N° 393

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale ,

Par M. Étienne BLANC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3452 , 3527 et T.A. 504

Sénat :

150 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le 2 mars 2019, sous la présidence de M. Jean-François Longeot, président, a examiné le rapport pour avis de M. Étienne Blanc sur la proposition de loi relative à la sécurité globale .

Si le texte ne comptait initialement que 2 articles relatifs à la sécurité et à la sûreté dans les transports, ce volet enrichi lors de son examen à l'Assemblée nationale comporte désormais près d'une dizaine d'articles. Compte tenu de ses compétences en matière de transports et de sécurité routière et dans la continuité de ses travaux sur ce sujet 1 ( * ) , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de 9 articles de la proposition de loi : les 7 articles 2 ( * ) du titre V « Sécurité dans les transports et sécurité routière » ainsi que les articles 19 bis et 20 ter.

Partant du constat que le contexte avait fortement évolué depuis l'examen de la loi d'orientation des mobilités , en particulier sous l'effet de la crise sanitaire , la commission a considéré que les évolutions proposées par la proposition de loi allaient dans le bon sens, et qu'elles méritaient d'être complétées pour en assurer toute l'effectivité et précisées, notamment pour garantir le respect des droits et libertés des usagers. Ainsi, elle a adopté 9 amendements sur ces articles, dont 6 sont identiques à des amendements de la commission des lois.

I. LE CONTEXTE DE LA SÛRETÉ DANS LES TRANSPORTS A RÉCEMMENT PROFONDÉMENT ÉVOLUÉ

Depuis l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), puis son adoption en décembre 2019, le secteur des transports a connu d'importants bouleversements . La crise sanitaire engendrée par l'épidémie de Covid-19 a en effet changé les habitudes des Français en matière de transport public , avec une progression considérable du travail à domicile, l'instauration de deux confinements et plus récemment d'un couvre-feu. L'année 2020 fut une année particulièrement difficile pour l'activité liée aux transports : elle a d'abord été marquée par des grèves puis par une forte diminution du trafic de voyageurs 3 ( * ) , qui s'est traduite par d' importantes pertes de recettes .

A. UNE HAUSSE DE LA VIOLENCE ET DU SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DANS LES TRANSPORTS

La sécurité des usagers est une préoccupation majeure . Les auditions conduites par le rapporteur pour avis ont mis en lumière le déplacement de la délinquance et des incivilités dans les transports publics, avec une violence parfois accrue, ce qui semble pouvoir être interprété comme une conséquence de la pandémie. Ainsi que l'a exposé Mme Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France devant la commission, « [il] existe aujourd'hui un ressenti d'accroissement de l'insécurité , qui ne se traduit pas dans les chiffres de la délinquance recueillis par la préfecture de police. Comme le nombre de personnes transportées a diminué de moitié, le nombre d'actes par voyageur augmente. [...] Comme il n'y a plus de touristes, la délinquance se reporte sur les usagers du quotidien » 4 ( * ) .

Interrogée par le rapporteur pour avis sur les indicateurs de la montée de la violence dans les transports , la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a présenté une synthèse des données provenant d'une dizaine d'exploitants 5 ( * ) de transport de 2018 à 2020 et présentées ci-dessous. Globalement, on constate bien une hausse de la dangerosité dans les transports : face à la forte diminution de la fréquentation des transports en 2020, estimée entre 30 et 40 % selon les sources, on ne constate qu'une baisse limitée - et non proportionnelle - des atteintes aux biens et aux personnes en 2020 par rapport à 2019.

Panorama des atteintes aux personnes et aux biens dans les transports publics en 2020 (par rapport à 2019)

1) Les atteintes aux personnes

- Le recul en valeur absolue des atteintes à l'intégrité physique et des atteintes verbales (respectivement de 24 % et 16 %) traduit concrètement un niveau en hausse si l'on tient compte la baisse de fréquentation. Ces actes sont le reflet de l'environnement social et du lien social, exacerbés par les spécificités du transport collectif : confinement, promiscuité ou, au contraire, isolement.

- Constat particulièrement inquiétant : les vols commis avec violence et/ou sous la menace poursuivent leur hausse (+ 17 %). En raison des mesures de distanciation physique, les auteurs de vols simples ou à la tire ( pickpockets ) semblent avoir fait évoluer leur mode opératoire vers un passage à l'acte plus violent .

- Les atteintes sexuelles et sexistes sont enregistrées en baisse (- 36 %) 6 ( * ) en 2020, après l'augmentation constatée 2019 (+ 20 %).

2) Les atteintes aux biens

Les vols simples ou à la tire : après la forte progression observée en 2019 (+ 38 %), ils diminuent de 15 % en 2020. Deux précisions sont mentionnées : d'une part, le mode opératoire des vols a évolué vers des actes plus violents. D'autre part, les vols simples ou à la tire ciblent particulièrement les touristes étrangers qui étaient peu présents sur le territoire en 2020.

