B. LES POINTS DE VIGILANCE DU RAPPORTEUR
1. Une forte inquiétude sur les modalités de mise en oeuvre et le financement de la réforme des études de santé
Au printemps 2021, la commission, par la voix de sa rapporteure Sonia de La Provôté, a dressé un constat sévère sur la mise en oeuvre de la réforme des études de santé et formulé plusieurs recommandations visant à répondre à l'urgence de la situation vécue par les étudiants de PASS et de L.AS 7 ( * ) . Six mois plus tard, malgré les souhaits de « recherche de solutions » formulés par le Premier ministre, force est de constater que le compte n'y est toujours pas : le déroulement des épreuves orales a donné lieu à de nombreux dysfonctionnements, les étudiants n'ayant pas toujours été informés des modalités de celles-ci, ni de leur poids dans le classement final ; le nombre de places ouvertes en deuxième année ne garantit pas aux étudiants du nouveau système un taux de réussite équivalent à celui dont bénéficiaient les étudiants de PACES, ni aux étudiants de L.AS 2 de pouvoir poursuivre dans la discipline choisie en L.AS 1. Le rapporteur réitère, pour sa part, ses profondes réserves tant sur le principe de cette réforme - en dépit de certains travers dans le mode de sélection, la PACES avait le mérite de la clarté, de l'équité et de l'excellence - que sur ses modalités de mise en oeuvre - précipitation, déficit d'information et de communication ont prévalu alors que la complexité du nouveau système était connue.
L'examen du PLF pour 2022 est aussi l'occasion, pour lui, d'alerter sur le calibrage de son financement. Deux dotations, respectivement de 17 millions d'euros (pour le premier cycle) et 19 millions d'euros (dont 13 millions pour le premier cycle et 6 millions pour le deuxième cycle), ont été ouvertes en loi de finances initiale (LFI) pour 2020 et LFI pour 2021. L'allocation de ces crédits aux universités et l'utilisation qu'elles en font ne sont toutefois pas connues avec précision ; ce défaut de transparence s'explique, en amont, par un manque de directives ministérielles sur le fléchage de ces fonds. Dans le PLF pour 2022, il est prévu une dépense de 27,8 millions d'euros pour la montée en charge de la réforme du deuxième cycle 8 ( * ) - qui avait été retardée d'un an en raison de la crise sanitaire - mais, dans le même temps, une économie de 43,4 millions d'euros induite par la suppression du redoublement en PACES. Les montants engagés depuis 2020 - soit 63,8 millions d'euros - ne sont assurément pas à la hauteur des besoins de formation générés par l'ampleur de la réforme sur l'ensemble des cycles des études en santé , qu'il s'agisse des locaux, des matériels de travaux pratiques, des terrains de stage ou des personnels hospitalo-universitaires encadrants. Faute d'une budgétisation rigoureuse et exhaustive de ces besoins, c'est la qualité de la formation qui risque in fine de se voir affectée.
2. Des avancées concernant la subvention aux établissements d'enseignement supérieur privé, mais des marges de progression persistantes
La revalorisation, en LFI pour 2021, de 9 millions d'euros de la subvention aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG), que le rapporteur appelait de ses voeux depuis plusieurs années en raison de leur participation grandissante à l'accueil des nouveaux étudiants, s'est traduite, en exécution, par un versement de 7 millions d'euros supplémentaires. Cette meilleure effectivité est à souligner, alors qu'en 2020, les 3 millions d'euros supplémentaires votés en LFI pour 2020 ne s'étaient pas concrétisés dans les faits. La rédaction des documents budgétaires continue toutefois à manquer de transparence : pour la deuxième année consécutive, une seule ligne budgétaire rassemble la dotation versée aux EESPIG et celle dédiée aux organismes de formation des enseignants, ce qui ne permet pas de connaître le montant « strictement » dévolu aux établissements et crée une incertitude regrettable. Par ailleurs, une nouvelle clef de répartition de la subvention entre établissements est en cours de discussion : le projet présenté par le ministère, reposant principalement sur un critère quantitatif lié aux effectifs, ne satisfait pour l'instant pas les EESPIG qui voudraient que soient davantage pris en compte leurs choix stratégiques. Le rapporteur sera attentif à l'issue de ce dossier .
Autre avancée notable, dont le rapporteur se félicite après l'avoir demandée à plusieurs reprises au Gouvernement, le taux de mise en réserve dérogatoire appliqué aux EESPIG a enfin été abaissé de 7 % à 4 % . Il demeure cependant toujours supérieur au taux de droit commun de (3 %).
Le rapporteur regrette enfin que le dialogue triennal entre l'État et les établissements privés , inséré à son initiative à l'article 22 de la LPR, n'ait toujours pas été officiellement amorcé , alors qu'il s'agit d'une mesure, non coûteuse, de bonne gouvernance.
3. La nécessité d'une dynamique plus ambitieuse pour relever le défi stratégique de la gestion de l'immobilier universitaire
L'année dernière, le rapporteur avait insisté sur la question de la rénovation énergétique du bâti universitaire, lequel représente à lui seul 20 % du patrimoine immobilier de l'État. Un appel à projets spécifique au secteur était alors en cours dans le cadre du plan de relance. Le rapporteur avait estimé qu'il s'agissait d'une impulsion bienvenue à un dossier resté trop longtemps en suspens, mais qu'une dynamique plus forte était nécessaire au regard du retard pris et de l'ampleur des besoins . En effet, la remise en état des 18 millions de m 2 d'immobilier universitaire requerrait un investissement évalué, par la Conférence des présidents d'université (CPU), entre 1 à 1,5 milliard d'euros par an pendant dix à quinze ans, soit un niveau « bien au-delà des dotations cumulées de France Relance (1,2 milliard d'euros) et des CPER 2021-2027 (3 milliards d'euros) » , ainsi que le constate le rapporteur spécial de la commission des finances dans un récent rapport de contrôle 9 ( * ) .
Deuxième poste de dépense des universités derrière la masse salariale, le patrimoine immobilier se trouve aujourd'hui à la croisée de plusieurs problématiques stratégiques : la transition énergétique, le développement de l'enseignement à distance, la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation, la recherche de nouveaux outils de valorisation... Pour le rapporteur, ces enjeux appellent une approche transversale et une démarche réellement ambitieuse, qui pourraient prendre la forme d'une nouvelle « opération Campus » . Le lancement d'un plan d'investissement d'envergure suppose toutefois certains prérequis, au premier rang desquels une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des évolutions pédagogiques et sociétales à l'oeuvre. Pour reprendre l'expression du directeur de l'immobilier de l'État, « il faut sans doute moins de m 2 pour mieux de m 2 » . Des conditions de bonne gouvernance nécessiteraient également d'être satisfaites du côté des universités, telles que la montée en compétences des équipes chargées de l'immobilier, la nomination systématique d'un vice-président dédié à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Le rapporteur plaide également pour la poursuite du mouvement de dévolution immobilière , dont la troisième vague vient d'obtenir le feu vert ministériel 10 ( * ) : ce processus, dont les résultats ont été très probants pour les deux premières vagues 11 ( * ) , renforce l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation. D'autres leviers juridiques, comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL), mériteraient aussi, selon lui, d'être actionnés.
Premier bilan de l'appel à projets
dédié à la rénovation
énergétique
dans le secteur de l'enseignement supérieur
et de la recherche
Dans le cadre du plan de relance, deux appels à projets ont été lancés le 7 septembre 2020 pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l'État, dont l'un dédié à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR). Au total, une enveloppe de 2,7 milliards d'euros est consacrée à ces deux appels à projets, sur les 4 milliards prévus par « France Relance » pour l'immobilier public, les 1,3 milliard d'euros restants étant destinés aux bâtiments des collectivités.
À la clôture de la procédure de candidature, le 9 octobre 2020, 6 682 projets ont été déposés pour un total de 8,4 milliards d'euros, dont environ 1 600 projets au titre de l'ESR pour un montant de 3,7 milliards d'euros : ces chiffres témoignent de l'intérêt du secteur pour la problématique de la rénovation énergétique et de son bon niveau de préparation, les délais étant particulièrement contraints. À l'issue de la procédure de sélection, le 14 décembre 2020, 4 214 projets ont été retenus, dont 1 054 projets ESR, représentant un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État . La répartition des crédits est la suivante : 700 millions d'euros pour les universités, 250 millions pour les Crous, 140 millions pour les organismes de recherche, 110 millions pour les grandes écoles et 100 millions pour des écoles et organismes relevant d'autres ministères que le Mesri.
Les projets retenus sont variés ; il peut s'agir de grosses réhabilitations (de logements étudiants, de bâtiments d'enseignement) ou de projets structurants (transformation de tout un campus) de plusieurs millions d'euros ou de plus petits projets de quelques centaines de milliers d'euros (changement de chaudière, réfection de toiture, installation de panneaux solaires, etc.). Tous ont en commun d'être soumis à des délais très contraints : les projets doivent en effet être notifiés avant fin 2021 et livrés d'ici fin 2023. D'après la direction de l'immobilier de l'État, auditionnée par le rapporteur, le calendrier de notification est en passe d'être respecté. Le principal enjeu qui se pose aujourd'hui est celui de la dérive des coûts et de la faible disponibilité des entreprises dans le secteur du bâtiment et des travaux publics .
* 7 « Mise en oeuvre de la réforme de l'accès aux études de santé : un départ chaotique au détriment de la réussite des étudiants », rapport d'information de Mme Sonia de La Provôté, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 585 (2020-2021).
* 8 Dont 13,5 millions d'euros pour accompagner la transformation pédagogique et améliorer les taux d'encadrement, et 14,3 millions d'euros au titre de l'augmentation de la démographie étudiante.
* 9 « Gestion de l'immobilier universitaire : un sursaut indispensable pour un avenir soutenable », rapport d'information de Mme Vanina Paoli-Gagin, fait au nom de la commission des finances, n° 842 (2020-2021).
* 10 Sont concernées les universités de Nantes, Strasbourg, Angers, Bordeaux III, Rennes I et l'école Centrale Supélec.
* 11 La première vague de dévolution du patrimoine immobilier universitaire, lancée en 2011, a concerné les universités de Clermont-Ferrand I, de Poitiers et de Toulouse I. La deuxième vague, lancée en 2017, a concerné les universités d'Aix-Marseille, Bordeaux, Tours et Caen.