N° 500

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mars 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi tendant à inscrire l' hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique ,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Sénat :

389 et 496 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le 31 mars 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis, sur les articles 12 à 16 de la proposition de loi n° 389 (2020-2021) tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, enregistrée à la Présidence du Sénat le 25 février 2021 et présentée par M. Daniel Gremillet.

Composée de quatre chapitres, la proposition de loi vise à rénover le cadre législatif portant sur les installations hydroélectriques afin d'inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique .

La commission des finances s'est vue déléguer au fond par la commission des affaires économiques l'examen des articles 12 à 16 du chapitre III, destiné à renforcer les incitations fiscales afférentes aux projets d'énergie hydraulique.

I. LA PROPOSITION DE LOI ENTEND ACCORDER À LA FILIÈRE HYDROÉLECTRIQUE UN ALLÉGEMENT DE LA PRESSION FISCALE, TANT EN MATIÈRE D'IMPÔTS LOCAUX QUE D'IMPÔTS D'ÉTAT, AFIN DE SOUTENIR SON MODÈLE ÉCONOMIQUE ET SON DÉVELOPPEMENT

A. LA FILIÈRE HYDROÉLECTRIQUE, EN PARTICULIER LA « PETITE HYDROÉLECTRICITÉ », BÉNÉFICIE DE SOUTIENS PUBLICS TOUT EN ÉTANT CONFRONTÉE À DES COÛTS SIGNIFICATIFS POUR QUE SES INSTALLATIONS SOIENT CONFORMES À LA RÉGLEMENTATION ENVIRONNEMENTALE

Première source d'électricité renouvelable et deuxième source d'électricité en France, l'hydroélectricité représente une puissance installée de 25,6 gigawatts (GW) sur le territoire national. Variable selon les années, la production hydroélectrique couvre en moyenne 13,5 % de la consommation électrique nationale. Le parc hydroélectrique français compte plus de 2 500 installations soumises à deux régimes juridiques distincts selon la puissance maximale brute :

- les installations de moins de 4,5 mégawatts (MW) sont soumises au régime de l'autorisation environnementale. Elles sont environ 2 100 et représentent 10 % de la puissance totale du parc ;

- les installations de plus de 4,5 MW sont soumises au régime de concessions . 400 installations environ sont soumises à ce régime juridique, représentant 90 % de la puissance totale du parc.

Selon les conventions, la « petite hydroélectricité » , principalement ciblée par la proposition de loi, peut désigner les installations d'une puissance inférieure à 4,5 MW (5 % du parc) ou à 10 MW (8 % du parc).

Les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) visent à augmenter la capacité de production de 900 à 1 200 MW d'ici 2028 , pour atteindre une capacité de production de 26,4 à 26,7 GW .

L 'État apporte un soutien, principalement pour la « petite hydroélectricité », qui prend principalement deux formes :

- le guichet ouvert, pour les installations de moins de 1 MW, à travers un contrat d'obligation d'achat ou de complément de rémunération ;

- des appels d'offres organisés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), pour les installations neuves entre 1 MW et 4,5 MW .

Les installations concédées peuvent également faire l'objet d'un complément de rémunération .

Par ailleurs, les installations hydroélectriques sont soumises aux règles relatives à la préservation de la biodiversité et à la restauration de la continuité écologique . Par exemple, sur les cours d'eau dits « de catégorie 2 », les établissements doivent installer des dispositifs destinés à préserver la biodiversité. Le nouveau classement des cours d'eau a conduit à la mise en place de nombreux dispositifs pour la montaison des poissons et sédiments, pour la dévalaison ou encore pour contourner les barrages.

Ainsi, le renforcement des exigences environnementales, notamment le nouveau classement des cours d'eau, a pu entraîner un renchérissement des investissements initiaux pour les nouvelles centrales, et représente un coût conséquent pour les centrales existantes. Au-delà du coût d'investissement, ces dispositifs génèrent des dépenses d'entretien ainsi que des pertes d'exploitation. Ces coûts sont néanmoins très hétérogènes d'une installation à une autre.

Les coûts liés à la continuité écologique sont pris en compte dans les tarifs de soutien au guichet ainsi que dans le prix proposé par le producteur lorsqu'il participe à un appel d'offres.

Concernées par l'article 16 de la proposition de loi, les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) ne font pas partie de la « petite hydroélectricité ». Installations hydrauliques de stockage permettant de restituer rapidement de l'électricité, les STEP offrent des avantages de flexibilité .

Six STEP sont actuellement en service en France pour une puissance installée d'environ 5 GW , soit environ 17 % de la puissance hydroélectrique totale installée en France. Elles peuvent mobiliser une puissance de 4 GW en moins de dix minutes.

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) considère que les STEP « restent aujourd'hui les seuls moyens de stockage économiquement compétitifs ». Toutefois, elle ajoute que les conditions de marché ne suffisent pas à rentabiliser un nouvel investissement sans que des aides de court terme ne soient allouées. Pourtant, comme le rappelle la PPE, les STEP ont un potentiel de développement de 1,5 GW à horizon 2030 - un potentiel qui pourrait même s'accroître encore significativement à horizon 2050 en raison de la place croissante des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique.

B. LA PROPOSITION DE LOI ENTEND ÉLARGIR LES EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ LOCALE ACCORDÉES À LA FILIÈRE HYDROÉLECTRIQUE

L'article 172 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 donne la possibilité aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'exonérer de la part de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) qui leur revient les installations hydroélectriques, pour les parties destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique ( article 1382 G du code général des impôts ).

Dans la mesure où il s'agissait d'une exonération facultative , la commission des finances avait considéré lors de l'examen de la loi de finances pour 2019 que l'exonération de TFPB ouvrait une possibilité bienvenue aux collectivités territoriales.

L'article 12 de la proposition de loi prévoit de faire de cette exonération le principe, sauf délibération contraire des communes et des EPCI.

L'article 15 propose de permettre aux communes et aux EPCI d'instituer par délibération une exonération de TFPB et de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les nouvelles installations hydroélectriques, jusqu'à deux ans après leur mise en service.

L'article 16 prévoit de permettre aux collectivités territoriales, ainsi qu'aux EPCI, de prendre des délibérations pour exonérer d'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) les STEP.

C. LA PROPOSITION DE LOI ENTEND ÉGALEMENT ALLÉGER LA PRESSION FISCALE EN MATIÈRE D'IMPÔTS D'ÉTAT À LAQUELLE EST SOUMISE LA FILIÈRE HYDROÉLECTRIQUE

L'article 13 crée une réduction d'impôt sur le revenu en faveur de la conciliation des activités hydroélectriques des moulins à eau avec les règles relatives à la préservation de la biodiversité et à la restauration de la continuité écologique . Les dépenses éligibles à la réduction d'impôt doivent être définies par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé du budget. Seraient éligibles les dépenses payées entre le 1 er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. La réduction d'impôt s'élèverait à 30 % des dépenses, dans la limite d'un plafond de 20 000 euros par contribuable .

L'article 14 crée un suramortissement de 40 % sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés (IS) pour les exploitants d'installations hydrauliques autorisées, à raison des biens acquis pour leur mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique.

II. LA COMMISSION DES FINANCES A AMÉNAGÉ LES DISPOSITIFS FISCAUX DÉROGATOIRES PROPOSÉS AFIN DE MIEUX LES CIBLER, DE LES RENDRE PLUS EFFICACES, D'ÉVITER LES EFFETS D'AUBAINE TOUT EN PRÉSERVANT LE LIBRE CHOIX DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE D'EXONÉRATIONS FISCALES

A. EN MATIÈRE D'EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ LOCALE, LA COMMISSION DES FINANCES S'ATTACHE À PRÉSERVER LE LIBRE CHOIX DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La commission des finances a décidé de supprimer l'article 12 , dès lors qu' il instaurait une exonération de principe de TFPB sur les installations hydroélectriques pour les parties destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique.

La TFPB sur les équipements destinés à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique représente en effet une recette significative pour les collectivités concernées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle très peu d'installations ont obtenu de la part des collectivités locales l'exonération facultative de TFPB déjà prévue. Ce dispositif d'exonération de principe serait en outre source de complexité pour les collectivités et certaines pourraient perdre des ressources conséquentes par simple méconnaissance du dispositif . Une exonération d'office, revêtant un caractère quasi-obligatoire, ôterait également l'objectif que sous-entendait l'exonération facultative, à savoir une exonération laissée à la discrétion des collectivités.

En conséquence, la commission des finances a adopté l'amendement COM-23 supprimant l'article 12.

En dépit de réserves, la commission des finances n'a pas souhaité s'opposer à l'adoption de l'article 15, dans la mesure où les exonérations de TFPB et de CFE sur les nouvelles installations demeurent entièrement facultatives . En outre, peu d'installations hydroélectriques sont mises en service chaque année , de sorte que peu de collectivités locales seraient concernées.

Toutefois, il y a lieu de préciser que les entreprises de la filière hydroélectrique bénéficient d'ores et déjà d'une diminution de la pression fiscale permise par la baisse des impôts de production prévue par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances initiale pour 2021. La modernisation du calcul de la CFE des locaux industriels devrait par exemple permettre une baisse de moitié de l'impôt dû.

Au-delà de ces baisses « obligatoires » d'impôts locaux, et outre l'exonération facultative de TFPB possible pour les parties des installations hydroélectriques destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique, l'article 120 de la loi de finances pour 2021 prévoit également un nouveau dispositif d'exonération facultative de CFE sur les créations et extensions d'entreprises , dont bénéficie la filière hydroélectrique.

Par ailleurs, la création de nouvelles exonérations de fiscalité locale est source de complexification de notre législation fiscale .

Ensuite, même si l'exonération d'IFER ne permettra pas de restaurer la rentabilité du modèle économique des STEP, la commission des finances propose l'adoption de l'article 16 sans modification, dans la mesure où l'exonération proposée reste facultative.

Compte tenu de la puissance installée aujourd'hui, si chacune des collectivités concernées prenait une délibération visant à exonérer les STEP d'IFER, la diminution des recettes de fiscalité locale s'élèverait à 16 millions d'euros.

Néanmoins, il ressort des auditions réalisées dans le cadre du présent rapport, comme des études réalisées sur les STEP, que l'exonération d'IFER ne semble pas suffisante pour garantir la rentabilité du modèle économique des STEP.

B. LA COMMISSION A DÉCIDÉ DE MIEUX CIBLER LES ALLÈGEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT PROPOSÉS AUX ARTICLES 13 ET 14

La commission des finances a décidé d'aménager les caractéristiques de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 13, afin d'en améliorer le ciblage .

Elle a d'abord souhaité que la réduction d'impôt puisse s'appliquer plus rapidement en étendant le champ des dépenses éligibles à celles payées en 2021.

Pour ce faire, la commission des finances a adopté l'amendement COM-25 .

La commission des finances a également souhaité améliorer le ciblage de la réduction d'impôt :

- d'une part, pour les ménages acquittant un montant faible d'impôt sur le revenu, elle a souhaité ouvrir la possibilité, lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû, d' imputer l'excédent sur les cinq années suivantes ;

- d'autre part, en contrepartie de cet assouplissement, et afin d'en limiter le coût pour l'État, elle a décidé d' abaisser le plafond de la réduction d'impôt de 20 000 euros à 10 000 euros par contribuable.

Ces aménagements sont contenus dans l'amendement COM-27 adopté par la commission des finances.

La commission des finances a souhaité mieux cibler le dispositif de suramortissement prévu à l'article 14 .

Le poids des investissements dans les équipements requis pour une mise en conformité avec les règles de préservation de la biodiversité et de restauration de la continuité écologique est très hétérogène selon les entreprises . Aussi, le dispositif fiscal proposé paraît insuffisamment ciblé.

En outre le suramortissement ne semble pas être l'outil le plus adapté pour soutenir les exploitants dans l'acquisition d'équipements pour se conformer aux règles environnementales. En effet, il ne s'agit pas d'une aide immédiate, mais d'un outil ciblant uniquement les entreprises dégageant un bénéfice imposable, sur lequel s'impute le suramortissement.

Compte tenu des coûts importants pesant sur les exploitants, dont la croissance est plus importante que celle des tarifs d'achat ou autre mécanisme de soutien , la commission des finances a souhaité recentrer le dispositif, en le ciblant sur les installations autorisées ne bénéficiant pas de soutien public au titre des tarifs de soutien en guichet ou des procédures de mises en concurrence.

Pour ce faire, la commission des finances a adopté l'amendement COM-29 .

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