3. Une délégation contestable au pouvoir réglementaire
La proposition de loi privilégie l'emploi de termes très vagues, qui ne sont nullement définis, et dont la valeur juridique n'apparaît pas clairement. En fait, elle se limite à fixer un objectif : " concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes " .
Pour savoir ce qu'est une " représentation équilibrée ", il faudra donc se rapporter au décret en Conseil d'Etat qui sera pris pour l'application de la loi. Celui-ci est en effet chargé de " fixer la proportion de représentants (de l'administration) appartenant à chacun des sexes ".
Les avant-projets de décret soumis à l'examen du Conseil d'Etat en 1999 imposaient que, " parmi les personnes désignées pour faire partie des jurys de concours de recrutement de fonctionnaires ou pour représenter l'administration au sein des commissions administratives paritaires et des comités techniques paritaires, une proportion minimale d'un tiers de personnes de chaque sexe soit respectée ".
Le Conseil d'Etat a estimé que les mesures envisagées, en tant qu'elles auraient pour effet d'interdire à certains fonctionnaires d'un sexe de participer à des jurys ou des commissions administratives paritaires ou des comités techniques paritaires dès lors que le nombre maximal de personnes de leur sexe serait atteint, porteraient nécessairement atteinte au principe fixé par l'article 6 de la loi statutaire du 6 juillet 1983.
C'est pourquoi il a indiqué au Gouvernement que les décrets envisagés nécessitaient au préalable une intervention du législateur. L'Assemblée nationale ne propose ni plus ni moins que la fixation par décret d'un quota pour l'accès des agents aux responsabilités de membre d'un jury ou de représentant de l'administration dans un organisme consultatif . Au pouvoir réglementaire de déterminer non seulement la proportion de droit commun (quota un tiers/deux tiers), mais aussi les corps pour lesquels les statuts particuliers pourront déroger à cette règle.
S'agissant de la féminisation des jurys de concours, un groupe de travail a été constitué afin d'examiner le système des concours de la fonction publique et de déterminer les causes de la sélectivité accrue à l'encontre des femmes.
4. Le refus de faire peser les nouvelles contraintes sur les organisations syndicales
Au cours des débats à l'Assemblée nationale a été soulevée la question de la parité dans les élections syndicales .
En effet, les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires, comme leur nom l'indique, sont constitués pour moitié de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Si les premiers sont désignés, il n'en va pas de même des seconds qui sont le plus souvent élus .
Afin de ne pas porter atteinte au résultat du suffrage, il n'a pas été proposé que les organisations syndicales soient tenues de respecter la même proportion d'hommes et de femmes que celles qui s'imposera dans l'administration.
M. Emile Zuccarelli, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a avancé l'argument selon lequel, " dans tous les organismes de la fonction publique de l'Etat auxquels ils participent, les syndicats désignent chacun des représentants en nombre déterminé par leurs résultats aux précédentes élections, nombre qui descend le plus souvent à un ou deux représentants pour l'un ou l'autre des sept syndicats représentatifs de la fonction publique ". Dès lors, il lui a paru " impossible de leur imposer une obligation de résultat en matière d'équilibre sexué, sachant que celui-ci ne pourrait être atteint que s'ils partagent entre eux les obligations qui en résulteraient à cet égard " 51 ( * ) .
Une telle restriction montre les limites de la présente proposition de loi : l'obligation de féminisation des organismes consultatifs ne porte que sur la moitié de l'effectif.
Le Gouvernement a donc engagé la concertation avec les organisation syndicales, afin de réfléchir aux possibilités d'extension des nouvelles contraintes aux représentants élus par le personnel.
Votre commission des Lois, si elle se félicite de la concertation menée avec les syndicats, ne peut que constater que le Gouvernement n'avait pas eu les mêmes attentions envers les élus locaux lors de la préparation de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
* 51 Journal Officiel, Débats Assemblée nationale, deuxième séance du 7 mars 2000, page 1569.