V. L'AFP EN PLEINE REFONTE DE SON MODÈLE
Les crédits de l'AFP progressent de 6 millions d'euros entre 2019 et 2020, soit une hausse de 4,5 % . Elle traduit le soutien de l'État au plan de redressement proposé par le nouveau président-directeur général, Fabrice Fries.
La dotation à l'AFP représente un peu moins de la moitié des aides à la presse .
A. LES DÉFIS AUXQUELS DOIT RÉPONDRE L'AGENCE
L'Agence France-Presse (AFP) est, avec Reuters et Associated Press (AP), l'une des trois plus grandes agences d'information au niveau mondial, et la seule non anglophone. L'Agence réalise un chiffre d'affaires un peu inférieur à 300 M€ , emploie 1 513 journalistes et diffuse 5 000 dépêches par jour.
Votre Rapporteur pour avis avait exposé l'année dernière le triple défi auquel était exposée l'Agence une situation financière fragile , une stratégie éditoriale à affirmer et la concurrence des grands acteurs de l'Internet .
Sur chacun de ces points, la situation tend cette année à s'améliorer.
1. Une situation financière qui s'améliore lentement
La situation financière de l'AFP s'est améliorée en 2018, même si l'Agence ne présente pas encore un résultat positif. Ainsi :
• les revenus progressent de près de 8 millions d'euros, sur un chiffre d'affaires total de 300 millions d'euros. Cette hausse provient pour 65 % des recettes commerciales, et pour le 35 % d'un effort de l'Etat ;
• la hausse des charges semble contenue en 2018, avec une diminution de la masse salariale du siège et une hausse pour les personnels en poste à l'étranger ;
• le résultat d'exploitation s'améliore nettement mais demeure négatif, en passant de - 4,8 à - 2,6 millions d'euros. Cela s'explique essentiellement par des éléments hors exploitation, comme la régularisation sociale des contrats à l'étranger évoquée par votre Rapporteur pour avis l'année dernière.
Il convient de saluer cette amélioration des comptes, qui devra être poursuivi en 2019, en particulier au niveau des recettes commerciales. Le plan de transformation de l'Agence fixe ainsi l'objectif de diminuer les charges de personnel de 14 millions d'euros par rapport au scénario tendanciel à horizon 2023 , ce qui permettrait à l'Agence de mettre fin à « l'effet de ciseaux » produit par l'érosion des recettes commerciales et la hausse des charges de personnel.
Il convient par ailleurs de souligner que la complexité de la situation financière de l'Agence est à relativiser : il semble qu'aucune agence de taille comparable ne soit à l'heure actuelle réellement rentable. Elles sont de facto plutôt perçues comme des outils d'influence d'États ou de grandes entreprises très intégrées.
2. Un virage stratégique porté par la nouvelle présidence et soutenu par l'État
Dans ce contexte de fragile redressement des comptes, l'État s'est engagé à soutenir le plan de transformation du nouveau Président, en accordant 17 millions d'euros sur deux ans (11 millions d'euros en 2019, 6 millions d'euros en 2020). Cette somme doit répondre aux deux besoins suivants :
- 13 millions pour financer le plan social , mesure jugée nécessaire pour restaurer la compétitivité et réorienter les compétences. En tout, 95 postes seront supprimés sur cinq ans, soit 125 départs - majoritairement négociés - et 30 embauches ;
- 4 millions pour le nouveau plan vidéo , axe central de la stratégie de l'Agence.
Après cette date, soit à compter de 2021, il est prévu que la dotation de l'AFP retrouve son niveau de 2019, hors dotation exceptionnelle, soit 133,5 millions d'euros . Une baisse des crédits de l'Agence est donc d'ores et déjà prévue pour les années à venir, où les nouveaux moteurs de croissance devraient prendre le relais.
Trois relais de croissance ont été identifiés , alors que le client le plus important de l'Agence, la presse écrite, enregistre chaque année de très fortes baisses, qui traduisent l'état de crise du secteur.
Le premier vecteur de croissance est la vidéo à destination des chaînes de télévision. Le Président s'est engagé à dégager 30 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans. Cette stratégie suppose deux conditions : une plateforme de présentation et de livraison des contenus compétitive et satisfaisante et un renforcement de la fonction commerciale et marketing au sein de l'Agence . L'objectif est de porter le chiffre d'affaires de l'agence dans l'image (photo et vidéo) à 50 % de son activité en 2022, contre 39 % actuellement . Il s'agit selon votre Rapporteur pour avis d'un pari audacieux , qui nécessitera la mobilisation de l'ensemble des personnels.
Le second vecteur de croissance est le « fact checking », avec un contrat passé au niveau mondial avec la société Facebook. 60 journalistes sont ainsi chargés dans 22 pays de revenir sur les informations douteuses qui circulent, la réponse de l'AFP étant accolé au post « douteux » ;
Dernier vecteur, le « corporate », soit les reportages et clichés réalisés pour le compte d'entreprises.
La stratégie immobilière La question de la stratégie immobilière a été ouvertement posée, avec pour objectif de passer de deux sites (Place de la Bourse et rue Vivienne) à un seul, afin de réunir dans un même lieu les rédactions texte et image et la cellule réseaux sociaux. L'idée initiale de dégager une plus-value sur cession/rachat, qui serait réinvestie dans la relance et le désendettement de l'Agence a dû être abandonnée en raison de ses impacts fiscaux et sociaux potentiels. Le Conseil d'administration a donc avalisé la réunion des rédactions mais dans l'immeuble actuel du siège. La libération de l'immeuble Vivienne permettra ainsi de dégager 2,5 M€ d'économies annuelles. L'Agence est pour le moment dans une phase d'étude préalable aux travaux, avec pour objectif un début des opérations à l'été 2020. Source : ministère de la culture |
3. Le contexte particulier des droits voisins
L'Agence a été partie prenante dans la négociation au niveau européen de la directive sur les droits d'auteur.
Comme votre Rapporteur pour avis l'a souligné, les négociations devraient s'avérer longues et complexes . Le Président de l'AFP a cependant réaffirmé sa solidarité avec le secteur de la presse, ce qui doit être d'autant plus souligné qu'une défection de l'Agence, compte tenu de la richesse de ses contenus, pourrait fragiliser, voire détruire, la cohésion de la presse.
L'Agence est cependant concernée par les droits voisins sur deux aspects :
- via une amélioration de la situation économique de ses clients que sont les rédactions de presse écrite, qui devrait in fine lui bénéficier en enrayant la chute des abonnements ;
- sur la question, sensible pour toutes les agences de presse, des photographies qui illustrent les articles et sont reprises sans rémunération par les moteurs de recherche.
Dès lors, même s'il est difficile d'estimer les revenus qui pourraient être générés pour l'AFP par les droits voisins, et encore plus d'en faire l'unique solution de moyen terme à ses difficultés financières, le résultat des négociations en cours pourrait ne pas être neutre et rapprocher un peu plus l'Agence de l'équilibre.