin d'envisager cet exercice de rapporteur budgétaire comme une critique fallacieuse, je me dois de réaffirmer devant vous qu'avoir maintenu la dépense publique en dessous des besoins est un choix politique périlleux, alors que les retombées positives de l'investissement dans l'enseignement supérieur en termes de formation, d'innovation et de croissance ne sont plus à démontrer. Je crois aussi qu'il a manqué, au cours de cette législature, une évaluation fine et exhaustive des besoins du secteur, la définition d'une stratégie d'action, à laquelle une loi de programmation de l'enseignement supérieur aurait pu donner corps, mais aussi une certaine vision de ce que doit être l'enseignement supérieur. Ainsi, comment ne pas regretter que le constat du Président de la République sur le sous-investissement dans l'enseignement supérieur, dressé lors de sa présentation du plan « France 2030 », intervienne si tard dans le quinquennat et n'ait pas donné lieu à un sursaut plus tôt ?
Globalement, le PLF pour 2022 reflète bien ce bilan quinquennal en demi-teinte : des moyens supplémentaires sont attribués, mais dans des proportions qui ne permettent pas de répondre pleinement aux défis conjoncturels et structurels de l'enseignement supérieur.
S'agissant tout d'abord du budget consacré aux établissements dans le programme 150, l'essentiel de la hausse des crédits, de 193 millions d'euros, est consacré au financement du volet ressources humaines de la LPR et de divers dispositifs indemnitaires et statutaires, c'est-à-dire à des mesures portant sur la masse salariale. Or je rappelle que la principale problématique en la matière, à savoir le financement du glissement vieillesse technicité (GVT), n'aura pas été traitée sous le quinquennat, maintenant les établissements dans une situation financière très préoccupante, qualifiée par certains de « mise sous respiration artificielle ». Confrontés à une progression toujours très dynamique de leurs dépenses de masse salariale, qui ne sont désormais plus systématiquement compensées par l'État, ceux-ci ne sont en effet pas en mesure de dégager les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à l'accueil d'un flux toujours plus soutenu d'étudiants.
Je souhaite ensuite vous faire part d'un point de vigilance sur le financement de la réforme des études de santé. Sur les modalités de sa mise en oeuvre, on pourra se référer au rapport d'information déposé par Sonia de La Provôté le 12 mai dernier. Le PLF pour 2022 prévoit une dépense de 27,8 millions d'euros pour la montée en charge de la réforme du deuxième cycle, retardée d'un an en raison de la crise sanitaire, et une économie de 43,4 millions d'euros par la suppression du redoublement en première année commune des études de santé (Paces). Les crédits engagés sur les trois derniers exercices budgétaires s'élèvent donc à 63,8 millions d'euros, montant qui, de l'avis de l'ensemble des parties prenantes à cette réforme, n'est clairement pas à la hauteur des besoins de formation en termes de locaux, de matériels, de terrains de stage ou de taux d'encadrement. Là encore, il semble qu'une budgétisation rigoureuse et exhaustive de ces besoins fasse défaut. En définitive, c'est la qualité de la formation qui risque d'en payer le prix.
Un deuxième point d'attention porte sur la subvention versée aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig). Je salue d'abord deux avancées, que je réclamais depuis plusieurs années : une meilleure exécution des hausses de crédits votées et un abaissement du taux de mise en réserve de 7 % à 4 %, soit un niveau proche du taux de droit commun de 3 %. J'ai néanmoins été alerté sur des travaux en cours au ministère portant sur une nouvelle clé de répartition de la subvention entre établissements : à ce stade, il semblerait qu'une pondération trop importante soit attribuée aux critères quantitatifs, dont le niveau des effectifs, au détriment des critères qualitatifs parmi lesquels les choix stratégiques des établissements. Je resterai donc attentif aux suites données à ce dossier, qui aurait mérité d'être abordé dans le cadre du dialogue triennal entre l'État et les établissements privés, mesure intégrée à la LPR sur l'initiative du Sénat. Ce dialogue n'a toujours pas été officiellement amorcé, alors qu'il s'agit d'une mesure non coûteuse de bonne gouvernance.
Mon troisième point de vigilance concerne l'immobilier universitaire, sujet sur lequel j'avais déjà insisté l'année dernière à l'occasion du lancement, dans le cadre du plan de relance, d'un appel à projets spécifique au secteur. Celui-ci a donné de bons résultats : 1 054 projets ont été sélectionnés, pour un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État. Il s'agit d'une impulsion bienvenue à un dossier resté trop longtemps en suspens, mais une dynamique plus forte est nécessaire au regard du retard pris et de l'ampleur des besoins, évalués par la Conférence des présidents d'université entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an pendant dix à quinze ans.
La gestion du patrimoine immobilier universitaire est devenue un enjeu stratégique majeur, à la croisée de nombreuses problématiques, comme la transition énergétique, le développement de l'enseignement à distance ou encore la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation. Je plaide donc pour une approche transversale et une démarche ambitieuse, qui pourraient prendre la forme d'une nouvelle « opération Campus ». Le lancement d'un plan d'investissement d'envergure suppose toutefois une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des évolutions pédagogiques et sociétales en cours et des conditions de bonne gouvernance au niveau des universités, telles que la montée en compétences des équipes chargées de l'immobilier, la nomination systématique d'un vice-président dédié à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Il faut également activer certains leviers juridiques, comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL) et la poursuite du mouvement de dévolution immobilière : ces outils présentent l'avantage de renforcer l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation.
J'en viens maintenant au budget consacré à la vie étudiante, c'est-à-dire le programme 231, thématique qui nous a beaucoup mobilisés cette année dans le cadre de nos travaux de contrôle.
Tout d'abord, sur la gestion des conséquences de la crise pour les étudiants, l'État a fait preuve d'un volontarisme certain en multipliant les initiatives pour amortir le choc économique et social. Je tiens toutefois à souligner que les collectivités territoriales, en déployant leurs propres mécanismes de soutien, ont également joué un rôle très important dans la mise en place d'un filet de sécurité.
Dans le cadre du PLF pour 2022, sur l'enveloppe de moyens nouveaux accordée au budget consacré à la vie étudiante, de 179 millions d'euros, plus de 150 millions d'euros sont consacrés aux bourses sur critères sociaux, afin de tenir compte de la hausse des effectifs de bénéficiaires, qui atteint 2,85 %, et de la revalorisation de 1 % de leurs montants à la rentrée 2021. On est cependant très loin du grand chantier de réforme des bourses annoncé par le Président de la République en début d'année pour répondre aux lacunes du système actuel, bien pointées par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France dont le président Laurent Lafon était rapporteur.
Une ouverture de crédits de 12,1 millions d'euros est par ailleurs fléchée vers la prorogation d'actions d'accompagnement sanitaire et psychologique déployées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) pendant la crise, avec la distribution de protections périodiques gratuites et le dispositif des référents en résidences universitaires. Jusqu'à présent, ces actions étaient financées par la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Je souscris pleinement à cette prise en charge par l'État de mesures qui n'ont pas à être financées par les étudiants via la CVEC.
Je précise que, depuis le début de la crise, 77 % de l'utilisation de la CVEC concernent des actions dans le domaine social. Je partage donc totalement les recommandations de Céline Boulay-Espéronnier et de Bernard Fialaire, formulées dans leur rapport d'information sur la CVEC, appelant à ne pas détourner cette dernière de sa cible première, à savoir l'amélioration de la vie étudiante et de campus.
Je précise par ailleurs qu'une dotation de 1,5 million d'euros est prévue pour le recrutement de 60 assistantes sociales au sein du réseau des oeuvres universitaires et scolaires.
Je voudrais, en dernier point, insister sur la situation financière des Crous, dont on sait la très forte mobilisation pendant la crise. L'année dernière, j'avais alerté sur le risque de non-compensation intégrale par l'État des pertes d'exploitation subies par le réseau sur ses activités de restauration et d'hébergement. Ces inquiétudes se sont malheureusement révélées fondées : en 2020, le réseau a subi des pertes de près de 150 millions d'euros. En compensation, il a obtenu de l'État un financement supplémentaire de 80 millions d'euros sur sa subvention pour charges de service public. Le compte n'y étant pas, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) a dû puiser dans son fonds de roulement et procéder à des redéploiements de crédits pour aider les Crous les plus en difficulté.
En 2021, les pertes nettes du réseau, hors conséquences du repas à un euro, sont estimées à au moins 32 millions d'euros. Or, le Cnous m'a indiqué qu'à ce jour, il ne disposait d'aucune information sur le soutien qui lui serait apporté par l'État. J'appelle donc le Gouvernement à tenir ses engagements de compensation intégrale vis-à-vis du réseau, comme la ministre Frédérique Vidal s'y était engagée devant nous l'année dernière.
Concernant plus particulièrement les restaurants universitaires, l'année 2021 marque une forte augmentation de leur activité, de 20 % en moyenne, du fait de la hausse des effectifs étudiants et de l'attractivité du repas à un euro. Trois facteurs compliquent la donne : la très grande difficulté à recruter dans le secteur de la restauration, les problèmes d'approvisionnement et l'application du protocole sanitaire. S'ensuivent de longues files d'attente devant les restaurants, générant du mécontentement chez les étudiants et de la contestation sociale au sein du personnel. Le Cnous se dit démuni face à cette situation. Je n'ai cependant pas eu le sentiment, lors de son audition la semaine dernière, que la ministre avait pleinement pris la mesure de l'urgence de la situation...
C'est dans ce contexte compliqué que la subvention pour charges de service public du réseau continue de stagner, ce qui devient de plus en plus problématique au regard de la poursuite de son développement, (ouverture de nouvelles structures, élargissement de ses missions d'accompagnement social des étudiants), des surcoûts de masse salariale, notamment le GVT, et des conséquences financières de la loi Égalim. J'espère donc que les travaux engagés avant la crise sanitaire entre le Cnous et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) sur la rédaction d'une convention d'objectifs et de moyens qui définisse les orientations stratégiques du réseau et les moyens nécessaires correspondants pourront rapidement reprendre et aboutir.
Bien que partagé entre vigilance et déception, je propose à la commission, compte tenu de la hausse des crédits des programmes 150 et 231 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et du respect de la trajectoire votée dans la LPR, d'émettre un avis favorable sur leur adoption.
M. Pierre Ouzoulias . - Je salue vivement le travail approfondi et critique de Stéphane Piednoir, poste par poste. Nous eussions aimé que vous allassiez jusqu'à émettre un avis défavorable !