(Source : réponses au questionnaire de la DGITM)

Les représentants de l'Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) 7 ( * ) constatent également un report de la délinquance de la voie publique vers les emprises et véhicules de transport. Ils font état de fortes tensions entre les voyageurs et mentionnent des rixes avec armes blanches 8 ( * ) . La majorité des réseaux fédérés par l'UTP connaissent une augmentation des jets de projectiles et des vols à la tire alors même que l'offre de service est réduite.

Comme le souligne opportunément le dernier rapport sur la sûreté publié par cet organisme 9 ( * ) , il faut, pour des raisons écologiques, combattre la baisse de la fréquentation des transports publics et y faire revenir les usagers. Le risque « sécurité » doit donc à tout prix être écarté .

Transdev indique, pour sa part, qu' un cinquième des vols - avec ou sans violence - intervenus sur le territoire français s'est déroulé dans les transports en commun . Transdev souligne également, parmi les deux autres principaux « marqueurs » de la délinquance dans les transports publics 10 ( * ) :

- les violences physiques ou sexuelles envers les usagers et les dépositaires de l'autorité publique ainsi que les agents chargés d'une mission de service public (conducteurs, vérificateurs...) ;

- et les jets de projectiles avec ou sans blessés.

Estimant difficile de quantifier précisément l'« effet report » de la délinquance dû à la distanciation sociale, Transdev indique que les agents constatent néanmoins une plus forte agressivité des personnes contrôlées et confirme, dans certains réseaux, un glissement des vols à la tire vers des vols avec violence.

La RATP rappelle quant à elle que ses réseaux n'ont pas été épargnés par la montée de la violence dans la société française, avec une augmentation des violences de 16 % en 2019 par rapport à 2018 (7 909 contre 6 787) et des vols à la tire de 50 % (6 941 en 2019 contre 4 627 en 2019). Les vols à la tire et les vols avec violence ont repris leur progression dès l'été 2020 . À titre d'exemple, au mois de septembre 2020, les vols à la tire ont augmenté de 26 % (980 vols contre 778) et les vols avec violence de 47 % (404 contre 275) 11 ( * ) . Comme le souligne la RATP, la problématique de la sécurité dans les transports relève d'une « dynamique complexe en raison de la pluralité des environnements (surface, souterrain, quais, gares...), des caractéristiques singulières des espaces (confinés, issues nombreuses, interconnexions multiples...) , des situations diverses de la criminalité (pickpocket, harcèlement, violences, risques terroristes, atteintes aux personnes...) [et] de la densité de population ».

Des violences extrêmes sont enfin commises dans les transports, comme le rappelle le décès de Philippe Monguillot, chauffeur de bus de Bayonne, des suites de son agression en juillet 2020, qui a suscité une indignation nationale et une prise de conscience collective sur le sujet .


* 1 2016 : mission d'information commune avec la commission des lois : « Renforcer la sécurité des transports terrestres face à la menace terroriste » (rapport d'information n° 291, 2015-2016) ; rapport pour avis (n° 314, 2015-2016) sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs , devenue la « loi Savary » et examen au fond de la proposition de loi (n° 504, 2015-2016) relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils ;

2018 : mission d'information commune avec la commission des lois : « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d'efficacité » (rapport n° 436, 2017-2018) et examen au fond du projet de loi (n° 17-435) pour un nouveau pacte ferroviaire ;

2018-2019 : examen au fond du projet de loi (n° 157, 2018-2019) d'orientation des mobilités (avis de la commission des lois), dont plusieurs articles portaient sur la sûreté et la sécurité dans les transports.

* 2 Articles 28 à 29 bis.

* 3 Selon les indicateurs de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), la fréquentation des transports publics n'a représenté que 7 % du trafic habituel pendant le premier confinement, de mars à juin 2020, avant une remontée à la moitié du trafic en juin, 70 % en septembre et près de 80 % à la veille du second confinement décidé en octobre

* 4 Mercredi 10 février 2021, Audition de Mme Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France.

* 5 Comme le souligne la DGITM, ces données peuvent être complétées par l'analyse de l'état 4001 (dépôt de plainte) établie par le ministère de l'intérieur.

* 6 Cette évolution doit néanmoins être relativisée compte tenu de la baisse de la fréquentation.

* 7 L'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) représente 170 entreprises de transport urbain et fédère les opérateurs du ferroviaire.

* 8 Réponses au questionnaire de l'UTP.

* 9 UTP, « Rapport Sûreté, Transports urbains, 2019, Édition 2020 ».

* 10 Réponses au questionnaire de Transdev.

* 11 Contribution écrite du service de sécurité interne de la RATP.

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