N° 40
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2020
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de programmation , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l' enseignement supérieur ,
Par M. Jean-Pierre MOGA,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, MM. Jean-Marie Janssens, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Merillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
3234 , 3339 et T.A. 478 |
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Sénat : |
722 (2019-2020) et 32 (2020-2021) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mardi 13 octobre 2020, sous la présidence de Mme Sophie PRIMAS, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de M. Jean-Pierre MOGA sur les articles dont elle s'est saisie pour avis simple 1 ( * ) du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, adopté par l'Assemblée nationale le 23 septembre après engagement de la procédure accélérée.
Attendu depuis longtemps, le projet de loi de programmation de la recherche apparaît comme une occasion manquée. Son ambition était de donner un nouveau souffle à la recherche en France. Il s'agit, en réalité, d'un texte programmatique se concentrant sur la recherche publique, peu contraignant dans sa trajectoire financière et comprenant quelques mesures d'ajustement bienvenues mais non structurelles. Il est dommage que le Gouvernement n'en profite pas pour expliciter une stratégie de recherche claire permettant de déterminer des priorités. Néanmoins, le Gouvernement fait un pas essentiel vers l'absolue nécessité de revaloriser la recherche publique en proposant une trajectoire budgétaire pluriannuelle.
C'est également un projet de loi « fourre-tout », qui aborde des problématiques relatives aux secteurs agricole et spatial, qui relèvent de la compétence de la commission des affaires économiques.
Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle propose, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis.
Les amendements seront examinés par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat lors de sa réunion du mercredi 14 octobre 2020.
I. LA RECHERCHE, PILIER CHANCELANT DE NOTRE ÉCONOMIE FACE À UNE CONCURRENCE TOUS AZIMUTS
Comme le précise très justement l'exposé des motifs du projet de loi de programmation de la recherche, la recherche scientifique et technologique 2 ( * ) est « un pilier de notre souveraineté nationale » parce qu'elle « produit les connaissances nécessaires au progrès économique et social » et « garantit la capacité de notre économie à croître sur le fondement de savoirs nouveaux ». La R&D favorise la croissance de notre économie à travers les gains de productivité et le renforcement de la compétitivité hors-prix des produits. Elle est aussi le moyen de répondre aux grands défis qui se posent à notre économie, notamment celui de la transition environnementale.
Notre pays demeure une grande puissance scientifique : au-delà des grandes réussites individuelles se traduisant par des récompenses internationales, quelques indicateurs le démontrent : notre pays se classe 6 e en termes de publications internationales 3 ( * ) et nos universités sont de plus en plus présentes dans le classement de Shangaï 4 ( * ) . Pourtant, ce pilier de notre économie et de notre souveraineté est de plus en plus chancelant .
Ainsi, comme notre commission le rappelle à chaque budget, l'effort de recherche et développement 5 ( * ) stagne, dans notre pays, depuis les années 1990 , autour de 2,25 % de notre produit intérieur brut ( voir graphique ci-dessus ), en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE. Pire, entre 2014 et 2017, notre effort de recherche a diminué, en passant de 2,28 % à 2,19 % du PIB. En conséquence, nous sommes passés de la quatrième à la douzième place des pays de l'OCDE sur cet indicateur entre le début des années 1990 et aujourd'hui. De nombreux pays ont déjà atteint l'objectif fixé au niveau européen dans les années 2000 de 3 % du PIB : en Europe, il en va notamment ainsi de l'Allemagne, de la Suède, de la Finlande, de l'Autriche ou de la Suisse ; au-delà de notre continent, la Corée du Sud, Israël et le Japon sont également au-dessus de la barre des 3 %. Si l'on se compare à l'Allemagne, celle-ci ambitionne déjà de parvenir bientôt à 3,5 % du PIB et, en valeur en parité de pouvoir d'achat, la dépense intérieure de R&D française est deux fois inférieure à celle de l'Allemagne ( voir graphique ci-dessus ) !
Cette diminution de notre effort de recherche et l'une des explications du positionnement encore perfectible de la France en matière d'innovation, tant par le faible nombre de « licornes » 6 ( * ) que dans les classements internationaux relatifs à l'innovation : la France n'est que 12 e au classement mondial établi par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle 7 ( * ) et 10 e au classement européen établi par la Commission européenne 8 ( * ) .
Or, la bataille économique se joue, aujourd'hui plus que jamais, sur le terrain scientifique et technologique . Qu'il s'agisse des technologies numériques - calcul quantique, cybersécurité, intelligence artificielle, internet des objets, 5G, blockchain , robotisation... - ou des technologies propres - propulsion électrique ou hydrogène... - les puissances mondiales sont engagées dans une course à la technologie pour sécuriser leur place sur les marchés de demain. Pour garder sa place au sein des grandes puissances, la France doit donc être au meilleur niveau de la recherche mondiale, et au meilleur niveau de valorisation de cette recherche.
Si l'article 1 er du projet de loi se fixe pour objectif d'atteindre, à terme, un effort de recherche de 3 % du PIB , le Gouvernement propose un texte qui est centré sur 37 % de l'effort de recherche en France, c'est-à-dire la recherche publique.
* 1 Articles 1, 2, 4, 13, 14, 14 bis, 15, 22 et 23.
* 2 Ces termes sont, dans le présent avis, considérés comme synonyme des termes de « recherche et développement » ou R&D, définis par l'Insee comme « les activités créatives et systématiques entreprises en vue d'accroître la somme des connaissances et de concevoir de nouvelles applications à partir des connaissances disponibles. Elle englobe la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental . »
* 3 L'état de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France (n° 13 - Mai 2020).
* 4 Même si celui-ci est décrié, la tendance est intéressante.
* 5 Mesuré par la dépense intérieure de recherche et développement (ou DIRD), qui comprend, selon l'Insee, « les moyens financiers (nationaux et étrangers) mobilisés pour l'exécution des travaux de recherche et développement (R&D) sur le territoire national par le secteur des administrations (DIRDA) et par le secteur des entreprises (DIRDE) ». Cet indicateur se distingue de la dépense nationale de recherche et développement (ou DNRD), qui correspond, selon l'Insee, « à la somme des financements mobilisés par le secteur des entreprises (DNRDE) et par le secteur des administrations (DNRDA) situées sur le territoire national pour des travaux de recherche réalisés en France ou à l'étranger ». Comme le précise l'Insee, « l'écart entre le montant de la dépense intérieure de recherche et développement expérimental (DIRD) et celui de la DNRD représente le solde des échanges en matière de recherche et développement entre la France et l'étranger ».
* 6 Notre pays posséderait environ 13 licornes sur les environ 300 dans le monde.
* 7 OMPI, indice mondial de l'innovation, 2020.
* 8 Commission européenne, European innovation scoreboard, 2020.