Ce quinquennat n'a guère permis de sortir l'université de l'ornière. La baisse du budget par étudiant est inquiétante, et les universités n'arrivent plus à les accueillir. Par exemple, à l'université de Nanterre, celle de mon département, 99 % de la masse salariale est mobilisée, ce qui veut dire que son président ne peut plus recruter même des contractuels pour obtenir un taux d'encadrement satisfaisant. Pour cette seule université, le GVT représente un coût qui augmente d'un demi-million d'euros par an.
Sur la vie étudiante, je regrette qu'il n'y ait pas eu au moins une réflexion sur le système des bourses, ce qui était l'une des conclusions de notre mission d'information. La ministre a reconnu la précarité d'étudiants non boursiers : dans ces conditions, à quoi servent les bourses ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé hier le contrat d'engagement jeune. Ce sont 500 millions d'euros qui seront introduits par voie d'amendement ; on a l'impression que la discussion budgétaire est mise au profit de la propagande du candidat Emmanuel Macron ! Or, dans ce contrat, il n'y a rien pour les étudiants, comme s'ils n'avaient pas de problème. Les files d'attente des étudiants devant les soupes populaires ont disparu des écrans, mais la précarité étudiante est toujours là et le Cnous continue à y consacrer beaucoup de moyens.
Le Gouvernement pense très peu à la jeunesse, notamment estudiantine. C'est pourquoi le groupe CRCE ne pourra pas vous suivre dans votre avis.
M. Max Brisson . - Je remercie moi aussi Stéphane Piednoir pour la qualité de son rapport. Que n'aurait-il dit si son avis avait été défavorable ?
La hausse de crédits ne masque pas l'absence totale de vision stratégique depuis cinq ans. Or, c'est la première fois, pour ce jeune ministère, qu'une ministre est aussi longtemps restée en poste. Si l'on dresse un parallèle avec celui de l'éducation nationale, pour trouver un ministre resté en poste plus longtemps que Jean-Michel Blanquer, il faudrait remonter à Joseph Fontanet ! Au travers de ce budget, nous pouvons donc parler du « ministère Vidal », pour lequel je constate donc, comme le rapporteur, l'absence de vision stratégique, aussi bien sur les enjeux de l'enseignement supérieur que sur le bâti scolaire et les problèmes de ressources humaines.
Jean-Michel Blanquer n'est pas exempt de tout reproche, mais au moins il porte un discours. Ici, on cherche le discours, et son absence n'est pas compensée par les réponses apportées au coup par coup, sous les effets de l'actualité. Comme il l'a été sur d'autres sujets, le chef de l'État lui-même pourrait devenir le meilleur soutien de l'argumentation du Sénat...
Derrière ces réformes permanentes, les jeunes étudiants ont été malmenés. Vous l'avez évoqué au sujet du GVT, du bâti scolaire et des Crous.
Le groupe Les Républicains fait confiance au rapporteur. Compte tenu de la trajectoire budgétaire, nous appuyons son avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Mme Sylvie Robert . - Merci pour votre lucidité et les nuances que vous exprimez sur un budget conduit depuis plusieurs années par une seule ministre. Notre appréciation peut être formulée à la lumière de notre effort collectif, qui a consisté à asséner des recommandations au fil des ans, malheureusement non suivies.
Il y a bien une absence de vision stratégique. Je vais cependant évoquer un mot que vous n'avez pas prononcé, qui est celui d'anticipation. Les projections démographiques sur le nombre d'étudiants étaient déjà connues il y a cinq ans. Certes, comme dans la recherche, la ministre a hérité d'un sous-financement chronique, mais un rattrapage était nécessaire, d'autant que les projections étaient là. Même si elle n'a pas apprécié de l'entendre lors de son audition, il y a bien une baisse de la dépense moyenne par étudiant. Celle-ci n'est peut-être plus le principal mode de calcul mais, dans ce cas, quels sont les critères de répartition des crédits entre établissements dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, qui est la nouvelle démarche ?
Ce bilan n'est pas en demi-teinte. Faute d'une prise en compte de l'augmentation structurelle de leurs besoins, notamment avec le GVT, nous savions que les universités se trouveraient en grande difficulté, et c'est ce qui arrive aujourd'hui.
Enfin, les difficultés psychologiques et économiques des étudiants se sont aggravées durant la crise sanitaire. Or vous dites qu'il n'y a pas eu compensation intégrale par le ministère des pertes financières des Crous. J'observe, pour ma part, une baisse des financements et l'absence de fléchage du suivi psychologique dans les documents budgétaires malgré l'engagement de 3,5 millions d'euros pour 2022. Nous devons rester vigilants afin d'éviter de réelles difficultés pour les universités à partir des prochaines années.
Pour toutes ces raisons, le groupe SER s'abstiendra. Je souligne qu'il est difficile de donner un avis sur des budgets qui augmentent, mais dont vous avez pointé, très justement, les écueils.
M. Jean Hingray . - Le groupe UC suivra l'avis favorable du rapporteur, mais avec un goût amer : on dépense plus d'argent, mais on a l'impression de pousser sans succès une ministre, en poste depuis cinq ans, à réaliser des réformes structurelles.
Mis à part quelques points positifs comme l'augmentation du budget consacré au logement étudiant, il y a eu un problème de réactivité durant la crise pour répondre aux attentes de la population estudiantine, que nous avons régulièrement dénoncé à l'occasion des séances de questions au Gouvernement.
Mme Monique de Marco . - Merci pour cet éclairage critique.
Je retiens une forte hausse du nombre d'étudiants, 34 000 de plus cette année, et une augmentation insuffisante du budget. J'ai été surprise par le nouveau mode de calcul du dialogue stratégique et de gestion qui tend à démontrer que les dépenses par étudiant sont stables. Je m'en tiens plutôt aux analyses de Thomas Piketty et de Lucas Chancel, qui montrent que la dépense moyenne par étudiant diminue depuis dix ans.
Vous soulignez aussi la problématique des bourses. Il semble que la réforme d'ampleur du système ait été abandonnée malgré les demandes de toutes les associations étudiantes.
N'eût été que le rapport, nous l'aurions approuvé, mais le GEST votera contre l'adoption de ces crédits.
M. Jacques Grosperrin . - Nous sommes tous gênés aux entournures. Je suivrai bien sûr l'avis du rapporteur, mais des moyens supplémentaires suffisent-ils pour approuver un tel budget ? Au Sénat oui, à l'Assemblée nationale, non. Je m'interroge sur les politiques du Gouvernement, alors que le signal envoyé par un vote positif du Sénat pourrait troubler le monde universitaire, qui nous fait part de ses difficultés. Nous allons voter un budget sans vision stratégique depuis cinq ans.
Sur la dévolution immobilière, le rapporteur en a parlé, la dotation allouée par l'État est de 407 millions d'euros. Toutefois, les présidents d'université rappellent que ce montant est inférieur aux besoins et que les crédits ne sont pas sanctuarisés.
La ministre a parlé d'expérimentations. Pourquoi les présidents d'université ne veulent-ils pas de cette dévolution ? Est-ce un problème de cadre juridique, ou bien d'ouverture du capital ? Faut-il un mode dérogatoire de calcul de la taxe foncière ?
M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis . - Pour répondre à Jacques Grosperrin, je précise qu'il existe une grande disparité de situations selon les universités. Il faudra certainement engager une réflexion sur la réduction du patrimoine immobilier de certaines d'entre elles. En tout état de cause, j'appelle de mes voeux un changement du cadre juridique actuel, afin que les établissements d'enseignement supérieur puissent à l'avenir investir et emprunter, ce qui n'est pas permis aujourd'hui. Ils devraient aussi pouvoir recourir à des outils juridiques nouveaux comme les SPL.
Mes chers collègues, je ne peux que rappeler les points de vigilance sur lesquels j'ai insisté et les critiques que j'ai pu émettre lors de ma présentation. Chacun a bien conscience de la force de la communication ministérielle, puisqu'à l'augmentation du budget des programmes 150 et 231 se conjuguent les moyens figurant dans la LPR, les crédits du plan de relance ou encore ceux du plan « France 2030 ». Cet effet de masse peut effectivement donner l'illusion d'une révolution du financement de l'enseignement supérieur.
Il est complexe dans de telles conditions d'émettre un avis de principe, et il aurait certainement été plus facile pour moi d'adopter une position plus tranchée s'il s'était agi de nous prononcer sur une trajectoire ou une vision stratégique pluriannuelle, comme ce fut le cas pour la LPR. Néanmoins, s'agissant d'un exercice budgétaire annuel celui du PLF pour 2022, il me paraît raisonnable d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Laurent Lafon , président . - Deux autres de nos collègues souhaitent s'exprimer avant que la commission ne rende son avis.
Mme Sonia de La Provôté . - On peut évidemment considérer que la réflexion doit porter sur les grandes masses budgétaires mais, à mon sens, c'est la ventilation des crédits qui compte.
Prenons l'exemple de la réforme de l'accès aux professions de santé : les moyens sont clairement insuffisants et les problèmes persistent sur le terrain : c'est d'une certaine façon une situation grave qui s'institutionnalise. Rien que pour cette raison, il me semble difficile de ne tenir compte que du montant global des crédits dédiés à l'enseignement supérieur pour se prononcer sur ce budget.
Mme Céline Brulin . - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Toutefois, je partage pleinement les propos de Sonia de La Provôté. L'absence de vision stratégique de l'actuel Gouvernement est regrettable à un moment où la crise sanitaire a révélé de graves problèmes de démographie médicale. Alors que les études médicales sont parmi les formations les plus demandées dans Parcoursup, il est plus que temps d'accompagner la fin du numerus clausus en augmentant les moyens consacrés à ces filières.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 5 octobre 2021
- Direction générale des finances publiques - Direction de l'immobilier de l'État : MM. Alain RESPLANDY-BERNARD , directeur de l'immobilier de l'État, et Alain JOSSERAND , chef de bureau.
Jeudi 7 octobre 2021
- Conférence des présidents d'université : M. Pierre MUTZENHARDT , président de la commission moyens et personnels, M. Michel DELACASAGRANDE , consultant, Mme Sibylle ROCHAS , chargée de mission, et M. Kévin NEUVILLE , conseiller relations institutionnelles et parlementaires.
- Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif : Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC , déléguée générale, M. Germain COMERRE , chargé de relations institutionnelles et animation réseau.
Mardi 12 octobre 2021
- Centre national des oeuvres universitaires et scolaires : Mmes Dominique MARCHAND , présidente, et Laurence SORRET , sous-directrice.
Mardi 19 octobre 2021
- Conférence des grandes écoles : MM. Laurent CHAMPANEY , président, et Hugues BRUNET , délégué général, et Mme Océane ROUSSEAU , responsable du pôle affaires publiques, partenariats entreprises et formation.
