INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission « Justice » devraient connaître, en 2020, une progression significative, de 2,7 %, à périmètre constant, pour s'établir à 9,388 milliards d'euros. À l'intérieur de la mission, le programme 107, relatif à l'administration pénitentiaire, qui réunit 42,1 % des crédits, devrait enregistrer une progression encore plus marquée puisque les crédits de paiement demandés dans le projet de loi de finances s'inscrivent, à périmètre constant, en hausse de 5,6 %.
Cette augmentation doit toutefois être analysée à la lumière du retard accumulé au fil des ans - en matière de recrutement, d'entretien du parc immobilier, de construction de nouvelles places de prison, etc. - et d'un niveau d'activité qui reste soutenu puisque le nombre de personnes détenues s'élevait encore à 70 818 au 1 er octobre 2019, soit un niveau proche de ses plus hauts historiques. Malgré le renforcement des moyens constaté depuis quelques années, la situation demeure donc difficile dans les établissements pénitentiaires, en raison de sous-effectifs chroniques et de l'état du parc immobilier qui demeure sous-dimensionné et mal entretenu.
Quoique significative, cette augmentation reste inférieure à celle prévue par la loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 et par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019. Il manque 153 millions d'euros par rapport au montant qui aurait dû revenir à la mission « Justice », cet écart s'expliquant, pour l'essentiel, par le retard pris dans la mise en oeuvre des programmes immobiliers de l'administration pénitentiaire.
La commission des lois avait déjà jugé insuffisante la progression des crédits votée dans les lois de programmation et elle avait déploré l'abandon par le président de la République de sa promesse de construire 15 000 nouvelles places de prison au cours de son mandat. Elle ne peut donc que s'inquiéter de ce nouvel ajustement à la baisse, qui traduit une difficulté à conduire les projets selon le calendrier qui avait été initialement envisagé.
Tout en prenant acte de l'augmentation de moyens alloués à l'administration pénitentiaire, votre commission les juge insuffisants pour répondre à la crise du monde pénitentiaire et a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.
I. UNE NOUVELLE AUGMENTATION DES MOYENS POUR FAIRE FACE ÀU MANQUE DE PERSONNEL ET DE PLACES DE PRISONS
L'augmentation des crédits consacrés à l'administration pénitentiaire n'apparaît pas suffisante pour améliorer de manière significative l'efficacité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice.
A. LA PROGRESSION DES MOYENS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
1. Un rattrapage indispensable
Le projet de loi de finances initiale pour 2020 prévoit d'allouer l'an prochain 3,056 milliards d'euros à l'administration pénitentiaire, en crédits de paiement, hors contribution au compte d'affectation spéciale « pensions » 3 ( * ) , ce qui correspond à une hausse des crédits de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.
Si l'on inclut la contribution au CAS « pension », les crédits atteignent un montant de 3,958 milliards d'euros , en hausse de 5,26 % par rapport à 2019, au format courant.
La comparaison se fait plus précise si l'on tient compte du changement de périmètre qui va intervenir en 2020 : la réorganisation du secrétariat du ministère de la justice conduit à transférer 30 équivalents temps plein travaillés (ETPT), et 1 822 700 euros de masse salariale, du programme 107 vers le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice ». Si l'on tient compte de ce changement de périmètre, qui a pour effet de minorer les crédits de l'administration pénitentiaire, l'augmentation des crédits s'établit à 5,6 % , comme cela a été indiqué en introduction.
Cette hausse des crédits prolonge plusieurs années d'augmentation du budget de l'administration pénitentiaire, qui peut s'analyser comme une politique de rattrapage visant à compenser les retards accumulés.
Évolution des crédits du programme « Administration pénitentiaire »
(en %)
Évolution entre 2017 et 2020 (année N/N-1) à périmètre constant |
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LFI 2017 |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
PLF 2020 |
+ 4,3 % |
+ 2,2 % |
+ 5,75 % |
+ 5,6 % |
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
2. La répartition par actions
Les crédits sont répartis en trois actions correspondant aux grandes missions de l'administration pénitentiaire :
- l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » regroupe les dépenses relevant de la garde des personnes détenues , y compris les dépenses liées à la sécurisation du parc immobilier, et du contrôle des personnes placées sous main de justice ;
- l'action n° 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » retrace certaines dépenses liées au fonctionnement des établissements pénitentiaires (entretien des bâtiments, hébergement et restauration des personnes détenues), mais aussi l'ensemble des crédits dédiés à la réinsertion des personnes placées sous main de justice, en milieu ouvert comme en milieu fermé ;
- enfin, l'action n° 4 rassemble les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, des sièges des directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) et des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), ainsi que les dépenses de formation du personnel.
L'action n° 1 apparaît comme le « coeur de métier » de l'administration pénitentiaire puisqu'elle absorbe, à elle seule, les deux tiers des crédits. En outre, les trois quarts des membres du personnel contribuent à la garde des détenus. Cette fonction est cependant indissociable de la mission de réinsertion, à laquelle les surveillants pénitentiaires contribuent grâce à leurs contacts quotidiens avec les détenus.
En 2019, l'action n° 1 n'avait absorbé que 61 % des crédits. L'évolution constatée semble corroborer le constat fait par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, entendu par votre rapporteur, d'un accent mis sur la sécurité des établissements, en réaction à certaines évasions spectaculaires ou agressions de surveillants qui se sont produites ces dernières années 4 ( * ) .
La répartition par action des crédits du programme
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
Si l'on examine la répartition des dépenses par nature, on constate que la hausse du budget servira principalement à financer deux priorités : l'augmentation des effectifs et la poursuite du programme immobilier visant à accroître le nombre de places de prison.
* 3 Ce compte d'affectation spéciale (CAS) a été créé pour retracer plus clairement les crédits consacrés au financement des pensions versées par l'État.
* 4 On pense notamment à l'évasion de Redoine Faïd de la prison de Réau en 2018 et à l'agression au couteau de deux surveillants par un détenu radicalisé à la prison de Condé-sur-Sarthe en mars 2019.