D. L'ACTIVITÉ LIÉE À LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ POUR LA PREMIERE FOIS EN RECUL

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 12 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 11 novembre 2019, 810 décisions issues d'une question prioritaire de constitutionnalité ont été rendues , soit 5 fois plus que les décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil sur la même période. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure, et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil rend depuis six ans entre 60 et 80 décisions de ce type chaque année. Le nombre de QPC rendues a même dépassé en 2019 le nombre de décisions a priori rendues en 60 ans, ce qui montre la vitalité du mécanisme.

Toutefois, au 1 er octobre 2019, seules 47 décisions QPC avaient été rendues par le Conseil constitutionnel sur l'année civile, un premier tassement du flux de questions nouvelles ayant été observé à la fin de l'été 2019. Votre rapporteur souligne toutefois qu'il est trop tôt pour indiquer s'il est conjoncturel ou augure d'une modification de tendance par rapport aux années précédentes.

Depuis le lancement de la procédure, le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen inférieur à 80 jours , conformément au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions « DC » rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu parce qu'un certain nombre de règles sont scrupuleusement respectées : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc. Sur le plan statistique, votre rapporteur constate 13 ( * ) qu'il n'existe plus d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Votre rapporteur interprète cet ensemble d'éléments comme révélant l'achèvement d'une période qui a permis le lancement, avec succès, d'un mécanisme ayant objectivement contribué à l'amélioration de l'état de droit.

La QPC devrait entrer dans une nouvelle étape ainsi que l'a indiqué le président du Conseil constitutionnel, lors de son audition 14 ( * ) par votre rapporteur. Dans cette perspective, le Conseil constitutionnel entend dresser un bilan plus complet de la QPC en 2020, à l'occasion des dix ans du mécanisme. D'un point de vue juridique, il est d'ores et déjà établi que la QPC, assortie d'un mécanisme de filtre, qui permet de limiter les manoeuvres dilatoires permet aux justiciables de faire valoir leurs droits fondamentaux garantis par le Conseil constitutionnel. Le Conseil souhaite désormais aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : Dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne moins de QPC ?

Le président du Conseil constitutionnel a confirmé à votre rapporteur lors de son audition qu'il « souhaite faire de la QPC une question citoyenne ». C'est le sens d'une première série de décisions « QPC » qui ont été rendues directement après que le Conseil constitutionnel a tenu audience en région, en 2019, à Metz puis à Nantes. Ces audiences ont été d'autant plus bénéfiques qu'elles ont été suivies quelques jours plus tard d'un échange direct entre les étudiants de la faculté de droit la plus proche et le Président du Conseil constitutionnel, lequel a pu expliciter le contenu des décisions rendues quelques jours plus tôt. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'approuver une telle démarche.


* 12 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 13 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 14 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le mercredi 9 octobre 2019.

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