IV. DES DISPOSITIONS AMBITIEUSES MAIS INABOUTIES
A. UNE PROPOSITION DE LOI RÉÉCRITE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La proposition de loi n° 645 visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet a été déposée le 20 mars 2019 sur le Bureau de l'Assemblée nationale par Mme Laetitia Avia. Elle avait été préparée par un rapport remis au Premier ministre le 20 septembre 2018 par Laetitia Avia, Karim Amellal et Gil Taieb « Renforcer la lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur Internet ». Ce rapport établissait le constat, accablant, de l'urgence d'une réponse au déferlement de discours haineux sur Internet, et s'inscrivait dans la réflexion lancée par votre Rapporteure pour avis d'une nécessaire évolution du cadre réglementaire européen.
Comme ce fut le cas pour la proposition de loi sur la manipulation de l'information, la présente proposition de loi a été entièrement réécrite par l'Assemblée nationale , reprenant ainsi une partie des observations et suggestions formulées par le Conseil d'État sur le texte dans son avis du 16 mai 2019. Le rôle du CSA a donc profondément évolué entre le texte initial et celui soumis à votre commission, comme le montre le commentaire de l'article 4.
La proposition de loi finalement adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juillet 2019 peut être divisée en trois parties .
Tout d'abord, le « coeur » du dispositif est contenu à l'article premier , qui impose aux opérateurs en ligne (les réseaux sociaux, attendu que les moteurs de recherche ont été ajoutés suivant le souhait par ailleurs contestable du Conseil d'État) un retrait en 24 heures des contenus haineux qui leur auraient été signalés par les internautes. Le juge judiciaire aura compétence pour trancher, en cas de contestation, sur le respect de ces obligations de retrait.
Ensuite, la proposition de loi crée de nombreuses obligations pour les plateformes concernées, qui vont très au-delà de celles déjà définies dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004. Le CSA serait chargé d'une mission générale de régulation , pour s'assurer que les plateformes remplissent bien leurs obligations de moyens .
Enfin, les articles 6 bis et 6 ter introduits à l'Assemblée nationale par la commission des affaires culturelles visent à prévenir ces propos haineux, en renforçant la sensibilisation des élèves - et de leurs enseignants - à cette problématique et à un usage responsable du numérique.
La commission des lois du Sénat a été saisie de l'ensemble du texte. Votre Rapporteure pour avis renvoie donc à ses travaux pour une présentation générale du texte, en particulier de son volet pénal.