ANNEXE
Audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
MERCREDI 27 OCTOBRE 2021
M. Laurent Lafon , président . - Nous poursuivons cet après-midi notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances pour 2022 en accueillant Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Avant de nous présenter le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2022 - auquel viennent s'ajouter des crédits de la mission « Relance » - il me semble important que vous nous donniez des informations sur le déroulement de la rentrée dans les établissements d'enseignement supérieur, sur le plan tant sanitaire - avec la reprise des cours en présentiel en métropole et avec des cours restant en mode hybride dans des collectivités d'outre-mer -, que des capacités d'accueil, compte tenu de la poursuite de la hausse des effectifs, liée notamment au taux exceptionnel de réussite au baccalauréat cette année.
Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que notre commission a beaucoup travaillé ces derniers mois sur l'enseignement supérieur et la recherche dans le cadre de son programme de contrôle, que ce soit dans le cadre de la mission, confiée au printemps à notre collègue Sonia de La Provôté, sur la mise en oeuvre de la réforme des études de santé ou avec la mission d'information, conduite par Céline Boulay-Espéronnier et Bernard Fialaire sur la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). De nombreux membres de la commission ont également participé activement à la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, présidée par Pierre Ouzoulias et dont j'étais le rapporteur. Nous souhaiterions donc vous entendre plus spécifiquement sur ces trois sujets, sur lesquels nous avons émis des propositions.
En matière de recherche, secteur qui nous avait intensément mobilisés en 2020, l'année 2021 est la première année de mise en oeuvre de la loi de programmation pour la recherche (LPR) et le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 est la traduction de sa deuxième marche budgétaire. Nous sommes évidemment très intéressés de savoir où vous en êtes de la publication des décrets d'application qui conditionnent l'entrée en vigueur de plusieurs nouveaux dispositifs, et si les engagements budgétaires ambitieux, pour lesquels nous avons oeuvré, sont bien au rendez-vous.
Après votre intervention liminaire, je donnerai la parole successivement à nos rapporteurs budgétaires Stéphane Piednoir, pour l'enseignement supérieur, et Laure Darcos, pour la recherche, puis aux orateurs des groupes et aux membres de la commission qui souhaiteront vous poser des questions.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - L'exercice 2022 est le cinquième budget que j'ai l'honneur de vous présenter et j'en suis particulièrement fière, car il traduit, poursuit et consacre tout l'engagement de ce gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que des étudiants et des personnels, dont je tiens à saluer l'engagement, le courage et la résilience pendant la période de crise sanitaire. Dans l'ensemble des établissements - j'ai pu le constater en me déplaçant sur de nombreux sites, c'est le plaisir de retrouver les cours et la vie étudiante en présentiel qui domine. Je salue aussi l'esprit de responsabilité des étudiants, qui ont massivement répondu à l'appel à la vaccination sans laquelle cette rentrée n'aurait pas été possible. Les 18-24 ans ont un taux de vaccination excellent, et il est encore supérieur pour les étudiants. De nombreux établissements ont ainsi un taux de couverture de 100 % et ont mis en place des dispositifs sur site pour accueillir les étudiants internationaux qui n'avaient pu être pleinement vaccinés dans leur pays d'origine.
Ce cinquième budget est celui de la continuité et de l'aboutissement. Il représente 24,8 milliards d'euros de crédits au sein des 29,2 milliards d'euros de la mission « Recherche et enseignement supérieur », soit une hausse de 717 millions d'euros et de 650 emplois par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Jamais un gouvernement n'avait déployé de tels moyens pour son enseignement supérieur, sa recherche et son innovation.
Ces 717 millions d'euros supplémentaires se décomposent en trois principales briques : la deuxième marche de la LPR, qui représente 472 millions d'euros, la vie étudiante, à hauteur de 179 millions d'euros, et le programme « Enseignement supérieur et recherche universitaire », pour 66 millions d'euros, avec un effort particulier pour l'accompagnement des étudiants.
Avec ces trois briques, nous poursuivons la dynamique enclenchée dès 2017 avec le « Plan Étudiants » puis la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), qui a permis de créer plus de 83 000 places dans l'enseignement supérieur public.
Avec ces trois briques, nous faisons deux fois plus en une seule année que sous l'ensemble du précédent quinquennat. Depuis 2017, ce sont 2,4 milliards d'euros qui ont ainsi été ajoutés au budget de la recherche et l'enseignement supérieur, auxquels il faut ajouter les crédits du plan « France Relance », du programme d'investissements d'avenir (PIA) et du plan « France 2030 ».
Cette trajectoire et cet engagement, nous les avons construits avec la représentation nationale, et je tiens à saluer l'ensemble des travaux menés par le Sénat ces cinq dernières années, qu'il s'agisse des travaux sur la CVEC de Mme Céline Boulay-Espéronnier et de M. Bernard Fialaire, de ceux de Mme Sonia de La Provôté sur la réforme des études de santé, ou encore ceux de M. Pierre-Antoine Levi sur la restauration étudiante. Je pense bien évidemment aussi à votre engagement à tous lors de l'examen de la LPR l'an dernier ou, plus récemment, aux travaux de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France.
Concernant la condition étudiante, nos étudiants ont été tout particulièrement affectés par la crise, et ils sont une fois encore l'absolue priorité de mon ministère. C'est ainsi que 179 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2022 à l'amélioration des conditions de vie étudiante, dont 151 millions d'euros pour les bourses sur critères sociaux. Près de 20 millions d'euros soutiendront les actions à destination des étudiants déployées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).
Cet engagement envers nos étudiants se traduit par une revalorisation des bourses sur critères sociaux (BCS) qui représentent 2,4 milliards d'euros d'aides directes. En cette rentrée 2021, les montants des bourses ont été revalorisés pour la troisième année consécutive, de 1 %. Ils avaient déjà été rehaussés de 1,2 % à la rentrée 2020 et de 1,1 % à la rentrée 2019.
L'augmentation prévisionnelle du nombre de boursiers a été prise en compte dans ce budget. La mise en paiement à date fixe des bourses sur critères sociaux le 5 de chaque mois bénéficie à l'ensemble des étudiants et, comme l'année dernière, tous ceux qui avaient un dossier complet ont pu recevoir le versement anticipé de leur première mensualité de bourse.
La lutte contre la précarité alimentaire continue d'occuper une place centrale dans notre action. C'est pourquoi nous poursuivons cette année la mesure du repas à un euro pour les étudiants, boursiers et non-boursiers, précaires. Ce dispositif a permis de servir 14,4 millions de repas entre janvier et juin 2021, et pour le seul mois de septembre, plus de 2 millions de repas à un euro ont été servis par les Crous. Ce dispositif est financé à hauteur de 49 millions d'euros dans le projet de budget pour 2022. Toutefois, ce n'est pas la seule mesure que nous mettons en oeuvre : tous les étudiants bénéficient d'un repas complet, équilibré et de qualité au tarif social de 3,30 euros, et ce grâce à la contribution de l'État et l'impulsion donnée par la proposition de loi de M. Levi, qui a permis de révéler un angle mort de nos politiques publiques. Nous allons ainsi déployer des dispositifs d'accès à la restauration dans les territoires les plus éloignés des métropoles universitaires et de leurs services de restauration.
Les Crous assurent aussi le déploiement de distributeurs de protections périodiques gratuites. Ce dispositif sera amplifié, avec un financement de 8 millions d'euros en 2022.
Parmi les mesures déployées pendant la crise et qu'il m'a semblé impératif de pérenniser, je voudrais mentionner les référents étudiants. Leur apport a été considérable, et ils seront plus de 1 000 cette année, salariés par les Crous au plus près de leurs pairs. Je rappelle également que 20 000 postes de tuteurs étudiants ont été créés à l'automne dernier et qu'ils sont eux aussi reconduits pour cette rentrée. Depuis janvier, plus de 3,6 millions d'heures de tutorat ont été dispensées.
L'accompagnement psychologique des étudiants mis en place en 2021 se poursuivra également en 2022, comme vous le préconisiez d'ailleurs dans les conclusions de la mission d'information. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : 70 000 séances ont été dispensées par plus de 1 700 professionnels, via la plateforme ou par le biais des services de santé universitaires.
Un autre élément majeur de la vie étudiante est le logement. C'est pourquoi le gel de l'indexation des loyers des résidences universitaires est prolongé jusqu'à la rentrée 2022.
Enfin, les étudiants vont bénéficier du bouclier énergie annoncé par le Premier ministre la semaine dernière, et ils seront ainsi concernés par l'indemnité inflation. Les boursiers et, au-delà, tous les étudiants, salariés ou sans activité, en situation d'autonomie, c'est-à-dire disposant de leur propre foyer fiscal, bénéficieront de cette indemnité de 100 euros. En tout, 1,7 million d'étudiants seront concernés, et ce sans démarche particulière à faire.
La CVEC est aussi utilisée par les Crous et les établissements continuent d'accompagner les étudiants les plus fragiles, avec des cartes d'achat, la livraison de matériels informatiques et des abonnements. On va ainsi au-delà des objectifs initiaux de la CVEC, qui étaient l'accompagnement de la santé étudiante et le soutien aux initiatives étudiantes pour la vie de campus.
En outre, 66 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2022 au programme « Vie étudiante », et permettront d'abonder la subvention pour charges de service public versée aux établissements.
Cela permettra tout d'abord de renforcer les actions en faveur de la réussite étudiante, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) et du plan « Égalité des chances », et avec les moyens complémentaires de « France Relance », pour mieux répondre à la diversité des profils des étudiants et accueillir les nouveaux bacheliers. Le volet financier du « Plan Étudiants », je le rappelle, avait été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Cette programmation, respectée à l'euro près, a été amplifiée par les financements issus du plan de relance.
Il s'agit ensuite de poursuivre la réforme des études de santé, sur laquelle vous êtes tout particulièrement mobilisés. Ainsi, le nombre de places dans les filières de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie augmente à nouveau cette année ; les enseignements et leurs modalités d'évaluation s'appuieront davantage sur des mises en situation pratiques, notamment dans le second cycle.
Je tiens à le rappeler, grâce à cette réforme, ce sont 17 660 places qui ont été offertes dans les quatre filières que je viens de mentionner pour la rentrée 2021, soit 2 663 de plus que pour la rentrée 2020. Cette augmentation concerne particulièrement la filière médecine avec 11 173 places ouvertes cette année, soit 1 812 nouvelles places. Cette augmentation est inédite depuis cinquante ans.
