EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le 25 novembre 2020, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. René-Paul Savary sur le projet de loi de finances pour 2021 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions »).
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » . - Depuis plusieurs années, dans le cadre du projet de loi de finances, notre commission examine conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».
Cet avis budgétaire complète notre analyse sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, d'un montant de 251,9 milliards d'euros. Ce montant couvre les dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, y compris des régimes intégrés concernés par les deux missions budgétaires que nous examinons ce matin.
La mission régimes sociaux et de retraite permet le financement de onze régimes spéciaux par le biais de subventions d'équilibre versées par l'État. Le régime des industries électriques et gazières, ainsi que ceux de l'Opéra de Paris et de la Comédie française font l'objet d'une subvention d'équilibre retracée dans d'autres missions budgétaires.
Pour la majorité, ces régimes sont fermés et en extinction, héritage de l'histoire de notre pays. Mais, pour l'essentiel des crédits, il s'agit de quatre régimes : le régime de la SNCF, celui de la RATP, celui des marins et, enfin, celui des mines.
Les crédits de la mission sont globalement en baisse de 1,19 %, selon une trajectoire engagée depuis plusieurs années. Cependant, cette baisse est essentiellement le fait de la baisse de financement des régimes en extinction et du régime des mines. En effet, certaines dépenses demeurent dynamiques : les subventions d'équilibre des régimes de la RATP et des marins sont en hausse sur 2021 et celle du régime de la SNCF est stable.
Ainsi, en 2021, 6,15 milliards d'euros seront consacrés à l'ensemble de ces dépenses.
Je tiens à signaler deux éléments sur l'année 2020 qui continueront d'avoir un impact sur 2021. D'une part, l'impact de l'activité partielle sur les recettes des régimes de la SNCF, de la RATP et des marins, mal estimé pour le moment qui conduira à un besoin supérieur de subvention. D'autre part, la conséquence de la fermeture du régime de la SNCF, et le protocole d'accord établi avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'Agirc-Arrco : les deux régimes du privé versent à la caisse de la SNCF une dotation correspondant aux recettes qu'ils perçoivent des nouveaux salariés de la SNCF, alors qu'aucune pension n'est pour le moment à verser à ce titre par ces deux caisses.
Ces sommes ne sont pas très importantes, au départ - quelque 14 millions d'euros - mais grimpent ensuite rapidement, d'année en année. Elles auront donc un impact important sur ces régimes spéciaux.
J'en viens désormais au compte d'affectation spéciale.
Je le rappelle, contrairement à une mission budgétaire, un CAS retrace à la fois des recettes et des dépenses, celles-ci devant nécessairement s'équilibrer. Les recettes du CAS « Pensions » sont principalement constituées des cotisations salariales et contributions employeurs.
Les dépenses du CAS atteindront en 2021 plus de 60 milliards d'euros, pour la première fois, en hausse de 1,03 %.
La dépense la plus dynamique est liée aux retraites des fonctionnaires civils de l'État. Il s'agit principalement ici d'une évolution démographique attendue.
Je souligne également que ces dépenses augmenteront cependant plus modérément que prévu, du fait de la crise sanitaire. En effet, la revalorisation des pensions, indexée sur l'inflation, devrait atteindre 0,4 % contre 1 % anticipé. Par ailleurs, nous avons constaté cette année des reports dans les liquidations attendues, notamment du personnel civil, ce qui aura un impact l'année prochaine.
En 2021, le solde demeurerait excédentaire, mais l'excédent annuel poursuit sa diminution, il serait a priori autour de 800 millions d'euros.
Le solde cumulé du CAS atteindra à la fin de cette année 020, 9,1 milliards d'euros.
Il faut bien comprendre la logique du CAS. Cet excédent cumulé n'est pas de l'argent disponible qui pourrait être réorienté sur d'autres postes de dépenses. Ce solde correspond en quelque sorte à une provision ou réserve fictive dont la nature est purement comptable : il ne s'agit pas d'une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Ce solde cumulé, dans le respect des règles organiques, permet de garantir que les engagements de l'État en matière de pensions auront été financés par une recette liée à cette dépense.
