III. SOUS L'EFFET DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE, DES PROGRÈS DANS LA COORDINATION ET LA MUTUALISATION DES ACTIONS DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES DANS LES TERRITOIRES

Dans le prolongement de ses travaux des exercices précédents, votre rapporteur poursuit cette année son analyse des politiques d'accompagnement des entreprises dans les territoires et des différents acteurs qui y contribuent : régions, services déconcentrés de l'État, établissements publics, dont les réseaux consulaires et Business France, pôles de compétitivité, Bpifrance... En effet, la dispersion des acteurs et leur manque de coordination altèrent la lisibilité et l'efficacité de ces politiques de soutien à l'activité économique.

L'année dernière, votre rapporteur avait observé pour la première fois de nouvelles initiatives et de nouvelles formes de coordination, impliquant en particulier les régions, les chambres de commerce et d'industrie et Business France, sans changement toutefois du côté des services de l'État. Ces évolutions aujourd'hui se confirment et s'amplifient, y compris pour les services de l'État.

La baisse régulière , année après année, des crédits alloués à la plupart des acteurs de l'accompagnement des entreprises dans les territoires conduit aujourd'hui à de réelles mutualisations et coordinations en la matière, avec en particulier le rapprochement et la mise en commun de moyens entre Business France et les chambres de commerce et d'industrie à l'international, et à un repli significatif des services déconcentrés de l'État, longtemps attendu et pleinement approuvé par votre rapporteur, car cohérent avec la montée en puissance des régions , aujourd'hui clairement identifiées comme les principales responsables de la politique de soutien aux entreprises. Ces éléments de rationalisation, certes sous la contrainte budgétaire - laquelle est légitime selon votre rapporteur -, améliorent la lisibilité de cette politique.

L'affirmation concrète du rôle de pilotage stratégique exercé par les régions, au-delà de l'évolution des compétences régionales dans le cadre posé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, traduit aussi le fait qu'elles sont les collectivités les moins en difficulté d'un point de vue financier, ce qui leur permet de mettre en place des politiques et des dispositifs de soutien aux entreprises.

Ainsi, selon votre rapporteur, fortes de l'exercice de leur compétences, les régions ont vocation à assurer la coordination de tous les acteurs locaux intervenant en matière de développement économique et d'accompagnement des entreprises dans les territoires .

Le renforcement des compétences économiques des régions

Avec la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, le législateur a décidé que la région devait être « la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique » 47 ( * ) . Il a également décidé que « le conseil régional est seul compétent pour définir les régimes d'aides et pour décider de l'octroi des aides aux entreprises dans la région » 48 ( * ) , le financement et la mise en oeuvre de ces aides pouvant donner lieu à des conventions conclues avec les métropoles, les communes et les intercommunalités.

De plus, le nouveau schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) « définit les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional » et « définit les orientations en matière de développement de l'économie sociale et solidaire ». Ce schéma « organise, sur le territoire régional, la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements » 49 ( * ) .

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2016. L'année 2016 a donc été consacrée à l'élaboration des premiers SRDEII par les régions.

Dans ce contexte en évolution, votre rapporteur déplore cependant que Bpifrance ne participe pas davantage à ces mutualisations et à ces politiques partenariales avec les autres acteurs et pas seulement avec les régions. Au-delà de ses activités bancaires, elle développe en effet des outils d'accompagnement des entreprises, certains élaborés en lien avec les régions, qui participent à leur financement, dans le cadre d'un réseau territorial en croissance, à l'inverse des autres acteurs. Elle doit aussi reprendre l'Agence France Entrepreneur. Votre rapporteur plaide en effet en faveur de l' offre la plus intégrée en matière d'accompagnement des entreprises dans les territoires , de façon à améliorer l'efficacité de cette politique au-delà de la diversité de ses opérateurs et de ses financements .

Par ailleurs, la réforme de la politique des pôles de compétitivité se fait toujours attendre , alors que la phase IV de cette politique va s'ouvrir pour quatre ans au 1 er janvier 2019, à l'issue d'un processus d'appel à candidatures en vue de labelliser les pôles pour cette nouvelle phase. Évoquée par votre rapporteur l'année dernière, cette réforme devrait clarifier les responsabilités respectives de l'État et des régions, afin de concentrer le soutien de l'État sur les pôles les plus structurants nationalement, sans toutefois se borner à transférer de facto aux régions le soutien des autres pôles. Il conviendra donc d'analyser ce qui résultera de ce processus d'appel à candidatures et de labellisation, dont les résultats doivent être rendus publics en décembre 2018.

A. LES PROGRÈS DANS L'ARTICULATION ENTRE LES RÉGIONS ET LES CHAMBRES DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE

Le législateur a prévu une obligation de compatibilité avec le SRDEII de la stratégie définie, dans le réseau des chambres de commerce et d'industrie et dans celui des chambres de métiers et de l'artisanat, par chaque chambre de région. En outre, dans l'élaboration des SRDEII, les régions ont généralement associé les chambres de commerce et d'industrie, au-delà de la seule obligation légale de transmission pour avis du projet de schéma. Le cadre résultant du SRDEII a ainsi amélioré l'articulation entre les régions et les chambres de commerce et d'industrie.