Ce budget pour 2022 traduit, enfin, l'engagement continu et résolu de mon ministère pour la recherche française. La LPR, que vous avez adoptée il y a maintenant un an, prévoit un réinvestissement massif et progressif de 25 milliards d'euros sur dix ans. En 2021, cette première marche nous avait permis d'abonder de 400 millions d'euros supplémentaires le budget de la recherche, contre 472 millions d'euros cette année.
Dans le détail, 334 millions d'euros seront consacrés au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 138 millions d'euros au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».
Ces crédits permettront d'abord d'améliorer la rémunération des personnels, à hauteur de 114 millions d'euros supplémentaires. Ce montant représente la deuxième marche des mesures prévues par la LPR et l'accord syndical du 12 octobre 2020, après les 92 millions d'euros déjà engagés en 2021. Il s'agit ainsi d'améliorer la rémunération de tous : chercheurs, ingénieurs, techniciens, fonctionnaires et contractuels, dans les organismes comme dans les universités. Outre ces hausses de rémunération, 800 postes de maître de conférences deviendront des postes de professeur d'université.
Pour les personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé (BIATSS), en plus de la revalorisation du point d'indice pour les catégories C, nous allons ouvrir au cours de l'année universitaire 1 046 transformations d'emplois vers la catégorie supérieure. De plus, 17 millions d'euros permettront de revaloriser l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et d'engager la convergence indemnitaire prévue par l'accord syndical précité.
Par ailleurs, 16 millions d'euros supplémentaires permettront de poursuivre les actions déployées en faveur des étudiants qui s'engagent dans une thèse. Il s'agit d'augmenter à la fois le nombre de thèses financées par l'État de 20 % pour qu'une majorité de doctorants bénéficie d'une solution de financement, et le montant minimal réglementaire de la rémunération des doctorants de 30 %, soit 1,5 SMIC, à l'horizon de 2023. C'est la première fois qu'un gouvernement s'engage à ce point pour ses doctorants. Ainsi, 279 contrats doctoraux supplémentaires ont été conclus cette année, avec une première augmentation de 100 euros brut par mois pour les doctorants recrutés en 2021.
Enfin, grâce aux financements prévus dans le cadre de la LPR et du budget 2022, plus aucun chercheur ne sera rémunéré à moins de deux SMIC.
Cette deuxième étape décisive dans la montée en puissance de la LPR se traduit également par une augmentation des moyens dédiés à l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont les financements sont revalorisés à hauteur de 131 millions d'euros. Cela permet d'élever le taux de sélection des projets à 23 %, contre 16 % seulement en 2020.
Par ailleurs, je suis convaincue que le financement sur appel à projets et le financement de base ne s'opposent pas. La recherche n'a jamais souffert d'un excès de financement, fût-il compétitif, mais plutôt de décennies de gel budgétaire, ce qui est désormais derrière nous avec l'adoption de la LPR.
D'une part, les nouveaux moyens de l'ANR permettent, par une redéfinition du préciput, de favoriser la solidarité entre les équipes dans les laboratoires et de soutenir les établissements et les politiques de sites : 73 millions d'euros supplémentaires seront mis à la disposition des établissements et des laboratoires en 2022.
D'autre part, les moyens de base des laboratoires seront renforcés, car la recherche ne peut s'appuyer sur la seule logique des appels à projets. Vous aviez insisté sur ce point lors de vos débats. Les financements de base devaient donc être confortés. Ils l'ont été, et le seront à nouveau en 2022, puisque le budget des universités et des organismes de recherche augmente de 127 millions d'euros, ce qui permettra d'accroître les recrutements et d'augmenter de 15 % par rapport à 2020 la dotation de base des laboratoires, pour un objectif de 25 % à l'horizon de 2023.
Le rayonnement de la recherche française dépend aussi de la qualité de ses infrastructures, et c'est pourquoi 54 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés.
De plus, 10 millions d'euros viendront financer la nouvelle agence ANRS-maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), afin d'amplifier son action de coordination et de financement de la recherche sur les maladies infectieuses.
Enfin, plus de 20 millions d'euros seront consacrés à l'ouverture de la science vers la société, sujet auquel vous êtes attachés et qui a désormais toute sa place dans mon ministère. Ces financements permettront d'amplifier la diffusion de la culture scientifique et les transferts des résultats de la recherche vers le monde de l'entreprise.
Ces financements pour l'enseignement supérieur, la recherche et la vie étudiante sont prolongés et renforcés par ceux des plans « France Relance » et « France 2030 ».
« France Relance » consacre 7,8 milliards d'euros supplémentaires, au sein de la mission spéciale « Relance », à l'accueil et à la formation des jeunes aux métiers de demain, à la rénovation énergétique des bâtiments universitaires et à la préservation des compétences professionnelles en recherche et développement.
Dans la continuité de « France Relance », le Président de la République a annoncé l'ambitieux plan d'investissement « France 2030 », doté de 30 milliards d'euros et où la sphère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation occupera un rôle central. Tour d'abord, la formation des talents de demain, tournée vers les filières et les métiers d'avenir, bénéficiera de 2,5 milliards d'euros.
Ensuite, mieux soigner était déjà la priorité du plan « Innovation Santé 2030 », annoncé en juin et qui prévoit 1 milliard d'euros au profit de la recherche en santé. D'ici à 2030, notre objectif est d'avoir au moins 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques et de créer en France les dispositifs médicaux de demain. L'agence d'innovation en santé aura un rôle essentiel à jouer.
Enfin, il faut explorer l'espace et les fonds marins. Le secteur spatial international est en plein bouleversement avec l'émergence du new space et de nouveaux acteurs ; la France doit y prendre toute sa part. Pour cela nous devons faire évoluer notre industrie en y faisant entrer les start-up et l'innovation de rupture. Nos objectifs sont de développer des mini-lanceurs réutilisables, des microsatellites, les constellations de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services au coeur de ce new space . En outre, la France, deuxième puissance maritime du monde, se doit d'investir dans l'exploration des fonds marins.
Ainsi, ce cinquième budget permet de poursuivre le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche de notre pays. Jusqu'au bout, le soutien de nos étudiants et de nos personnels aura été au centre de nos préoccupations, et le Sénat y a occupé toute sa place par ses missions d'évaluation et de contrôle.
M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur . - Merci pour cet exposé complet, dans lequel vous avez annoncé des moyens financiers qui illustrent les effets de la LPR. Si les crédits sont bien inscrits et visibles, pourriez-vous nous donner quelques indications sur les décrets d'application, dont certains tardent ?
En outre, on ne peut nier les efforts substantiels consentis depuis quelques années dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais l'agrégation de plusieurs plans me laisse dubitatif : les montants sont certes massifs, mais ils sont présentés sur dix ans. Sans parler de manipulation des chiffres, cela invite à les relativiser.
La vie étudiante reprend sur les campus, c'est une bonne chose pour le moral et pour la réussite des étudiants, mais encore faut-il que les campus soient en bon état. Des professeurs dynamiques ne suffisent pas. Or l'on connaît l'état de vétusté du parc immobilier universitaire, qui représente une part importante du patrimoine de l'État. Je suis satisfait par les moyens octroyés pour la rénovation énergétique des bâtiments. Cependant, d'autres leviers pourraient être activés. Une troisième vague de dévolution est-elle envisagée, et selon quel calendrier ? Certaines universités sont-elles déjà volontaires ?
J'ai par ailleurs été alerté, au cours de mes auditions, sur la situation particulièrement tendue de l'activité de restauration des Crous, due à une conjonction de plusieurs facteurs : hausse des effectifs d'étudiants, attractivité du repas à un euro, difficultés à recruter du personnel dans le secteur de la restauration et problèmes d'approvisionnement. Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) se dit désemparé, sans aucun levier d'action à sa portée. Comment comptez-vous répondre à cette situation ?
En novembre 2020, le Premier ministre avait annoncé plusieurs mesures visant à soutenir l'emploi étudiant, fortement affecté par la crise. Parmi celles-ci figurait la sortie des emplois étudiants du plafond d'emplois des Crous. Un an plus tard, il semble que cela ne soit pas effectif. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Nous serions aussi intéressés d'avoir des éléments sur les difficultés, récurrentes, d'étudiants titulaires de licences à entrer en master, ainsi que sur les manques de recrutements dans les écoles d'enseignement supérieur.
Enfin, la Cour des comptes a récemment formulé des propositions d'évolution de l'enseignement supérieur. Que pensez-vous de celle consistant à créer des collèges universitaires et des moyens qui pourraient être mis à leur disposition, éventuellement avec d'autres sources de financement ? Ne serait-ce pas le seul levier pour que nos universités s'en sortent par le haut ?
Mme Laure Darcos , rapporteur pour avis des crédits de la recherche . - Sur la mise en oeuvre de la LPR, j'observe moi aussi que les décrets d'application prennent du retard, nous en avons d'ailleurs déjà parlé ensemble. J'ai cru comprendre qu'il y avait « un embouteillage » des décrets au niveau de Bercy... serez-vous en mesure de tous les publier avant la fin du quinquennat ?
Par ailleurs, où en sont les discussions entre les différents acteurs concernés sur la part « site » du préciput ? Tout comme vous, je me félicite bien sûr de cette progression du taux de sélection des projets à 23 % et, plus généralement, de la bonne dynamique observée depuis la prise de fonctions de Thierry Damerval.
Concernant la préservation des emplois de recherche et développement, le processus a certes bien démarré, mais il semble que la cible des 100 millions ne sera pas forcément atteinte... pourriez-vous nous en dire plus ?
Sur la culture scientifique, sujet que j'ai choisi d'approfondir cette année parce qu'il me paraît fondamental en ces temps de défiance à l'égard de la parole scientifique, le rapport annexé à la LPR prévoit de nombreuses mesures pour améliorer sa diffusion et renforcer les relations entre la science et la société, dont le fait d'y consacrer 1 % du budget d'intervention de l'ANR. Lesquelles ont été effectivement mises en oeuvre ? Comment comptez-vous enclencher une véritable dynamique ?
Plusieurs acteurs du secteur, que j'ai rencontrés, dont Universcience et le Muséum nationale d'Histoire naturelle, constatent un retour encourageant des visiteurs individuels, mais pas celui des groupes scolaires. Or il va sans dire que l'école joue un rôle fondamental dans l'acculturation des enfants à la science. Comme moi, vous ne vous contentez pas de la seule fête de la science... Une action concertée avec l'Éducation nationale ne serait-elle pas nécessaire pour inciter les équipes pédagogiques et administratives à réorganiser ces sorties scolaires plus régulièrement ? En particulier - et nous pourrions associer le ministre de l'éducation nationale à cette démarche -, il est fondamental d'initier plus de jeunes filles aux sections scientifiques.
