IV. L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE : BILAN D'ÉTAPE DE LA RÉFORME DE LA RÉGULATION DE L'INSTALLATION DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT
L'année 2019 a, une nouvelle fois, été très riche pour l'Autorité de la concurrence , aussi bien au titre de ses activités consultatives que de sa mission de contrôle des concentrations et de ses attributions contentieuses en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Parmi les avis rendus cette année, on peut notamment citer plusieurs avis importants sur la concurrence en outre-mer 27 ( * ) , ainsi qu'un avis rendu à la demande de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur le secteur de l'audiovisuel 28 ( * ) .
En ce qui concerne le contrôle des concentrations , l'Autorité a fait un large usage de sa faculté de subordonner l'autorisation d'une opération à des engagements détaillés des entreprises concernées, par exemple à propos de la création par les sociétés TF1, France Télévisions et M6 d'une plateforme commune de diffusion de services audiovisuels dénommée Salto (« l'anti-Netflix ») 29 ( * ) . Par ailleurs, la première décision prise par l'Autorité, en 2018, de sanctionner une entreprise - en l'occurrence, Fnac Darty - pour non-respect des engagements pris à l'occasion d'une opération de concentration vient d'être confirmée par le Conseil d'État 30 ( * ) , ce qui ne peut que conforter l'autorité des décisions prises en la matière.
Pour ce qui est de la répression des pratiques anticoncurrentielles , l'Autorité a sanctionné un abus d'exploitation caractérisé par des prix de vente excessifs, ce qu'elle n'avait pas fait depuis 2009 31 ( * ) . Elle a également sanctionné plusieurs ententes parmi des professions réglementées, visant notamment à faire échec aux dispositions prises au cours des dernières années par le législateur pour renforcer la concurrence au sein de ces professions, par la suppression de tarifs 32 ( * ) ou l'installation de nouveaux professionnels 33 ( * ) .
On peut donc se féliciter de la stabilité des moyens dévolus à l'Autorité, qui connaîtrait même une légère hausse de ses effectifs l'an prochain. Selon la présidente de l'Autorité, entendue par votre rapporteur, ces moyens nouveaux serviront à renforcer les moyens d'investigation dont dispose celle-ci, notamment par la création d' une unité numérique au sein des services d'instruction.
Évolution des effectifs de l'Autorité de la concurrence
Plafond d'emplois (en ETPT) |
Schéma d'emploi (en ETP) |
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Exécution
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LFI
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PLF
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Écart 2020/2019 |
Exécution
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LFI
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PLF
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Écart 2020/2019 |
190 |
190 |
199 |
+9 |
1 |
0 |
4 |
+4 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Votre rapporteur a choisi de porter plus particulièrement son attention sur l'exercice, par l'Autorité de la concurrence, des attributions nouvelles qui lui ont été confiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques , dite « Macron » en matière d' installation des professions réglementées du droit . Nous arrivons, en effet, après deux ans, à la fin de la première période d'application de la réforme , et il est temps d'en dresser un premier bilan.
A. LE RÉGIME D'INSTALLATION DES NOTAIRES, HUISSIERS DE JUSTICE, COMMISSAIRES-PRISEURS JUDICIAIRES ET AVOCATS AUX CONSEILS INSTITUÉ PAR LA LOI « MACRON » DU 6 AOÛT 2015
La réforme de 2015 a profondément modifié les conditions d'installation de ces quatre catégories d'officiers publics ou ministériels que sont les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires et les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (également appelés avocats aux conseils), en attribuant à l'Autorité de la concurrence un rôle qui lui était jusque-là tout à fait étranger.
Sous l'étendard de la « liberté d'installation », la loi « Macron » a, en réalité, institué un mécanisme de régulation administrative de l'augmentation du nombre d'offices et de professionnels libéraux, afin de renforcer la concurrence au sein de ces professions et de mieux répondre aux besoins de la population .
En ce qui concerne les notaires, les huissiers et les commissaires-priseurs de justice , l'article 52 de la loi « Macron » distingue deux types de zones :
- les zones dites d'installation libre , délimitées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence 34 ( * ) , où sont formulées des recommandations en termes d'augmentation du nombre d'offices et de professionnels. Dans ces zones, tout demandeur remplissant les conditions d'accès à la profession doit en principe être nommé dans un office créé conformément aux recommandations mentionnées ci-dessus, par le ministre de la justice ; lorsque le nombre de demandeurs excède les recommandations - ce qui est toujours le cas, et de très loin - il est procédé à un tirage au sort 35 ( * ) ;
- les zones dites d'installation contrôlée , où l'implantation d'offices supplémentaires « serait de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu », et où le ministre de la justice peut, par conséquent, refuser la création d'un nouvel office, après avis de l'Autorité de la concurrence.
Ce dispositif ne s'applique pas en Alsace-Moselle, où l'installation des officiers publics ou ministériels obéit à un autre régime que celui en vigueur dans le reste de la France : tous les offices y sont pourvus par concours, sans que les titulaires aient le droit de présenter leur successeur.
Pour ce qui est des avocats aux conseils , dont les offices sont tous situés en région parisienne, il n'est pas établi de cartographie mais l'Autorité de la concurrence est chargée de formuler des recommandations sur l'augmentation du nombre d'offices 36 ( * ) , lesquelles lient le garde des sceaux puisque celui-ci ne peut refuser de créer un nombre d'offices correspondant aux recommandations de l'Autorité et d'y nommer les demandeurs remplissant les conditions d'accès à la profession 37 ( * ) . Si le nombre de demandeurs excède le nombre d'offices à créer, les nominations sont faites au choix par le garde des sceaux, après avis d'une commission ad hoc 38 ( * ) .
* 27 Avis 19-A-09 du 11 avril 2019 relatif aux tarifs des professions réglementées du droit en outre-mer et 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer , après l'avis 18-A-09 du 3 octobre 2018 relatif à la situation concurrentielle sur les marchés des matériaux de construction à Mayotte et à La Réunion .
* 28 Avis 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d'avis de la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale dans le secteur de l'audiovisuel .
* 29 Décision n° 19-DCC-157 du 12 août 2019 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision .
* 30 Conseil d'État, 7 novembre 2019, n° 424702.
* 31 Décision 18-D-17 du 20 septembre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l'élimination des déchets d'activités de soins à risque infectieux en Corse .
* 32 Décision 19-D-12 du 24 juin 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre par des notaires dans le secteur de la négociation immobilière .
* 33 Décision 19-D-13 du 24 juin 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des huissiers de justice .
* 34 Dans les conditions fixées à l'article L. 462-4-1 du code de commerce.
* 35 Les conditions de nomination sont précisées par le décret n°73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire.
* 36 Article L. 462-4-2 du code de commerce.
* 37 Article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre .
* 38 Cette commission est composée du directeur des affaires civiles et du sceau, d'un conseiller d'État, d'un conseiller et d'un avocat général à la Cour de cassation, ainsi que d'un avocat aux conseils en exercice (décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ).