EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 27 NOVEMBRE 2019
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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avons un ordre du jour particulièrement chargé puisque nous examinons aujourd'hui les rapports de cinq de nos collègues sur les crédits de trois missions budgétaires différentes.
Nous entendrons successivement Jean-Pierre Leleux sur les crédits de l'audiovisuel ; Jean-Jacques Lozach sur les crédits du programme « Sport » et Jacques-Bernard Magner sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, Jeunesse et vie associative » ; Sylvie Robert sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et Philippe Nachbar sur ceux du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ».
J'ai tenu à rappeler en Conférence des Présidents que la durée de trois minutes octroyée aux rapporteurs pour avis en séance pour présenter leurs conclusions sur les missions n'était pas suffisante. Les présidents des autres commissions ont exprimé le même avis. Il n'est pas possible de modifier les durées de parole cette année, sauf à revoir l'ensemble du calendrier d'examen du projet de loi de finances. Le Président du Sénat a dit qu'il allait engager une réflexion sur le sujet.
Je cède immédiatement la parole à Jean-Pierre Leleux pour nous présenter son avis sur les crédits alloués aux sociétés de l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2020.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Comme d'habitude, je vais vous présenter dans un instant quelques données chiffrées sur les crédits de l'audiovisuel public avant d'insister sur un nombre limité de points que j'estime fondamentaux. Mais avant cela permettez-moi de revenir sur le contexte particulier que connaît le secteur des médias.
Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle et sur la souveraineté culturelle à l'heure numérique. Initialement prévu en 2018, ce texte a été reporté au printemps 2019, puis à l'été, et enfin à l'automne. Finalement il devrait être examiné en conseil des ministres mercredi prochain... L'Assemblée nationale prévoit de commencer ses auditions au mois de décembre et d'examiner le texte en commission fin janvier 2020. Le débat en séance publique est programmé fin février. Notre assemblée devrait donc s'en saisir au printemps, après les élections municipales.
Ce projet de loi comprend trois volets : un premier volet relatif à la création audiovisuelle, un deuxième concerne l'évolution de la régulation tandis que le dernier volet est consacré à la réforme de l'audiovisuel public.
Ce dernier volet reprend - souvent mot pour mot - les préconisations que nous avions faites avec André Gattolin en 2015. Nos concitoyens qui s'interrogent sur le rôle du travail parlementaire trouveront matière à réponse dans ce projet de loi puisque c'est notre rapport qui a proposé de créer une holding publique rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Nous avions été jusqu'à proposer de le dénommer « France Médias », c'est le nom qui est aujourd'hui retenu. Nous avions également fait le choix de laisser en dehors de la holding Arte et TV5 Monde, et là encore nous avons été suivis. Nous avions enfin préconisé que le président de cette nouvelle société publique soit désigné par son conseil d'administration et c'est bien ce mode de gouvernance, normalisé, qui est privilégié. Comme nous le souhaitions également, les missions de cette holding devront rester stratégiques : définir les orientations du contrat d'objectifs et de moyens (COM), désigner les directeurs généraux des quatre filiales, répartir le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), définir les mutualisations et la stratégie numérique commune... Toutes ces recommandations sont donc reprises par le projet de loi et nous devrions donc être pleinement satisfaits.
Pourtant nous ne le sommes pas pleinement. La transformation de l'audiovisuel public doit reposer sur trois dimensions indissociables : une évolution des structures reposant sur la création d'une gouvernance commune, c'est l'objet du projet de loi et là, nous sommes sur la bonne voie ; une définition pluriannuelle des moyens ; une réflexion sur les missions et la vocation de cet outil fondamental qu'est l'audiovisuel public.
Or, si le train de l'évolution des structures est en partance, et si celui qui prévoit les moyens est annoncé avec retard pour 2021 ou 2022, nous restons encore sur notre faim concernant la définition des missions.
Tout se passe en fait comme si on avait pris le problème à l'envers. Notre rapport de 2015 s'intitulait : « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de "France Médias" en 2020 ». Notre réflexion était partie des moyens. Quels moyens pour quelles missions ? Et nous avons abouti à la nécessité de modifier les structures en particulier pour accélérer l'élaboration d'offres numériques communes. Malheureusement, c'est le raisonnement inverse qui est appliqué aujourd'hui. On coupe les moyens, on repousse la réforme du financement à 2021 ou 2022 et on modifie les structures, avant tout pour rechercher des économies et non pour renforcer la spécificité du service public.
Au lieu de garantir des moyens dans la durée, le Gouvernement n'a fait que procéder à des coups de rabot successifs depuis 2017, sans tenir compte des enjeux propres à chaque média public. Une trajectoire - très contraignante - a ainsi été définie en 2018 qui prévoit 190 millions d'euros de baisse de la ressource publique d'ici 2022. Cette baisse de la ressource ne tient pas compte de la hausse naturelle de la masse salariale consécutive à l'ancienneté et de l'accroissement de certains coûts, comme l'indexation des contrats et des baux locatifs par exemple. Le Gouvernement a exigé par ailleurs, avec raison, que les entreprises de l'audiovisuel public accroissent leurs investissements dans le numérique de 150 millions d'euros, mais cela accroît d'autant l'effort demandé à chacune d'entre elles. France Télévisions a ainsi chiffré l'écart à financer à près de 370 millions d'euros.
La réforme des structures de 2020 s'ajoutera donc à la raréfaction des moyens engagée en 2018 sans qu'une réflexion globale n'ait abouti sur les missions.
C'est donc un véritable « management par le stress budgétaire » qui a été mis en place depuis 2017. La montagne est d'autant plus difficile à gravir pour les entreprises que cette thérapie de choc succède à une période de relative abondance des crédits, de 2012 à 2017, durant laquelle la tutelle n'a exigé aucune véritable réforme.
Je rappelle que l'indexation et le mécanisme d'arrondi de la CAP ont généré pendant plusieurs années une surindexation. Les ressources de l'audiovisuel public ont ainsi augmenté de 18 % entre 2009 et 2016, alors que l'inflation n'a progressé que de 8 % sur cette période. Le montant de la CAP aurait dû être de 124 € en 2016 en se fondant sur l'inflation réelle et non pas de 137 € compte tenu des règles d'indexation et des « coups de pouce ».
Concernant les réformes, je rappellerai également que la fusion des rédactions de France Médias Monde a été abandonnée en 2012 alors qu'elle était au coeur du projet initial de pôle de l'audiovisuel extérieur. La fusion des rédactions de France Télévisions a pris, à cette même époque, beaucoup de retard, le projet Info 2015 vient d'ailleurs de s'achever seulement cette année, avec quatre ans de retard. Cet immobilisme a été dénoncé tant par la Cour des comptes que par notre commission qui, je le rappelle, avait donné des avis négatifs aux COM de Radio France et de France Télévisions.
En somme, l'austérité la plus sévère a succédé au laxisme le plus débridé en faisant à chaque fois l'économie d'une réflexion sur les attentes de la Nation vis-à-vis de son audiovisuel public.
Certains choix apparaissent particulièrement déraisonnables et je vous en donnerai quelques exemples. Sans aucun débat, le Gouvernement a décidé de supprimer la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô. L'économie pour France 4 est estimée à 16 millions d'euros et celle pour France Ô à 13 millions d'euros. Ces 29 millions d'euros représentent 1 % du budget de France Télévisions, ce qui paraît dérisoire. Comme l'indiquait le président de la BBC l'année dernière au Sénat, il est incompréhensible que France Télévisions se prive d'un outil de fidélisation de la jeunesse alors même que le service public est confronté à la problématique du vieillissement de ses audiences. Je rappelle par ailleurs que la nouvelle plateforme jeunesse de France Télévisions, dénommée Okoo, sera lancée à l'été 2020, c'est-à-dire cinq ou six mois après l'arrivée de Disney + prévue en mars prochain... Le service public abandonne donc le terrain. J'observe également que plus de cinq ans après l'arrivée de Netflix le service public ne dispose toujours pas d'une plateforme SVOD de vidéo à la demande et ne propose aucun film en replay...
Un deuxième exemple concerne Radio France et le chantier de la Maison de la Radio. Les nouvelles sont plutôt encourageantes de ce côté puisque la fin du chantier devrait avoir lieu, comme prévu l'année dernière, à l'été 2022. Par ailleurs, le coût final semble enfin maîtrisé puisque la dernière évaluation faite par l'entreprise évalue le coût du chantier à 580 millions d'euros en tenant compte des studios de création. C'est 20 millions d'euros de moins que ma propre estimation de l'année dernière. Cependant on peut regretter que l'État n'ait pas été en mesure de définir dans le PLF le montant et les modalités de sa contribution au financement du chantier pour 2020. Non seulement cette situation n'est pas confortable pour l'entreprise, mais elle ne me semble pas respectueuse du Parlement qui ne peut se prononcer sur ce financement dans le cadre du débat budgétaire. Enfin, on ne peut que déplorer l'idée de départ du projet de rénovation ayant consisté à maintenir les équipes dans les locaux pendant les travaux. Outre le fait que ce choix a été à l'origine des retards et du dérapage des coûts, il a contribué à dégrader le climat social, les personnels ne pouvant concilier les contraintes de leur métier concernant le son avec les nuisances sonores inhérentes à un chantier d'une telle importance.
Un dernier exemple concerne notre audiovisuel extérieur. La réduction des crédits se traduit aujourd'hui par une réduction des zones de diffusion. TV5 Monde s'est retirée des réseaux câblés en Grande-Bretagne et prévoit de réduire sa couverture en Europe continentale, notamment en Italie, l'année prochaine. France 24 ne sera plus disponible sur les réseaux câblés en Amérique du Nord en 2020. J'y reviendrai tout à l'heure, mais je crois déjà nécessaire de regretter l'absence de réflexion stratégique sur notre audiovisuel extérieur. Nous vivons sur une fiction : vouloir maintenir une influence mondiale en accordant à nos opérateurs des moyens par nature limités issus de la CAP et donc financés par les téléspectateurs nationaux. Il est temps, à mon sens, de définir une stratégie ambitieuse et conquérante plus en phase avec nos moyens et nos intérêts stratégiques. Pour cela il faudrait certes procéder à des arbitrages de périmètre pour adapter nos objectifs à nos moyens, mais également augmenter ces mêmes moyens afin de défendre notre influence dans les zones vraiment stratégiques (l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient). Je note toutefois l'extension de la diffusion en espagnol en Amérique latine.
Notre audiovisuel public est d'abord victime de ces « non-choix », sur le nombre de chaînes, sur le numérique, sur le chantier de Radio France, sur les zones d'influence dans le monde...
Si nous en sommes arrivés à cette situation, c'est d'abord parce que les tutelles - et donc les Gouvernements successifs - ont été incapables de définir une vision stratégique et de donner du sens au service public dans un monde numérique.
Pourtant, l'urgence à préserver des acteurs puissants est bien présente. Les plateformes américaines ne proposent pas d'information, elles n'ont pas non plus vocation à présenter un récit national à travers des émissions sur l'histoire et le patrimoine. En un mot, elles n'ont pas la charge de faire vivre le débat démocratique. France 3 et France Bleu ont ainsi prévu d'organiser plus de 800 débats à l'occasion des élections municipales. Voilà pourquoi, il nous faudra être vigilants dans le cadre du débat sur la loi audiovisuelle sur la préservation et le renforcement de nos acteurs nationaux, qu'il s'agisse des groupes de télévision comme des groupes de radio.
Dans ces conditions, je ne peux que regretter la baisse du tarif de 1 € de la contribution à l'audiovisuel public, prévue par l'article 31 du projet de loi de finances, qui intervient après le gel déjà décidé l'année dernière. Cette diminution des moyens va inévitablement contrarier l'accomplissement des missions de l'audiovisuel public.
Si je regrette cette baisse des moyens, je ne peux néanmoins pas m'y opposer, faute de redéfinition des missions et des priorités ; elle constitue l'unique moyen trouvé par l'État pour exiger des réformes dans l'organisation de ces entreprises.
Depuis dix ans, le législateur a fait son travail en accompagnant la hausse des moyens de l'audiovisuel public. Mais force est de constater que ces moyens ont d'abord servi à financer des coûts et des effectifs croissants et non à développer des offres innovantes. Depuis 2012, les effectifs de France Médias Monde ont ainsi augmenté de plus de 10 % et ceux d'Arte de 7 %. À France Télévisions et à Radio France, c'est le nombre des cadres dirigeants et leurs salaires conséquents qui ont connu un vrai dynamisme selon les organisations syndicales.
On peut le déplorer, mais la politique d'austérité porte ses fruits. La présidente de France Télévisions expliquait il y a encore deux ans que l'entreprise était « à l'os » en matière d'effectifs. Sur la période 2018-2022, ce sont pourtant plus de 1 000 emplois nets qui seront supprimés et une économie de 100 millions d'euros qui pourra être réalisée. Cet effort est à souligner. À Radio France, le plan de départs devrait concerner près de 300 personnes. Cela est à souligner aussi.
Vous l'aurez compris, si je soutiens la réduction des moyens décidée pour provoquer des économies et rechercher une hausse de la productivité, je la déplore lorsqu'elle a pour effet de réduire l'ambition du service public tant en métropole, qu'en outre-mer et à l'international.
Quelques chiffres maintenant. Après avoir augmenté de 100 millions d'euros sur la période 2015-2017 puis baissé de 36,7 millions d'euros en 2018, et de 36,1 millions d'euros en 2019, les crédits consacrés à l'audiovisuel public baisseront de 69,2 millions d'euros en 2020 (soit une baisse de -1,8 %) pour représenter 3,71 milliards d'euros.
Cet effort se répartit comme suit : 60 millions d'euros pour France Télévisions, 5 millions d'euros pour Radio France, 2,2 millions d'euros pour Arte, 1 million d'euros pour France Médias Monde et pour l'INA, les moyens de TV5 Monde demeurant stables.
Lorsque l'on examine l'évolution des moyens de chaque entreprise depuis 2017, il n'est pas inutile de rappeler que si les crédits accordés à France Télévisions et Radio France ont fortement baissé, l'évolution demeure positive pour France Médias Monde (+3,7 millions d'euros) et Arte (+1 million d'euros). Je précise cela, car il serait inexact de laisser penser que France Médias Monde et Arte seraient plus mal traitées que les deux plus grosses sociétés de l'audiovisuel public. Elles sont plutôt préservées. Par contre, il est vrai que la tutelle ne leur donne pas les moyens de mettre en oeuvre des ambitions croissantes, ce qui est évidemment différent.
C'est la raison pour laquelle je ne soutiendrai pas - à titre personnel, car nous n'avons pas à donner d'avis au nom de la commission - l'amendement adopté par la commission des finances qui vise à transférer près de 10 millions d'euros du budget de France Télévisions à celui de France Médias Monde. Notre audiovisuel extérieur a besoin, je l'ai dit, d'une vraie réflexion stratégique et d'arbitrages au plus haut niveau pour définir les contours d'une ambition raisonnable et réaliste. Son avenir ne peut dépendre d'une politique consistant à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Je rappelle à cet égard que le produit de la TOCE qui s'élevait à 266 millions d'euros en 2018 ne profite plus à l'audiovisuel public. La réforme de la CAP que nous avons proposée en 2015 avec une universalisation de son assiette se traduirait mécaniquement par environ 150 millions d'euros de ressources supplémentaires. Ce n'est donc pas une question d'argent, mais de choix. La majorité actuelle a fait le choix de réduire la voilure de la culture et de l'influence françaises et, en même temps, de continuer à revendiquer une ambition qui ne repose en fait sur aucune volonté politique réelle. Et c'est ce choix que je peux qualifier de technocratique et schizophrénique qui crée un trouble aujourd'hui, notamment auprès des salariés.
J'en viens maintenant à la situation des opérateurs. Celle de France Télévisions reste, comme l'année dernière, délicate. Comme je l'ai indiqué, le groupe doit faire face à un mur de 370 millions d'euros à financer. Les gisements de ressources ne sont pas nombreux. L'accord de rupture conventionnelle collective doit se traduire à terme par une économie de 100 millions d'euros sur la masse salariale. Des économies à hauteur de 110 millions d'euros sont également prévues sur les programmes, notamment sur les émissions de flux. L'entreprise envisage d'augmenter ses recettes commerciales, notamment celles issues des coproductions et elle bénéficie d'une baisse de la taxe du CNC à hauteur de 20 millions d'euros.
Cette diète financière ne tarira pas cependant le rythme des nouveaux projets puisque le groupe vient de lancer une nouvelle plateforme éducative, Lumni, et que le projet de plateforme SVOD Salto est maintenant en développement après avoir reçu l'accord de l'Autorité de la concurrence.
Un mot du rapprochement en cours entre France 3 et France Bleu que j'avais longuement évoqué l'année dernière. Après la phase d'expérimentation conduite à Nice et Toulouse, le déploiement de 44 matinales communes a été décidé à l'horizon 2022. Après Guéret et Lille à la rentrée dernière, c'est Quimper qui est concerné ce mois-ci puis Aix-en-Provence le mois prochain, avant Saint-Etienne et Paris en janvier 2020. Des difficultés restent à résoudre concernant au moins 16 zones d'émission. Un problème plus structurel concerne l'absence de géolocalisation sur les box qui privent les téléspectateurs d'accès aux matinales communes . Le bilan qualitatif de ces matinales est encore indécis. Les directions de France 3 et de France Bleu insistent sur le meilleur maillage et la satisfaction du public. Les syndicats considèrent que la valeur ajoutée éditoriale est très limitée et que la « qualité à l'écran » n'est pas au rendez-vous. Le succès de l'opération dépendra donc de la capacité des équipes à créer un média global de proximité à travers une offre numérique commune.
Les audiences de Radio France sont toujours excellentes et l'entreprise a réussi à rétablir l'équilibre de ses comptes en 2019, notamment grâce à la progression des recettes publicitaires. La transformation de l'entreprise a été engagée avec l'intégration des technologies numériques. La diffusion des podcasts sur tous les supports a permis de mieux faire connaître l'offre et d'augmenter l'audience en retour. Certaines antennes comme FIP ont été repositionnées. Le plan de réduction d'emplois concernera particulièrement les formations musicales. J'évoque depuis plusieurs années le problème posé par ces formations. Leur redimensionnement et leur repositionnement devraient permettre de mieux les valoriser dans des registres repensés. La baisse attendue de la ressource publique de 20 millions d'euros d'ici 2020 impose de ne pas relâcher les efforts sur la maîtrise de la masse salariale et la hausse de la productivité.
La situation d'Arte est toujours satisfaisante. L'audience, toujours en progrès, atteint maintenant 2,6 % tandis que les résultats sur Internet ne cessent d'augmenter. Le développement de l'offre multilingue permet à 70 % des Européens de regarder la chaîne culturelle dans leur propre langue. La chaîne franco-allemande devient petit à petit la chaîne européenne publique de référence. Sur le plan budgétaire, la baisse de la ressource publique de 2,2 millions d'euros sera neutralisée par la baisse de la taxe du Centre national du cinéma (CNC). Cette stabilité était essentielle au moment où les Allemands définissaient leur propre financement quadriennal d'Arte Deutschland.
La situation de France Médias Monde demeure compliquée, car le groupe est confronté à des acteurs soutenus par des États qui donnent la priorité au soft power . Le groupe s'inquiète des conséquences des économies envisagées d'ici 2022 qui pourraient contraindre le développement en Afrique, notamment sur la TNT. L'entreprise essaie de limiter au minimum ses frais de fonctionnement en renégociant ses loyers, par exemple. On mesure bien le caractère inadapté des coupes budgétaires dans un univers international fait d'hyperconcurrence géopolitique.
TV5 Monde est confronté à la même problématique. Le développement est mondial, notamment en Inde. Mais la chaîne francophone doit limiter sa distribution, par exemple au Brésil, pour économiser des frais de diffusion. Les équipements de TV5 Monde ont vieilli, ce qui occasionne de nombreux problèmes techniques. Cette situation tendue n'empêche pas TV5 Monde de se projeter dans l'avenir en préparant une plateforme gratuite dont le développement a été confié à Radio-Canada.
La baisse des moyens de l'INA servira en 2020 à préserver ceux d'Arte dans le cadre de la négociation quadriennale franco-allemande. L'institut poursuit son adaptation, ce qui passe par une réduction des effectifs et l'amélioration de son offre. Je note que l'INA est très satisfaite de faire partie de la holding et qu'elle se donne pour mission de renforcer le caractère distinctif du média public.
Le regard que je porte sur ce budget est partagé. Il tient aussi compte du projet de loi que nous allons bientôt examiner. La création d'une gouvernance commune n'est pas suffisante, mais c'est une condition nécessaire à la préservation de l'audiovisuel public à l'heure du numérique. Les principales difficultés rencontrées tiennent à l'absence de vision stratégique des tutelles, ce sera donc au président ou à la présidente de France Médias de concourir au développement de cette vision et de veiller à sa mise en oeuvre.
Dans le titre III du projet de loi que nous examinerons au printemps, un chapitre entier est prévu pour redéfinir les missions de l'audiovisuel public. Ce sera le moment de faire preuve d'imagination et d'audace pour réorienter notre service public vers des missions plus différenciées dans le paysage de plus en plus dense de l'offre privée et de viser une plus grande appropriation par nos concitoyens de leur audiovisuel public.
Je pense que des moyens nouveaux devront alors lui être accordés pour développer des projets prioritaires. C'est seulement ainsi que nous pourrons définir une ambition nouvelle.
Dans ces conditions, le présent budget apparaît comme le dernier d'un temps bientôt révolu où les entreprises de l'audiovisuel public étaient encore séparées et parfois concurrentes. Je vous propose de clore cette époque en donnant un avis favorable à l'adoption de ces crédits en acceptant, à regret, l'idée que la redéfinition des moyens n'interviendra pas avant la réforme de la CAP.
M. André Gattolin . - Je félicite le rapporteur pour son travail. Il a évoqué l'avant-projet de loi sur la communication audiovisuelle et sur la souveraineté culturelle à l'heure du numérique. Je ne me suis pas gêné pour faire remonter au Gouvernement mes remarques sur les manques. Je suis tout à fait d'accord sur la question des missions assignées aux entreprises. Que voulons-nous faire de l'audiovisuel et de l'audiovisuel public en particulier ? Tel devrait être le point de départ de la réflexion. Les articles 43 et 44 vont plus loin que l'existant, mais restent insuffisants. Certes, tout ne peut pas figurer dans la loi, mais au moins nous devons expliquer l'esprit de la réforme, dire ce que l'on veut faire par rapport aux citoyens, qui contribuent à l'audiovisuel public, ou aux téléspectateurs. Il sera donc important que nous exprimions, bien avant le débat qui aura lieu au printemps, nos attentes en ce domaine.
Il manque à l'audiovisuel public une charte sur les missions, mais aussi les valeurs de l'entreprise, comme cela existe au Royaume-Uni ou en Islande. Il importe aussi de constituer une instance de suivi et d'évaluation du cahier des charges. Le rapporteur n'a pas évoqué la question de la nomination du président. Si j'approuve le système de nomination par le conseil d'administration, avec une validation par les commissions compétentes du Parlement, je m'étonne de la survivance d'une validation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Les parlementaires ne seront plus représentés dans les organes de direction des entreprises audiovisuelles publiques, ce qui est une bonne chose, car cela renforce notre capacité de contrôle, et je ne comprends pas que le premier organe de contrôle, le CSA, continue à avoir un pouvoir de veto sur la nomination du président. Ce n'est pas acceptable. Il en va de la séparation des pouvoirs, entre le pouvoir de nomination et de contrôle.
Je diverge aussi de l'analyse du rapporteur sur l'audiovisuel extérieur. La question des moyens est évidemment importante, mais celle de la stratégie l'est encore plus. Nous continuons à faire la radio ou la télévision de papa, avec une diffusion linéaire classique. On se bat pour obtenir des fréquences FM en Afrique ou en Asie, ce qui ne nous permet pas d'assurer l'indépendance des contenus par rapport aux États qui nous les accordent. En Afrique, l'influence de médias francophones comme Sputnik ou Chine Nouvelle est devenue dominante dans les zones francophones. Ceux qui écoutent RFI sur la bande FM ont souvent plus de 65 ans, et l'audience est très faible... Il faut donc poser la question de l'orientation stratégique des médias avant de poser la question des moyens.
J'ai aussi quelques doutes sur le développement linguistique. Il nous appartient de défendre la francophonie. Diffuser des émissions en arabe ou en anglais, c'est bien, mais était-il opportun de lancer une diffusion en espagnol si les émissions ne sont pas de qualité. Je songe aux erreurs récurrentes dans les bulletins d'informations de France 24 en français... Je préférerais que la qualité de l'antenne soit renforcée avant de lancer des diffusions dans d'autres langues.
M. David Assouline . - Je souscris à plusieurs observations du rapporteur, mais je suis surpris par son grand écart entre son analyse et sa conclusion... Ce budget traduit une baisse généralisée des crédits. Il incite un certain nombre de collègues parlementaires, qui sont plus attentifs au sort de telle ou telle chaîne et qui souhaitent en augmenter les moyens, à aller chercher des crédits ici ou là, dans une enveloppe contrainte, au risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul...
Hier, dans l'hémicycle, nous avons eu la possibilité de maintenir la CAP à son niveau. Il s'en est fallu de peu que l'on ne réussisse. Cela s'est joué à quelques voix et je tiens à remercier le groupe centriste qui a voté mon amendement. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas comment vous avez pu accepter cette baisse, alors que vous portez la voix de notre commission et que vous dénoncez les manipulations excessives des crédits ! On ne nous a toujours pas transmis le rapport que vous avez été l'un des premiers à demander, à travers le combat que l'on a mené ensemble, pour une réforme de la CAP. La réforme n'est pas encore annoncée que déjà l'on réduit les moyens... C'est une mauvaise méthode. Comment ferons-nous, si au cours de la discussion de la réforme de l'audiovisuel public, on constate qu'il faut renforcer les moyens de tel ou tel volet ? La baisse de la redevance d'un euro, c'est 30 millions d'euros de moins chaque année pour l'audiovisuel public ! Je n'arrive pas à comprendre la position du rapporteur...
Dans le privé, il est fréquent qu'une entreprise, pourtant en bonne santé, licencie, car cela fait monter son cours de bourse. Mais je suis surpris que l'on fasse de même dans le public ! Comment justifier cette baisse d'un euro de la CAP ? Celle-ci nous prive de ressources pour soutenir Radio France ou France Médias Monde, chère à M. Karoutchi, sans ponctionner les crédits de France Télévisions. Mon amendement nous donnait des marges de manoeuvre sans être déclaré irrecevable au titre l'article 40 de la Constitution.