Enfin, au-delà de l'acculturation, il faut former les enfants et les jeunes au sens critique, on le voit avec l'influence des réseaux sociaux et la diffusion du complotisme.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Sur les décrets d'application tout d'abord, nous tiendrons l'objectif de 100 % de publication d'ici à la fin de l'année. Je remarque d'ailleurs que ceux qui s'inquiètent aujourd'hui de leur parution sont parfois ceux qui refusaient leur inscription dans la loi...
Vingt-neuf décrets et sept ordonnances étaient prévus pour l'application de la loi, sans compter les arrêtés et les circulaires. Douze décrets et deux ordonnances sont d'ores et déjà publiés au Journal officiel, soit 40 % des textes d'application. La quasi-totalité des arrêtés et des circulaires est elle aussi publiée.
Sur les vingt-neuf décrets prévus, vingt-et-un devaient être examinés par le Conseil d'État dont dix-huit, portant sur des questions de ressources humaines ou statutaires, font l'objet de procédures spécifiques de consultation, particulièrement longues. Toutefois, le processus est enclenché. Restent encore trois décrets simples à publier sur onze : celui qui porte sur l'intégrité scientifique, déjà présenté à la séance d'octobre du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), celui qui traite du partage des préciputs, qui le sera à celle de mi-novembre, et le décret relatif à la coordination des évaluations par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), qui pourrait être présenté à l'occasion de la séance du 14 décembre.
Parmi les autres décrets, ceux qui portent sur les chaires de professeur junior et le statut du Hcéres doivent être examinés en Conseil d'État en novembre, les rapporteurs ayant déjà tenu leurs réunions de travail. Trois textes ont déjà fait l'objet d'un retour de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), et sept ont été examinés en octobre. Des sept ordonnances, trois sont programmées en conseil des ministres, et deux sont déjà publiées au Journal officiel . L'arrêté modifiant la rémunération minimale des doctorants a été publié le 17 octobre, c'était une priorité pour nous. Vous le voyez, tout est dans les tuyaux.
Sur l'agrégation des financements associés aux plans, je précise que la durée de dix ans de la LPR donne une visibilité à la recherche, avec 500 millions d'euros supplémentaires par an. Le plan de relance prévoit 7 milliards d'euros sur deux ans, le PIA est échelonné sur sept ans, et « France 2030 », tout comme la LPR, l'est sur dix ans. Cela permet d'accompagner la recherche, si besoin d'accélérer le mouvement, et de mettre en place des formations pour les métiers de demain. Il faut éviter l'inadéquation entre formation et besoins réels : les étudiants doivent certes être formés aux futurs métiers, mais ceux-ci évoluent rapidement. Il faut donc aussi apprendre à apprendre, pour éviter que leurs compétences ne deviennent obsolètes.
On observe des difficultés de recrutement dans tout le secteur de la restauration, et les Crous ne font pas exception. Sur les coûts d'approvisionnement, nous continuons de les accompagner pour assurer des repas de qualité, et nous compensons intégralement le coût du repas à un euro.
Sur l'immobilier universitaire, nous travaillons avec plusieurs établissements pour continuer à aller vers plus de dévolution, mais nous voulons la faire par segments. En effet, les compétences nécessaires en matière de gestion immobilière ne sont pas présentes dans tous les établissements. Nous envisageons plutôt des partenariats avec les collectivités territoriales, qui ont en général des capacités de maîtrise d'ouvrage ou de maîtrise d'oeuvre. Oui, nous prévoyons de poursuivre la dévolution.
La question de l'entrée en master demeure liée à la capacité des établissements à proposer une insertion professionnelle dès le bac +3. Ce n'est pas un problème quantitatif : 150 000 jeunes obtiennent une licence chaque année, pour une capacité d'accueil de 170 000 places en master. Cependant, beaucoup de recrutements en première année du master ne sont pas prolongés en seconde année ; c'est, par exemple, le cas de professions réglementées comme celle de psychologue, ou de sélections au niveau de la maîtrise comme pour le concours des avocats. Pour faire face à ces problématiques d'insertion professionnelle, nous prévoyons d'établir, dans les futurs contrats entre l'État et les établissements, un volet sur l'insertion professionnelle permettant d'impliquer les collectivités territoriales.
J'en viens à la question des collèges universitaires. Je suis opposée à leur création, car l'université se caractérise par une unité de lieu de l'enseignement et de la recherche. On enseigne la connaissance que l'on produit. Un autre modèle n'est pas pertinent. Au contraire, depuis cinq ans, je travaille à ce que tous les établissements restent des universités de plein exercice. Toutefois, il faut se préoccuper de l'insertion professionnelle avant le bac +5 ou le bac +8. On demande à tous les étudiants de réussir leur baccalauréat, puis leurs premier et second cycles où l'accès est de droit, seul le doctorat étant sélectif. Les jeunes veulent-ils vraiment tous poursuivre leurs études ou ne le font-ils que parce que leurs diplômes ne favorisent pas l'insertion professionnelle ? Recruter des titulaires de master au niveau d'un salaire de bac +2 dévalorise les études longues.
Nous avons beaucoup travaillé avec les instituts universitaires de technologie (IUT). Alors qu'ils sont les mieux placés pour accompagner les étudiants dans leur insertion professionnelle après deux ans d'études, la majorité avait, il y a encore cinq ans, pour objectif que leurs étudiants poursuivent leur cursus en école d'ingénieur. Des établissements conçus pour des études courtes accueillaient ainsi les jeunes ayant les meilleurs dossiers, aptes à suivre une filière longue, ce qu'ils faisaient ensuite d'ailleurs, alors que des filières très académiques et conceptuelles accueillaient les étudiants aux moins bons dossiers. Il faut encourager les étudiants à aller là où ils en ont envie et à faire ce dont ils sont capables, sans jugement de valeur. Travailler au niveau des universités, en lien avec les collectivités, à introduire de vrais cursus d'insertion professionnelle me semble nécessaire.
Les Crous ne nous ont pas fait part de la nécessité de rehausser le plafond d'emplois. Nous continuons cependant à évaluer les besoins du réseau et sommes prêts à agir sur ce plafond s'il devient le facteur limitant.
J'en viens aux questions portant sur la recherche.
Tout d'abord, je rappelle notre objectif de préserver 2 000 emplois en recherche et développement. La mise en oeuvre de cette mesure largement demandée rencontre cependant des difficultés de mise en oeuvre. Nous avons notifié les premiers financements dès les mois d'avril et de mai, et 700 personnes sont déjà dans le processus de changement de leur contrat à la mi-octobre. En 2021, il était prévu que nous engagions 128 millions d'euros sur les 300 millions prévus pour ces 2 000 emplois : nous y sommes.
Ensuite, l'ANR a lancé plusieurs programmes visant à favoriser le développement de la culture scientifique. Les lauréats du label « Science avec et pour la société », doté de 2,6 millions d'euros et octroyé pour trois ans, seront bientôt annoncés. L'appel à projets « Médiation et communication scientifiques » a été clos il y a quinze jours. Symboliquement, la médaille du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les prix de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) permettent une mise en avant de la médiation scientifique. Nous avons aussi augmenté le budget consacré aux associations et à la fête de la science. Enfin, et j'y tiens particulièrement, nous avons lancé, avec la ministre de la culture et France Télévisions, un appel à projets pour des courts métrages valorisant les femmes dans les métiers scientifiques. Les role model sont un moyen de toucher les jeunes, et nous voulons le faire en partenariat avec les associations « Femmes et cinéma », « Femmes et séries », « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs », pour faire avancer la place des femmes dans les sciences dites fondamentales.
Je partage votre préoccupation sur le retour des groupes scolaires dans les musées, et le fait de ramener les enfants à la découverte et à la manipulation. Cependant, le sujet est complexe, car il faut un passe sanitaire pour les musées, mais pas pour l'école.
Enfin, nous sommes tous convaincus de l'importance du sens critique, et les enseignants utilisent tous les outils possibles pour l'éveiller. Je me souviens par exemple d'enseignants souhaitant utiliser le film Germinal pour intéresser les enfants. La crise sanitaire a mis en exergue l'importance de conserver le sens critique.
M. Yan Chantrel . - Sur le papier, on pourrait se réjouir de la hausse globale du budget que le gouvernement accorde à la recherche. Cependant, dans le détail, la déception pointe. En effet, les augmentations pour 2022 demeurent en deçà de ce que la LPR prévoyait. Je vous avais déjà interpellée à ce sujet lors d'une séance de questions d'actualité au gouvernement. Ainsi, la loi de programmation prévoyait 905 millions d'euros pour 2022. Or, on atteint 472 millions sur les trois programmes concernés. Ainsi, 559 millions d'euros étaient prévus pour le programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », contre 334 millions d'euros en réalité. On passe de 302 à 138 millions d'euros pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Je n'ai même pas retrouvé les 48 millions d'euros pour la recherche spatiale.
Comment expliquez-vous ces écarts par rapport à ce que votre gouvernement avait lui-même proposé ? En tant que parlementaire représentant les Français établis hors de France, je rencontre des compatriotes qui ne pouvaient plus exercer leur passion en France dans des conditions salariales et d'équipement décentes. Vous devez prendre conscience du retard colossal de la France par rapport aux pays du G7, mais aussi à d'autres. Or, financer la recherche, c'est financer notre avenir. Ce retard a été mis en exergue par les problèmes climatiques et sanitaires que nous rencontrons.
Votre budget n'est donc pas à la hauteur, j'espère que votre gouvernement en prendra conscience et le relèvera a minima au niveau de ce qui était prévu dans la loi de programmation pour la recherche.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Je me dois de vous répondre tout de suite, monsieur Chantrel, pour ne pas laisser un malentendu s'installer. En cumulé, depuis l'entrée en vigueur de la LPR, on atteint bien 905 millions d'euros et la trajectoire est strictement suivie. Je vous rappelle l'engagement, pris en 2000, d'atteindre 3 % du PIB en dépenses de recherches en 2010 : avant le nôtre, aucun gouvernement n'avait fait l'effort de s'en approcher. Je me réjouis cependant que cette préoccupation fasse consensus aujourd'hui.
L'innovation d'aujourd'hui est la recherche d'il y a vingt ans, mais le retard n'est pas la faute de ce gouvernement. C'est pour lutter contre le sous-financement chronique de la recherche que le Président de la République et le Premier ministre y consacrent, en plus de ce que la LPR prévoit, des milliards d'euros dans les plans de relance et d'investissement.