Je l'ai évoqué la semaine dernière, le CAS retrace aussi les dépenses liées aux retraites du combattant et aux victimes de guerre, pour lesquelles une dotation est versée à partir de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Les règles de recevabilité ne nous permettent pas de modifier les crédits sur ce CAS aux dépenses contraintes mais, si nous choisissons d'augmenter les crédits dédiés sur la mission « Anciens combattants », un ajustement des recettes et des dépenses du CAS devra être fait par le Gouvernement.
Si la dépense est contrainte, notamment pour le CAS, elle n'en est pas moins en partie « pilotable ». Il serait aisé, et nous l'avons vu en séance lors de la discussion du PLFSS, de reporter à plus tard les questions concernant l'équilibre financier de notre système de retraite.
Concernant les régimes spéciaux financés par des dotations d'équilibre, force est de constater que nous nous devrons de mettre sur la table la question des conditions de départ à la retraite : c'est bien la solidarité nationale, le contribuable, qui paye pour ces critères plus avantageux.
Concernant les retraites des fonctionnaires civils et militaires, la question est double en matière de recettes. Il s'agira de savoir, dans les années à venir, si l'État maintiendra le principe selon lequel il finance lui-même les pensions de ses fonctionnaires ou si, à la faveur d'un nouveau système, sa contribution employeur s'alignera sur le droit commun. Aussi, même en conservant cette hypothèse, la question du taux de cette contribution pourrait avoir à se poser avant 2030, afin de maintenir le CAS équilibré, comme la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) l'impose.
Je rappelle qu'actuellement, ce taux est de 74,28 % pour les fonctionnaires civils et de 126,07 % pour les militaires, alors qu'il est de 30,65 % pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et autour de 15 % pour les employés du privé.
Mais, au-delà de ces questions, nous ne pourrons nous exonérer d'une réflexion globale sur les dépenses de retraite, et je vous renvoie sur ce point à la conférence de financement que nous appelons de nos voeux.
Je vous rappelle que dans le rapport Conseil d'orientation des retraites (COR) qui va être publié demain, l'âge moyen de départ à la retraite, qui est actuellement de 62,3 ans - et qui est train de passer à 62,8 ans - devrait, en 2030, être à 64 ans, compte tenu des réformes déjà adoptées. Je vous rappelle que la réforme Touraine a conduit à reporter l'âge moyen du départ à la retraite pour un certain nombre de générations, qui commenceront plus tard à travailler. De fait, le taux plein sera automatiquement reporté à 64 ans. Ce que nous avions proposé n'était donc pas d'une redoutable difficulté à mettre en place.
Je vous propose donc, sous ces réserves, de donner un avis favorable sur les crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Mme Monique Lubin . - J'ai besoin d'une explication sur les recettes du régime de la SNCF.
Vous écrivez, monsieur le rapporteur : « D'une part, l'impact de l'activité partielle sur les recettes des régimes de la SNCF, de la RATP et des marins, mal estimé pour le moment qui conduira à un besoin supérieur de subvention ». Très bien. « D'autre part, la conséquence de la fermeture du régime de la SNCF, et le protocole d'accord établi avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'Agirc-Arrco : les deux régimes du privé versent à la caisse de la SNCF une dotation correspondant aux recettes qu'ils perçoivent des nouveaux salariés de la SNCF, alors qu'aucune pension n'est pour le moment à verser à ce titre par ces deux caisses ».
Je ne comprends pas pourquoi les deux régimes doivent verser dès maintenant une dotation, alors qu'aucune pension n'est pour le moment versée au titre de ces deux caisses.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Le régime de la SNCF étant clos, les nouveaux employés sont embauchés sous contrat privé. En conséquence, le régime spécial ne percoit plus de cotisations, mais doit verser les pensions de ceux qui sont à la retraite. C'est le principe de la répartition. C'est pourquoi l'équivalent des cotisations des actifs est affecté au régime fermé.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Est-ce clair pour tout le monde ? Car il s'agit tout de même de flux assez incompréhensible entre régimes !
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - La simplification était difficile. Il y a tellement de critères à faire bouger, qu'il vaut mieux ne rien toucher. L'harmonisation ne peut être favorable à tout le monde.
En revanche, un certain nombre de mesures portent leurs fruits, et notamment la revalorisation des retraites sur l'inflation et non plus sur le salaire. Les projections du COR montrent bien, par rapport à 2030 ou 2070 - en tenant compte des mesures adoptées -, que la pension moyenne de nos retraités, qui est actuellement supérieure au revenu moyen de ceux qui travaillent, diminue progressivement relativement au niveau des salaires. Si nous arrivons à un équilibre, à terme, la pension ne représentera plus que 75 ou 80 % du revenu moyen des salaires. Ce qui voudra dire une baisse du pouvoir d'achat, même si l'augmentation des pensions suivra l'inflation.
Sans nouvelles mesures, les pensions ne seront pas à la hauteur des espérances. C'est la raison pour laquelle, nous devons prendre nos responsabilités, même si ce n'est jamais le bon moment.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je suis désolée, monsieur le rapporteur, mais je n'ai pas bien compris votre réponse.
Par ailleurs, je note que, hors subvention d'État, le régime de la SNCF n'est pas déficitaire, bien au contraire. Il y a donc une volonté de casser un régime spécial qui fonctionne, même en période de crise sanitaire, avec des baisses de cotisations. Vous l'avez souligné, les nouveaux employés de la SNCF sont embauchés sous contrat privé.
Concernant les retraités des mines, ce régime est fermé depuis 2010. Les recettes propres ne pouvant couvrir les charges, l'État contribue au financement des pensions, au nom de la solidarité nationale.
Nous pensons que le Gouvernement aurait dû maintenir les crédits au niveau de l'an dernier, afin d'améliorer les conditions sociales des pensionnés du régime minier.
Mme Monique Lubin . - Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné que l'âge de la retraite sera porté à 64 ans, en 2030, et que nous n'avions donc aucune raison de pousser des cris d'orfraie comme nous l'avons fait lorsque vous avez proposé d'accepter l'âge légal - c'est un peu cela que vous vouliez dire. Ma question est simple : puisque l'âge de la retraite sera automatiquement repoussé à 64 ans, pourquoi anticiper et prendre ce type de mesures avant 2030 ? Ainsi, vous faites payer une catégorie de personnes qui a commencé à travailler très tôt et qui devra partir plus tard que prévu.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Nous avons effectivement proposé d'accélérer la réforme Touraine, qui avait des répercussions sur d'autres générations, afin de maintenir un niveau de pension élevé. Car si nous appliquons cette réforme en augmentant l'âge de la retraite de façon trop lente, le montant des pensions baissera.
Concernant le régime SNCF, effectivement, il n'est pas déficitaire, puisque c'est l'État qui paie la différence entre les charges et les produits - le montant de la subvention représente 60 % de ses charges, soit 3,3 milliards d'euros : c'est l'objet de la mission.
Le régime des mines est, quant à lui, abondé par une subvention de l'État qui représente 84 % de ses charges vieillesse. Le ratio est de 1 000 cotisants pour 220 000 pensionnés. Ce régime s'éteint progressivement.
Les règles de ces pensions sont les règles classiques, avec une revalorisation selon l'inflation ; de fait, elle sera cette année de 0,4 %.
Il en va de même pour le régime des marins : 30 000 cotisants pour 100 000 pensionnés. Une compensation de l'État est donc indispensable.
Enfin, en ce qui concerne le régime SNCF, je l'ai dit, les nouveaux employés sont embauchés sous contrat privé. De fait, ils cotisent à la CNAV et à l'Agirc-Arrco. C'est la raison pour laquelle, ces deux régimes versent à la caisse de la SNCF une dotation correspondant aux recettes qu'ils perçoivent des nouveaux salariés de la SNCF. Ces deux régimes n'auront à verser des pensions que dans vingt, trente ou quarante ans.
Mme Monique Lubin . - Il s'agit donc bien d'un constat.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Oui, c'est le résultat d'un protocole d'accord qui a été établi avec la CNAV et l'Agirc-Arrco. Le montant, cette année, est de 14 millions d'euros, l'année prochaine, il sera de 50 millions d'euros.
Tous les régimes bénéficient de compensations démographiques, qui participent à l'équilibre. Cette compensation serait gommée dans un régime universel, mais nous aurions plus de difficultés à calculer les cotisations salariales et patronales.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».