Je n'accepte pas le présupposé idéologique du rapporteur selon lequel les réformes ne se feront que si les opérateurs sont contraints financièrement. Radio France est un parfait contre-exemple. Elle a connu une réorganisation d'ampleur en 2015, qui a provoqué une longue grève. La société ne vit pas sur ses acquis et est en pointe dans le numérique. On ne peut pas dire que France Télévision n'a rien fait, et ne s'est pas rationalisée : plateforme éducative, plateforme commune avec le privé pour faire face aux GAFA, sans parler des deux plans de départs volontaires depuis 2012... Il faut encourager, pas obliger sans aucune vision ni même respect, par l'État, du COM ! Je partage plusieurs de vos constats, mais arrive à la conclusion inverse : on ne peut pas voter ces crédits, nous qui avons toujours dit qu'il fallait défendre la CAP, surtout depuis qu'il n'y a plus de publicité. C'est la première fois de son histoire qu'on la fait baisser.
M. Michel Laugier . - Je partage beaucoup de constats du rapport. Le budget devrait être axé sur 2020, mais nous sommes déjà dans l'après-2020, à la veille de la grande évolution que nous attendons depuis longtemps. Certains choix de l'État sont déraisonnables, et le management par le stress budgétaire n'est pas la bonne méthode, pas plus que celle qui consiste à déshabiller Jean-Pierre pour habiller André ! J'observe tout de même que le Sénat a été entendu : le texte qui nous sera présenté au printemps s'inspire du rapport Leleux-Gattolin. Je souhaite que l'audiovisuel extérieur soit mieux mis en avant, d'autant que nos voisins mettent plus de moyens que nous dans le leur. Je regrette la baisse de la CAP, malvenue alors que nous allons faire bouger les choses l'an prochain. Cette baisse est surtout symbolique, et relève d'une approche hypercomptable plus que d'une vision quelconque. De plus, la loi audiovisuelle arrive, et nous sommes en pleine réforme de la fiscalité locale. Il y a donc encore des efforts à faire - mais c'est le dernier budget de l'ancien monde... Nous verrons l'an prochain, donc !
M. Pierre Ouzoulias . - Nous partageons l'essentiel de votre rapport. Il importe de dire au personnel des sociétés de l'audiovisuel public que, dans un monde où l'esprit critique est essentiel, son travail a une valeur démocratique fondamentale. Les salariés ont fait d'énormes efforts pour que l'audiovisuel public regagne des parts de marché. C'est un bonheur de voir l'augmentation des audiences - inédite - de France Culture ou d'Arte. Notre commission doit envoyer à tous les salariés un message de gratitude : dans la lutte contre les Gafam et la désinformation, le service public apporte un plus, qui aide la démocratie. Il faut aussi reconnaître que, quand on fait mieux avec moins de postes, c'est qu'il y a un énorme gain de compétitivité. Or on place ce personnel sur une trajectoire de baisse de la dépense publique, ce qui est très démobilisateur. D'un point de vue moral, un bon travail doit être récompensé par une stabilité des crédits. J'imagine bien le désarroi des salariés, en grève. Nous ne voterons pas ces crédits.
M. Claude Malhuret . - Ce budget est une étape dans l'attente de la réforme annoncée. Il s'agit de poursuivre la transformation numérique du secteur, dans un contexte budgétaire très contraint. Nous serons attentifs à la réforme du CNC, car le secteur fait face à une forte concurrence. Le maintien des dispositifs fiscaux est une nécessité pour soutenir les entreprises de production, notamment le cinéma indépendant, et inverser la tendance à la délocalisation des tournages, vers la Belgique par exemple. Les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » sont en baisse de 70 millions d'euros, soit 2 %. L'essentiel de l'effort demandé se concentre sur France Télévisions. Nous saluons la relative stabilité du budget consacré au financement des chaînes Arte France et TV5 Monde. Le budget de Radio France sera doté en 2020 de 600 millions d'euros. L'effort financier demandé à l'entreprise va se poursuivre jusqu'en 2022, ce qui se traduira par une diminution de sa masse salariale. La question du devenir des deux principaux orchestres de Radio France reste en suspens. Si la Cour des comptes préconise leur fusion, une redéfinition de leurs identités respectives pourrait représenter une alternative. Le répertoire de l'orchestre philharmonique pourrait être plus étendu, par exemple. Dans l'attente de la réforme prochaine, nous suivrons l'avis du rapporteur et voterons en faveur des crédits présentés par le Gouvernement.
Mme Françoise Laborde . - La première partie du rapport est politique, et en avance par rapport au texte à venir. De l'audace ? Nous aurons sûrement nombre d'idées. Encore faudra-t-il les mettre en forme. Fin d'un cycle, croisée des chemins : le budget pour 2021 sera capital. Pour 2020, le ministre nous avait dit que les crédits de l'audiovisuel extérieur resteraient stables et que, pour le reste, il faudrait faire des économies tout en conservant la qualité. Ce sera, une fois de plus, les vases communicants... La baisse d'un euro est stupide, et l'image donnée n'est pas satisfaisante. Nous ne participerons pas au vote, et nous déciderons en séance.
Mme Claudine Lepage . - L'audiovisuel extérieur est un vecteur d'influence et un outil de notre diplomatie. Il joue un rôle indispensable. Or, nous n'y consacrons pas les moyens nécessaires. Le budget de la BBC est de 436 millions d'euros, celui de la Deutsche Welle de 350 millions d'euros ; chez nous, c'est 255 millions d'euros ! Il est de bon ton de dire qu'on peut faire mieux avec toujours moins, mais il y a des limites. Oui, FMM doit réduire la voilure. Pourtant, sa notoriété a crû de 50 %. M. Gattolin a été cruel avec France 24 et RFI, mais France 24 a beaucoup progressé ces dernières années - et les erreurs mentionnées se produisent aussi ailleurs. Et RFI reste un média de référence, notamment en Afrique, malgré la concurrence russe ou chinoise. Pour les auditeurs qui ne parlent pas français, il faut les amener vers la francophonie en leur parlant dans leur langue. FMM a fait des efforts de réduction des coûts - notamment sur les loyers - et les salaires, mais a dû augmenter ses dépenses de sécurité après un piratage par des hackers russes et ukrainiens. Elle met en place des projets communs avec l'AFD, ou des projets à financements européens. Elle fait donc de gros efforts. La baisse de la CAP est aussi incompréhensible que nuisible. La présidente de FMM l'a dit : le coût de diffusion est faible, mais l'impact est fort.
Mme Dominique Vérien . - Un euro, c'est un café par an... Or l'audiovisuel public avait bien besoin de ces 30 millions d'euros. Nous craignions que la région ne prenne en main France Bleu, par volonté dogmatique ; c'est en fait une complexité technique qui est apparue à travers ces rapprochements. Or, en Bourgogne-France-Comté, France 3 région, c'est France 3 Dijon, car les distances sont trop longues pour que les déplacements en départements soient nombreux. Les matinales communes étaient une bonne idée, mais les box ne peuvent pas distinguer quel canal recevoir. Un peu de recherche et d'argent pourraient résoudre ce problème technique, qui risque sinon de faire périr les France Bleu départementales.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Bravo pour ce rapport, qui comporte des formules heureuses, comme celle de gestion par « le stress budgétaire ». C'est vrai que, depuis trois ans, on ne parle ni projet, ni mission, ni valeur, ni même sens : on ne fait que mettre sous pression permanente ces entreprises. Des gains de productivité sont certes nécessaires, pour dégager des moyens à réinjecter dans la transition numérique, afin de pouvoir faire face à la déferlante des GAFA. Mais, pour entraîner le personnel, il faut donner du sens à la réforme, en disant où l'on veut aller. Cela manque.
De plus, aucun modèle économique n'est énoncé, d'où le vague qui préside à l'évolution de la CAP : désindexation l'an dernier, baisse cette année... Et M. Darmanin a déclaré qu'il fallait la supprimer. Ce yo-yo envoie un signal très négatif, qui est contraire à nos convictions. MM. Leleux et Gattolin ont préconisé en 2015 l'élargissement de l'assiette de la CAP, voire la suppression de la publicité, et même des taxes affectées, pour clarifier le modèle de financement.
En 2019, c'est sur ma proposition que nous avons changé le nom de redevance en CAP, pour rendre évident qu'il s'agit d'une contribution à la constitution des archives de l'audiovisuel, ou à d'autres missions éducatives, ou au financement des orchestres. Ce signal positif va disparaître si l'on assimile la CAP à un impôt. Avec la réforme de la TH, à laquelle est adossée la CAP, il y a une anxiété supplémentaire. Quant à la désindexation, elle est contre-productive, quand bien même elle produit plus que l'inflation. Le niveau de la redevance reste le plus bas d'Europe, et c'était une façon indolore d'en faire remonter le niveau.
J'ai trouvé M. Gattolin bien sévère avec FMM. La francophonie peut aussi s'appuyer sur des langues transparentes car proches du français, comme en Amérique latine.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur . - Ce débat rend ma tâche délicate. Je partage la majorité des observations que vous avez faites, tout comme vous avez été nombreux à reconnaître que beaucoup de constats du rapport étaient exacts. Je partage également vos craintes et vos critiques. Mais, dans le débat politique, il y a un moment où le choix n'est plus multiple : il faut savoir dire oui ou non. La conclusion que je vous ai proposée, j'y suis arrivé à regret.
Une trajectoire a été proposée depuis deux ans, et nous l'avons votée dans ses étapes. Les ressources des acteurs de l'audiovisuel public ont diminué sensiblement en 2018 et 2019. Cela ne s'est pas fait ressentir sur la CAP, mais cela a servi de variable d'ajustement pour diminuer les moyens publics de France Télévisions et Radio France. Nous poursuivons sur cette trajectoire, mais nous sommes à l'os, et la contrainte exercée sur l'audiovisuel public pour l'obliger à faire ses réformes structurelles passe par une limitation temporaire. On peut regretter cette stratégie, mais force est de constater que, dans les collectivités publiques, c'est sous la contrainte qu'on arrive à se réformer. Il n'est pas illégitime de dire que l'audiovisuel public peut contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques, d'autant que ses ressources ont augmenté largement plus que l'inflation, et que les excédents ont été davantage affectés à nourrir la structure qu'à développer de nouveaux projets. Les ambitions de renouvellement des missions de l'audiovisuel public sont apparues récemment, depuis que la contrainte s'exerce, ce qui a ouvert une période de transformation. Je ne préconise d'ailleurs d'augmentation des moyens en 2021 et 2022 que sous réserve que le surplus soit affecté non pas aux structures, mais à des choix stratégiques. La réforme de la CAP que nous proposions pourrait à la fois augmenter le montant de la ressource et diminuer le tarif de la CAP. Nous pourrons alors affecter cette masse à la stratégie et aux missions, et non pas au gonflement des structures.