M. Pierre Ouzoulias . - Nous nous sommes rendus, avec Laurent Lafon, à l'Institut national universitaire Champollion d'Albi, où on trouve 69 % d'étudiants venant du Tarn et de l'Aveyron et 53 % de boursiers, avec un taux de réussite en licence de 42,5 %, c'est-à-dire le meilleur score national : 22 % des étudiants y sont titulaires d'un bac technologique et 8 % d'un bac professionnel. Cette réussite est le résultat d'une implication exceptionnelle de l'équipe pédagogique et d'un accompagnement des étudiants qui fonctionne très bien.
Le Hcéres, en mars 2021, a noté la réussite exceptionnelle des étudiants, mais considère que l'Institut Champollion ne mérite pas d'être une université de plein exercice faute d'un investissement suffisamment massif en recherche.
Y a-t-il encore une place dans la politique nationale de l'enseignement supérieur pour des établissements universitaires travaillant à l'émancipation sociale et intellectuelle d'étudiants dans des territoires menacés par de grandes métropoles ? N'y aurait-il pas un moyen terme entre le classement de Shanghai et la relégation d'Albi ? Notre commission a conclu que les collectivités devaient de nouveau pouvoir s'approprier l'université et l'enseignement supérieur, exceptionnels outils d'aménagement du territoire.
M. Jean Hingray . - Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur le plan « France 2030 », en particulier sur l'innovation et la formation dans les filières stratégiques ?
Par ailleurs, qu'en est-il de l'expérimentation, lancée à la suite de l'adoption de la LPR, sur l'autonomie de recrutement de professeurs par les universités ?
M. Bernard Fialaire . - Tout d'abord, la CVEC dépassera-t-elle les 150 millions d'euros en 2021 et l'éventuel surplus de collecte sera-t-il bien affecté à la condition étudiante ?
Ensuite, je vous avais interpellée l'an passé sur les officines par lesquelles les étudiants en santé sont obligés de passer. L'augmentation du numerus clausus n'a pas réglé ce problème. Le fait même que l'autonomie des universités leur permet d'organiser des concours différenciés ne va-t-il pas aggraver les disparités entre ceux qui peuvent payer ces officines et ceux qui ne le peuvent pas ?
Enfin, dans le Rhône, quels sont les résultats de l'appel à projets PIA4 « Excellence sous toutes ses formes » ? Cette belle initiative s'avère fédératrice et mérite un investissement important.
Mme Monique de Marco . - En dix ans, les établissements d'enseignement supérieur ont absorbé 500 000 étudiants, avec 34 000 de plus cette année. Les difficultés de logement s'aggravent, le sujet a d'ailleurs été abordé par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France. Avez-vous la volonté d'y répondre dans le cadre de ce projet de loi de finances ?
M. Max Brisson . - Une remarque tout d'abord : nous avons voté la LPR, après de longs débats. Je ne vous ferai pas le procès du rattrapage du retard passé, pour lequel les responsabilités sont partagées.
Si j'ai bien compris le chef de l'État, « France 2030 » porte sur l'avenir industriel du pays. Mais quand je vous ai écoutée, vous parlez de l'espace : pourriez-vous insister davantage sur la dimension industrielle de la recherche s'agissant de ce nouveau plan ?
Deuxième question, depuis la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), un enseignant-chercheur peut consacrer 50 % de son temps au travail en entreprise au lieu de 20 % auparavant, et détenir jusqu'à 32 % du capital d'une société. Quels sont le bilan et l'utilisation effective de cette possibilité par les chercheurs ?
Enfin, je me dois d'aborder Parcoursup, dont le bilan reste mitigé... Combien d'étudiants restent sans affectation à ce jour et combien ont été réaffectés dans une filière non souhaitée ? Quelles sont les perspectives pour la rentrée de 2022 ?
M. Jacques Grosperrin . - Je rejoins ce que vient de dire Max Brisson : la critique est facile, mais nous partons d'une situation difficile.
Stéphane Piednoir a évoqué la problématique du patrimoine immobilier, sur laquelle notre collègue Vanina Paoli-Gagin a présenté, au nom de la commission des finances, un récent rapport de contrôle budgétaire. L'immobilier représente 20 % du patrimoine de l'État. Je reviens sur la belle loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Un obstacle à la dévolution est peut-être le manque d'esprit d'entreprise des présidents d'université. Ainsi, trois universités ont connu la dévolution en 2011 et quatre en 2016. Cependant, l'État est majoritairement propriétaire du bâti et passe des conventions d'utilisation avec les universités. Pourquoi assiste-t-on à une certaine crainte de la part des universités, alors que l'immobilier est leur deuxième poste de dépenses après la masse salariale, qu'il s'agit d'une dimension stratégique pour la réussite des étudiants, et que la question de la transition énergétique se pose de manière de plus en plus prégnante ?
De plus, selon le rapport de notre collègue de la commission des finances, 31 % du bâti est dans un état insatisfaisant en matière de rénovation thermique. Quels sont les efforts financiers de votre ministère, correspondant à l'action 14 du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ?
Vous aviez aussi annoncé une nouvelle vague de dévolution courant jusqu'à 2022. Où en est-on ?
Pour conclure, à l'occasion de ce cinquième budget que vous défendez, et même si nous ne sommes pas toujours d'accord, je tenais à rendre hommage à votre sérieux, à votre disponibilité, à votre expertise et à votre écoute.
Mme Céline Brulin . - Concernant la réforme des études de santé, on a manqué de places l'an dernier pour les redoublants de l'ancien système et pour les nouveaux entrants des filières du parcours spécifique santé (PASS) et de la licence option accès santé (L.AS). Leur nombre est toujours insuffisant cette année même si l'on observe des progrès. En particulier, le Conseil d'État, saisi par des familles d'étudiants, a enjoint à une quinzaine d'universités d'augmenter leur capacité d'accueil de 20 %, ce qui n'est pas sans soulever des problèmes concrets sur les aspects immobiliers soulevés par Stéphane Piednoir et Jacques Grosperrin.
Cette question concerne l'enseignement supérieur, mais aussi tous nos territoires où la désertification médicale s'accentue. Alors que de plus en plus d'étudiants s'orientent vers les professions de santé et qu'on a enfin levé le numerus clausus , on n'arrive pas à en former davantage.
Ainsi, des contrats de plan État-région permettraient de lancer des opérations d'immobilier. Il y a quelques difficultés à ce sujet en Normandie...
Si l'on veut former davantage de médecins, il faut aussi plus de chefs de clinique à même de les encadrer, pas seulement dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), mais aussi dans tous les hôpitaux, y compris de proximité, ce qui permettrait à des jeunes de faire des stages plus éloignés des métropoles. Que comptez-vous faire pour augmenter ces capacités ?
Par ailleurs, je m'associe à Bernard Fialaire lorsqu'il vous interroge sur les officines qui surenchérissent le coût des formations en santé. Elles mettent en lumière l'enjeu de la démocratisation des études de santé.
Enfin, de plus en plus de jeunes vont étudier en Belgique, voire en Roumanie. Que pouvez-vous nous dire de ce phénomène qui trahit un affaiblissement de nos universités ?
M. Pierre-Antoine Levi . - Les deux années écoulées se sont avérées éprouvantes pour les étudiants, en révélant une précarité à la fois financière et psychologique. Nous nous réjouissons donc tous du retour en présentiel. Votre ministère a certes agi, mais pas au niveau des attentes ni à la mesure des problèmes. Ma proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, mais c'est une victoire en trompe-l'oeil, car elle a été dénaturée. Nous verrons ce que le Sénat fait en deuxième lecture, alors qu'il s'agit de compléter le travail des Crous et non de les concurrencer.
Vous aviez généralisé le repas à un euro, ce qui était bienvenu, mais il a été suspendu pour les non-boursiers, alors que la précarité alimentaire n'a pas disparu pour les étudiants issus des classes moyennes.
Ensuite, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit certes une augmentation des moyens, mais les attentes étaient beaucoup plus importantes. C'est une occasion manquée alors que, avec le retour à une vie normale que nous espérons tous, des pans entiers de la précarité étudiante n'ont pas été résorbés et retourneront dans l'oubli.
Enfin, avec Parcoursup, de nombreux bacheliers sont restés sans réponse à quelques jours de la rentrée ou se sont retrouvés avec un choix par défaut ne correspondant pas à leurs souhaits, en tout cas pour les non-boursiers. En voulant réduire les inégalités avec les quotas de boursiers - le bleu budgétaire précise en effet que 120 000 lycéens boursiers ont pu intégrer la formation de leur choix - n'en avez-vous pas créé de nouvelles ?
Mme Sonia de La Provôté . - Quelles sont vos prévisions d'effectifs pour la rentrée universitaire de 2022 ? La hausse a été forte cette année. Il en va de même pour les inscriptions en master. Votre budget en tient-il compte ?
Dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », il n'est pas prévu d'autoriser la création d'entreprises publiques locales (EPL) universitaires. Cet outil est pourtant très demandé. Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans la remise à niveau du parc immobilier. Qu'en pensez-vous ?
Dans Parcoursup, certaines spécialités, comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), sont plus demandées que d'autres. Constatez-vous une évolution à cet égard avec la réforme du baccalauréat ? Observe-t-on une meilleure adéquation entre les parcours des lycéens et leurs demandes ? Avez-vous étudié spécifiquement la situation des redoublants ou de ceux qui font une nouvelle demande pour obtenir une réponse plus conforme à leurs voeux ?
Nos interrogations sur la réforme des études de santé ou l'entrée en master, les filières de licence en tension illustrent la difficulté à articuler cadrage ministériel et autonomie des universités. Quelle doit être l'action du ministère pour garantir l'égalité entre tous les étudiants sur le territoire, tout en respectant l'autonomie des établissements ?
Mme Sylvie Robert . - Les budgets des universités augmentent mais, avec la croissance de la démographie étudiante, la dépense par étudiant baisse. Il convient d'anticiper. La rentrée dans certaines filières en tension a été chaotique.
La Cour des comptes souligne les difficultés des bibliothèques universitaires et regrette l'absence de politique publique en faveur de l'information et de la documentation scientifique. Si des efforts ont eu lieu, elle estime qu'ils n'ont pas permis aux bibliothèques universitaires de devenir des centres de services répondant pleinement aux besoins des étudiants, alors qu'elles constituent un facteur déterminant d'égalité des chances et de réussite. La Cour pointe le manque de moyens.
M. Yan Chantrel . - Le rapport de M. Gattolin, intitulé Mieux protéger notre patrimoine scientifique et nos libertés académiques, au nom de la mission d'information du Sénat sur les influences étatiques extra-européennes, nous alerte sur la nécessité de nous protéger face aux tentatives d'influences étrangères dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il souligne le manque de moyens de la communauté académique face à l'émergence de ces nouvelles menaces. Il propose de consacrer des crédits dans les budgets des universités à leur détection. Qu'en pensez-vous ?
M. Laurent Lafon , président . - Avez-vous déjà reçu des demandes pour la création de chaires de professeur junior, même si le décret n'a pas encore été publié ?
Mme Frédérique Vidal, ministre . - L'institut universitaire d'Albi accueille 4 000 étudiants et est rattaché à la communauté d'universités et d'établissements de Toulouse. Par sa taille, l'établissement se rapproche d'une petite université. La réussite peut s'expliquer par la proximité avec les étudiants, qui facilite leur accompagnement. Le taux d'encadrement n'est pas considérable : un pour trente. L'établissement joue un rôle considérable pour l'accueil des étudiants de premier cycle.
La question sous-jacente est celle du caractère monolithique de l'évaluation dans notre pays : on ne peut pas, en effet, évaluer tous les établissements et tous les étudiants de la même manière. C'est pour cela que l'on a développé la procédure de dialogue de gestion : il s'agit de demander aux établissements sur quels points ils souhaitent être reconnus et évalués, en fonction de leur stratégie - c'est ce que j'appelle la « signature » des établissements.
Vous m'interrogez aussi sur la formation dans les filières stratégiques inscrites dans le plan « France 2030 ». Nous sommes en train de réfléchir à la manière dont nous allons accompagner ces filières. Une partie de la formation sera délivrée par l'enseignement supérieur, mais pas seulement. Certaines compétences requises sont transversales, à l'image de celles du domaine numérique. Ces filières, comme le spatial ou l'agroalimentaire, recrutent à tous les niveaux : elles ont besoin d'ouvriers, de techniciens, d'ingénieurs comme de docteurs.
L'apparition de nouveaux métiers entraînera aussi la disparition d'autres. La formation continue aura un rôle crucial à jouer. Notre système doit donc s'adapter pour répondre aux attentes des métiers de demain. Mais il est difficile de construire un système purement « adéquationniste », et on sait que cela ne fonctionne pas ainsi en matière de formation. Certaines compétences seront transversales, d'autres spécifiques à certaines filières. Il ne s'agit pas de recruter des permanents statutaires pour créer des filières de formation qui auraient vocation à perdurer pendant les trente prochaines années, mais de former rapidement et massivement des personnes pour accomplir cette mutation industrielle. Je voudrais que les universités s'emparent de la question de la formation tout au long de la vie, pour devenir le lieu où l'on se forme et où l'on vient se reformer pendant sa carrière. Le niveau du diplôme initial ne fera pas tout. Quand les métiers évoluent, il faut se reformer.
Une personne qui a exercé la fonction de maître de conférences pendant plusieurs années est apte à postuler à un poste de professeur d'université, même si des particularités persistent dans certaines disciplines, comme les disciplines médicales. Un groupe de travail concernant le recrutement des maîtres de conférences a été créé et les premières expérimentations auront bientôt lieu. Plus généralement, il faut être vigilant pour éviter le risque du localisme. La mobilité est importante. Elle témoigne de la capacité à s'emparer d'un sujet, sans la proximité de son directeur de thèse. Mais la mobilité est-elle toujours possible ? Une femme de quarante ans, mère de famille, a-t-elle vraiment la capacité de demander à sa famille de déménager de plusieurs centaines de kilomètres pour devenir professeur ? Des personnes brillantes peuvent vouloir rester dans leur établissement. Il faut donc trouver le bon équilibre. Là encore, il faut faire confiance aux établissements. Dans la mesure où il s'agit d'un recrutement par les pairs, il est peu probable qu'ils décident de recruter les plus mauvais, à moins d'être masochistes...
Les chaires de professeur junior correspondent à des postes statutaires. Nous avons reçu 180 demandes, pour environ 90 places dans les universités et les organismes de recherche. Les demandes proviennent de toutes les disciplines et de tous les types d'établissements.
J'en viens à la question des études de santé. S'agissant des préparations privées, il est beaucoup plus facile de préparer des étudiants à des QCM que de leur apprendre à s'exprimer à l'oral sur des sujets divers qui peuvent surprendre. On réussit beaucoup mieux, c'est factuel, en suivant le tutorat gratuit assuré par les étudiants en santé qu'en s'inscrivant dans une prépa privée.
Le nombre de places en deuxième année de médecine a augmenté de 19,4 %. Ceux qui obtiennent la moyenne aux partiels ne peuvent plus redoubler l'année de PASS. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas repasser le concours d'accès aux études de médecine : il reste, en effet, toujours possible de le retenter une seconde fois, en fin de deuxième année de la L.AS.
Alors pourquoi conserver un concours ? Parce qu'on ne peut augmenter le nombre d'élèves que si l'on dispose de suffisamment de médecins formateurs. Grâce à notre réforme des deuxième et troisième cycles, on a accru le nombre de chefs de cliniques, qui sont désormais répartis dans tous les hôpitaux, et pas seulement dans les CHU ; on a délivré des agréments pour encadrer des étudiants, en internat comme en externat, à des médecins exerçant en ambulatoire dans des centres de santé pluriprofessionnels ou dans tous types d'hôpitaux. Les jeunes peuvent donc démarrer leurs études à proximité de chez eux, et pas uniquement dans des villes dotées d'un CHU. Cette réforme permet ainsi d'augmenter le nombre de jeunes en formation partout sur le territoire. Je précise que, parallèlement, les maîtres de stage pourront se voir retirer leur agrément en cas de violence ou de harcèlement.
Vous m'interrogez sur la place de l'oral au concours de médecine : cela relève de la liberté pédagogique des établissements ; dans la mesure où il ne s'agit pas d'un concours national, les épreuves sont différentes selon les lieux. Mais il en allait de même pour les QCM ! Chacun sait depuis longtemps que la pression n'est pas équivalente partout, et qu'elle varie en fonction du nombre de places proposé.
Le niveau de réussite de ceux qui étaient en L.AS est environ de 50 % - c'est un niveau jamais atteint. Nous avons tenu compte des différents rapports pour apporter les améliorations attendues, notamment sur la possibilité de voir son dossier réexaminé. Mais, il faut le reconnaître, l'année fut compliquée : les médecins étaient très pris, l'enseignement n'était pas en présentiel, etc. Toutefois, nous avons pu augmenter le nombre de places et la réforme fonctionne.
L'aide au logement dépend du ministère de ma collègue Emmanuelle Wargon. Nous avons construit 32 000 logements à tarif social et 30 000 logements à tarif libre pour les étudiants. La difficulté était de trouver du foncier disponible. Nous avons cherché à identifier à proximité des sites universitaires tous les terrains d'État libres, car il est parfois difficile de travailler avec les mairies : nous avons ainsi identifié 70 terrains sur lesquels on pourra construire 13 000 logements supplémentaires à tarif social, tandis que 95 % des logements des Crous seront rénovés grâce au plan de relance, en faisant en sorte de construire d'abord de nouvelles places afin qu'il n'y ait pas de déficit lorsque les travaux de réhabilitation seront effectués.
J'ai mentionné le spatial et l'exploration des fonds marins, car ces thématiques donnent lieu à une recherche nourrie, mais l'enjeu, plus largement, est de réindustrialiser. Nos industriels ont besoin que l'État accompagne le « dérisquage », à savoir le passage du concept de laboratoire au prototype qui permet d'envisager une industrialisation. C'est sur cette dimension que nous devons concentrer nos efforts, car nous sommes un petit peu en retard à cet égard. Il convient de développer des lieux où chercheurs en recherche fondamentale et recherche appliquée puissent travailler ensemble, en amont d'une éventuelle industrialisation. Il ne faut pas d'ailleurs séparer l'amont et l'aval : dans les entreprises, on constate que l'innovation procède de manière circulaire. Le développement industriel et la mise en production sont l'occasion de remettre en question la recherche et de la faire avancer. C'est plutôt un cercle vertueux.
Il ne faut pas résumer Parcoursup à un algorithme : c'est, avant toute chose, des milliers de personnes qui, durant tout l'été, étudient les dossiers des étudiants un par un et regardent ce que l'on peut leur proposer. À la fin de la procédure, plus de 500 000 jeunes reçoivent une proposition, qui correspond à un de leur choix, même si ce n'est peut-être pas le premier. Ils ont le droit de changer d'avis, auquel cas leur dossier est réexaminé par la commission d'accès. Ils ont donc en face d'eux des personnes qui peuvent les aider.
Au moment où la procédure s'est achevée, à peu près 200 jeunes continuaient à être accompagnés. Tous étaient titulaires d'un baccalauréat professionnel et tous avaient reçu un avis négatif à la poursuite d'études de la part de leurs professeurs. Au reste, si cet avis négatif ne lie pas la commission, c'est tout de même à ces jeunes que l'on a le plus de difficultés à proposer une filière d'enseignement supérieur dans laquelle ils ont une chance de réussir.
Je veux insister sur ce côté extrêmement humain de Parcoursup. Vous allez dire que je vois toujours le verre à moitié plein, mais je veux souligner que, sans abandonner ces 200 jeunes, le système a permis à l'immense majorité - 500 000 jeunes - de trouver une formation qui les satisfait.
Que des jeunes décident de faire leurs études ailleurs a toujours existé, et je ne pense pas que leur nombre ait augmenté ces dernières années. On me parle souvent de la Suisse. De jeunes Français qui y étudient m'ont expliqué avoir fait ce choix parce que les professeurs sont des chercheurs. Quand je leur ai appris qu'il en allait de même dans les universités françaises, ils sont tombés des nues...
Il faut porter très fort la fierté de nos universités. Tous les enseignants ont suivi des études très longues, ont passé des filtres de sélection très exigeants, ont passé des concours extrêmement difficiles... Ils devraient autant faire briller les yeux des lycéens que les enseignants de Suisse !
Je tiens à préciser que nous avons beaucoup progressé sur la prise en compte des zones dans lesquelles il n'existait pas de restauration à tarif social pour les étudiants. C'est un vrai sujet. Il faut reconnaître que le tarif n'est pas le même dans tous les établissements car ce n'est pas l'État qui le fixe. Mais, si vous êtes en BTS dans un lycée à Paris, le repas coûte, en réalité, moins d'un euro. Pour les étudiants en BTS et en classes préparatoires, dans un certain nombre de villes où il n'y a pas de résidence universitaire, pas de Crous, pas de restauration universitaire, les repas peuvent être très fortement subventionnés. On peut passer des conventions avec des lycées, mais, honnêtement, je crois que le travail est fait. Un effort reste, en revanche, à accomplir pour les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), certains IUT et certaines écoles. Les conventions que nous passons au travers des Crous fonctionnent bien ; il faut continuer à utiliser ce levier. Au demeurant, on a toujours la capacité de proposer des cartes repas préremplies ; cela fonctionne bien.