Aujourd'hui, chaque région de métropole est liée par convention avec la chambre de région 50 ( * ) . Toutes les conventions incluent les questions du soutien à l'international, de la digitalisation des entreprises, de la création et de la transmission des entreprises et de l'intelligence économique.

À présent, l'article 13 sexies du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises veut conforter les relations entre les régions et les chambres, en prévoyant la conclusion systématique de conventions pour la mise en oeuvre du SRDEII. Dans ces conditions, les chambres pourront être des opérateurs des régions. L'article 13 du même projet de loi veut aller plus loin, en prévoyant qu'une chambre régionale ou métropolitaine puisse être désignée comme agence de développement économique respectivement d'une région ou d'une métropole 51 ( * ) . Les régions peuvent ainsi bénéficier du maillage territorial des chambres. Cette logique de conventionnement , qui peut donner lieu à des contreparties financières au profit des chambres, doit permettre de rationaliser et d'optimiser à terme les moyens et d' éviter les doublons , pour une politique plus efficace d'accompagnement des entreprises 52 ( * ) . Votre rapporteur estime que les régions doivent organiser leurs structures de développement économique , qu'il s'agisse de services ou d'agences, en prenant mieux en compte les autres acteurs , dont elles doivent assurer la coordination et la complémentarité dans le cadre du SRDEII.

Selon le représentant de CCI France entendu par votre rapporteur, les chambres ont aujourd'hui intégré que le cadre stratégique du développement économique local est défini par la région et qu'elles doivent y trouver leur place. En revanche, elles ne sont pas toujours associées à l'élaboration et à la mise en oeuvre des régimes d'aides directes aux entreprises mis en place par les régions, de sorte que des progrès doivent être réalisés en la matière.

Selon Régions de France, les dépenses d'investissement des régions en faveur de l'action économique ont augmenté de 400 millions d'euros entre 2016 et 2017, dans le cadre de la montée en puissance de leur compétence en matière de développement économique. Régions de France met en avant la dimension partenariale des stratégies économiques régionales, dans le cadre de la mise en oeuvre des SRDEII, avec les chambres de commerce et d'industrie, mais aussi avec Bpifrance et Business France.

Votre rapporteur relève néanmoins que le produit de la taxe pour frais de chambre attribué aux chambres de commerce et d'industrie doit diminuer de 400 millions d'euros d'ici 2022, selon la trajectoire financière décidée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, dans la continuité des années précédentes. Cette évolution impose des réorganisations - incluant la suppression de nombreux emplois -, mais aussi des mutualisations avec d'autres acteurs. Elle inquiète toutefois les régions, pour qui les chambres sont des partenaires dans la mise en oeuvre des politiques régionales, d'autant que les chambres vont passer plusieurs années à se réorganiser.

S'agissant des chambres de métiers et de l'artisanat, il apparaît qu' elles ne sont pas toujours des interlocuteurs habituels des régions au même titre que les chambres de commerce et d'industrie. Cette situation semble résulter d'une organisation des chambres généralement départementalisée 53 ( * ) .

Les représentants de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat entendus par votre rapporteur ont indiqué qu'il fallait gagner en crédibilité auprès des régions, en régionalisant le réseau, comme le prévoit l'article 13 bis A du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, et en offrant des services homogènes et de qualité sur l'ensemble du territoire régional, grâce à une mutualisation des moyens. Il existe aujourd'hui, en effet, une grande hétérogénéité entre les chambres. À ce jour, le réseau n'est pas totalement adapté pour développer des partenariats avec les régions 54 ( * ) . L'artisanat n'est d'ailleurs pas toujours pris en compte dans les SRDEII.

Enfin, votre rapporteur indique que la question du rapprochement ou de la mutualisation de ces deux réseaux consulaires demeure , éventuellement en incluant les chambres d'agriculture, dans un contexte de baisse des crédits, sans remettre en cause pour autant l'identité de chaque réseau. À cet égard, le projet de loi précité, dans ses articles 13 bis C et 13 bis D, prévoit des plans de mutualisation au niveau régional et la faculté de mutualiser certaines fonctions au niveau départemental entre les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat 55 ( * ) .


* 47 Article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales. Le développement économique entre également dans les compétences attribuées aux métropoles.

* 48 Article L. 1511-2 du même code.

* 49 Article L. 4251-13 du même code.

* 50 Ont été conclues des conventions-cadres dans douze régions et, en Nouvelle Aquitaine, une série de conventions thématiques.

* 51 C'est déjà le cas en Martinique.

* 52 À titre d'exemple, la région Normandie a délégué au réseau des chambres de commerce et d'industrie la mission d'accompagnement pour la création et la transmission d'entreprises.

* 53 Les chambres sont organisées au niveau régional dans trois régions seulement : Hauts-de-France, Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur et Pays-de-la-Loire. Il s'agit aujourd'hui d'une faculté seulement.

* 54 À titre d'exemple, la région Bretagne a créé un service de l'artisanat, au motif que les chambres de métiers et de l'artisanat, départementales, n'étaient pas un partenaire suffisamment pertinent.

* 55 Dans certains départements, il existe déjà une mutualisation poussée, par exemple l'Allier et le Gard.

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