Bref, il faut savoir dire oui ou non.
M. David Assouline . - De Gaulle avait dit non !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur . - Vu la situation financière actuelle, nous ne pouvons pas refuser une baisse de la CAP, d'autant que la trajectoire était connue par les opérateurs, et qu'ils s'y sont déjà adaptés. Si nous avions ajouté hier les 25 millions d'euros liés à la diminution, nous aurions pu faire bien des choses : des choix stratégiques, justement ! Vous avez évoqué la future loi. Nous n'y sommes pas encore, mais je regrette qu'aucun modèle économique n'y soit associé, alors qu'il s'agit d'une réforme qui se veut révolutionnaire. L'État va ajouter 20 millions d'euros en 2020 sur le chantier de Radio France.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Dans la mesure où la question du modèle économique n'est pas abordée dans l'avant-projet de loi, je propose que nous nous emparions du sujet, par exemple en organisant des tables rondes.
Nous sommes arrivés au terme de l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et nous devons maintenant voter. Je vous rappelle que nos trois rapporteurs, à savoir Françoise Laborde et Michel Laugier - qui nous ont présenté leurs rapports sur les industries culturelles et la presse il y a quinze jours - et Jean-Pierre Leleux nous proposent tous les trois de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. David Assouline . - Sur quoi vote-t-on : les crédits de la mission ou les avis de nos rapporteurs? Il faudrait, à l'avenir, que nous soyons mieux informés sur la nature de nos votes.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Chaque année nous avons le même débat, car les avis peuvent diverger en fonction des rapporteurs.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vais mettre aux voix l'avis à donner sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans son ensemble.
M. Michel Laugier . - Le groupe UC sera favorable à l'adoption des crédits de la mission, mais s'abstiendra sur l'audiovisuel.
Mme Françoise Laborde . - Le groupe RDSE ne prendra pas part au vote aujourd'hui, car se prononcer sur les avis revient à se prononcer sur les crédits.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2019
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Mes chers collègues, nous avions adopté la semaine dernière l'avis de la commission sur le programme « Médias » de la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Cependant nous avions omis d'adopter formellement celui relatif aux crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Je vous rappelle que ce compte relate la répartition du produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Notre rapporteur, M. Jean-Pierre Leleux va vous résumer les différents éléments marquants à ce propos.
Mme Catherine Dumas . - Madame la présidente, je souhaite protester formellement concernant la mise aux voix de cet avis en fin de réunion.
Ce point n'étant pas clairement indiqué sur l'ordre du jour de notre convocation, il aurait été préférable de l'examiner en début de notre réunion afin que l'ensemble de nos collègues soit présents.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Je rappelle que ce vote vise à clarifier notre position sur ce compte de concours et je me dois de vous rappeler que la présence en commission le mercredi matin est une obligation pour chacun d'entre nous.
J'ajoute que j'ai prévenu en amont l'ensemble des chefs de file de chaque groupe politique de notre commission de l'inscription de ce vote lors de l'examen des questions diverses de notre réunion d'aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Leleux . - Le produit des recettes de la CAP soit près de 3,8 milliards d'euros en 2020 est l'une des étapes d'un plan débuté en 2018 et s'achevant en 2022 visant à une diminution des crédits affectés aux différentes sociétés de l'audiovisuel public.
La baisse de 69,2 millions d'euros programmée pour l'exercice 2020 s'inscrit dans la même logique que nous avions déjà adoptée en 2018 et 2019.
Sur la période 2018-2022, 1 000 emplois seront supprimés à France Télévisions et 300 départs auront lieu à Radio France. Cette nécessaire réforme des structures et les économies induites permettent de préserver les investissements dans la création et d'investir dans le numérique.
On peut regretter que la réforme du financement n'ait pas été faite. La stratégie internationale mériterait des moyens supplémentaires. La redevance a augmenté de 2009 à 2016 davantage que l'inflation. La baisse du tarif permettra de rendre de l'argent aux contribuables.
M. Michel Laugier . - Je partage la plupart des propos de notre rapporteur cependant la baisse de la redevance audiovisuelle intervient alors que nous attendons encore la grande réforme de l'audiovisuel et que la réforme fiscale concernant la taxe d'habitation et la CAP n'est pas connue.
En conséquence, le groupe centriste s'abstiendra de voter sur cet avis.
M. David Assouline . - Madame la présidente, j'aime les débats consensuels mais il faut, à un moment, avoir le courage de dire les choses.
En 2000, la réforme de l'audiovisuel conduite par Mme Catherine Trauttmann avait posé une grande ambition pour les sociétés de l'audiovisuel public. Dans cette réforme, la redevance jouait un rôle important.
Aujourd'hui, je ne demande pas les deux milliards d'euros supplémentaires promis par la ministre de l'époque, je souhaite simplement qu'on évite de diminuer le montant de la redevance de 1 €.
Le mouvement social de protestation à Radio France est justifié. L'ensemble des équipes ont participé à la transformation de l'entreprise. Les audiences sont en hausse. Mais les investissements dans le numérique ont été financés sur le budget de Radio France sans contribution de l'Etat. Il y a un dogme qui empêche de donner à Radio France les 25 M€ que représente la baisse de 1 € de la CAP.
Le groupe socialiste votera contre l'adoption de ces crédits et nous déposerons des amendements à ce sujet en séance publique.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Je mets aux voix l'avis favorable proposé par notre rapporteur, pour les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » .