B. DÉTECTION DE DRONES, VIDÉOPROTECTION ET TRANSMISSION D'IMAGES : UTILISER LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS
L'article 19 bis porte sur la détection des drones par les agents de sécurité privée . La disposition adoptée par les députés concerne un périmètre qui se limite à la circulation des drones aux abords immédiats des biens dont ces agents ont la garde. De plus, le texte ne donne aucun pouvoir d'intervention aux agents privés : ceux-ci doivent se limiter à la détection des drones avec les moyens radioélectriques, électroniques ou numériques en leur possession. Enfin, ce pouvoir de détection ne peut s'exercer que si le drone constitue une menace pour la sécurité des personnes et des biens.
Ces trois restrictions - périmètre, détection sans intervention et menace - entourent cette disposition de garanties suffisantes et n'appellent pas de commentaires particuliers de la part du rapporteur pour avis. Il s'agit là d' un simple complément au droit en vigueur qui sanctionne le survol illégal de certains terrains sensibles ou protégés (articles L. 6232-12 et L. 6232-13 du code des transports).
L'article 20 ter vise à permettre aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner les images déportées vers les salles d'information et de commandement de l'État, sous le contrôle des services de police et de gendarmerie nationales.
La CNIL, dans sa délibération n° 2021-011 du 26 janvier 2021 portant avis sur la présente proposition de loi, avait estimé que « la finalité poursuivie dans ce cadre (« aux seules fins de faciliter les interventions [...] ») apparaît insuffisamment définie. Elle estime que la transmission en temps réel de ces images, en dehors de toute réquisition judiciaire, ne devrait être justifiée que dans des cas précisément définis et présentant un degré de gravité suffisant » .
Cet article prévoit certaines garanties : les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP ne pourraient visionner ces images :
- qu'au sein des salles de commandement placées sous la responsabilité de l'État ;
- que sous le contrôle direct de personnels de la police et de la gendarmerie nationales ;
- et à la condition d'avoir fait l'objet d'une habilitation préfectorale.
Ces précautions ont néanmoins semblé insuffisantes au rapporteur pour avis qui, malgré l'utilité concrète de ce dispositif pour améliorer le « continuum de sécurité » et permettre un gain de temps ainsi que d'efficacité dans la lutte contre la délinquance, considère qu'il doit s'accompagner de davantage de garanties.
C'est l'objet de l'amendement COM-281 , identique à celui de la commission des lois, qui précise que les agents en question n'auront accès qu'aux seules images relevant de leurs périmètres respectifs, que leur consultation ne pourra avoir lieu que sous l'autorité et en présence d'agents des services de police ou de gendarmerie, avec pour unique finalité de mieux coordonner les interventions de leurs services avec les forces de police ou de gendarmerie.
L'article 28 bis vise à déployer, à titre expérimental, un système de vidéoprotection embarqué sur les matériels roulants afin d'assurer la prévention et l'analyse des accidents de transport.
Le dispositif prévoit que les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en oeuvre la transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique et dans des lieux et établissements ouverts au public, à l'aide de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants, enregistrant en permanence . L'exploitation des images collectées ne serait autorisée qu'aux fins d'assurer la prévention et l'analyse de l'accidentologie ferroviaire ainsi que celle des transports guidés et routiers et la formation des personnels de conduite et de leur hiérarchie. La durée prévue de conservation des enregistrements serait d' un mois , hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. Les images seraient anonymisées dès lors qu'elles serviraient à l'établissement de rapports d'enquêtes ou d'analyse des accidents de transport.
Pour mémoire, le Sénat avait adopté, lors de l'examen en séance publique du projet de loi d'orientation des mobilités en mars 2019, une disposition similaire 20 ( * ) , afin, selon les termes de l'objet, de « comprendre a posteriori les causes d'un incident technique ou d'un accident impliquant des éléments extérieurs (piétons, voitures...), et dès lors de prendre des mesures destinées à prévenir ce type d'incident ou d'accident, pour se conformer, entre autres, aux préconisations du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEATT) ». Cette disposition avait ensuite été supprimée en première lecture à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement , au motif que « l'usage de caméras sur les véhicules de transports en commun qui filmeraient l'ensemble de la chaussée et de ses abords ne paraît pas nécessaire et proportionné à l'objectif assigné à ces dispositifs, et constituerait donc une atteinte trop importante aux libertés individuelles, et ce même pour une expérimentation. » C'est là le signe que le contexte a significativement évolué en un an à peine, que le Gouvernement a pris acte de ce changement et que les mentalités abordent l'usage de la vidéoprotection d'une manière plus positive .
La mise en place d'un tel dispositif est préconisée notamment par le BEATT, à l'occasion de plusieurs accidents intervenus dans les transports urbains et ferroviaires. Ce fut le cas par exemple dans le cadre de l'enquête technique sur la collision entre un tramway et une voiture particulière, survenue le 4 juin 2007 à Saint-Herblain en Loire-Atlantique, afin d'équiper les rames de tramway en caméras vidéo orientées vers le territoire à franchir.
La survenance d'un accident grave ou impliquant des personnes nécessite l'arrêt systématique des circulations et l'intervention des secours . Les officiers de police judiciaire doivent alors réaliser une enquête pour déterminer l'origine criminelle ou non de l'accident (enquête aux fins de recherche des causes de la mort prévue par l'article 74 du code de procédure pénale). Lors de ces interventions en milieu ferroviaire ou guidé, il est nécessaire de garantir la sécurité de tous les acteurs de terrain et de traiter ces incidents dans les meilleurs délais afin d'en limiter les conséquences, notamment la durée de l'interruption de circulation, et les risques de sur-incidents (incidents à bord des trains immobilisés, descente de voyageurs sur les voies, risque de trouble à l'ordre public, mouvements de foule...).
L'utilisation de la vidéo embarquée prévue par cet article peut constituer un outil efficace pour éclairer rapidement les autorités de police sur l'origine d'un accident (suicide, infraction volontaire ou involontaire, etc . ) et ainsi accélérer les investigations menées lors des accidents de personnes.
Le document ci-après, transmis par la SNCF au rapporteur pour avis, illustre le contexte général des interventions judiciaires en milieu ferroviaire en cas d'accidents de personne.
Source : SNCF
Il en ressort qu'en 2019, la durée moyenne de traitement d'un accident de personne était de 2 heures 30 en province et de 2 heures 15 en Île-de-France, entre le signalement du heurt et l'autorisation de reprise de la circulation sans restriction. Certaines enquêtes judiciaires sont traitées plus rapidement, en moins d'une heure, lorsque l'officier de police judiciaire obtient rapidement la certitude que l'accident est dû à un suicide.
L'expérimentation proposée paraît utile au rapporteur pour avis , en ce qu'elle permet d' améliorer les connaissances en matière d'analyse accidentologique . Ce type d'enregistrement pourra fiabiliser le recueil des faits afin de permettre une analyse plus fine en levant les doutes dans les accidents graves. Les enregistrements ainsi obtenus objectiveront les situations par des images à forte valeur probante , pour l'analyse du cas d'espèce, mais également, après anonymisation et constitution d'un corpus cohérent, pour la formation et la sensibilisation des personnels de conduite.
L'article 28
bis
prévoit enfin une
information générale du public
sur le recours
à ces caméras, organisée par le ministre chargé des
transports. Il est prévu que ce dispositif expérimental fasse
l'objet d'un
bilan dans les deux ans
suivant son entrée
en vigueur, afin d'évaluer l'opportunité de son maintien. La
commission a adopté un amendement
COM-278
du rapporteur pour avis
- également adopté par la commission
des lois - visant à
garantir la transmission
d'éléments de bilan au Parlement et à la CNIL
.
L'article 28 ter vise à faciliter la transmission aux forces de l'ordre des images réalisées en vue de la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs.
Le droit en vigueur entoure cette transmission de conditions restrictives. En effet, l'article L. 1632?2 du code des transports autorise, sur décision conjointe de l'autorité organisatrice de transport et de l'exploitant, la transmission aux forces de l'ordre de ces images avec trois limitations que prévoit de supprimer l'article :
- l'exigence de circonstances qui font redouter la commission imminente d'une atteinte grave aux biens ou aux personnes ;
- une communication pour la seule durée de l'intervention des forces de l'ordre ;
- et une transmission en temps réel .
Le rapporteur pour avis est favorable à la fluidification des échanges d'images en vue d'une meilleure coordination des forces de sécurité. En revanche, la suppression de l'ensemble des trois garanties actuellement prévues est susceptible de faire peser un risque d'inconstitutionnalité sur le dispositif. Aussi, la commission a adopté un amendement COM-282 du rapporteur pour avis pour :
- conserver sans modification deux des trois garanties , à savoir la communication pour la seule durée de l'intervention des forces de l'ordre et la transmission en temps réel
- et abaisser la garantie liée à l'atteinte commise aux biens ou aux personnes pour ne plus exiger un caractère grave et son imminence .
Cet amendement, également adopté par la commission des lois, permettrait donc de sécuriser le dispositif .
L'article 28 quinquies vise à pérenniser l'expérimentation relative au port de caméras mobiles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP
L'article 2 de la loi dite « Savary » du 22 mars 2016 a prévu, à titre expérimental , le port de caméras par les agents de la Suge et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) , qui sont les services internes de sécurité respectifs de la SNCF et de la RATP.
L'article L. 2251-4-1 du code des transports prévoit ainsi que ces agents peuvent procéder à un « enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident » . L'enregistrement n'est pas permanent, a pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions des agents et les images peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service interne de sécurité concerné 21 ( * ) . En outre, les caméras doivent être portées de façon apparente et le déclenchement de l'enregistrement doit faire l'objet d'une information des personnes enregistrées.
159 caméras ont été déployées par la SNCF tandis que la RATP en a mis 15 en service. Comme l'a vérifié le rapporteur pour avis au cours des auditions, la SNCF a tiré un premier bilan très positif de l'expérimentation , de même que la RATP. D'après l'UTP, l'usage des caméras « fait immédiatement tomber l'agressivité - aussi bien des usagers que des forces de sécurité - dans les situations délicates. »
Le rapporteur pour avis a souhaité améliorer le dispositif en mettant en cohérence le périmètre d'utilisation de ces caméras-piétons avec les périmètres d'intervention respectifs du GPSR et de la Suge , cette dernière voyant d'ailleurs son champ d'action s'élargir sous l'effet de l'article 28 du texte. Aussi, la commission a adopté, sur sa proposition - identique à celle de la commission des lois - un amendement COM-275 en ce sens.
La commission a également adopté, sur proposition du rapporteur pour avis, un amendement COM-274 insérant un article 28 sexies , afin de faciliter le lancement de l'expérimentation du port de caméras piéton par les agents assermentés des entreprises de transport . Cette expérimentation, qui devait débuter le 1 er juillet 2020, n'a toujours pas été mise en place, faute de publication du décret d'application, ce que le législateur ne peut que regretter.
* 20 Par deux amendements identiques n° 304 rect. bis et n° 637 rect . octies .
* 21 En application de l'article 5 du décret n° 2016-1862 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l'expérimentation de l'usage de caméras individuelles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, peuvent accéder ou se faire transmettre des enregistrements : les responsables de ces services, les agents individuellement désignés et spécialement habilités par ces responsables, les officiers et agents de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents participant à l'exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des personnels, les agents chargés de la formation.