Le bâti universitaire est un sujet essentiel. Effectivement, il existe un service immobilier au ministère, mais celui-ci gère essentiellement la mise en sécurité et l'accessibilité des bâtiments. En réalité, tout l'immobilier universitaire est géré par le Domaine, donc par Bercy.
Dans le cadre du plan de relance, nous avons doublé les crédits dédiés au patrimoine immobilier universitaire du contrat de plan État-région sur les deux prochaines années, avec 1,3 milliard d'euros supplémentaires. Il s'agit essentiellement de rénovation thermique : les établissements vont pouvoir réaliser jusqu'à 30 % d'économies sur leur facture énergétique.
Il m'est arrivé, dans une autre vie - c'était lors d'une audition devant le Sénat -, de hurler à l'évocation de la dévolution du patrimoine immobilier des universités. Je n'ai pas changé d'avis.
Premièrement, il n'est pas dans la mission première d'une université que de s'occuper d'immeubles. Deuxièmement, le principe suivant lequel le prix de la vente revient au domaine pour moitié si la vente est conclue la première année, l'autre moitié revenant au ministère de tutelle des bâtiments, qui peut ou non décider de le reverser à l'établissement, est d'une complexité extrême. Au reste, il conduit à ce que plus la vente est longue, plus la part qui revient au ministère de tutelle, donc potentiellement à l'établissement, est faible. En gros, tout est fait pour que les bâtiments tombent en ruine... Troisièmement, la dévolution nécessite de gérer son patrimoine en propriétaire. Or nous sommes « en dessous de la maille » en termes de gestion du patrimoine immobilier de l'État. De mémoire, le Sénat avait estimé qu'il faudrait entre 12 et 14 euros pour entretenir chaque mètre carré - actuellement, on ne leur consacre qu'entre 2 et 3 euros...
On peut comprendre les hésitations des présidents d'université : il ne faudrait pas qu'ils y engloutissent toutes leurs marges de manoeuvre... Nous devons travailler non seulement à la dévolution morceau par morceau, pour monter en compétence, mais surtout à la mise en place de sociétés publiques locales universitaires. Ne vous inquiétez pas : si l'article 40 empêche de procéder par voie d'amendement, je n'ai pas renoncé à avancer sur ce dossier. Je crois que c'est la seule solution si l'on veut travailler correctement sur la question du patrimoine universitaire.
Il est difficile de répondre à la question du cadrage des universités. Celles-ci étant des établissements publics, elles doivent mettre en place les lois votées par le Parlement et appliquer les politiques publiques décidées par le Gouvernement. Leur autonomie consiste à pouvoir choisir le chemin qu'elles souhaitent prendre pour les mettre en oeuvre. Par définition, si l'on cadre l'autonomie, on la supprime. D'ailleurs, il est intéressant de voir que les universités prennent des chemins différents, d'où l'importance d'avoir des présidents d'université élus sur un programme et des majorités qui les soutiennent. La vie politique des universités ressemble un peu à la vie politique tout court... Cependant, il faut veiller à ce que le point d'arrivée soit bien identique. C'est le rôle de l'État que de le garantir, dans l'ensemble des établissements publics qui dépendent de lui.
On entend beaucoup parler de la baisse de la dépense par étudiant. Or diviser la subvention pour charges de service public (SCSP) d'un établissement par le nombre d'étudiants n'a pas de sens. On ne peut pas appliquer le même régime à un établissement qui a 14 sites et de nombreuses antennes dispersées et à un établissement qui se compose d'un seul bâtiment. De même, on ne saurait appliquer la même règle aux campus neufs et vieux et aux établissements qui font des sciences appliquées et à ceux qui n'en font pas. La méthode de calcul que je dénonce est extrêmement dangereuse. Je rappelle qu'il y a eu 1 milliard d'euros supplémentaires sur le programme 150, pour 83 000 étudiants en plus dans les universités... Je pense que personne n'a envie de jouer à cela !
Mme Sylvie Robert . - Ce n'est pas une question de jeu, madame la ministre ! Je me fonde sur des rapports, notamment celui de la Cour des comptes.
Mme Frédérique Vidal, ministre . - Je ne dis pas que c'est un jeu : je dis que ce n'est pas ainsi qu'il faut penser le budget consacré aux établissements. Il convient de tenir compte de leur disparité.
Longtemps a été utilisé un modèle d'allocation des moyens qui faisait la part entre les moyens dédiés à l'immobilier, ceux dédiés à la recherche, ceux dédiés à la formation et qui tenait compte du nombre de mètres carrés, de laboratoires et d'étudiants. Ce système a été totalement abandonné ; nous sommes passés à des règles de trois. Faisons attention, car nous sommes en train de passer une bosse : je ne souhaite pas, dans cinq ou dix ans, entendre des ministres annoncer une baisse de budget pour une université qui compterait 150 000 étudiants de moins.
La question des bibliothèques universitaires est un vrai sujet. En réalité, plusieurs questions se posent : celle des fonds, celle de la science ouverte, celle de l'égalité des chances - de fait, ce sont des lieux où l'on peut travailler quand le logement est petit, comme l'ont fait de nombreux étudiants durant la pandémie. Plus généralement, nous devons avancer sur la question des lieux où l'on trouve à la fois de la ressource documentaire et des espaces de travail ouverts et surveillés. D'ailleurs, dans le plan de relance, les établissements demandent de plus en plus souvent des salles modulables où l'on peut faire de la recherche documentaire, plutôt que la construction de gros amphithéâtres.
Le sujet des influences étrangères est un sujet de préoccupation majeure, non seulement dans notre pays, mais, au-delà, dans l'ensemble de l'Union européenne - il a été abordé lors d'une réunion des ministres de l'Union à laquelle j'ai participé hier.
Nous sommes convaincus que c'est vraiment au travers du nouvel espace européen de la recherche que nous pouvons nous protéger de ces ingérences, en réaffirmant deux éléments qui semblent simples, mais qui, en réalité, sont extrêmement difficiles à mettre en oeuvre : la nécessité de valeurs communes et la réciprocité. On voit trop souvent actuellement des États qui s'approprient des connaissances, mais qui n'ouvrent pas leurs bases de données en échange. Il importe que nous soyons un peu moins naïfs, capables de nommer les choses et d'armer davantage nos chercheurs. Nous avons besoin de garder la liberté de collaborer avec qui l'on veut dans le monde entier, mais cette collaboration doit être assortie aux valeurs et aux principes que porte la recherche. C'est de cette manière que nous pouvons essayer d'avancer. Au reste, le problème se pose avec la même acuité dans les sciences humaines et sociales que dans les sciences et technologies.
- Présidence de M. Max Brisson, vice-président -
M. Max Brisson , président . - Madame la ministre, le président Laurent Lafon a dû quitter notre commission et m'a chargé de clore la réunion. Je veux vous remercier très sincèrement de vos réponses extrêmement circonstanciées aux questions de l'ensemble de nos collègues et du temps que vous nous avez consacré.
* 1 Dépense intérieure d'éducation.
* 2 Selon les chiffres du Mesri, fin septembre 2021, on comptabilisait 7 414 saisines classées recevables par les rectorats (contre 7 103 en 2020), pour lesquelles seulement plus d'un tiers des étudiants ont obtenu des propositions d'admission en master.
* 3 Dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, les programmes 150 et 231 étaient respectivement dotés de 13,4 millions d'euros et de près de 2,7 millions d'euros.
* 4 Dont 137,5 millions d'euros pour la mise en oeuvre des mesures « ressources humaines » de la LPR et 55,4 millions d'euros pour d'autres dispositions RH (poursuite du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » - PPCR -, financement de la protection sociale complémentaire obligatoire, convergence indemnitaire des personnels).
* 5 Jusqu'en 2019, le Mesri a compensé une partie du GVT des établissements d'enseignement supérieur. Depuis, le financement du GVT n'est plus systématiquement assuré par le ministère qui aborde désormais cette question dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion avec les établissements et peut proposer, dans certains cas, un accompagnement spécifique pour la maîtrise de l'évolution de la masse salariale.
* 6 Dont 34 100 en première année, 12 450 en deuxième année et 9 450 en troisième année, d'après les données transmises par le ministère en réponse au questionnaire budgétaire.
* 7 « Mise en oeuvre de la réforme de l'accès aux études de santé : un départ chaotique au détriment de la réussite des étudiants », rapport d'information de Mme Sonia de La Provôté, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 585 (2020-2021).
* 8 Dont 13,5 millions d'euros pour accompagner la transformation pédagogique et améliorer les taux d'encadrement, et 14,3 millions d'euros au titre de l'augmentation de la démographie étudiante.
* 9 « Gestion de l'immobilier universitaire : un sursaut indispensable pour un avenir soutenable », rapport d'information de Mme Vanina Paoli-Gagin, fait au nom de la commission des finances, n° 842 (2020-2021).
* 10 Sont concernées les universités de Nantes, Strasbourg, Angers, Bordeaux III, Rennes I et l'école Centrale Supélec.
* 11 La première vague de dévolution du patrimoine immobilier universitaire, lancée en 2011, a concerné les universités de Clermont-Ferrand I, de Poitiers et de Toulouse I. La deuxième vague, lancée en 2017, a concerné les universités d'Aix-Marseille, Bordeaux, Tours et Caen.
* 12 « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités », rapport d'information de M. Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, n° 742 (2020-2021).
* 13 Le 4 décembre 2020, à l'occasion d'un entretien avec le média en ligne Brut, le Président de la République a indiqué qu'il envisageait « une amélioration du système de bourses ». Puis, lors de sa visite du campus de l'Université Paris-Saclay le 19 janvier 2021, il a annoncé une réforme des bourses sur critères sociaux.
* 14 En particulier du fait d'un moindre recrutement de personnels en contrat à durée déterminée (CDD) dans le domaine de la restauration.
* 15 Par rapport à 2019 (2020 n'étant pas une année significative).
* 16 GVT, revitalisation du quasi-statut des 5 500 personnels contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI), surcoût du compte d'affectation spéciale (CAS) pension inhérent au fait que tout emploi vacant a vocation à être pourvu par un fonctionnaire.
* 17 Estimées à près de 10 millions d'euros par an.
* 18 « La CVEC : un levier de développement de la vie étudiante qui doit gagner en transparence, gouvernance et structuration », rapport d'information de Mme Céline Boulay-Espéronnier et M. Bernard Fialaire, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 765 (2020-2021).